Chapitre 4
Nous suivîmes Gérald sans un mot, jusqu'à l'arrière de l'établissement, près du terrain d'entraînement. Il s'arrêta au bord de l'étendue d'eau, qui avait pris la couleur sombre de la nuit, seul quelques lampions qui flottaient dans l'air nous éclairaient. La façade arrière de l'académie, teinté d'un dégrader de mauve et de cyan, luisait sous les rayons lunaires.
— Vous aller nager deux par deux, chacun votre tour jusqu'au milieu de l'étang, pour récupérer un objet, que j'ai préalablement déposé, une fois rapporté, les suivants iront le redéposer et ainsi de suite, expliqua Gérald sur un ton aussi froid, que l'air qui me glaçait le sang.
— De quoi il s'agit ? se risqua à demander mon frère en cherchant un point invisible dans l'obscurité de l'eau.
— Vous le découvrirez bien assez tôt, honneur aux troisièmes années, mais avant, je vais vous remettre ceci, rétorqua le garde royal, à la longue chevelure blanche.
Il s'approcha de Gabriel et d'Eden, sorti une sangle en cuir, puis il noua l'extrémité autour du poignet droit de mon frère et l'autre bout à celui du prince des cieux. Ils restèrent un instant, à observer leur lien, qui les unissait dans cette punition invraisemblable. Je les regardai à côté de Sun, tout en me frottant les bras pour tenter de me réchauffer. Les deux frères de deuxièmes années, avaient commencés à faire des étirements avec détermination.
— Vous pouvez y aller à présent, on ne va pas y passer la nuit, s'impatienta Gérald avec un regard noir.
Ils plongèrent aussitôt dans l'eau, ils mirent cinq minutes à adaptés leurs mouvements, pour nager en direction du centre de l'étang. Dix minutes de plus leurs suffirent, pour atteindre un rocher qui dépasser de la surface. Ils revinrent après quinze minutes, nageant tout deux avec une synchronisation remarquable, avec leur seul bras libre. Quand ils touchèrent le bord, Gabriel sorti un énorme boulet en fonte, par une poignée et le déposa sur la terre ferme. Le garde royal enleva aussitôt la sangle, reliant mon frère et le prince des cieux.
La vue d'Eden dans son uniforme blanc et trempé, n'était pas désagréable, le relief de ses abdominaux se dessinait sous ses vêtements humides. J'en oubliai presque le froid, et failli tomber à la renverse, quand il enleva sa veste. Détournant le regard de son corps ruissellent de muscles, je m'approchai vers Gabriel, le voyant légèrement frissonner. Il ôta lui aussi son haut, laissant perler des gouttes d'eau, sur son torse ferme et athlétique. Je l'enlaçai pour lui partager, le peu de ma chaleur corporelle. Sa peau était glacée, je frottais mes paumes pour tentais, de réchauffer son dos. Je remarquai le regard envieux que me lança Eden, tandis que Gérald nouait la sangle, aux deux anges de deuxième années.
— Sam, je vais commencer à prendre le boulet, jusqu'à la moitié du chemin, en le portant de ma main libre, lança l'un des jumeaux avec assurance.
—D'accord Chen, mais on devrait aussi enlever notre uniforme, afin que nos vêtements soient secs, quand nous reviendrons, répondit le dénommé Sam à son frère, tout en déboutonnant sa veste.
Les jumeaux sautèrent en même temps, et se dirigèrent vers le rocher, avec une coordination surprenante. Je ne saurai déterminer, lequel était Chen ou Sam, leurs peaux brunes et leurs cheveux sombres, étaient à peine perceptible dans l'obscurité de l'étang, seul le bruit de leur mouvement, indiqué leur présence. Ils s'arrêtèrent au milieu de leur trajectoire afin de se passer le boulet, puis le déposèrent à son emplacement, au centre de l'étendue d'eau. Les deux frères revinrent après plus d'une vingtaine de minutes, Gérald leur ôta leur lien, pour m'attacher à mon poignet, et celui de Sun. Je me mordais l'intérieure des lèvres, en réfléchissant à une stratégie, nous étions de loin aussi fort et endurant, que les deuxièmes et troisièmes années.
— Je pense que ça sera plus simple, si on nage sur le dos, et comme ça on pourra porter plus facilement le boulet ensemble, avec notre main liée, proposai-je en analysant la trajectoire à suivre.
Tandis que Sun acquiesça, il enleva le haut de son uniforme blanc et le déposa soigneusement, sur un banc en pierre. Il était plutôt mince et semblait tout comme moi dépourvu d'une grande force physique, cette épreuve nous demanderait un effort considérable.
— Surtout prend ton temps, et concentre toi sur ta respiration, ça t'aidera à ne pas penser au froid, me conseilla Gabriel en se penchant vers moi.
J'acquiesçai et m'assis au bord, puis rentrais progressivement dans l'eau gelée. Debout sur la pointe des pieds, je m'allongeais péniblement sur le dos, avec la sensation que des milliers d'aiguilles se plantaient dans ma chair. Je respirais difficilement, mais je tentais de garder un rythme stable, Sun s'allongea à son tour, son sourire malicieux laissa la place à une large grimace. Nous nageâmes ensemble vers notre cible, en nous heurtant parfois, le bras où l'épaule, l'une contre l'autre.
Les quelques exercices, que Gabriel m'avait enseigné, durant les dernières vacances, m'étaient d'une aide précieuse, en préparant mon corps, pour mes futurs entraînements physiques. Je tournai la tête de temps en temps, pour percevoir la distance qu'il nous restait. Le trajet semblait interminable, nous continuâmes lentement notre traversé. Je m'efforçai de me focaliser sur ma respiration, les yeux dirigeaient vers le ciel étoilé, sous le son des ondulations de nos déplacements dans l'eau.
Ma main se heurta enfin sur la roche, Sun attrapa la poignée de l'objet puis le traina au bord. Nous la portâmes ensemble avec difficulté, avant de l'immerger dans l'eau, son poids failli m'emporter au fond de l'étang, tellement la sphère était lourde. Après un long moment, nous parvînmes au rivage, je sortis de l'eau complétement essoufflée, toute tremblante. Quand je fus enfin libérée de Sun, Gabriel me pris aussitôt dans ses bras, et je sentis mon uniforme se déshumidifié rapidement, mon frère avait absorbé toute l'eau imbibé du tissu.
Mes vêtements étaient à présent secs, seul le froid de l'air d'hiver continuait de me mordre les joues. Je regardai autour de moi, ils étaient tous torse-nu, hormis Gérald qui semblait nous laisser quelques minutes de répits, à moi et à Sun.
— Que ceci vous serve de leçon, c'est uniquement grâce à la discipline, que vous avez réussie cet exercice. En vous liant ainsi, vous avez dû vous adapter à votre partenaire. Le rôle des troisièmes années est de montrer l'exemple, c'est ce que vous avez fait en passant les premiers, en montrant la voix à suivre. Les deuxième et première année, on apprit de vos erreurs, et on put atteindre plus facilement leur objectif. Rappelez-vous ceci, vous venez pour apprendre ici, c'est un privilège d'acquérir du savoir, si vous ne voulez pas écouter, vous n'apprendrez rien. Maintenant, vous pouvez aller directement dans votre dortoir, un repas vous attends, s'exclama Gérald avec prestance, avant de déployer ses ailes et s'envoler.
— Il est complétement malade ce type, déclara Sun en reboutonnant son uniforme.
Tout le monde éclata de rire, même moi, c'est vrai que Gérald était quelqu'un de psychorigide, qui respecter les règles de notre monde à la lettre, et d'une loyauté s'en faille. Nous rejoignîmes l'aile Nord, en marchant tranquillement, je remarquai une silhouette, à une fenêtre éclairée de la tour de l'aile Sud, où se trouver le dortoir de la Section Captifs. Je me demandai depuis quand ils étaient arrivés, est s'ils étaient aussi terrifiants, qu'on les avait décrits dans les livres ?
Nous arrivâmes tous les six, dans le salon commun de la Section Royal. Des grands canapés bleu cobalt, étaient disposés autour d'une table basse en pierre, où des plateaux de nourritures nous attendaient. Un feu crépitait dans une cheminée, près d'un vitrail mauve qui s'ouvrait sur un balcon. Tandis que tous se précipitèrent sur les plateaux, mes yeux croisèrent le regard d'Alec, qui était assis un livre dans les mains, seul dans un fauteuil à l'autres extrémité de la pièce. Une bibliothèque recouvrait le mur, derrière lui et un piano blanc trônait dans le coin opposé.
— Il y a des petits sandwichs aux saumons fumés et aux fromages persillés, ils sont délicieux, déclara Sun la bouche pleine, en regardant dans ma direction.
— Tu ferais mieux de te dépêcher, ils sont en train de tout engloutir, m'avertit Gabriel en souriant, assis sur un canapé devant le mini buffet.
Je me dirigeai vers la table basse, est pris un petit sandwich, c'est vrai qu'ils étaient délicieux. Sun avait fait une montagne de sandwichs, dans une petite assiette devant lui, tandis que Sam et Chen étaient affalés dans un canapé, tout en dévorant des brochettes de boulettes de viande. Eden était debout près de la vitre teintée aux reflets violets, il versait de l'eau dans un verre en cristal, il s'approcha de moi et me le tendit. Ses doigts effleurèrent volontairement les miens, en me remettant la coupe.
— Merci, même si j'aurai préféré quelque chose de plus fort, dis-je en plaisantant avant de boire une grande gorgée.
— Faite attention à ce que vous désirez, je pourrais facilement vous révéler, l'étendu de ma force, mais en ce qui vous concerne, je préférerai vous montrer uniquement de la tendresse, me répondit Eden debout face à moi, avec un regard envoutant.
Je rougis malgré moi, en me mordant le coin de ma lèvre inférieure, les yeux bleus du prince des cieux, continuaient de m'observer telle une friandise.
— Eden, si tu pouvais éviter de flirter avec ma sœur, quand je suis à côté, c'est assez gênant, se plaignit Gabriel en se levant.
— Tu peux aller te coucher, si ça te gène tant que ça, lui répondis-je en le défiant du regard.
Mon frère, fronça légèrement les sourcils, comme lorsqu'il était agacé, tandis que le visage d'Eden s'illuminait.
— C'est plutôt toi, qui devrait aller te reposer, pour être en forme demain. Nous avons notre premier cours, d'entrainement aux combats ensemble. Je doute que tu souhaites encore, arrivée en retard demain. Je vais t'accompagner jusqu'à la porte du dortoir des filles, continua Gabriel en s'avançant vers une porte derrière nous.
Je lui répondis d'une grimace, et fit une révérence au prince des cieux, qui me rendit un large sourire. Mes yeux balayèrent une dernière fois la pièce, les jumeaux semblaient se disputé, un dernier morceau de viande. Quant à Alec, toujours silencieux dans son fauteuil, n'avait pas bouger d'un cil, son visage inanimé était un masque indéchiffrable. Sun venait juste de terminer, son assiette de sandwichs, il se leva précipitamment en se dirigeant vers nous.
— Attendez moi, je veux bien que tu m'accompagne aussi, je n'ai pas du tout envie de revivre l'expérience de ce soir, déclara-t-il à mon frère.
Gabriel acquiesça et franchit la porte du fond, je le suivi avec Sun dans un couloir étroit, menant à deux escaliers. Les murs étaient tapissés de broderies céruléennes, représentant des plumes d'oiseaux flottants sur les tissus.
— L'escalier de droite est celui des filles, je n'ai pas... les garçons non pas le droit d'y pénétrer, il y a normalement quatre chambres, et une salle de bain dans chacune, m'expliqua mon frère se dirigeant vers la gauche.
— Merci Gaby, bonne nuit les garçons et à demain, répondis-je en posant ma main sur la rampe en bois.
Une fois en haut des marches, je traversais un palier où quatre portes, se trouver le long du mur. Je remarquai des petites pancartes, clouées sur chacune d'entre elle. Sur la première, le nom de Neva y était inscrit, avec trois plumes d'argents en dessous. Les noms de Swan et Mélissa avec deux plumes argentées, figuraient sur la suivante. Enfin mon prénom et celui d'Alize, se trouvaient sur l'avant dernière porte, avec une seule plume. Je toquai légèrement sur le bois, pour annoncer ma présence, avant d'entrée à l'intérieure.
La chambre était spacieuse, avec deux grands lits, Alize était assise sur le bord de l'un deux près d'une lucarne turquoise qui donnait sur la cour centrale. Elle était vêtue d'une nuisette dorée et avait tressé ses cheveux, en une seule et épaisse natte. Son regard curieux, était fixé sur moi.
— Alors, c'était comment ? me demanda-t-elle avec douceur.
— Je crois que tu ne devrais, jamais avoir à aller en retenue, pour le découvrir, répondis-je avec humour, en m'allongeant dans mon lit, avant de lui raconter ma soirée.
***
Le lendemain, un carillon nous réveilla, mes yeux s'ouvrirent avec difficulté, je croisais le regard d'Alize, qui semblait souffrir autant que moi. Nous avions longuement discuté, avant de nous endormir sur les coups de minuit. Elle avait écouté, tout mon récit avec une certaine admiration, et encore plus quand, je lui avais parler d'avoir vu Eden torse-nu. Nous nous préparâmes rapidement, avant de descendre jusqu'au salon commun, qui était déjà presque remplis. J'aperçu Gabriel assis dans un canapé, qui discutait avec Eden et deux autres troisièmes années. Les plateaux de la veille, avaient été remplacer par de nouveaux, remplis de corbeilles de fruits et de viennoiseries. Sun dévorait un pain aux raisins, assis à côté de Célia sur l'un des canapés autour de la table.
— Nous devons être dans quinze minutes sur le terrain d'entraînement, déclara mon frère, en observant le cadran au-dessus de la cheminée.
Tout le monde commença à s'agiter, en se bousculant les uns aux autres pour sortir rapidement. Je tentai d'attraper une mandarine, au sommet d'une corbeille de fruits en verre, mais mes doigts la firent glisser maladroitement et tomber sur le sol. Elle roula sur le tapis aux motifs argentée et disparut sous la table, je m'accroupis sur la pointe des pieds, en tâtonnant aveuglément par terre. Tandis que le salon se vidait, je fini par me retrouver seule, avec ma mandarine dans la main.
— Qu'est-ce que tu fais encore là ? Tu tiens vraiment à être une fois de plus en retard ? me demanda-t-il sur un ton accablant.
Il me prit par la main, pour me relever et me tira vers la sortie, nous descendîmes la tour de la section royale, et traversâmes la cour intérieure à toute vitesse. Quand nous arrivâmes tout juste à l'heure, sur le terrain d'entrainement, parmi le reste de notre section, une vague de stupeur nous immobilisa. Une assemblée d'uniformes noires était dressée devant nous, cinq gardes ailés se tenaient de chaque côté. Quand je le vis s'avancer vers nous, vêtu de blanc décorés de multiples médailles, le pire était à venir.
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