Karl/Karim.

J'étais l'une des rares personnes à avoir connu Karim avant qu'il ne devienne Karl. Quand on s'est connu nous étions encore enfants et innocents.

Et un jour, il s'est rendu compte que la vie ne lui avait pas fait de cadeaux jusque là. Alors, il a préféré changer pour « mieux s'adapter ».

Karl faisait partie de ces gens qui étaient prêts à tout pour réussir. C'était le genre de personne qui pensait que ce n'était pas au monde de changer pour leur plaire mais c'était à eux de changer pour plaire au monde et s'y faire une place. A cause d'une enfance difficile il était prêt à tout pour « se faire cette place. »

Il était prêt à faire des sacrifices, des compromis à devenir un salaud égoïste, manipulateur, la pire des ordures et à se ranger du côté de la majorité. A dire tout haut ce que les gens pensent tout bas.

Karl était le pire des clichés ! C'était le cliché même du gars en polo Ralph Laurent, en short beige et en baskets de grande marque qui voulait avoir un parcours brillant et intégrer une grande école comme l'ENA ou encore Science Po pour pouvoir ensuite gagner sa place parmi l'élite.

C'était un requin, un futur politicien. Il était mesquin et pour lui le monde se divisait en deux catégories : les amis et les ennemis. Pour lui, vous étiez soit un ami fidèle soit un ennemi à abattre. Le monde était un échiquier et pour survivre il faut écraser ses ennemis quitte à leur faire des coups bas et à user de cruauté. Après tout, tous les moyens sont bons pour gagner.

Pour mieux comprendre le personnage il fallait d'abord comprendre dans quel contexte il avait grandit. Karl avait grandit en Irak, il était d'origine Irakienne, il a donc forcement connu la guerre, la famine, la privation, la misère, la pauvreté...il a fuit ces conditions de vie et a immigré en France en tant que réfugié. Là encore, la vie ne l'a pas épargné : il s'est fait rejeté, on a menacé de l'expulsé dans son pays à plusieurs reprises sous prétexte que sa présence dérangeait le bon fonctionnement de la société, on l'a traité de tout les noms « terroriste », « assassin », « sal arabe »...il a été privé de sa famille, de ses proches, de ses amis...

Il a cultivé pendant des années toute cette rage et cette grande colère face à l'injustice dont il a toujours été la victime ! Jusqu'au jour ou il a décidé qu'il en avait assez d'être la victime et il a transformé toute cette rage et cette fureur qu'il avait cultivé en détermination et en volonté de réussir.

Il savait très bien que de toutes évidences la vie ne lui ferait aucun cadeau car il était né « du mauvais côté avec le mauvais passeport ». Il s'est donc battu pour obtenir la nationalité française et s'intégrer dans la société. Il était devenu français maintenant ! Il s'est donné énormément de mal pour apprendre le français, il s'est donné un prénom et un nom français, il a commencé à s'habiller comme un bon petit français, à boire le vin comme un bon petit français, à manger tout ce que les français mangeaient, il est même allé jusqu'à observer la façon de parler des français pour les imiter, il s'est acheté une croix catholique qu'il a mit autour du cou, il a commencé à aller à l'église et du jour au lendemain il s'était fondu dans la masse.

Cependant, il avait beau faire tout les efforts du monde, il n'avait jamais vraiment réussi à devenir « blanc ». On peut effacer son origine mais on ne peut jamais effacer sa couleur de peau. Karl avait une peau mâte et des yeux noirs. Alors il inventait des excuses « ma mère était juive » ou encore « j'ai des origines maghrébines très anciennes... »

Il s'était promit que plus jamais il ne connaîtrait la misère, la faim et la soif. Plus jamais les gens le regarderaient avec pitié ou mépris. Plus jamais il n'allait tendre la main pour demander de l'aide à quiconque. Maintenant, c'était à lui de se forger.

Mais tous ces changements avaient aussi influencé son comportement : il était devenu arrogeant, superficiel et très égocentrique. Le genre de gars très sélectif qui choisi ses amis selon des critères strictes, qui ne voulait pas être vu avec tel ou tel personne, qui s'entourait que de l'élite, pour pouvoir se faire un nom, qui ne sortait qu'avec des mannequins ou des filles parfaites et superficiels pour pouvoir ensuite s'en vanter, qui ne trainait que dans des bars ou des restaurants bronchés et populaires et qui entretenait des relations artificielles et basées sur le paraître avec les autres.

A m'entendre on pourrait croire que Karl est un traitre superficiel et hypocrite qui est vraiment prêt à tout pour réussir ?

Et bien malgré tout, Karl reste fidèle à ses origines. Il continue à parler Irakien, il essaye de déverser de l'argents aux associations et occasionnellement tente de se remémorer sa religion. Même s'il pense que sa nouvelle identité n'est pas compatible avec l'ancienne il fait de son mieux pour ne pas effacer ses origines et tenter de faire la part des choses.

Finalement, Karl que je n'ais jamais arrêté de surnommer Karim, reste mon plus vieil ami. Je ne peux m'empêcher en le regardant de voir le petit garçon avec des cheveux en pétard, des vêtements en lambeaux et une peau couverte de bleus et de cicatrices. Et c'est pour cette raison que je ressens de la tendresse pour lui.


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