Chapitre 9
Incapable de rester plus longtemps en présence de Dylan, Andréas rentra plus vite que prévu chez son oncle, puis passa le reste du week-end dans son lit. Trois jours après son retour, Ludwig insista pour qu'il se lève et qu'il vienne passer quelques jours avec eux à New York. Andréas n'avait aucune envie d'aller se prêter à des mondanités de l'autre côté du pays, mais il finit par se dire que cela lui ferait du bien et ne le regretta pas. Les six jours qu'il passa dans cette ville lui permirent de se changer les idées. Les new-yorkais étaient à l'opposé des californiens, toujours pressés et incroyablement dynamiques. Les travailleurs côtoyaient les touristes émerveillés par les buildings éclairés pas des panneaux géants. Le jeune duc passa l'essentiel du séjour à débattre avec sa cousine sur la politique américaine, et sur l'absence de toute notion d'écologie dans leur culture. Amélie voulait devenir sénatrice au Congrès et il espérait qu'elle pourrait faire diminuer la consommation d'énergie du pays, car c'était franchement inutile de laisser les lumières allumées toute la nuit et la journée.
– New York ne dort jamais, avait rétorqué Amélie.
– Les américains vont finir par détruire la planète, s'était-il énervé.
Se disputer avec sa cousine sur des sujets liés au gouvernement lui permettait de relâcher la pression et de s'éloigner de ses vraies préoccupations. Alexie et Merlin lui avaient envoyé plusieurs messages pour savoir comment il allait, tout comme Barthélémy et Nicolas. Le dernier soir, le père d'Andréas les rejoignit pour une soirée, alors qu'il était de passage à New York. Ce dernier s'en serait bien passé, car le duc passa l'essentiel du repas à l'interroger sur ses fréquentations, ses résultats scolaires et voulut savoir s'il continuait régulièrement à réciter ses psaumes pour éloigner le malin, ce qui le replongea dans sa mélancolie juste avant le décollage.
Il fut soulagé quand l'avion se posa à Los Angeles et qu'il en descendit. Les cours ne reprendraient que le lundi et il lui restait encore un week-end pour souffler. Il venait de poser ses affaires dans sa chambre quand il reçut un message d'Alexie qui lui proposait d'aller faire un pique-nique à la plage le lendemain midi. Cette situation ne lui était jamais arrivé et il se précipita dans la chambre de sa cousine, occupée à trier ses affaires.
– Et donc ? dit-elle après la lecture du message. Tu es perturbé à l'idée de faire un pique-nique maintenant ?
– Elle veut que j'apporte quelque chose à manger.
– Tu n'as qu'à faire un cake. Ou des cookies.
Il la regarda les yeux grands ouverts, en se demandant si elle était sérieuse. Ce n'était pas tant qu'il n'avait pas envie de s'essayer à faire la cuisine, c'était surtout que la seule fois où il avait tenté d'emmener un gâteau chez quelqu'un – qui se trouvait être la mère de Barthélémy – il avait cruellement échoué. En désespoir de cause, il s'était rabattu sur un pâtissier. La mère de son ami était vraiment gentille. Elle l'invitait régulièrement, mais il n'y était allé que deux fois. Elle vivait dans un deux pièces avec son fils, était femme de ménage et n'avait pas beaucoup de revenus. Son mari l'avait quitté quelques mois après la naissance de leur fils pour une autre femme et elle enchainait les petits boulots depuis pour joindre les deux bouts. Sans la bourse qu'il avait obtenue, Barthélémy n'aurait jamais pu entrer à Hamilton. Depuis le collège, il s'obstinait à travailler afin de la rendre fière et d'accéder au métier de journaliste qui le faisait rêver.
– Je m'occupe de faire des cookies, lui promit Amélie. Détends-toi, c'est juste un pique-nique.
Il répondit à Alexie qu'il viendrait, puis demanda s'il pouvait inviter Barthélémy et Nicolas. Elle répondit « Ouiiiiiiii », avec plein de cœur et des renards – pourquoi des renards ? – et il envoya un message à ses deux amis. Sur leur conversation commune, Nicolas accepta immédiatement, mais Barthélémy se mit à râler, fidèle à son habitude.
Bart :
Je ne fais pas de pique-nique avec les voleurs de Sweat !
Nicolas :
Allez Bartichou ! Tu ne vas pas ressasser cette histoire toute ta vie ! Puisqu'Andréas te dit que Merlin a changé.
Andréas :
Est-ce que tu vas enfin me raconter ce qu'il t'a fait pour que tu le détestes autant ?
Bart :
Il a mis mes cahiers sous la douche dans les vestiaires et a trempé mon sweat Pikachu dans de la purée à la cantine ! C'était mon préféré. Je ne lui pardonnerai jamais.
Andréas :
Demande-lui de t'en racheter un autre ?
Bart :
Jamais de la vie ! Il est irremplaçable dans mon cœur.
Nicolas :
Allez Bart ! S'il te plaaaaaaait ! On va bien s'amuser. Et je vais me noyer si tu ne me surveilles pas dans la mer.
Bart :
Prends une bouée.
Andréas :
Bart ! Allez !
Bart :
C'est pas parce que Fraser est ton plan cul que je suis obligé de jouer au ballon avec lui sur la plage Andréas ! Trouve toi un autre fantasme !
Andréas :
🥺❤️🥺❤️
Nicolas :
🥺🥺
Bart :
Vous n'allez pas vous y mettre à deux.
Ils continuèrent de lui envoyer chacun une série de smileys suppliants, avec des petits yeux noir brillant de larmes. Barthélémy finit par répondre « Ok » et ils n'insistèrent pas plus de peur qu'ils changent d'avis.
Le lendemain, Andréas récupéra les cookies préparés par Amélie – qu'il avait remercié au moins cinquante fois – et rejoignit Alexie et Merlin à la plage. Il ne les avait pas vu depuis dix jours mais fut content de les retrouver. En arrivant près d'eux, il s'étonna de voir que les jumeaux étaient aussi présents, mais fut soulagé de ne pas trouver Dylan. Andréas n'avait aucune envie de reparler du week-end au chalet qu'il souhaitait enfouir à jamais. Il continuait à se demander comment Dylan avait su pour le centre, mais préférait ne pas savoir. C'était un garçon tordu qui cherchait à le blesser, il avait dû demander à son père de mener une enquête.
Dylan lui avait écrit un « Pardon Monsieur le duc, je ne recommencerai plus » qu'Andréas avait tout bonnement ignoré. Il n'avait même pas montré le message à Merlin mais en avait un peu discuté avec Alexie qui reconnaissait aussi que le comportement de Dylan pouvait être malsain parfois. Il aurait aimé que Merlin prenne conscience que ce garçon était nocif, d'autant qu'il s'en était pris à Alexie, mais les choses semblaient nettement plus compliqués.
– Salut Monsieur le duc ! dirent les jumeaux à l'unisson.
Andréas arqua un sourcil, encore plus étonné qu'ils semblent contents de le voir. Il les salua aussi et s'assit avec eux sur la nappe qu'Alexie avait installée. Elle les protégerait de cet horrible sable brûlant qui s'immisçait partout dans les vêtements. Il avait fait l'effort de porter un short qui lui arrivait juste aux chevilles et une chemise aux manches courtes, mais il n'était pas à l'aise dans les tenues d'été.
Merlin était allongé dans le sable, des lunettes de soleil sur les yeux. Il lui fit un sourire en le voyant et retira ses lunettes pour l'embrasser. Andréas pensa qu'il allait lui faire la bise mais il posa ses lèvres sur les siennes, alors qu'il s'affolait des gens qui les observaient sur la plage. Derrière, il entendit des grognements et se retourna pour voir Barthélémy et Nicolas. Le premier avait les bras croisés et pointait un regard noir sur Merlin, l'autre était déjà en maillot de bain, une planche de surf sous le bras, et criait aux jumeaux qu'ils devaient venir surfer. Josh ne se fit pas prier et le rejoignit vite, suivit plus lentement par Isaac.
– Je vais aller le surveiller, annonça Barthélémy. Il est capable de se noyer.
– Je viens avec toi, annonça Alexie. Il faut qu'on parle de ta dernière vidéo.
Andréas eut l'impression de discerner un sourire sur les lèvres de Barthélémy alors qu'il s'éloignait avec la jeune fille en le laissant seul avec Merlin.
– Barthélémy est venu, constate ce dernier.
– Nicolas et moi avons beaucoup insisté. Il a dit qu'il était prêt à faire une trêve.
– Je suis touché. Tu crois qu'il pourra me pardonner ?
– Tu as vraiment mis son sweat préféré dans de la purée ?
– J'étais con au collège. Si je lui en achète un autre, tu crois que ça ira mieux ?
C'était peut-être une bonne idée. Merlin semblait réellement désolé et cherchait un moyen de se rattraper. C'était mignon. Andréas se perdit dans la contemplation du garçon. Il lui semblait ne pas l'avoir vu depuis une éternité. Sa main se glissa dans la sienne, malgré les regards qu'il sentait sur eux. Il évita d'y penser et se concentra uniquement sur Merlin qui caressait son bras.
– Tu m'as manqué tu sais.
– Toi aussi, sourit Andréas.
– Ça va mieux ? lui demanda-t-il.
– Oui, répondit-il en haussant les épaules.
– C'était bien New York ?
– C'était... dépaysant. Tu sais qu'ils consomment vraiment trop d'électricité ? Je crois qu'ils n'ont absolument aucune conscience écologique.
Il passa les dix minutes qui suivirent à lui expliquer ce qu'il ferait s'il était président des États-Unis – et ce qu'il ferait quand il serait chancelier d'allemand après avoir été député - sous le regard de Merlin qui eut l'extrême obligeance de faire semblant d'être intéressé. La main de son compagnon était toujours sur sa jambe et le caressait quand tous les autres revinrent. Nicolas jeta sa planche de surf à côté de lui en lui envoyant du sable et s'allongea sur sa serviette pendant que les jumeaux commentaient leurs performances sur les vagues.
– Vous ne vous êtes pas baignés ? demanda-t-il à Bart et Alexie qui arrivaient ensemble.
Le sable s'était immiscé sur son short et il tentait de le faire partir en maugréant. Alexie et Barthélémy s'assirent à côté, le premier avait toujours les sourcils froncés.
– Non, j'ai surveillé Nico, je te l'ai dit, expliqua-t-il. Il ne sait pas nager.
– Il est allé faire du surf, fit remarquer Merlin, il doit un peu savoir.
Le regard que lui lança Bart ne soufflait aucune réplique et Merlin leva les bras après s'être assis en tailleur pour s'excuser d'avoir fait un commentaire. Prudence et Lily arrivèrent alors, les bras chargés par un gros panier, et demandèrent s'il restait de la place pour qu'elles se joignent au pique-nique. Ils s'installèrent en cercle et déposèrent au milieu tous les plats pour que chacun puisse picorer. Andréas tendit les cookies de cousine à Alexie qui récupéra la boite avec un sourire ravi.
– J'espère que ce sera bon.
– Pourquoi ça ne le serait pas ? demanda-t-elle. Tu cuisines si mal que ça ?
– Amélie a presque tout fait, j'ai juste pesé le sucre.
– Tu n'es pas encore bon à marié, s'amusa Merlin en prenant une part de la tarte qu'avait préparé sa petite amie.
– De toute façon, nous avons des domestiques au château, répondit Andréas en haussant les épaules.
– Toutes nos excuses Messires, lança Alexie. J'ai oublié d'appeler mon majordome pour faire le service.
Andréas ne releva pas la pique. Il avait bien compris que ses amis aimaient l'asticoter et s'il réagissait à toutes leurs remarques, il n'en finirait plus d'être vexé.
– Nous on a fait un crumble ! dirent les jumeaux d'une même voix.
– Et moi des feuilletés, ajouta Merlin en ouvrant un tupperware. Certains sont végétariens.
Il adressa un clin d'œil à Andréas qui en récupéra avec un remerciement. Quelques jours plus tôt, Merlin lui avait envoyé des photos de plusieurs de ses préparations culinaires. À priori, il appréciait faire la cuisine. L'adolescent tendit ses feuilletés à Barthélémy qui leur jeta un coup d'œil comme s'ils étaient empoisonnés.
– Si tu les as empoisonnés Fraser, sache que je reviendrais de l'au-delà pour te hanter.
– Allez Bart, fais un effort, en plus ils sont délicieux. Lui, il est bon à marier ! lança Nicolas en se redressant pour prendre un feuilleté.
– Et toi Nicolas, t'as apporté quoi au juste ? l'attaqua Prudence.
– Mon corps et mon cœur Prudy chérie. Si tu veux, je t'offre une glace après et une balade main dans la main sur la plage ?
– Ne prends pas tes rêves pour la réalité.
Nicolas poussa un soupir à fendre l'âme puis se tourna vers Barthélémy pour lui tourner sa casquette rouge. Le garçon maugréa.
– Vous devriez vous serrer la main Merlin et toi, en signe de paix.
– Je ne pactise pas avec mon ennemi.
– Tu viens de manger l'un de ses feuilletés et tu passes ton temps à discuter meurtre avec sa copine, ça devrait vous rapprocher.
– Il pourrait peut-être commencer par s'excuser plutôt que de m'acheter avec des feuilletés ?
Barthélémy continuait de fixer Merlin comme s'il voulait le foudroyer. Le jeune garçon hocha la tête, l'air soudain timide et posa ses grands yeux bleus sur lui.
– Alexie a raison. Je me suis comporté comme un con au collège et je t'ai un peu harcelé.
– Un peu ? Tu as trempé mon manuel d'anglais dans de la purée ! Et mon sweat !
– Je m'en veux, c'était stupide.
– Nous sommes en effet tous d'accord pour dire que les garçons manquent cruellement d'immaturité, ricana Prudence.
– Heureusement qu'il y a des filles pour leur apprendre à réfléchir, lança Lily avec un clin d'œil.
– En plus, tout le monde sait que Merlin s'est assagi depuis qu'il est avec toi Lexie, ajouta Isaac.
– Ah bon ? s'étonna la jeune fille.
– Ouais, il n'a tapé que deux mecs cette année, un record, lança Josh.
– Moi il m'a fait mal au coude, marmonna Andréas.
À côté, il vit Merlin lever les yeux au ciel. C'était vrai, il lui avait fait mal le soir du bal de Noël en lui agrippant le bras. Il avait eu un bleu et du mal à plier son coude durant plusieurs semaines. En plus, depuis, il n'arrêtait pas de le pincer pour s'amuser, pile à cet endroit.
– Laissez, il est un peu du genre mélodramatique, soupira Merlin.
– À peine, ricana Barthélémy avec de froncer les sourcils en se rendant compte qu'il venait de soutenir Merlin.
– Quant aux deux mecs que j'ai frappés, poursuivit l'adolescent, je tiens à dire que Seth est un sacré con et qu'il avait insulté Alexie.
– Je suis d'accord, confirma Josh. Je lui aurais tapé dessus aussi à ta place.
– Ce que tu as fait le lendemain, rappela son frère.
– On ne vient pas de dire qu'il fallait faire preuve de maturité ? s'affligea Prudence. Vous êtes obligés de toujours sortir vos poings pour vous exprimer ?
Ils éclatèrent de rire. Andréas et Alexie échangèrent un regard puis observèrent Barthélémy d'un air suppliant.
– Allez Bart, serre la main de Merlin, l'encouragea Andréas à la suite de Nicolas.
– Hors de question.
– Allez Taylor, fais la paix avec Fraser, ricana Joshua. Ce n'était qu'un manuel d'anglais.
– Et mon sweat Pika...
– Par la barbe de Merlin, Barthélémy ! s'énerva Nicolas. Je t'achèterai un sweat Pikachu si ça peut t'aider à faire ton deuil. Mais arrête de ressasser cette histoire. Allez les garçons.
Il se courba vers l'avant, attrapa le bras de Merlin et de son ami et les força à se serrer la main. Andréas trouvait cela très amusant, surtout que Barthélémy maugréait à moitié. Merlin souriait, l'air toujours timide. Andréas le trouvait encore plus charmant et avait envie de lui caresser la main. Il s'abstint de le faire par respect pour sa copine. Quand les adolescents enterrèrent la hache de guerre, la pression retomba un peu entre eux et ils purent manger en paix.
Le pique-nique put se poursuivre sans fausse note et ce fut une très bonne après-midi. Ils semblèrent tous apprécier les cookies d'Amélie et passèrent le reste de leur temps entre baignade, bronzage et partie de volley. Quand il rentra chez lui ce soir-là, Andréas se dit qu'il était heureux d'être en Californie et d'avoir enfin des amis.
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