Stroboscopie - 1 : Premier round

Cent mots par prompt, quinze prompts, une nouvelle. La liste de prompts est restée dans l'ordre dans laquelle elle m'a été donnée. Le prompt n'apparaît pas dans le drabble. Par ailleurs, les derniers mots du drabble en cours sont les premiers mots du drabble suivant.

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1) Microflore

— Il n'y a rien à faire, capitaine. Tout est contaminé. Ça doit venir de ce nuage de spores que l'Arcadia a traversé après le décollage. Ou alors ce foutu parasite végétal était déjà dans l'eau. Vu sa taille, il a très bien pu passer au travers des filtres.

Le docteur Zero leva les yeux de son microscope et secoua la tête, dépité. La totalité de l'eau qu'ils avaient embarquée était bonne à jeter. Ce truc s'était de toute évidence bien plu dans les cuves et avait proliféré, transformant leur eau potable en une bouillasse saumâtre imbuvable. Il ne restait plus qu'à tout vidanger.

2) Commerce équitable

Tout vidanger dans l'espace n'avait pris que quelques minutes. L'Arcadia s'était ensuite posée discrètement sur la planète la plus proche, à proximité d'un domaine agricole dont l'intérêt principal était de posséder un lac de taille conséquente... malheureusement trop près des habitations pour pouvoir espérer en ponctionner une partie en toute impunité.

Harlock s'était donc chargé des négociations avec le propriétaire. Et même si, dans ces cas-là, il prenait toujours un malin plaisir à terroriser son interlocuteur, il s'assurait aussi de faire preuve d'équité. Il ne tenait pas à ce qu'on appelle la police pour vol après son départ. Pour de l'eau, ça ferait désordre sur son CV, pas vrai ?

3) Tanné

— Vrai ? Vous allez m'dédommager, parole ?

C'est sûr, quand on commençait à parler argent... Le capitaine opina. Ils n'avaient pas encore discuté du prix, mais Harlock s'estimait très fort à ce petit jeu. Malgré tout, il devait avouer que l'homme se défendait plutôt bien.

— Avant de conclure, demanda-t-il, est-ce que je peux déjà ordonner le début du ravitaillement ?
— Okay, vous pouvez em'ner vot' engin au lac. Mais n'allez pas effrayer les bêtes !

Pendant que ses hommes emplissaient les soutes, il aurait tout loisir de maintenir la pression sur l'éleveur pour lui faire baisser ses prix. Personne n'avait résisté longtemps à un harcèlement soutenu de sa part.

4) Inspirer

Sa partie s'annonçait plus serrée qu'il ne l'avait cru au premier abord. Harlock avait usé de ses stratégies habituelles pour désarçonner son adversaire, mais tout ce qu'il avait obtenu en retour se résumait à « vindiou, quesqu'y m'veut, l'grand échalas » (et encore, c'était ce qu'il avait extrait de plus compréhensible), ce qui n'était pas de nature à le mettre de bonne humeur.

Là, il commençait à perdre patience.

Respire, pensa-t-il. C'est un civil, et en plus, amical.

Si seulement il n'essayait pas de lui extorquer une somme qui devait avoisiner le montant que le gouvernement avait promis pour la tête du capitaine pirate...

5) Vox populi

La tête du capitaine pirate, lorsqu'il revint à bord, présageait du pire.

— Cinquante mille crédits ! rageait Harlock. Pour ce prix, je peux changer le moteur d'un spacewolf !

De l'avis général, lorsque le capitaine affichait son expression « laissez-moi tranquille ou je vous trucide » (enfin, disons de façon plus visible qu'à l'accoutumée), il était préférable de faire un large détour lorsqu'on l'apercevait. À l'unanimité, l'équipage de l'Arcadia avait donc décrété que le remplissage des cuves serait une activité commune tout à fait passionnante, et tout le monde s'était donc retrouvé autour des pompes. Oui, vérifier que le débit était correct et que les filtres fonctionnaient de façon nominale, c'était très bien.

6) Fardeau

C'était très bien, l'eau, mais tant qu'à être à proximité d'une ferme autant en profiter pour se ravitailler en vivres frais, non ?

Tadashi ne perdait jamais de vue l'essentiel. Il avait repéré un potager bien fourni, et peut-être pourrait-il également obtenir quelques morceaux de viande. Les gars appréciaient toujours les améliorations de l'ordinaire, et lui-même était très fier de leur offrir des menus variés.

Bon, évidemment, il allait devoir supporter le capitaine et son humeur exécrable (Harlock n'avait pas cessé de râler depuis qu'il était revenu chercher l'argent réclamé pour le ravitaillement), mais la promesse d'un bon steak supplantait le côté pesant de la compagnie du capitaine.

7) Joliment

La compagnie du capitaine n'était, en général, pas particulièrement recherchée. Autant dire qu'Harlock n'avait pas vraiment l'habitude de se faire dévisager de la sorte.

— Z'êtes drôlement attifé, dites donc !

L'intéressé haussa un sourcil. Surtout, rester calme. L'éleveur lui avait lâché « pour le règlement, voyez ça avec M'man » avant de partir attraper une vache au lasso, et le capitaine s'était retrouvé face à un bout de femme édentée qui le regardait d'un air curieux.

— Non, j'veux dire... ça vous va bien, poursuivait la vieille. Ça vous donne un petit air pirate, mais avec de la classe. Si j'avais quarante ans de moins, je vous croquerais bien !

8) Acidulé

— Vous croquerez bien un bonbon ?

Harlock envisagea brièvement la possibilité que la vieille dame cherche à l'empoisonner mais écarta rapidement cette hypothèse. Il avait renoncé à suivre la logique de la conversation depuis qu'elle avait dévié sur les bals populaires, puis les tartes aux pommes en passant – bizarrement – par les pingouins.

Tout ce qu'il souhaitait à présent, c'était que la vieille achève de recompter minutieusement les cinquante mille crédits, qu'il puisse en finir avec cette histoire.

Et si pour ça il fallait accepter un bonbon, c'était un moindre mal.

La pastille avait une saveur vaguement citronnée et un arrière-goût indéfinissable. Mais en définitive, ce n'était pas mauvais.

9) Ortie

— Pas mauvais, lâcha Harlock.

Puis il se dit que la politesse exigeait qu'il ajoute autre chose.

— Parfumé au citron ? lâcha-t-il en désespoir de cause.
— Oh, non. C'est fait à base de feuilles. Une plante locale, mais qui ressemble à une plante terrienne.

La vieille dame fronça les sourcils, sembla chercher un souvenir lointain, puis balaya le problème d'un geste de la main.

— Vous savez, ces trucs piquants, là... Urticant quand on les touche !

Finalement, il aurait préféré ne pas le savoir.

Il s'efforça de ne pas soupirer. C'était censé être une opération de routine. Pourquoi avait-il l'impression qu'il s'agissait d'une torture particulièrement cruelle, de son côté ?

10) Dépouillement

De son côté, Tadashi avait repéré un poulailler. Ah, des œufs.

Il hésita.
Bah, personne ne remarquerait que quelques œufs avaient disparu. Et puis Harlock était en train de dédommager le propriétaire pour l'eau, les œufs pouvaient bien rentrer dans le montant de la transaction, non ?

Tadashi trouva un récipient. Entra dans le poulailler.
Et s'aperçut de son erreur.

Les volatiles, peu satisfaits de se faire escamoter leur production de la sorte, lui lancèrent un regard torve.
Le garçon sentit une goutte de sueur froide perler à son front.

Lorsque les bêtes fondirent sur lui, toutes de plumes, de pattes griffues et de becs acérés, il poussa un long cri.

11) Intervention

Un long cri rompit soudain la tranquillité campagnarde. Un peu d'action, excellent, pensa Harlock. Il avait cessé d'écouter le radotage de la vieille au moment où elle avait commencé à lui détailler des recettes d'infusions aux plantes, mais le marmonnement finissait par l'endormir et il craignait que sa réputation ne s'écorne s'il piquait du nez.

— Où sont-ils ? s'exclama-t-il en dégainant.

Il aperçut alors Tadashi traverser la cour, poursuivi par un nuage plumeux et visiblement très en colère. Okay... Pas très héroïque, mais ça ferait l'affaire.

— Eh ! fit l'éleveur lorsqu'il le vit sortir, arme au poing. N'allez pas me dégommer mes poules !

12) Testostérone

— Mes poules ! geignait la vieille.

Harlock, lui, se rendait compte de la dangerosité des poules se déplaçant en meute, d'autant que ces volailles stupides n'étaient nullement impressionnées par son cosmodragon.

Bon. Aux grands maux les grands remèdes. Il détacha Tadashi de sa jambe puis se servit de sa cape comme d'un fouet pour dégager l'espace devant lui.

— Allez, ouste ! Du balai !

Un rire éraillé lui fit stopper son manège.

— Vous réagissez avec vos hormones, vous les hommes, non ?

La vieille déversa un sac de grain par terre. Les volatiles abandonnèrent la lutte dans un concert de caquètements.

Okay, songea Harlock. Il fallait être fair-play et reconnaître la défaite.

13) Chaleur

La défaite était totale. Implacable. Et un peu humiliante, quand on y réfléchissait.

Et s'il avait le rouge aux joues, c'était à cause du soleil. Parfaitement. Habillé en noir comme il l'était, il régulait mal la température. Voilà. Rien à voir avec cette grand-mère qui ricanait et ce fermier qui lui lançait « alors, z'ont point l'habitude de nos bestiaux, les p'tits gars de la ville ? »

Enfin bref. Il devait tout de même l'admettre, de toute évidence ce n'était pas son combat le plus glorieux. Restait à espérer que le récit de cet exploit ne quitterait pas la ferme.

Mais bon, il en doutait. Sérieusement.

14) Donneur

— Sérieusement, Tadashi, qu'est-ce qui t'a pris ?
— Capitaine, je voulais juste...
— Oh, silence. Tu mérites des baffes. Quel besoin avais-tu d'aller embêter ces bestioles ?

Ah, il savait qu'accepter un gamin à bord ne lui apporterait que des ennuis ! À chaque fois que le gosse faisait une bêtise, il se retrouvait dans la position du moralisateur, et il avait horreur de ça.

— Mais c'était pour la cuisine, capitaine... tentait de se justifier le garçon.

Et puis allez donc éduquer un enfant, lui apprendre à respecter les règles et tout, quand vous prôniez un mode de vie consistant à ne pas les respecter, les règles, justement !

— Tu es infernal, Tadashi.

15) Longe

— Tadashi, tu ne rates jamais une occasion de te faire remarquer. Je vais finir par te ligoter quand on est en escale.
— J'ai ce qu'il faut, si vous y t'nez ! lança l'éleveur en brandissant une courroie de cuir.

Tadashi écarquilla les yeux. Quoi ? Il ne pensait tout de même pas...

— Jamais vous ne m'attacherez avec ça ! cria-t-il sans remarquer l'expression hilare de l'éleveur.

Non, ce qui inquiétait le garçon, c'était que le capitaine avait l'air, lui, tout à fait sérieux.

— Même pas en rêve ! ajouta-t-il pour faire bonne mesure. Il n'y a rien à faire !

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