Eloignement (Chap. 5 - 2ème partie)
Elle marchait, absorbée dans ses pensées. Les remarques de Sophie la troublaient : elle avait raison, cela faisait deux fois qu'elle voyait ce garçon étrange fréquenter deux filles qui lui étaient mal assorties et qui mouraient peu de temps après que leur relation eut pris un tour intime. Etait-il possible qu'il y eût un lien entre leur mort et Angel ? Elle ne pouvait y croire, Angel l'avait sauvée et s'était montré si doux avec elle. Non, il ne pouvait pas être le monstre que Sophie le soupçonnait d'être. C'était impossible, elle le sentait. Toute son âme, tout son corps le lui disaient.
Prise comme elle l'était dans ses cogitations, elle ne fit pas attention aux deux silhouettes qu'elle croisa dans la petite rue qui menait à sa résidence. Aussi fut-elle saisie par la surprise et aussitôt par la peur quand elle entendit et reconnut la voix qui lui dit :
— Mais regardez qui voilà ! C'est Marie, la copine d'Angel !
C'était l'un de ses agresseurs de l'autre soir.
Marie eût dû s'enfuir, courir, mais comme dans ses pires cauchemars, ses jambes ne lui répondaient plus. Elle était figée sous l'effroi. Elle ne bougeait plus et ne dit mot.
— Eh bien, on dit pas bonjour aux vieux copains ? Toujours aussi coincée ? dit l'homme en s'avançant vers elle comme pour l'embrasser.
Dans un réflexe, elle le repoussa vivement de ses deux mains.
— Fais pas ta pétasse, Marie ! Aujourd'hui t'auras pas Angel pour te sauver. Au cas où tu saurais pas, il est parti. Alors tu vas être bien sage et tu vas faire ce qu'on te dit. Compris ? lui dit le plus entreprenant des deux, en la saisissant sans ménagement derrière la nuque par les cheveux.
Elle hurla.
Mais ce fut alors qu'elle vit la peur changer de camp. Elle l'aperçut d'un coup dans les yeux de ses agresseurs qui se mirent à reculer, semblant vouloir s'éloigner de quelque chose qui avait surgi derrière elle. Elle devina. Angel. Il lui ordonna :
— Cours Marie, cours jusqu'à chez toi. Et ne te retourne pas. Je t'y rejoindrai bientôt.
Elle retrouva l'usage de ses jambes, obéit et se mit à courir. Elle ne se retourna pas, mais quand elle prit l'angle de la rue, elle aperçut à l'endroit où se tenaient Angel et ses deux agresseurs une vive lumière, une sorte de halo d'une intensité incroyable. Son cerveau enregistra l'image, mais elle évita de se poser trop de questions car ce qu'elle voulait, c'était courir jusqu'à chez elle comme le lui avait intimé Angel.
Elle monta les marches de l'immeuble quatre à quatre jusqu'au premier étage où était situé l'appartement familial. Elle glissa la clef dans la serrure. Fermée à double tour, ce qui signifiait qu'il n'y avait personne à la maison. Elle se dirigea essoufflée vers sa chambre, prête à se jeter sur son lit en attendant l'arrivée d'Angel. Elle tourna la poignée de sa porte, l'ouvrit et s'immobilisa aussitôt. Ce n'était pas possible... Non, ce n'était pas possible... elle avait couru de toutes ses forces, aussi vite qu'elle en était capable et... Angel se tenait de dos devant sa fenêtre, une main appuyée sur l'encadrement, une jambe croisée derrière l'autre. Il l'attendait !
Elle balbutia un « Mais... ». Il se retourna. Elle poursuivit :
— Mais comment as-tu fait pour arriver avant moi ? Et par où es-tu rentré ?
— Par la fenêtre. Tu l'avais laissée ouverte.
— Par la fenêtre ??! Mais pourquoi par la fenêtre ??
— Pourquoi pas ?
— Mais...
— Marie, tu te poses trop de questions, dit-il de sa voix caressante. Viens.
Il ouvrit les bras, comme la fois précédente, pour qu'elle vînt s'y blottir. Elle avait encore mille questions à poser et autant de réponses à obtenir, mais l'appel de ces bras était irrésistible. Elle s'y jeta. Il les referma autour d'elle, se mit à la bercer, tout en déposant de tendres baisers sur le haut de ses cheveux. Aussitôt elle sentit toute la tension qui l'avait assaillie s'évacuer. Une douce chaleur l'envahit, bientôt suivie d'une myriade de picotements qui parcouraient tout son corps. Une sorte de courant électrique la saisissait et elle avait l'impression qu'il était produit au contact de leurs deux corps et qu'Angel le ressentait lui aussi. C'était une sensation bienfaisante, un délicieux agacement qui lui donnait envie de se fondre contre lui. Le temps semblait suspendu, le monde aboli. Elle était là, tout entière présente à cet instant et à cet homme. Elle sentait tout son être concentré, réveillé, exhalé, emporté, complété dans ces deux bras qui l'entouraient.
Elle leva les yeux vers Angel. Son regard ! Oh mon Dieu, comment dire ce qu'il lui sembla y apercevoir ! Une infinie bonté, une infinie tendresse, mais aussi fugacement au moment même où elle attrapa son regard, et avant qu'il ne se ressaisît, un certain trouble. Angel troublé ? Par elle ? Etait-ce possible ? Oui, si jamais il ressentait un millième de ce qu'elle éprouvait.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top