Astriel mangeait son repas, l'esprit encombré. Sa mère lui parlait gaiement, mais il n'avait pas le cœur à l'écouter. Il ressassait sans cesse les questions qui lui envahissaient l'esprit, essayant de trouver un sens aux paroles de sa mère.

Soudain, un hurlement retentit venant de la chambre d'Astriel.

Le jeune homme se précipita vers la pièce, sa mère sur ses talons. Eïron était réveillé et regardait la chambre d'un air affolé.

Cyrelle s'approcha doucement de lui. Le garçon recula dans le lit et la regarda d'un air paniqué :

- Où suis-je ?! Qui êtes-vous ?!

- Je suis Astriel, dit le blond. Tu te rappelles de moi ? Je t'ais sorti de la rivière.

- As...tri...el ? ânonna-t-il.

Soudain, ses souvenirs semblèrent lui revenir. Son visage pâlit.

- Où m'as-tu emmené ?!

- Chez moi. Voici ma mère, Cyrelle, elle a pris soin de toi et elle a soigné tes blessures.

Eïron le regarda, l'air blême.

- Qu'as-tu fait ?! Je t'avais dit de me laisser là où j'étais !

- Mais..., balbultia Astriel, tu serais mort si je t'avais laissé.

- Ce n'est pas la question, dit-il en sautant hors du lit. Je dois partir d'ici. Merci pour votre hospitali...aïe !

Il vacilla en prenant appuie sur sa jambe Cyrelle le rattrapa et l'assit de force sur le lit.

- Tu ne pourras aller nulle part avec une jambe dans cet état. De plus tu es épuisé. Tu n'es pas en état de voyager.

- Vous ne comprenez pas, je dois partir.

- À cause des hommes qui te poursuivaient ? demanda Astriel

- Pas seulement. Si Erna apprends que je vous ai côtoyé, elle va vous pourchasser aussi, je dois y aller.

Cyrelle empêcha le jeune homme aux cheveux brun-corbeau de se lever et l'allongea sur le lit.

- Reste ici. Il faut que ta jambe guérisse et que tu reprennes des forces.

Eïron tenta de protester mais Cyrelle rabattit la couverture sur lui, coupant court à toute protestation.

- Je vais te chercher quelque chose à manger, tu dois mourir de faim. Astriel, regarde comment il va, je reviens.

Elle quitta la chambre et Astriel s'avança sur le lit. Il commença à regarder son bandage à la jambe, examinant avec détail l'évolution de la blessure. Il n'y connaissait pas grand-chose, mais il put constater que l'entaille causée par la flèche était assez infectée. Par chance elle avait été traitée par Cyrelle.

Il finit par arrêter son inspection et s'assit sur le lit pour surveiller le brun. Eïron le regarda, l'air perdu.

- Pourquoi tu m'as ramené chez toi ?

Astriel plissa des yeux. Il ne comprenait pas pourquoi le garçon lui posait cette question. Ça lui paraissait évident.

- Je te l'ai dit, si je t'avais laissé, tu serais mort.

- Et alors ? dit-il tristement. Pourquoi est-ce que ça t'as touché ? Tu ne me connais pas.

- Je...je ne sais pas, balbutia Astriel. Je...Je n'ai jamais vu quelqu'un mourir, je ne pouvais pas te laisser comme ça. C'est normal.

Eïron haussa les épaules.

- Ce n'est pas ce que pense la plus part des gens. Ils m'auraient laissé mourir, eux.

- Mais...pourquoi ? demanda Astriel, un peu outré.

Quel genre de gens abandonnerait un jeune homme à son propre ?

- Parce que m'aider est dangereux. Ecoute, Astriel, je te suis vraiment très reconnaissant de m'avoir aidé, mais je ne veux pas que toi et ta mère ayez des ennuis à cause de moi.

- Pourquoi on aurait des ennuis ? À cause de tes poursuivants ?

- Non, pire. Erna me cherche. Elle est prête à n'importe quoi pour m'attraper. Et crois-moi, une prise d'otage ne la dérangerai pas. Elle vous capturerait sans hésitation, toi et ta mère pour faire pression ou...pour obtenir des informations...

- Tu veux dire, ...nous torturer ?

Eïron se mordit la lèvre. Astriel sentit son angoisse d'ici.

- Elle pourrait.

Astriel ouvrit la bouche, choqué.

- Mais...mais pourquoi ? Je croyais que c'était notre Reine ! Elle est censée protéger ses sujets, non ?

- C'est ce qu'elle fait. Mais à quel prix ?

- Pourquoi elle veut te capturer ? Parce que tu as tué le chef de ses soldats ?

- Non, grimaça Eïron. Ça, c'est juste la raison qui a agacé mes poursuivants. C'est pour ça qu'ils m'ont visé avec des flèches. D'ailleurs, si Erna apprend qu'ils ont failli me tuer, crois-moi, ils le regretteront vite.

- P...pourquoi, je croyais que la Reine Erna voulait te tuer. C'est pour ça qu'elle te pourchasse, non ?

- Non. Mort je serai inutile.

Astriel fronça les sourcils.

- Que veux-tu dire ?

- Erna a besoin de moi pour...

- Astriel !

Le blond tourna la tête. Cyrelle était dans l'encadrement de la porte.

- Qu'est-ce que tu fais ? Laisse-le se reposer.

- Mais...je...il me disait.

- Va faire un tour dehors, mon grand. Va voir Arlyn, elle doit s'inquiéter pour Eïron.

- Mais, Mère, elle est enfermée dans sa chambre !

- Dans ce cas va te promener. Laisse Eïron respirer. Allez !

- Tout va bien, madame, dit Eïron. Il peut rester si il veut, ça ne me dérange pas.

- Non, non, non ! Tu as besoin de repos, le coupa Cyrelle en posant une assiette sur le lit. Mange, tu en auras besoin.

Elle sortit de la pièce et poussa son fils hors de la chambre.

- Va finir ton assiette, mon grand, dit Cyrelle. Je m'occupe d'Eïron. Allez, va.

Astriel s'exécuta, perdu. Son cerveau tournait à cent à l'heure. Pourquoi la Reine Erna pourchassait-elle Eïron ? Pour quoi avait-elle « besoin de lui » comme avait dit le brun ?

Le jeune homme passa son après-midi à trainer dans les bois, perturbé par sa discussion avec le fugitif. Il avait l'air vraiment en danger. Pire, il avait même l'air désespéré. Astriel songea aux regards tristes que le jeune homme lui avait lancé. Astriel eut soudain pitié de lui. Ce garçon avait à peine son âge. Il devrait passer ses journées à s'amuser ou à sortir dehors mais non, lui était traqué chaque jour pour une raison inconnue. Et pas par n'importe qui. Par la Reine Erna. Qui au passage déployait des tas d'hommes pour le lui ramener. Ça n'avait aucun sens. Pourquoi aurait-elle besoin de lui ?

Ses questions refusaient de quitter son esprit. Il se résigna à rentrer, incapable du prendre du plaisir à se promener. Il ne savait pas quel secret cachait Eïron, mais il était déterminé à le savoir.