Chapitre 14

Juste un petit mot pour vous dire que si vous êtes sensibles au gaspillage de nourriture, ce chapitre va vous faire beaucoup de mal.

Un plateau rempli de victuailles va tomber au sol.

Je ne suis pas folle vous savez.

Bonsoirrrrrrrrr

(Foresti sors de mon corps bordel)

Bonne lecture mes cailles.

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Angela

"Le diable a deux cornes, l'orgueil et le mensonge."

Lanza Del VASTO

Le cliquetis des couverts, le vacarme des conversations et le bruit de mastication commencent à me taper sur le système.

Vous ai-je déjà dit que j'aimais le silence ?

Oui ?

Eh bien une fois de plus ne fera de mal à personne.

Le brouhaha ambiant m'exaspère.

Trop de monde, trop de bruit.

Des voix résonnent plus que d'autres, des discussions anodines se perdent sous de plus virulentes. Il fait une chaleur à crever, mon accoutrement miteux me colle à la peau et cette charlotte difforme me tombe sur les yeux en permanence. Ma patience arrive à saturation, mes nerfs vont lâcher.

— Oh la nouvelle, t'es pas là pour dormir.

La voix de la cheffe m'agresse, mais je me maîtrise. Elle n'est pas ma cible, simplement, un impondérable auquel je dois faire face.

Mon regard "Ne me fait pas chier", lui coule dessus, sa mine apathique ne m'octroie que le temps d'un souffle de lassitude et elle, comme moi, retournons à notre tâche sans tarder.

Le même geste, sans relâche pendant de longues minutes. La main qui plonge l'ustensile qu'elle tient lourdement avant de se relever pour donner un coup sec au-dessus d'une assiette, puis un deuxième. Ce geste, répété depuis plusieurs jours, inlassablement, c'est épuisant pour le moral. Comment font toutes ces femmes pour vivre ça sans se plaindre ?

Tu t'étonnes, toi, qu'elles se baladent avec ce teint blafard et cet air aigri ?

Ma cible apparaît enfin dans la file d'attente. Ses cheveux blonds laissent entrevoir quelques centimètres de repousse plus foncés au niveau des racines, qui auraient bien besoin d'être lavées.

Quatre personnes devant elle, je me redresse légèrement, mais n'accélère pas la cadence pour autant.

Trois, je fais mine de me gratter l'épaule.

Deux, je sens l'ampoule atteindre mon poignet.

Une, je la récupère de ma main libre.

Elle me tend son assiette, je la récupère, la louche s'abaisse. La purée s'étale et, dans un geste rapide et habile, le liquide que l'ampoule contenait s'y déverse, une seconde louche et, ni vu ni connu, je t'embrouille.

Sans un merci, l'arrogante personne que je viens de servir, se dirige vers une table pour déjeuner.

Mon esprit se met en veille et mes oreilles sont de nouveau obstruées par le vacarme. Cinquante, ou peut-être soixante personnes plus tard, le fracas d'un plateau qui tombe au sol, se fait entendre. Des cris, des hurlements, puis un attroupement.

Les gardiens arrivent en courant pour disperser la foule.

— Toutes à vos cellules, hurle le premier.

Une alarme retentit enfin et un second gardien s'approche de nous.

— Fin du service. Évacuez, nous ordonne-t-il.

Je jette un coup d'œil vers la scène de crime. Ma cible est étalée de tout son long sur le carrelage gris clair, elle convulse violemment et émet un son proche de l'étouffement. Un maton est à genoux, près d'elle, s'épuisant dans un massage cardiaque. L'infirmière n'a pas le temps d'arriver que la tête de la victime a un sursaut avant de pivoter, sans vie, par terre, de l'écume s'écoulant de sa bouche.

13 h 47. Décès de madame Julie Masson.

Le sentiment du devoir accompli parcourt mon échine et me conduit à quitter les lieux pour rejoindre les vestiaires. Je me change, ne prêtant aucune attention au cancan qui se forme dans la pièce. Je zippe ma veste et décampe sur le champ. Une fois le sas de sécurité passé, le contrôle exécuté, je m'équipe de mon oreillette en sortant à l'air libre.

— Rochel, tu me reçois ?

— Cinq sur cinq, A. Lynus arrive.

Le Porsche Macan gris mat de ce dernier surgit comme par magie et je m'y engouffre sans rechigner. Je me défais de mon oreillette, la connexion étant déjà établie dans l'habitacle.

— A, putain...

— Lynus, ne commence pas.

— Alors la cantinière ? Ta mission en prison ? Bien ou bien ? me taquine Mes Yeux.

— Un enfer. Quelle est la situation ?

— R.A.S. La communication de la prison sera rétablie dans trois minutes, mais la mort de ta cible est confirmée.

— Putain, m'affalé-je de fatigue. Je déteste ces missions coupées de vous, j'ai l'impression d'avancer à l'aveugle.

Je sors de ma poche l'ampoule brisée, bien enroulée dans la seconde paire de gants que je portais. La seule preuve du meurtre est jetée dans un sac hermétique où elle finira ses jours dans l'incinérateur du sanctuaire.

— A, on est toujours là et on le sera toujours.

— Lynus a raison. Alors ? Elle a souffert comme son mari l'a exigé ?

Pas suffisamment à mon goût.

Je sais ce que vous pensez, je suis un monstre et je m'en contente.

Attendez que je vous explique la situation.

Julie Masson, épouse de Grégory Larcher et mère de trois filles, Lana, Mina et Tara. Elle a quitté son ex-mari, il y a deux ans, pour vivre une vie de rêve, selon elle, avec Lilian, dix ans plus jeune qu'elle. Cependant, il y a vingt-et-un mois, les trois petites ont été portées disparues. Madame Masson et son jeune amant sont passés des dizaines de fois à la télévision pour pleurer qu'on "leur rende leurs trésors". Sept semaines de recherche avant qu'on ne les retrouve dans le composteur de la maison familial dudit amant.

Ça y est, "vous y en avoir compris" ?

Combien de fois faut-il vous répéter les choses ?

L'autopsie de ces trois âmes innocentes a révélé qu'elles avaient subi des violences physiques. Elles avaient été brûlées, plus précisément, ébouillantées, avant d'être étouffées et jetées comme de vulgaires détritus dans un putain de composteur.

Son Toyboy a pris sept ans pour complicité et elle, elle ne purgera jamais une peine à la hauteur de ses crimes.

Monsieur Larcher, lui, a pris perpétuité dans son désespoir et il a donc engagé des gens, qui connaissent des gens, qui connaissent des gens, pour que Lilian soit battu à mort pendant sa promenade et moi, pour que son ex-femme périsse dans d'atroces souffrances.

Une dose plus que conséquente de cyanure dans sa purée de légumes et feu, madame Masson, navigue enfin à sa place, en enfer.

— Ce ne sera jamais assez, abdiqué-je plus doucement.

— Profitez de ces trois heures de route pour décompresser. Tu rentres avec Lynus ?

— Non, j'ai besoin d'être au calme. Me dire que je ne peux pas me retirer dans mon chalet cette semaine, ça me tend.

— C'est pour la bonne cause. Tu seras bien contente que Ewen automatise ta "Batcave".

— Je ne pensais pas que ce serait aussi long.

La patience n'est franchement pas une qualité qui me définit.

— C'est toi qui veux que les trappes de ta cuisine s'ouvrent avec un seul bouton. Si tu étais moins exigeante, ce serait plus rapide.

— Je sais. Tu supervises au moins ?

— Bien sûr que oui. Et, tu vas être aux anges. Je crois qu'il a trouvé ce que tu cherches depuis des lustres.

— Sérieux ? Ça, j'aime

Ewen est le chef armurier du sanctuaire. Celui vers qui l'on se tourne pour s'équiper. Il y a sept mois, je lui ai demandé une arme peu conventionnelle. Un bijou de conception artisanale. Et, s'il l'a trouvée, il peut prendre le temps qu'il veut dans mon repaire, rien ne pourra venir ternir mon humeur.

— Il en faut tellement peu pour te satisfaire, intervient Lynus.

— Allez, je vous laisse. À plus, A. Lynus, à tout à l'heure.

Le silence revient et la route défile enfin.

In the end the Linkin Park, en fond sonore, je tente de lutter contre le sommeil, en attente de l'appel habituel. Mon nettoyeur ne dit pas un mot, à l'affût du moindre problème. Mon téléphone vibre.

Il était temps.

— Allô.

— Angel... Félicitations pour la mission. Les fonds...

— Transfère-les à leur expéditeur.

— Tu es sûre de toi ?

— Certaine. Ce sera ma B.A de l'année.

— Tu n'es peut-être pas si...

— Ne t'amuse même pas à terminer cette phrase, Ézéchiel.

— OK ! Demain 16 h au...

— Je bous d'impatience, lui raccroché-je au nez.

Mon fort intérieur hurle à pleins poumons. Mes mains se serrent et ma bouche se crispe. Je lutte, tant bien que mal, pour repousser l'envie grandissante de tout casser qui prend vie au fond de moi.

J'en ai marre, de ses rendez-vous dans ce café.

J'en ai marre, d'Ézéchiel.

J'en ai marre, du Roi-Soleil.

J'en ai marre, d'en avoir marre.

Lynus baisse le son de la musique.

— T'as vraiment renoncé à ta prime ? s'étonne-t-il.

— Ouais. Mais ne vous inquiétez pas, vous, vous touchez quand même la vôtre.

— On s'en fout de ça. Mais, j'ai du mal à y croire, c'est tout.

— Et pourquoi ça ? Ça m'arrive, de temps en temps. Plusieurs fois par an même, si tu veux tout savoir.

— Et pour quelle raison tu fais ça ?

— Quand je prends trop de plaisir.

— Ouais ! Si tu le dis ! Maintenant dors, on en a encore pour une bonne heure.

C'est en cela que Lynus est parfait

Beau, serviable, super baiseur et surtout à l'inverse de Rochel, il sait la fermer quand il le faut, enfin pas toujours mais au moins au bon moment.

Il se passe volontiers d'entendre de vive voix que buter cette femme m'a procuré un tel sentiment d'apaisement que je n'ai nul besoin d'être rémunérée pour ça. Son ex-mari a été dépouillé de bien plus que quiconque ne pourrait le supporter, il n'a plus rien, je ne vais pas en plus lui prendre son argent.

L'accueil chaleureux de Barney, presque deux heures plus tard, a l'avantage de recharger mes batteries.

Le lendemain, plus l'heure approche et moins, je tiens en place.

J'ignore pourquoi j'ai pris tant de soin à m'apprêter, ni pourquoi je suis venue avec de l'avance, mais cette deuxième cigarette que je grille n'a pas l'effet escompté. Je me décide à avancer, grimpe les cinq marches de l'entrée sans entrain, je passe la porte en silence. Les dieux m'abandonnant sur le seuil à chaque fois, la cloche annonce mon intrusion et l'homme qui m'exaspère plus que mon formateur me sourit sarcastiquement de derrière son bar.

Mon majeur se dresse comme salutation, le sien me rend la politesse.

— Ursula.

— Rei Sol, lui balancé-je comme seule réponse.

Je m'échappe sur la terrasse à la vitesse de l'éclair et m'installe à la table sur laquelle m'attendent patiemment mon kidnappeur, mon thé et, sans surprise, ma faiblesse.

— Angel...

— Je t'en supplie, Ézéchiel, laisse-moi juste profiter de quelques secondes.

Ma merveille citronnée est engloutie sans tarder et à la première gorgée de thé, je m'adosse plus lourdement sur la chaise.

— Le sanctuaire a effectué ton virement ce matin.

— Je t'ai dit, hier...

— Avant de t'énerver, laisse-moi terminer. Le client a mis fin à ses jours dès que Rahab lui a confirmé le décès de son ex épouse.

— Tu plaisantes, j'espère.

— Absolument pas.

— Mais pourquoi a-t-il fait ça ?

Des yeux lourds de sens me font face, un air abattu se dessine sur son visage avant que sa dureté ne refasse surface.

— Quand des êtres humains, normalement constitués, n'ont plus rien, ils cherchent à retrouver ce qu'ils ont perdu.

OK...

Il devient véritablement sentimental en vieillissant ce con.

Son regard se pose derrière moi.

— Tu reprends de la tarte, je présume ?

— Tu ne sais pas comment faire pour parler à cette serveuse hein ? me moqué-je.

— Elle n'est pas là aujourd'hui.

Putain.

Non.

— Hadriel, s'il vous plaît. Auriez-vous la gentillesse de nous apporter une autre part de tarte, le hèle-t-il.

— Bien sûr.

Mon air bougon passe inaperçu et, c'est énervée, que j'ignore les félicitations de mon voisin de tablé.

Un bras hâlé, sublimé d'un magnifique tatouage du Christ Rédempteur, s'invite dans mon périmètre visuel. Sa main, ornée d'une bague en argent gravée d'une croix et de la prière du "Notre père", dépose une assiette avec une plus grosse part de tarte que d'habitude.

Putain.

— Espero que você não o evenenou. [J'espère que tu ne l'as pas empoisonnée.]

— Tente, para ver. [Essaye pour voir.]

Il m'énerve.

Il m'énerve.

Putain qu'il m'énerve.

Ézéchiel émet un son qui ressemble à s'y méprendre à un gloussement, déclenchant une réaction immédiate dans mon corps.

Coup de pied dans le tibia.

Contrairement à moi, Ézéchiel reste calme.

— Je vois que votre entente s'améliore.

— On s'adore...

— On se déteste, lancé-je en même temps que lui.

— Je vois ça. Dites-moi Hadriel, c'est ce soir votre soirée Bachata, il me semble, non ?

Je plonge la cuillère dans mon péché mignon, essayant de ne pas prendre part à cette conversation inutile.

— Oui. Vous êtes tenté ? Ma main à couper que vous feriez un malheur, Ézéchiel.

— Très peu pour moi. Angel, tu devrais...

Mon cerveau se déconnecte.

Off Angela.

Vous connaissez cette sensation que le monde tourne à toute vitesse autour de vous, comme un carrousel défectueux ? Un kaléidoscope du décor ambiant oscille devant moi.

À quoi joue-t-il ?

C'est quoi son nouveau projet ? Me caser ? Il est débile ou pire, déjà sénile.

On vient du même monde, il m'a tout appris, enseigné tout ce que je sais.

De tuer un homme à faire disparaître son cadavre. De connaître chaque poison, chaque substance susceptible de venir à bout d'un être vivant de n'importe quelle corpulence. Il m'a bourré le crâne avec ses principes. Abrutie de ces préceptes de zéro émotion, zéro sentiment et surtout, zéro relation. Et, il veut maintenant que j'aille à un foutu cours de bachata, crapahuter avec un connard éternellement de bonne humeur.

Mon cul ouais.

Je vais lui faire avaler sa cravate et cette putain de pochette assortie.

— Angel, tu m'écoutes ?

— Quoi ? aboyé-je.

— Tu ne fais rien ce soir. Tu devrais participer à ce cours.

— Tu m'as prise pour Fauve Hautot ou quoi ? T'as pas l'impression que j'ai mieux à faire.

Le ricanement du Patrick Swayze du Brésil a le don de me faire sortir de mes gonds, je suis à un cheveu d'exploser. Cependant, le regard de l'homme qui m'a éduquée, me rappelle à l'ordre.

En un coup d'œil appuyé, mon rôle est redéfini.

Calme-toi Angela...

Ne tue personne...

FOUSSAAAAAAA

Quelle maitrise ma grande, je suis fière de moi.

— Você tem poções para preparar. [T'as des potions à préparer ? ]

— Cale se, Rei Sol de merda. [Ta gueule, Roi Soleil de merde]

— Angel. Ton langage, je te prie.

Mon adversaire éclate de rire.

— Laissez Ézéchiel. La colère est l'arme des faibles, c'est bien connu.

— Tu veux voir qui est faible ? marmonné-je, alors qu'il ne me prête plus la moindre attention.

— Elle ne sait pas danser, voilà tout. Et, plutôt que de l'avouer, elle préfère fuir.

Oh bordel, un volcan vient d'exploser. Mais pas un petit hein, un gros du genre Vésuve. Ça pète et rien ni personne n'y survit.

— Il n'y a rien que je ne sache faire, Monsieur Sourire.

— Prouve-le. Si t'as la paire de couilles que tu prétends porter. Ici, ce soir 21 H.

Au panier, vilaine fierté.

— Eu vou te mostrar se eu não sei dançar, idiota [Je vais te montrer si je ne sais pas danser, abruti.]

— Tente, para ver, minha bruxa. [Essaye pour voir, ma sorcière.]

Un toussotement moqueur détourne mon attention et mes yeux tombent face à moi.

— Intéressant tout ça, ironise Ézéchiel.

Putain.

De.

Bordel.

De.

Merde.

Mais, qu'est-ce que je viens de faire ?

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Baboummmmmmmmmmm

Aloura, (toujours comme on dit à Nice), va danser ou va pas danser miss aimable ?

Dites-le que vous savez comment ça va se passer.

Dites-le que vous savez à quoi je pense.

Dites le bordelllllllllllllll

Et sinon, n'a-t-on pas aperçu un petit bout d'empathie chez la demoiselle ???

Chuttttttttt.

C'est une snipeuse, ne la cherchez pas.

Je vous love autant que les michtonneuses aiment les footballeurs.

Soyez inventives avec vos commentaires.

Demandez à Dora, (pas l'exploratrice hein, ne soyez pas comme ça), la sublime lectrice qui me suit depuis le début, son proverbe à la Helyna a atterrit dans le chapitre 22.

Allez, j'ai pris du temps pour vous rédiger cette fabuleuse NDA, cliquez sur ⭐️, ça fera grimper mon algorithme ( je sais je vous saoule avec ça toutes les semaines.)

À mercredi mes cailles.

K.S

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