Chapitre 11 : Réminiscence


La soirée se passa dans une ambiance calme. La fumée du feu de camp était à peine visible dans l'obscurité de la nuit, ce qui leur assurait une certaine protection.

Astriel dégustait son repas, un peu surpris par ce goût singulier qu'avait la viande de Wumpaka. D'un geste distrait, il effleura son coude qu'il avait éraflé durant sa chute. Première blessure. Qui sait combien il en aurait avec le temps ? Il espérait au moins s'en sortir mieux que son compagnon de route.

Depuis le peu de temps qu'il le connaissait, Eïron avait frôlé la mort deux fois. Presque trois, si on comptait la chance avec laquelle il s'en était tiré avec le Wumpaka.

Astriel continua à manger sa viande, pas encore habitué au goût. Il avait de toute façon toujours préféré les légumes à la viande, bien qu'en manger ne le dérangeait pas.

Le Semi-Elfe jeta un œil à son compagnon de voyage qui, lui, mangeait de bon cœur.

- Tu avais déjà mangé du Wumpaka avant ? demanda Astriel, intrigué

- Deux, trois fois, oui, acquiesça Eïron en mordant dans la chair avec appétit.

- Et tu aimes bien ça ?

- Pourquoi ? Tu n'aimes pas ?

- Si, ça va. Je ne suis juste pas vraiment habitué, je suppose.

- Tu sais, moi, du moment que je peux manger quelque chose, ça me suffit.

Astriel se sentit gêné un instant. Il était vrai que, dans des circonstances pareilles, être fine bouche n'était pas une option. Encore une fois, il apercevait une fraction de ce que pouvait être la vie d'Eïron.

- Dit, Eïron...

- Oui ?

- C'était comment ta vie chez toi ?

Eïron, qui allait croquer dans son repas à nouveau, s'arrêta. Des souvenirs semblaient défilés devant ses yeux.

- Tu veux dire, ma vie chez les Révoltés ou ma vie d'avant ?

- Heu, les deux, je suppose.

Eïron poussa un soupir mélancolique et posa sa nourriture près du feu. Il entoura ses genoux de ses mains, un air rêveur collé au visage.

- Je vivais dans un petit village, un peu comme le tien. Quoique, il était plus grand tout de même. Et moins éloigné de tout aussi. Il s'appelait Pago, je crois. Mon père y était forgeron. Ma mère, vendeuse. Elle vendait des gâteaux qui sentaient vraiment bons et d'autres babioles. On était bien là-bas. Je me baladais dans les rues avec mon grand frère, Télios. Parfois, on jouait avec Zïra à la maison.

Astriel haussa un sourcil

- Zïra, c'est ma petite sœur, expliqua Eïron, un sourire attendri au coin des lèvres. Elle a deux ans de moins que moi. Quand elle était petite, elle souriait tout le temps. Elle dansait, elle chantait, elle collectionnait les pommes de pin, ... Elle était adorable. Télios aussi. C'était un garçon aimable, tout le village l'adorait. Surtout le vieux Ecdor, qui nous servait de professeur. Il trouvait mon frère brillant. Je l'aimais bien, Ecdor. Il avait toujours les mots pour réconforter. Il encourageait toujours ses élèves. Un type bien.
Et puis...un jour...quand j'avais 8 ans, j'étais partit vagabonder avec mon frère, on rentrait des cours de Ecdor et... au loin, on a vu arriver des chevaux. Beaucoup de chevaux. On était habitué à ce que des voyageurs passent à Pago de temps en temps mais autant d'un coup, c'était une première. Alors on est allé voir. Mon frère a reconnu la bannière d'Erna sur les cavaliers. Alors on a couru annoncer ça à nos parents. On ne savait pas vraiment si c'était une bonne nouvelle ou non, mais ça avait l'air important. Quand on leur a dit, nos parents ne savaient pas non plus comment réagir. C'est alors qu'on a entendu du bruit dans le village. Des bruits de poteries cassées, de portes fracassées, des cris de paniques. Mon père est allé voir. Quand il est revenu en courant, il nous a dit que les gardes royaux cherchaient un enfant nommé Eïron. Ma mère a pris peur et a rassemblé des affaires. Mon père nous a fait sortir dans la minute. On a volé des chevaux et on a fui le village. Je n'y suis jamais retourné depuis.
Après avoir erré dans plusieurs villes, mon père a entendu parler des Révoltés. Les fameux Guerriers de la Paix qui refusaient d'obéir à Erna. D'après les rumeurs, c'étaient d'anciens commerçants qui traitaient avec les Elfes. Mon père a réussi a trouvé où ils étaient grâce à de bon informateurs fidèles aux Révoltés. On a voyagé pendant des jours vers le Sud et on a traversé un fleuve glacé. Ma sœur a attrapé une pneumonie. Mon père s'est foulé la cheville en arrivant près de la forêtde Dwynn, là où se trouvaient les Révoltés. J'ai bien cru perdre ma sœur et voir mon père mangé par les loups mais il n'en fut rien. Ils nous ont trouvés. Les Révoltés. Ils nous ont ramené à leur camp et ils ont soigné ma famille. On s'est installé là-bas. On y est resté 7 ans.
Puis, Erna nous a retrouvés. Elle a brûlé la forêt. Elle est d'ailleurs beaucoup plus petite qu'avant, aujourd'hui. Les Révoltés ont fui vers les montagnes J'ai décidé de m'exiler. Je savais qu'Erna me voulait moi, bien avant quoique ce soit d'autre. Je ne voulais plus mettre ma famille en danger. Alors je suis partit. J'avais 15 ans. J'ai dû apprendre la survie, apprendre à effacer mes traces, à chasser, et, c'est là la partie qui m'a posé le plus problème, à faire confiance aux bonnes personnes.
J'ai eu pas mal de problème de ce côté. Des gens m'ont capturé pour me vendre à Erna. D'autres faisaient semblant de vouloir m'aider puis prévenait la garde. Et, dans ces moments-là, le plus douloureux n'était pas leurs lances ou leurs flèches. C'était la trahison. Tu vois, Astriel, le plus dur dans ma manière de vivre, c'est la solitude. Alors dès que quelqu'un t'offre de l'aide, même infime, tu te sens moins seul, mais lorsque tu découvres que l'on t'a trahit, tu réalises que tu as été seul tout du long. Je n'arrive pas à supporter ça. Je ne passe pas une journée sans pensé à ma famille, à mes parents, à mon frère, à ma sœur...Je ne sais même pas s'ils sont vivants ! Et, tu vois, c'est...c'est dur. J'ai l'impression constante d'être un prisonnier en cavale dont le seul crime c'est d'être né. Pourtant...pourtant, je n'ai pas envie de mourir. Je sais, c'est égoïste. Ça serait pourtant la décision la plus prudente pour l'avenir du Royaume. Mort, Erna ne pourra pas m'utiliser pour déclencher une guerre. Mais, ...je me refuse à mourir. Je veux être là pour voir le jour où le Royaume sera sauvé. Je veux être là pour revoir ma famille. Pour qu'un jour, on puisse être à nouveau heureux tous ensembles. Je...je dois vivre pour eux.

Eïron lâcha ses derniers mots en murmurant, comme une promesse à lui-même et il laissa son regard se perdre dans les flammes presque éteinte du feu de camp. Astriel aperçut quelques larmes briller aux coins de ses yeux émeraude, éclairées par la lumière vacillante du feu de camp.

Le Demi-Elfe le contempla, ne sachant que dire.

- Je...je ne te trahirai pas, Eïron, lâcha-t-il.

- Merci, sourit le brun en essuyant ses larmes d'un revers de main. Tu ne peux pas savoir à quel point ça représente beaucoup pour moi.

- Si, je peux, dit doucement le Demi-Elfe en se rapprochant. On est dans le même bateau, maintenant.

- Par ma faute.

- Non. C'est la faute de ma naissance, tout comme toi.

Eïron détourna son regard des flammes et le posa sur le Semi-Elfe.

- Oui, souffla-t-il.

Il décrocha un petit sourire. Astriel remarqua encore une fois qu'Eïron souriait tous le temps, même dans les moments durs. Il eut soudain beaucoup d'admiration pour ce garçon à peine plus vieux que lui qui avait connu tant de souffrance dans sa vie mais qui, malgré tout restait tellement optimiste.

Eïron lui donna une tape amicale sur l'épaule et brisa le contact visuel en baissant les yeux.

- Tu devrais aller te reposer, Astriel. On se lève tôt demain pour atteindre la ville la plus proche.

- Non, toi va te reposer.

- Mais, je...

- Non, dit Astriel d'un doux mais ferme. Repose-toi. Je peux veiller cette nuit.

- Toute la nuit ?

- Oui, ne t'en fais pas.

- Mais...

- Dors.

Eïron sembla hésiter mais finit par se résoudre, vaincu par la détermination du blond.

- Si tu es fatigué, tu me réveille, d'accord ?

- Oui, oui, va te reposer.

Le fugitif alla s'allonger, s'endormant presqu'aussitôt, preuve de sa fatigue.

Astriel l'observa un instant, repensant à son histoire, si semblable et pourtant si différente de la sienne.
« Je ne sais même pas s'ils sont vivants ! » avait-il de sa famille. Un frisson parcouru le Demi-Elfe. Et lui ? Est-ce que sa mère et Arlyn allaient bien ? Son village avait-il été attaqué ? Qui savait si Erna ne l'avait pas brûlé... ?



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Chapitre court, désolée ^-^

N'hésitez pas à me donner votre avis, svp :)

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