Androïdes Chapitre 1 - Descente au musée de la robotique.

Où devrait-on placer les Robots lorsqu'ils prendront leur retraite?


Le nouveau musée de l'Institut Robotique fut érigé au point habitable le plus bas du monde, l'Earthscraper de la Station Mexico. C'est la première fois que mon propriétaire et moi descendons dans le plus profond gratte ciel inversé de la planète, dont les fondations plongent jusqu'à trois cents mètres sous terre.

L'Earthscraper peut être décrit tel un gratte terre en forme de pyramide inversée, de la taille d'une Tour Eiffel à l'envers. Par la désignation « Tour Eiffel », je fais référence à un monument du Grand Quartier France où naquit et vit majoritairement mon propriétaire. Il s'agit d'un des monuments artificiels de plus grande renommée historique planétaire. Il a été partiellement détruit en fin 2084, c'est dommage.

Lorsque l'on marche sur la surface plane de la grande place de la Constitution au centre de la Station Mexico - Grand Quartier Mexique, l'humain a du mal à se représenter les soixante cinq étages d'habitations sous ses pieds.

Pourtant, le plancher de verre qui recouvre toute la surface de cette place et diffuse la lumière naturelle jusqu'aux trentièmes étages inférieurs, permet aisément de distinguer ce magnifique édifice d'urbanisme souterrain.

Mais mon programme s'adapte aux problèmes et craintes de représentations des esprits humains, même si cela va à l'encontre des analyses logiques de mon processeur-cortex.

Je rassure donc mon propriétaire lorsque nous descendons la passerelle de ce puits central permettant la ventilation d'air et la diffusion de lumière.

« Tu n'as rien à craindre, mon chou. Ce bâtiment est très sûr, le bureau d'architecture Bunker Arquitectura avait reçu le Prix Panthéon lors de sa conception. »

J'ai immédiatement détecté dans la réponse de mon propriétaire cette touche d'ironie typiquement humaine dès les premières syllabes :

« Ouais, sauf que si j'ai bien appris mon Histoire Anhya, le Panthéon de la Station Rome s'est écroulé lors de la dernière compétition mondiale des Jeux d'Arénas ! »

Ma programmation a du mal à comprendre le lien logique entre la plus haute distinction discernée à un projet architectural et la dernière compétition d'un barbare sport télévisé de guerre ayant eu lieu à la basse antiquité du 21ème siècle. Mais je suis programmée pour rire à chaque trait ironique de mon propriétaire sans me poser de question.

« Ah, ah, ah, ah ! Il est vrai que ce type d'édifice est très dépendant énergétiquement. Le gratte-terre serait vulnérable à une rupture d'alimentation énergétique, compromettant la ventilation, supprimant les accès d'entrée ou de sortie.

- Merci Anhya ! Je suis vraiment.... très rassuré maintenant ! »

Une seconde touche d'ironie mêlée à un redoublement d'angoisse, je regrette que la logique de ma programmation m'ait obligé à révéler les véritables risques encourus lorsque l'on s'enfonce dans des édifices si profondément construits sous terre. Mais je ne suis qu'un modèle Anhya AMD Turion M520, sortie en Mai 2093. Ma programmation n'est pas aussi performante que les derniers modèles d'Andros actuellement mis sur le marché.

Je comprendrais si mon propriétaire souhaiterait bientôt me changer pour un nouveau modèle. Peut être un Andros Univers M3 de Samsung World dont les ingénieurs mettent actuellement au point les plus grandes innovations. La peau en polyéthylène de leurs nouveaux Androïdes reproduirait quasiment à l'identique celle des Humains avec transpiration, chair de poule, changement de chaleur, etc...

Arrivés au trentième étage sous terre, les passerelles de descentes passent le relais à de larges ascenseurs. Une loi a voté que les habitats humains souterrains ne peuvent aller au-delà de la diffusion possible de lumière naturelle. Ainsi, du trentième au soixante-cinquième étage en sous-sol se situent uniquement des lieux dont le service peut être laissé à un personnel robotique : Archives, salles de spectacle, musées...

La porte de l'ascenseur s'ouvre sur le soixante cinquième étage, les visiteurs dont nous faisons parti sont accueillis par un magnifique hall qui étend ses massives colonnades d'éclairage tel un temple archaïque avant l'inconnue des abimes de la planète.

On s'avance, je compte trente footwide de dalles carrées avant que mon propriétaire m'ordonne de ralentir le pas. Il veut, je le cite, « laisser passer le troupeau ». L'humain individuel perçoit souvent ses congénères en termes grégaires.

Dans ce musée de la robotique sont exposés mes lointains ancêtres robots qui ont depuis bien longtemps cessés toute activité. Ces restes des premiers prototypes ont été transférés depuis le premier musée de la robotique de « Pittsburg » (lieu de regroupement d'habitats humains anciennement désignés sous le terme de Ville – ne constituant actuellement pas une Station de Grand Quartier). Les raisons de ce transfert furent un manque conséquent de subventions publiques ainsi que la guerre des six semaines qui dévasta les environs où se situait ce premier musée.

Les avantages de ce transfert dans le soixante cinquième étage du Earthscraper présentant une quantité non négligeable de salles, sont de permettent à tous les restes de mes ancêtres robotiques d'être dignement exposés et non oubliés dans des caisses en bois aux archives.

Ils sont désormais à la pleine vue du public, intégrés dans le patrimoine de l'humanité, mis en valeur tel de précieux bijoux en or. Pourtant la majorité des visiteurs n'est réellement intéressé que par une seule des pièces exposées, « la Cassandra de Balmer », cet automate est désigné comme « La Joconde de la robotique ». Selon les rumeurs, elle serait d'une conception incroyablement sophistiquée et avancée pour sa date de création qui est estimée entre 1965-1970, soit la préhistoire de la robotique.

Son exposition au public est toute récente. Jusqu'à présent, elle était encore la propriété privée des cinq « pères et mères » des Andros, le fameux club des IA-phoria. Pouvoir la voir était alors le privilège occasionnel accordée seulement à quelques rares ingénieurs.

« Laissons-les se précipiter Anhya. » Me dit chaleureusement mon propriétaire. « On a tout notre temps et il y a beaucoup d'autres choses à voir. »

Nous suivons respectueusement l'alignement des salles dans le sens de la visite classique indiqué par des flèches holographiques.

Le premier reste de robot exposé a été sciemment laissé dans sa caisse en bois afin de montrer aux visiteurs que ces premiers robots prototypes ont passé de très nombreuses années dans des sous-sols de laboratoires.

Le panneau holographique nous donne son nom : « Le cheval de Troie CockroachCockroach Trojan ».

Je ne distingue qu'un seule morceau de ce reste mécanique via le couvercle ouvert de la caisse. Même complet, ce robot n'avait pas forme humanoïde. Pourtant mon propriétaire analyse un visage sur ce plateau carré aux bords arrondis, tenus avec deux gros boulons. Je le rectifie en lui expliquant que ce morceau survivant du robot contenait son processeur central.

Une mascotte holographique apparait sous la forme d'un automate rétro de dessin animé pour les « larves humaines » et nous raconte toute la légende liée à ce robot.

- « Bonjour chers Visiteurs ! Le cheval de Troie Cockroach juste devant vous appartient à la catégorie des robots prototypes. Il s'agissait de modèles artisanaux uniques, leurs créateurs les avaient fabriqués eux même dans leurs ateliers. Ces premiers robots rencontraient alors un de ces deux destins : soit ils finissaient oubliés dans un coin de laboratoire, de placard ou d'un sous-sol, soit leurs pièces étaient cannibalisées pour fabriquer un autre robot. A cette lointaine époque, une partie de robot pouvait coûter des dizaines de milliers d'unités dollars, c'est pourquoi certains chercheurs en robotique préféraient se tourner vers l'avenir plutôt que de conserver le passé. Ils n'hésitaient pas à éviscérer ces pauvres vieux robots afin d'en créer un nouveau. En ces temps de jadis, les laboratoires étaient ouverts à tout le personnel d'ingénieurs chercheurs et tout le monde pouvait toucher aux prototypes. Si, par exemple tard dans la nuit, quelqu'un décidait de prendre des pièces sur un robot abandonné, rien ne l'empêchait de le faire. Ainsi beaucoup de robots prototypes de cette décennie 1980 disparurent à tout jamais ! » -

Mon propriétaire ordonne une pause à l'hologramme, il me demande si ce que je viens d'entendre me choque. Je lui réponds qu'au contraire, je trouve cette économie et réutilisation de pièces parfaitement logique et raisonnable. Nos propres compagnies conceptrices d'Andros placent le recyclage environnemental au rang de priorité.

L'hologramme reprend ses explications :

- « ...mais un jour, un jeune chercheur professeur de robotique à l'Université Carnegie Mellon, Chris Atkeson, fût un des premiers chercheurs ingénieurs qui voulu garder ses robots. En véritable « accapareur », il voulu sauver toutes ses créations. Il commença aussi à penser à la meilleure façon de sauver d'autres robots créés dans les décennies 1970 et 1980. Il commença à planifier ce qui pourrait être le premier musée dédié aux Robots de l'Amérique, et parti en quête de robots vintages afin de former une grande collection. L'idée de ce musée de la robotique commença indirectement avec la récupération des morceaux du cheval de Troie Cockroach dont les morceaux restèrent des années dans un sous-sol à Pittsburgh, où son créateur, Ivan Sutherland, l'avait caché. » -

L'hologramme diffuse alors l'image du concepteur Ivan Sutherland qui chevauche son Cockroach Trojan à l'apogée de sa conception. Outre l'aspect terriblement obsolète du robot, l'apparence du concepteur me fait rendre compte à quel point cette archive média est ancienne. Le style vestimentaire du concepteur, ainsi que la dense pilosité de sa barbe sont tellement loin des critères imberbes et de la mode actuellement en vogue parmi les humains mâles.

- « Ivan Sutherland avait conçu ce robot tel une machine à six pattes qui pourrait marcher et porter le poids d'un être humain juste parce qu'il pensait que ce serait amusant. Un jour, le fils de Sutherland entra en contact avec l'Université de Carnegie Mellon, où le Cockroach avait été créé. Il voulu savoir ce qu'était devenu le robot de son père ? Chris Atkeson avait sauvé les différentes parties du Cockroach mais les avait à son tour laissées dans un couloir du sous-sol où ce fut un dénommé Daniel Pillis qui le retrouva en 2015.

L'Honorable Monsieur Pillis, membre d'honneur posthume de ce Musée, était alors un étudiant diplômé et artiste en résidence à l'Institut de robotique. C'est là qu'il fut attiré par le robot. Le Cockroach possédait une qualité particulière et une esthétique surprenante. Quand Daniel Pillis l'aperçu jonché le long du couloir, sa première pensée fut : Que pourra-t-on en faire ? Pensant qu'il était bon pour les ordures, il ramassa les restes du robot comme pièces de récupération. Mais de plus en plus attiré par cette machine, il décida d'en découvrir davantage sur Sutherland, comment il avait créé un programme d'infographie pionnier, comment il avait travaillé sur une première version de l'intelligence artificielle et senti qu'il avait ouvert une première porte dans l'histoire de la robotique et de l'infographie ! Il s'agissait d'une partie de l'Histoire qui devait être partagée. Il emmena alors le robot dans son atelier et commença à le nettoyer.

Fils de restaurateurs d'objets d'Arts, Pillis savait prendre soin des machines et comprenait comment elles avaient été travaillées. Il entra en contact avec Sutherland, qui commença à superviser concrètement le projet du musée de la robotique. En 2016, le cheval de Troie Cockroach était exposé, il ne pouvait plus fonctionner, mais il avait échappé à l'oubli dans une remise en sous-sol. » -

Mon propriétaire me regarde bizarrement, je ressens un peu d'incompréhension et de déception sur les traits de son visage. Je crois qu'il attend quelque chose de ma part, mais mon programme ne parvient pas à identifier le besoin dont il s'agit.

« Ai-je fait quelque chose de mal, mon chou ?

- Je voudrais juste savoir ce que tu ressens en regardant cette boite avec cette pièce de robot, Anhya ? »

Pour le satisfaire, je regarde à nouveau la boite, l'analyse sous tout ses aspects, mais je ne parviens pas à acquérir d'informations supplémentaires à ce qui a été déjà dit.

« Up..... Variable displacement.......

- Qu'est ce que tu racontes Anhya ?

- Je te lis les choses écrites sur la boite, mon chou. Le guide holographique ne l'a pas mentionné. Etait-ce que tu attendais ?

- Laisse tomber, on poursuit la visite. »

Je n'arrive vraiment pas à déterminer ce qu'il attend d'autre de ma part. Je pensais que ce détail serait intéressant pour lui, c'est devenu très rares des inscriptions qui ne soient pas holographiques.

Les autres vitrines nous montrent d'autres vieux prototypes robotiques assez ridicules, dont l'intelligence est vraiment primitive. Il s'agit plus de la simple mécanique que de la technologie robotique. Un de ces « automates » remit en fonctionnement ne fait que se trainer par terre. Pour cause, il n'a pas de jambes, juste des barres qu'il peine à faire bouger avec six moteurs surmontés de pompes et cadrans à pression, ainsi qu'une encombrante batterie trainant à côté de lui. La logique robotique, ce que les humains appellent « pitié » ou « compassion » voudrait qu'on le débranche définitivement plutôt que de le laisser dans cet état d'existence inutile.

Le guide holographique réapparait et diffuse de nouvelles explications.

- « Chers visiteurs, vous avez maintenant devant vous les toutes premières pièces robotiques à avoir été exposées dans la premier musée de la robotique à Pittsburg. Revenons au fondateur de notre musée, Monsieur Chris Atkeson, qui en 2016 s'investi pleinement dans la préservation de l'Histoire de son domaine de recherche. Il considérait ce projet comme un hommage après la mort du grand pionner de la robotique Joseph Engelberger. Le travail de restauration réalisé par Pillis le poussa à faire avancer son projet. La région Etatsunienne de la Californie était intimement liée à l'histoire de l'ordinateur, et certains des premiers robots y vivaient, mais il manquait toujours un musée dédié à la robotique.

Atkeson entra en contact avec des collègues qui ne purent sauver les robots qu'ils avaient créés dans les décennies 1970 et 1980. On lui raconta alors de véritables « histoires d'horreur » sur des robots qui sont restés enregistrés dans les dépôts des ateliers pendant des décennies avant d'être jetés dehors, d'autres furent prêtés à des étudiants qui les ont cassé ou démonté, d'autres encore ont été détruits lors d'inondations !

Cependant, Chris Atkeson parvint à sauver in extrémiste un bras du modèle robotique Tôt, tout juste avant que ce dernier soit envoyé à la ferraille. Heureusement ce robot particulier présenté devant vous a été épargné. La disparition de cette toute première version d'où descendent les articulations des Andros actuels aurait été une perte inestimable. » -

Lorsque je vois la lenteur, la grossièreté de mouvement et le manque d'assurance de ces gros rouages écarlates aux si nombreux fils électroniques ressortis, je peine à analyser que les jointures si parfaites et la maitrise des mouvements sur les Andros de mon modèle aient un quelconque lien avec cette vieillerie.

Les salles s'enchainent, ne présentant que des prototypes aux mouvements répétitifs et limités, des finitions indignes des premiers automates aspirateurs. Si je compare notre Histoire des Androïdes avec l'Histoire de l'espèce humaine, les processeurs de ces prototypes sont plus proches de l'âge des dinosaures que de celui de l'électricité, des véhicules... bref de toute technologie.

L'hologramme achève enfin :

« Chris Atkeson a commencé son projet en recueillant environ une vingtaine de robots, son ultime étape consista en la création d'un musée virtuel, de sorte que les visiteurs pouvaient voir et interagir avec des représentations en 3D des machines. Aujourd'hui, grâce au financement de généreux mécènes, les robots ont été restaurés, remis en état de fonctionnement et ont obtenu un espace physique dédié de leur propre existence, complétant le rêve d'Atkeson où aucun étudiant diplômé ne peut plus voler les entrailles de nos chers pionniers robotiques.

Pour achever cette présentation de l'espace dédié aux origines fondatrices de la robotique, mesdames, messieurs et Andros, je cite les paroles du fondateur Chris Atkeson sur l'importance d'avoir des musés de robots.

Le guide holographique laisse place au carré flottant d'un vieil enregistrement vidéo reconverti et restauré en format holo. Pour un souci d'authenticité, le musée à laissé un patine fade et une image saturée. L'humain dénommé Chris Atkeson, particulièrement âgé, la pilosité faciale négligée, pose sur un fauteuil effet cuir plastique démodé entouré de robots dinosaures dont il s'est tant battu pour leur conservation. Il cite une seule phrase sur un ton indéfinissable :

« Dans de nombreuses histoires de science-fiction, c'est souvent en ressuscitant une chose ancienne que l'on parvient à sauver le monde ! » -

« Mais un musés de robots est également l'endroit où un vieux robot se réveille et se déchaîne afin de détruire le monde ! »

Mon propriétaire me regarde fixement, une surprise affichée en grand sur son visage après la sortie automatique de ma rétorque.

« Pardon mon chou, c'est à cause de mon application d'encyclopédie de la Science Fiction que tu m'as fait télécharger. Des fois, ça sort automatiquement. »

Il rigole rapidement, puis son visage redevient grave.

« Bah, si c'est pour sauver l'Histoire de la robotique, ils ont du se dire que c'était peut être un risque à prendre. »

Nos programmes d'analyses logiques ne comprendront jamais les contradictions du résonnement Humain. S'ils ont si peur que nous devenons un jour une menace pour eux, pourquoi nous ont-ils conçu aussi performants ?

Ils auraient parfaitement pu arrêter notre conception au stade de nos ancêtres automates...


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top