Chapitre 1 : Sauvetage Inattendu
Il était une fois, dans un village, un jeune garçon aux airs angéliques. Sa mère le trouva tellement beau qu'elle le nomma Astriel, signifiant « Ange » dans la vieille langue des Elfes. Le garçon était effectivement relativement semblable à un ange : Il avait des cheveux dorés brillants comme un soleil, un visage juvénile lui donnant sans cesse l'air joyeux et plein de vie, de belles pommettes roses bien dessinées et de grands yeux bleus clairs pétillants, qui luisaient autant que les étoiles.
Astriel n'était pas vraiment comme les autres enfants. Il avait une endurance bien supérieure à celle d'un adulte, une foulée bien plus légère et une course bien plus rapide. Ses yeux semblaient toujours en alerte, capable de repérer des détails qui échappaient aux autres et son ouïe était fine, ce qui le rendait particulièrement doué à la chasse.
C'était d'ailleurs l'une de ses occupation préférée que de chasser. Il trouvait des lieux idéals ; débusquait des proies facilement ; approchait avec une discrétion complète et visait avec perfection, atteignant presque toujours sa cible.
Astriel n'avait jamais su pourquoi il avait tant de facilités. Là où les autres prenaient des années à apprendre à chasser, lui avait saisi l'essentiel en quelques mois, et devint vite excellent. Il était de très loin le meilleur en chasse, bien que meilleur ne soit pas un très grand mot vu la taille de son village, composé d'à peine une vingtaine de maison.
Le jeune homme n'avait cessé d'apprendre. Que ce soit à courir encore plus vite et plus loin, ou à chasser encore mieux et viser avec encore plus de perfection. Agé d'à peine dix-sept ans, il battait à plate couture tous les habitants, surpassant même les doyens et les hommes qui s'entrainaient depuis toute une vie.
Cela aurait pu être rageant si le jeune Astriel n'était pas si joyeux et partageur, faisant profiter de ses proies tous les villageois.
Le jeune homme avait été élevé par sa mère, Cyrelle, une femme douce et sage qui l'avait éduqué avec brio, faisant de lui un garçon poli et bien élevé. Les habitants du village aimaient tous la brave Cyrelle.
Cependant, certain se montraient plus méfiant envers son fils. Ils le trouvaient étrange. Différent.
Si sa différence ne s'arrêtait qu'à ses capacités physiques, les paysans l'auraient sûrement accepté, mais seulement l'étrangeté d'Astriel ne s'arrêtait pas ici. En réalité, même s'il avait une voix d'ange et ne tombait presque jamais malade, c'était une autre chose qui avait attiré la méfiance des villageois : ses oreilles.
Elles n'étaient pas comme celles de tout le monde, non, elles étaient pointues.
Astriel avait de nombreuses fois demander à sa mère pourquoi elles avaient cette forme inhabituelle, mais celle-ci lui répondait à chaque fois la même chose, c'est-à-dire que ses oreilles étaient on ne peut plus normales et que cela arrivait à tout le monde d'avoir quelques étrangeté. Le jeune homme ne la croyait qu'à moitié, mais il n'insistait pas. Il avait confiance en sa mère et si celle-là lui disait qu'elle ne savait pas pourquoi il était ainsi, c'est que c'était vrai. Cyrelle n'était pas du genre à mentir. Elle était trop honnête pour cela. La femme avait d'ailleurs éduqué son fils de la même manière, lui répétant que l'honnêteté était la qualité la plus importante qui soit et qu'un homme sans parole était un homme sans honneur.
Quoiqu'il en fût, le jeune homme était souvent perturbé par ses oreilles et se laissait pousser les cheveux en espérant les cacher. En vain. Il y avait toujours un petit bout qui dépassait et les cheveux d'Astriel était trop fins pour pouvoirs les recouvrir totalement.
Mais le jeune Astriel avait toujours écouté sa mère avec beaucoup d'assiduité. Elle était un puit de sagesse et tous l'admirait pour cela.
Cyrelle disait souvent à son fils que le monde était devenu dangereux depuis l'arrivée d'Erna sur le trône. Le garçon lui demandait parfois pourquoi, mais sa mère lui répondait d'un ton énigmatique lui disant simplement qu'elle finirait par apporter la guerre et qu'il valait mieux rester loin d'elle. Si ce conseil paraissait bon, Astriel n'en comprenait vraiment la cause. Contre qui la Reine Erna pourrait-elle faire la guerre ? Le jeune homme ne connaissait aucun royaume voisin.
À l'ouest s'étendait la mer à perte de vue et à l'est une grande plaine désertique peuplée, disait-on, de créatures hostiles et dangereuses. Certain disait qu'il y aurait des terres par-delà ce désert, mais personne n'avait jamais pu les trouver. Du moins pas vivant.
Le village d'Astriel, lui était situé dans le sud de Tréfändelle. À l'écart de tout. Le jeune homme ne connaissait d'ailleurs aucun autre village aux alentours et n'avait jamais rencontré personne d'autre que des habitants de sa bourgade. Ce qui lui donnait une connaissance assez pauvre du monde extérieur à vrai dire. Les seuls lieux qu'il connaissait était son village et le petit bois plus à l'est. Sa mère lui avait vaguement parlé de montagnes plus au nord et de la citadelle d'Erna au nord-est, mais c'est tout ce qu'il savait. Et sa mère semblait ne pas vouloir lui dire grand-chose de plus.
Mais peu importais, après tout. Astriel n'avait pas besoin de tout cela. Il passait ses journées à chasser et à trainer dans la forêt comme le font tous les jeunes de son âge et cela lui suffisait. Parfois il s'aventurait plus loin que d'habitude dans les bois et savourait ce saut dans l'inconnu mais les mises en gardes de sa mère lui revenait toujours : Le monde est dangereux. Il faut faire attention et ne jamais s'aventurer trop loin, où cela n'apportera que des problèmes.
Or, un jour, tout changea.
C'était une matinée d'automne comme les autres. Astriel dormait paisiblement dans son lit, quad soudain un bruit à sa fenêtre le réveilla. Il cligna des paupières. Il suffisait souvent d'un rien pour le réveiller, son sommeil étant assez léger. Pourtant, il était rarement fatigué. Rare était les fois où il avait des cernes, même après une nuit blanche. Encore une étrangeté, sans doute. Mais elle était particulièrement pratique, il fallait l'avouer.
Il sortit de son lit sans trop de bruit, pour ne pas réveiller sa mère qui dormais dans la chambre d'à côté et se dirigea vers sa fenêtre sur la pointe des pieds. Il plissa les yeux et réussit à distinguer une silhouette de jeune fille aux cheveux courts.
- Arlyn ? appela-t-il
La fille répondit par un grognement agacé :
- Comment t'as pu me reconnaitre ? Il fait noir !
- Je ne connais qu'une personne capable de me réveiller au milieu de la nuit en tapant au carreau.
Il ne mentait pas. Il connaissait la jeune fille par cœur. Pourtant, il est vrai qu'il voyait bien dans la nuit. Bien mieux que les autres, tout du moins. Ça aidait un peu.
- Mouais, t'as ton arc ?
- Oui, répondit Astriel en attrapant son arme et son carquois. On peut y aller.
La jeune fille eut un petit sourire que seul le jeune homme put distinguer dans l'obscurité de la nuit.
- Alors viens, dépêche-toi !
Astriel enjamba sa fenêtre et atterrit silencieusement sur l'herbe. Il donna une petite accolade à la jeune fille, les yeux pétillant de malice. C'était loin d'être la première fois qu'il partait en douce au beau milieu de la nuit. Ils le faisaient régulièrement.
Enfin, c'était Arlyn qui insistait. La jeune fille rousse était prête à tout pour s'améliorer à la chasse, quitte à y passer la nuit. Bien sûr, la chasse de nuit était bien plus dure, mais cela ne décourageait pas Arlyn, qui prenait sans cesse des leçons avec son ami.
Arlyn et Astriel se connaissait depuis l'enfance. À vrai dire ils étaient les seuls jeunes du village, en dehors de Loé, un petit garçon de huit ans qui trainait toujours dans leurs pattes. Arlyn, elle, en avait quinze ce qui était tout de même plus proche de l'âge du blond.
Aussi, il n'était pas étonnant de les voir toujours trainer tous les deux, passant leur temps à explorer les bois, grimper aux arbres, s'entraîner à la bagarre pour s'amuser et, bien sûr, à chasser.
Arlyn était assez peu populaire dans le village, réputée pour être insolente et rebelle. Même si, Astriel le savait, la véritable raison de son impopularité était son allure de garçon manqué, qui ne plaisait pas tellement aux vieux villageois persuadés qu'une jeune fille devait porter des robes et passer ses journées à coudre. Principes qu'Arlyn détestait, bien entendu.
- Où va-t-on, cette fois ? chuchota-t-elle à Astriel d'un ton excitée.
- On peut essayer d'aller jusqu'à la rivière ? proposa le jeune homme.
- Quoi ? Mais c'est à des lieux d'ici !
- Ce n'est pas si loin, tu exagères.
- Peut-être, mais c'est rudement loin tout de même, tu ne t'en rend pas compte.
Astriel se mordit la lèvre. Il était vrai qu'il n'avait pas du tout la même endurance que son amie, bien que celle-ci soit plutôt endurcie et dure à fatiguer.
- Ce sera ton défi du jour, dit-il simplement.
Une lueur brilla dans les yeux d'Arlyn. S'il y avait deux choses qu'elle ne ferait jamais, c'était bien porter une robe et ne pas relever un défi.
- Pas de soucis. Tu verras, je serai tellement endurante que même toi tu seras fatigué et tu me supplieras d'arrêter.
Astriel sourit, amusé, et ils se mirent en route.
Arlyn trébuchait de temps en temps sur des racines mais ne disait rien, refusant de montrer le moindre signe de faiblesse. Elle fallit tomber à cause d'un rocher, mais Astriel se retint de l'aider, sachant que s'il le faisait, il risquait fort de ne plus avoir de main après. Arlyn était du genre à détester qu'on l'aide, et lorsqu'elle était en colère, il ne valait mieux pas être dans les parages.
Lorsque la jeune fille commença à pester qu'il était injuste qu'Astriel ne trébuche jamais, celui-ci lui répondit juste qu'il suffisait de regarder où elle allait. Cette phrase fit bouder la rouquine qui rétorqua qu'elle ne pouvait pas voir quoi que ce soit à cause du noir.
Astriel haussa les épaules, habitué à ce genre d'amalgames entre eux. Il ne voyait pas comme en plein jour mais pourtant, le noir ne le dérangeait pas tellement. Il avait simplement du mal à y distinguer les couleurs. Pourtant les formes et les silhouettes lui apparaissaient clairement, lui évitant de se prendre les pieds dans des branches ou autre obstacles.
Arlyn continuait de ronchonner, ce qui était sans doute une de ses activités préférée, quand soudain un bruit attira l'attention d'Astriel. Une brindille avait craqué. Il fit taire Arlyn d'un geste et s'approcha à pas feutrés vers le bruit.
Il saisit une flèche et arma son arc. Soudain, il décocha une flèche dans un buisson et un daim en sortit en bondissant, blessé au flanc là où la flèche l'avait touché.
Arlyn eut un mouvement de recul, surprise. Astriel baissa son arc, laissant la jeune fille finir le travail. La rouquine se ressaisit et pointa son arc vers le daim, lui décochant une flèche dans l'épaule, ce qui le fit chuter.
Elle courut vers lui et l'acheva avec son couteau de chasse.
- T'as vu, Astriel ?! s'exclama-t-elle. Je l'ai eut !
- Bravo ! lui lança le blond en souriant.
Il aimait bien la laisser terminer les proies. Elle était si heureuse après que ça lui faisait plaisir.
- On en fait quoi ? demanda-t-elle en sautillant, encore folle de joie.
- On ne peut pas le porter avec nous jusqu'au ruisseau, conclu Astriel. Enterrons-le ici pour ne pas se le faire voler par un renard ou loup et reprenons-le au retour.
- D'accord. Mais c'est toi qui creuse.
Astriel leva les yeux au ciel. Creuser seul prendrait bien plus de temps. Mais il savait très bien comment la faire céder.
- Très bien, Majesté, reposez-vous pendant que je me tue à la tâche.
- Je n'ai pas besoin de me reposer !
Astriel haussa les épaules, faisant semblant d'en douter.
- Tu insinues que je suis fatiguée ?! C'est faux !
- Je ne sais pas, ça à dut être dur d'abattre ce daim toute seule.
- Bien sûr que non ! Pour qui tu me prends ?!
- Non mais c'est fatiguant quand même, ne t'inquiète pas je comprends.
- Je ne suis pas fatiguée !
Astriel sourit imperceptiblement. Son plan commençait à fonctionner.
- Tu es sûre ? Parce que sinon je peux creuser tout seul, ça ne me dérange pas que tu es besoin d'une pause.
Arlyn rougit de colère.
- De pause ?! Mais je n'ai pas besoin de pause !
Elle s'agenouilla à côté de lui et commença à creuser, bien décidée à lui prouver sa non-fatigue. Astriel ne put réprimer un sourire malicieux. Ça avait marché plutôt facilement.
Lorsqu'ils eurent finit d'enterrer le daim, la nuit commençait à se finir. L'aube ne tarderait plus. Les deux amis reprirent leur route, bien décidé à atteindre la rivière. Au bout d'une heure de marche, Astriel accepta de faire une petite pause. Ils se désaltérèrent puis ils reprirent leur route.
Astriel tua un lapin qu'il avait surpris dans un bosquet et une perdrix. Arlyn, elle, réussit à tuer une grive, qu'elle portait fièrement accrochée à sa ceinture.
Au bout d'une heure de marche supplémentaire, ils atteignirent enfin la rivière.
Arlyn poussa un cri de joie en la voyant et couru jusqu'à l'eau en criant à tue-tête qu'elle avait réussi son défi.
Astriel s'assit près de la berge, fatigué par les hurlements de son amie qui commençaient à lui donner mal à la tête. Il se versa un peu d'eau sur le visage.
- Fait attention à ne pas tomber dans l'eau, dit-il à Arlyn. Le courant est fort par-ci.
- Mais je ne vais pas tomber, enfin ! Arrête d'être aussi paranoïaque, tu me fais penser à ma mère : « Arlyn chérie, tu ne devrais pas aller te promener dans les bois, tu vas tomber sur des loups ! » « Arlynette si tu continues à manier des armes tu vas finir par te blesser ! » « Mon sucre d'orge, tu devrais arrêter de te bagarrer avec ton ami, vous allez finir par vous faire m...»
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase car elle avait trébuché sur un galet et manqua de tomber dans l'eau. Astriel la rattrapa in extremis, saisit d'un réflexe qui lui était propre. Arlyn repris ses esprits et le repoussa en grondant :
- Hé ! J'aurais très bien put m'en sortir seule !
- Mouais. Tu étais à deux doigts de tomber dans l'eau, tout de même.
Elle lui décocha un regard assassin et ouvrit la bouche pour rétorquer mais elle se figea d'un coup. Son teint devint blême. Elle pointa un doigt tremblant vers l'eau en se plaquant une main sur la bouche. Astriel tourna aussitôt la tête vers dans la même direction qu'elle et étouffa un cri : une forme noire flottait à la surface, teintant l'eau de rouge.
Le blond s'approcha prudemment de la forme sombre qui dérivait lentement vers eux. Il eut un haut-le-cœur en comprenant ce dont il s'agissait. C'était un cadavre. Une flèche était plantée dans son épaule gauche et il était balloté dans tous les sens.
- Tu...tu crois qu'il est... ? ânonna Arlyn
- Mort ? Je ne sais pas.
Astriel remonta la berge vers le corps. Il le scruta. Le cadavre était celui d'un jeune homme. Pas beaucoup plus vieux que lui, d'ailleurs.
Il était affalé sur un bout de bois qui maintenait à peine ça tête hors de l'eau. Ses yeux noir étaient trempés et lui collaient au crâne. Astriel remarqua qu'il avait également une flèche dans la jambe en plus de celle dans son épaule.
Il chercha autour de lui un bâton pour ramener le corps mais il n'en trouva pas. Alors il s'approcha doucement du rebord. Il examina à nouveau le corps. Et c'est alors qu'il remarqua un détail que seuls ses yeux perçants pouvaient voir. Un minuscule détail : le noyé respirait. Très faiblement mais il respirait.
Aussitôt, Astriel plongea dans l'eau. Il entendit Arlyn pousser un cri, mais il ne s'en soucia pas et nagea vers le corps.
Il atteignit le noyé en quelques brasses et le hissa sur son épaule. Ce dernier pesait plutôt lourd. Astriel coula un instant puis réussit à remonter à la surface.
Il entendait Arlyn beugler, lui criant d'arrêter ça avant de couler, mais le blond ne l'écoutait pas et stabilisait le corps du mieux qu'il pouvait sur ses épaules.
Il se démena pour ne pas sombrer et commença à nager vers la berge, en faisant attention de laisser la tête du brun hors de l'eau.
Astriel nagea du mieux qu'il pouvait, retenant de temps en temps le corps d'une main pour l'empêcher de glisser et luttant contre le courant. Il n'était plus qu'à quelques mètres de la berge. Il tenta d'atteindre le fond pour se propulser hors de l'eau, mais il n'avait pas pied. Le blond continua de nager et tendit le bras vers la berge.
Arlyn se mit à courir vers lui et lui attrapa la main, le hissant jusqu'à la berge. Astriel ne lâcha pas le corps et le hissa à son tour sur la terre ferme.
Avant qu'il n'ait pu se relever, Arlyn lui sauta dessus et le serra dans ses bras.
- J'ai cru que tu allais te noyer !
Astriel ouvrit la bouche pour la rassurer mais elle se redressa soudainement et le gifla.
- Ne me refait plus jamais ça ! hurla-t-elle. C'était totalement stupide ! Tu aurais pu mourir ! Pourquoi tu as voulu repêcher ce cadavre ?!
Astriel entrouvrit la bouche, et se frotta la joue. Ce n'était pas la première fois qu'Arlyn le giflait mais cette fois-ci elle n'y était pas aller de main morte.
- Mais..., protesta-t-il. Je devais le sauver !
- Le sauver ?! Mais il est mort !
Astriel secoua la tête.
- Non il est vivant. Je l'ai vu respirer depuis la berge.
Arlyn arqua un sourcil.
- Tu l'as vu respirer depuis cinq mètres ?
Astriel acquiesça et rampa vers le corps. Il lui prit le pouls. Tout comme sa respiration, il était faible. Mais pourtant il battait. Astriel passa sa main sur le front du garçon. Il était glacé. Le blond retira sa veste et l'en enveloppa.
Le noyé était resté évanouit tout le long. Astriel essaya de lui faire retrouver conscience en lui tapotant le visage. Le brun poussa un faible gémissement mais il n'eut pas la force de se réveiller.
Aussitôt Astriel pensa qu'il manquait sûrement d'air à en juger par son teint bleui. Il l'allongea sur le ventre et lui massa l'abdomen espérant lui faire recracher de l'eau. Le garçon hoqueta dans son sommeil, tremblant un peu.
Arlyn s'approcha, et fut forcer de constater que si le cadavre bougeait, c'est qu'il était bel et bien vivant.
- Attends, dit-elle. Je sais quoi faire.
Elle s'avança doucement du jeune homme et arracha la flèche planté sur son épaule d'un coup sec. Le brun se redressa et hurla de douleur, puis se plia en deux et recracha de l'eau. Astriel s'approcha aussitôt de lui et le rattrapa avant qu'il ne s'écroule. Arlyn appuya avec la veste d'Astriel sur sa blessure, pour stopper l'hémorragie.
Le brun vomit des litres d'eau en tremblant. Il reprit de l'air et toussa, plié en deux. Astriel et Arlyn lui tapotèrent le dos et il recracha plus d'eau encore.
Lorsqu'il eut finit, il s'écroula à terre, essoufflé.
Il prit appuie sur Astriel en tremblant.
- Où...suis-je ? demanda-t-il d'une voix rauque. Qui...êtes-vous ?
Astriel et Arlyn se regardèrent, se demandant bien comment expliquer où ils se trouvaient alors qu'ils n'avaient strictement aucune idée du nom de cet endroit. Pour eux c'était "la rivière". Ils ne connaissaient qu'une seule rivière. Pour eux c'était normal de l'appeler comme ça.
Mais ce garçon ne venait pas d'ici et ils doutaient que de répondre qu'il était près de la rivière l'aiderait beaucoup.
- Nous sommes dans le sud de Tréffändelle, répondit Astriel. Près d'un petit bois.
Le jeune homme sembla se contenter de ça pour l'instant.
- Qui êtes-vous ? répéta-t-il.
- Je suis Arlyn, répondit la rouquine, et voici mon ami Astriel. Il t'a sauvé la vie.
Astriel ouvrit la bouche, gêné de s'attribuer toute la gloire, mais le jeune homme posa son regard émeraude vers lui et cela le fit taire.
- Merci, toussa-t-il. Merci, Astriel.
- Ce n'est rien. Je ne pouvais pas te laisser te noyer.
Le jeune homme eut une quinte de toux où il recracha de l'eau.
- Si, dit-il entre deux hoquets, tu aurais pu. T'aurais peut-être même dû.
Il lui lança un regard triste et se remit à vomir de l'eau.
Astriel se figea. Il aurait dû le laisser se noyer ? Que voulait-il dire ?!
- Pourquoi j'aurais dû te laisser te noyer ?! Je n'allais pas te regarder mourir sans rien faire !
Le jeune homme le regarda, l'air reconnaissant. Mais son regard se mua vite en quelque chose de plus sombre. Comme s'il regrettait quelque chose.
- Tu vas avoir des problèmes pour ça, articula-t-il. À cause de moi, ils vont t'en vouloir.
- Ils ? Qui ?
- Les hommes d'Erna.
Astriel fronça les sourcils. Qu'est-ce que la Reine faisait dans cette histoire ? Pourquoi le pourchassait-elle ? Qu'avait-il fait ?
- Pourquoi ? Qui es-tu ?
- Eïron. Je m'appelle Eïron. Et s'ils me poursuivent, c'est parce que j'ai tué un de leur chef.
Astriel eut un mouvement de recul. Le jeune homme, à peine plus âgé que lui, avait tué ?
- Ils voulaient me capturer et m'amener à Erna, expliqua-t-il en voyant le regard horrifié du blond. Je devais m'échapper. Si jamais elle m'attrape, la guerre va éclater. On va tous y passer. Je suis obligé de fuir. Elle ne doit pas m'attra...
Une violente quinte de toux le stoppa. Chaque mot lui coûtait beaucoup. Il se laissa tomber sur le dos, à bout de force.
- Astriel..., ânnona-t-il. Je suis désolé que tu m'aies trouvé. Laisse-moi ici et vas t'en avant qu'ils ne te trouvent.
Astriel ouvrit la bouche pour protester mais se fut inutile car le jeune homme sombra dans l'inconscience.
Le blond finit par se relever en jetant des regards paniqués autour de lui. Il craignait subitement que des hommes d'Erna ne lui bondissent dessus.
- On doit partir, dit-il à Arlyn. Maintenant.
La rouquine hocha la tête.
- Je vais chercher les proies.
- Non ! Elles vont nous ralentir. Prends juste les arcs et vient m'aider à le porter, intima-t-il en désignant Eïron.
- Quoi ?! Mais il est recherché !
- Justement, on ne va pas le laisser ici, ils vont finir par le trouver. Il faut le ramener au village.
- Mais, Astriel, on a pris deux heures pour venir jusqu'ici ! On ne va pas le porter durant deux heures jusqu'au village dans son état ! On ne va pas y arriver !
- Si. Le trajet ne prend pas aussi longtemps que ça. On a fait des détours pour chasser et on a fait des pauses. Le trajet ne devrait prendre qu'une heure si on se presse.
- Se presser ? Avec lui sur le dos ? Ecoute Astriel, je sais qu'on jouait aux héros quand on était petits mais ça ne veut pas dire qu'on en est. Il faut que l'on rentre au village et qu'on demande de l'aide aux autres.
- Non. On ne peut pas le laisser ici. Ils risquent de le trouver.
Arlyn jeta un regard vers Eïron qui gisait piteusement sur le sol, une flèche encore plantée dans la jambe. Elle semblait avoir terriblement pitié de lui.
- D'accord. Je vais chercher les affaires.
Astriel la remercia intérieurement et souleva le corps d'Eïron pour le poser sur ses épaules. Le blond trembla un peu sous son poids. Le jeune homme était assez musclé et cela se ressentait. Mais il n'abandonna pas et le hissa du mieux qu'il put.
Arlyn revint vite avec les arcs et les carquois sur son dos et aida Astriel à porter le brun. Elle passa un des bras d'Eïron autour de son épaule et Astriel fit de même. Ils le soulevèrent.
Arlyn peina un peu car elle était plus petite que lui et Astriel, lui, était un peu plus grand ce qui déséquilibra un peu la balance. Mais ils étaient déterminés et supportèrent la cadence pendant un bout de temps.
Au bout de trois éprouvants quarts d'heures, Arlyn ne put tenir d'avantage et finit par s'écrouler, ne pouvant supporter le poids trop lourds du brun. Astriel lui assura qu'il s'en sortirait seul. Il en doutait un peu mais Arlyn le cru, elle. Peut-être le surestimait-elle un peu. Il était endurant et rapide, certes, mais il n'était pas franchement musclé et Eïron pesait clairement plus lourd que lui.
Il continua de le porter en grimaçant. Son dos commençait à lui faire mal. C'était la première fois qu'il se sentait aussi lourd. Il avait habituellement le pas léger, se sentant presque voler lorsqu'il courait. Alors qu'avec Eïron sur le dos, il se sentait bien trop près du sol à son goût.
Au bout d'une demi-heure, Arlyn avait repris des forces et bien que ses épaules semblaient lui faire très mal, elle l'aida tout de même. Astriel lui en était reconnaissant parce que s'il avait dû porter le brun jusqu'au village tout seul, il se serait sûrement effondré.
D'après ses calculs ils ne leur restaient plus beaucoup de temps. Ils n'allaient pas tarder à arriver.
Effectivement, aux bouts de quelques minutes, ils aperçurent enfin le village. Arlyn poussa un soupir de soulagement et lâcha Eïron en massant ses épaules.
Astriel claudiqua jusqu'à sa maison et déposa le brun sur son lit en lâchant un cri de douleur. Il allait avoir de sacré courbatures et aurait mal au dos durant longtemps, il en était certain, mais il était tout de même soulagé d'avoir pu aider le malheureux.
Lorsque sa mère l'aperçu, elle s'apprêtait à le sermonner d'être partit à la chasse en pleine nuit -le garçon ne se faisait habituellement pas prendre mais en ramenant Eïron il n'avait pas pu être discret- jusqu'à ce qu'elle aperçoive le garçon trempé et blessé dans le lit de son fils.
Elle ne songea même plus à réprimander Astriel et s'occupa immédiatement du jeune homme si mal en point.
Astriel fut rassuré que sa mère prenne soin de lui. Elle avait quelque connaissance en matière de guérison et elle serait sans doute capable de remettre Eïron sur pied.
Alors, il s'affala par terre pour reprendre des forces, heureux d'avoir réussi. Puis, sa quiétude finit par se transformer en anxiété. Les paroles d'Eïron lui revinrent en mémoire. Des gens étaient à sa recherche. Et Astriel l'avait aidé.
« Laisse-moi ici et va-t'en avant qu'ils ne te trouvent » avait dit Eïron.
Astriel déglutit. Il se mit soudain à craindre que les poursuivants du brun ne les retrouvent. Ils se feraient massacrer. Lui, Arlyn, Eïron, sa mère et tout le village.
Il pria pour que ça n'arrive jamais.
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