Chapitre 11 (2ème partie) : Visite
Ce fut le lendemain de cette dernière remarque de Sophie que Marie eut la surprise d'une visite d'Angel. Elle était en classe en train de plancher sur une dissertation concernant l'histoire de la médecine et, sentant qu'elle mélangeait quelques dates importantes, un début de panique l'envahit. Son cœur se mit à battre la chamade, elle n'arrivait plus à réfléchir, ce qui accroissait son angoisse. C'est alors qu'elle entendit Angel lui chuchoter :
- Marie, respire doucement. Tu as tout le savoir nécessaire pour répondre aux questions qui te sont posées.
Marie se retourna brusquement. Evidemment aucune trace d'Angel. Mais celui-ci vit son mouvement et lui précisa à l'oreille :
- Je suis derrière toi debout, mais invisible bien sûr. Retrouve ton calme, finis ce devoir sur table que tu peux faire facilement. Je t'attends à la sortie.
- Mais je n'y arrive pas, maugréa-t-elle entre ses dents. Je ne sais plus rien.
- C'est parce que tu te laisses gagner par la peur. Toutes les informations dont tu as besoin pour rédiger ta copie sont quelque part dans ton cerveau. Dans le tien, Marie. Pas ailleurs. Sachant cela, tu respires, tu fermes les yeux, tu te concentres et tu pars sereinement à leur recherche. Elles attendent que tu viennes les chercher. Ensuite, tu prends ton temps pour les organiser. Imagine que tu veuilles m'expliquer et me convaincre de ta thèse. Imagine notre dialogue et tu trouveras tes arguments et contre-arguments. La logique de ton propos se dessinera d'elle-même. Il ne te restera plus qu'à écrire tout cela en pensant à ton lecteur, que tu veux intéresser. Allez, maintenant, ferme tes yeux, au travail !
Comme d'habitude, l'autorité naturelle d'Angel fit son effet sur Marie. Elle suivit ses conseils, non sans avoir d'abord fait un petit sourire désolé à son voisin de table qui, manifestement, se demandait pourquoi elle avait parlé toute seule. Elle mit sa tête entre ses mains, les coudes sur le bureau, et comme le lui avait indiqué Angel, elle partit tranquillement à la recherche des cours d'histoire mémorisés quelque part dans son esprit. Sa confiance en elle restaurée grâce à Angel, elle ouvrit sereinement un à un les tiroirs de sa mémoire. Les bonnes informations retrouvées, elle réfléchit au point de vue qu'elle souhaitait défendre et imagina un dialogue avec Angel. Comme prédit par ce dernier, les grandes lignes de son argumentation se mirent en place toutes seules. Ensuite elle rédigea sa copie en se figurant s'adresser à un lecteur exigeant à captiver.
Elle eut même le plaisir de constater qu'elle avait fini avec dix minutes d'avance sur le temps accordé. Elle s'apprêtait à se lever pour courir rejoindre Angel quand elle entendit, en elle, la voix de ce dernier qui lui disait :
- Prends le temps de relire ta copie.
Cette fois-ci elle ne se retourna pas. Elle savait qu'Angel n'était pas à ses côtés. Elle avait perçu la différence entre des propos murmurés à son oreille par un Angel invisible et ces paroles directement transmises par la pensée. Elle relut attentivement sa copie et aussitôt fait, courut vers la sortie. Elle arriva près d'Angel qui la gratifia d'un sourire lumineux, elle lui saisit les mains et, se hissant sur la pointe des pieds, elle l'embrassa sur la joue.
- Merci, dit-elle.
- Merci pour quoi ? demanda-t-il.
- Pour tes conseils et pour ta présence ici, en pleine journée. Ça me fait tellement plaisir de te voir, là. Tu m'as surprise tout à l'heure. Je ne m'attendais vraiment pas à ce que tu viennes me voir en plein devoir sur table !
- Je sais, fit-il avec un petit air qui manifestait sa satisfaction à l'avoir surprise.
- Mon voisin a dû me prendre pour une folle...
- Peut-être ... il va juste être estomaqué quand il verra ta note !
- A condition qu'elle soit bonne.
- Ta copie est excellente.
- Comment le sais-tu ? Tu es revenu lire par-dessus mon épaule ?
- Non, j'ai écouté tes pensées quand tu rédigeais.
- Tu entends mes pensées ?? Toutes mes pensées ?! demanda Marie à qui cette perspective déplaisait fortement.
- Non, rassure-toi, seulement celles que tu veux bien me laisser connaître. Celles que tu veux garder pour toi me sont inaccessibles. Et à ce jeu tu es très forte.
- C'est-à-dire ?
- Cela veut dire que, lorsque tu y es disposée, je lis en toi comme en personne, mais que, lorsque tu te fermes, je bute contre un mur infranchissable, même pour un ange.
- Tant mieux, rétorqua-t-elle. Je détesterais être transparente à quiconque, même à toi.
- Tu as raison, j'adore tes mystères...
- Tu lis en tout le monde ?
- Je lis en qui ne prend pas la peine de se fermer ou ne sait pas protéger ses pensées. Par naïveté, comme les enfants, ou par faiblesse de caractère. Et puis, avant toute pensée, je perçois tout ce que les corps expriment. Et ils en disent souvent long... Par exemple, là, je ne sais pas ce que tu penses, mais à ton attitude à la fois concentrée et prête à m'interroger, je devine que quelque chose te chiffonne. Vu ce dont nous venons de parler, j'en déduis que tu te demandes quelles pensées tu m'as déjà laissé lire en toi, mais comme tu n'as pas envie d'entendre formuler à voix haute cette part intime de toi que tu protèges farouchement, tu hésites à me questionner. D'où ton attitude partagée et tes mimiques qui passent alternativement de la curiosité à la concentration. Tantôt ouverte, tantôt repliée.
- Et là tu lis quoi ? dit-elle en lui tirant la langue, boudeuse et narquoise.
- Je lis que ma clairvoyance t'agace et que tu te venges d'une jolie grimace qui synthétise fort bien ta pensée. Et maintenant à moi.
Il lui adressa mentalement les paroles suivantes :
- Tu es ravissante lorsque tu es légèrement fâchée. Ton regard s'obscurcit, ta bouche se fait boudeuse. Tu es adorable !
- Je t'ai entendu, comment fais-tu cela ?! demanda Marie qui comme précédemment en classe, venait d'entendre en elle les mots d'Angel aussi distinctement que s'il les avait prononcés à voix haute.
- Comment nous avons fait. Moi je t'ai adressé une pensée et toi tu as bien voulu l'accueillir.
- Pourtant je ne reçois pas toutes tes pensées, ni celles de tout le monde...
- C'est normal, pour que la transmission de pensées fonctionne, il faut un bon émetteur et un bon récepteur. En matière d'émission ou de captation de pensées, les anges ont quelques facultés particulières. Mais c'est surtout le lien qui existe entre nous qui facilite nos échanges de pensées. L'amour et la confiance sont de formidables vecteurs. Les meilleurs. C'est pourquoi tu ne reçois pas les pensées de tout un chacun. Pour cela il faudrait déjà que ces personnes sachent qu'elles peuvent émettre leurs pensées, ce que la plupart ignorent. Et de plus il faudrait que tu sois disposée par un lien spécial à les recevoir.
Marie, excitée comme une enfant par cette découverte, s'exclama en trépidant :
- Je peux essayer ?
- Vas-y, lui répondit Angel qui aimait chez elle ses assauts d'enthousiasme.
Elle ferma les yeux, formula en son for intérieur « je t'aime, Angel, de toute mon âme. Mais je voudrais pouvoir t'aimer aussi de tout mon corps » et elle rouvrit ses yeux comme si elle voulait envoyer sa pensée.
Taquin, Angel lui dit :
- Tu as encore quelques progrès à faire...
- Tu n'as rien reçu ? demanda Marie déçue.
- Je n'ai pas dit cela...
- C'est quoi alors ?
- C'est que, vu la deuxième partie de ta pensée, je dis simplement que tu as encore quelques progrès à faire. Pour accepter la situation, précisa-t-il avec un air qui montrait qu'il se jouait gentiment de Marie.
- Hein, c'est malin...
Comme ils devisaient ainsi en marchant, Marie qui voulait payer de retour les malices d'Angel, lui proposa le plus innocemment possible :
- On continuera dans le bus mon entraînement.
Quand ils furent assis dans le bus, elle argumenta :
- On n'a qu'à fermer tous les deux les yeux. Comme ça, je serais sûre que ce n'est que de la transmission de pensées, et pas de l'interprétation de ma gestuelle corporelle.
Marie fit mine de fermer les yeux, Angel en fit autant. Elle en profita aussitôt pour lui planter un baiser sur les lèvres. Et pour parachever sa plaisanterie, elle lui dit par la pensée :
- Finalement, je crois que je préfère la gestuelle corporelle.
- Si je n'étais pas un ange de douceur, lui répondit Angel aussi par la pensée, c'est une fessée que tu mériterais...
- Déculottée ? lui transmit-elle, joueuse. Chiche !
- On arrête ce petit jeu, Melle la Maline. Sinon ...
- Sinon, quoi ? Tu me punis ? J'aurais droit à une fessée ? poursuivit-elle.
- Très bien, je ne connais qu'un moyen de faire taire les chipies.
Et au plus grand étonnement de Marie qui craignait plutôt qu'il ne disparaisse, il vint l'embrasser tendrement. Aussitôt Marie s'enflamma. N'eut été la présence des autres passagers dans le bus, elle se serait laissée aller à l'embrasement qui courut le long de son échine jusqu'à l'extrémité de ses doigts.
- Doucement, petit volcan, lui transmit Angel, les effusions ne sont pas de mise en public.
- Dans ce cas, ne me tentez pas, Monsieur le Tentateur, lui transmit-elle à son tour.
Elle ajouta :
- D'autant que je vous soupçonne de vous livrer à ce petit manège précisément parce que vous vous croyez protégé par les règles de bienséance.
Pour toute réponse, elle vit Angel esquisser un petit rictus tout en regardant droit devant lui.
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