Chapitre 8
TW : Traumatisme / Thérapie de conversation / Torture
¤
Il lui fallut quelques minutes pour comprendre que quelqu'un frappait et demandait à entrer. Il resserra ses doigts autour de ses genoux et chercha à se calmer. Il n'avait pas envie que qui que ce soit vienne lui parler en cet instant, mais il se sentait tellement mal qu'il ne savait pas non plus vers qui se tournait. S'adresser à Jésus ne suffisait pas. Les images revenaient en boucle dans sa tête et il s'était mordu les lèvres jusqu'au sang en espérant qu'il parviendrait à les repousser.
La porte finit par s'ouvrir. Merlin avait visiblement trouvé un double des clés, et il le vit s'agenouiller doucement, Alexie à ses côtés. Il porta sa main vers lui et attendit de voir sa réaction, de crainte de l'effrayer. Andréas continuait de pleurer, incapable de s'arrêter. Il avait du mal à respirer.
– On peut te faire un câlin ? demanda Alexie en lui caressant doucement l'épaule.
– Un ... Un ... Quoi ? balbutia-t-il.
– Tu sais, c'est ce qu'on fait avec les enfants quand on ne sait pas quoi faire pour les soulager, expliqua Alexie en s'essayant à côté de lui. Ça réconforte en principe.
– On le fait aussi avec les ados et les adultes, ajouta Merlin en s'asseyant à son tour.
– On ne m'a jamais fait de câlin quand j'avais mal, avoua Andréas.
Ils l'entourèrent de leurs bras et il continua de pleurer. Merlin lui tenait la main et la caressait doucement.
– Je... Je n'ai pas réussi, expliqua-t-il. J'ai essayé, je vous jure que j'ai essayé, mais je n'ai pas réussi.
– Qu'est-ce que tu racontes ? Qu'est-ce que tu n'as pas réussi ? demanda Alexie.
– À guérir. J'ai fait tout ce qu'ils m'ont dit. J'ai prié pour que Jésus m'entende. J'ai prié pour qu'il retire ce vice en moi. J'ai prié pour qu'il réprime mes désirs. J'ai regardé en boucle toutes ces images. Toutes ces filles qu'ils me disaient de désirer. Ils m'avaient promis que ça me soignerait. Au centre ... Ils m'ont dit qu'ils me convertiraient et que je n'aurais plus envie de commettre tous ces péchés. Mais quand je vois Hanna, je n'éprouve rien. Rien du tout.
– Calme-toi Andréas. Arrête de pleurer.
– Ce n'est pas possible, murmura Alexie. Mais ça existe vraiment ces endroits !?
– Mon père et le père Martin m'avaient promis, continua-t-il.
Mais il avait échoué. Il n'avait pas réussi. Il avait embrassé Merlin et n'était pas parvenu à réprimer ses pulsions et ses désirs contre nature.
– Pourquoi je suis comme ça ? sanglota-t-il. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Pourquoi je ne peux pas au moins être comme vous ? Pourquoi Dieu me punit alors que j'ai toujours tout fait pour le satisfaire ?
Merlin le serra encore plus fort et Alexie aussi. Il pleurait tellement qu'il hoquetait, ses paroles étaient hachées et il tremblait de peur sans savoir pourquoi. Ce n'était pas juste. Il avait toujours été un bon chrétien, il avait passé tous ses dimanches à l'église, il avait même été enfant de chœur. Il avait toujours obéi à son père et il n'avait jamais remis en cause ses fiançailles avec Hanna. Alors pourquoi ne pouvait-il pas l'aimer et pourquoi Dieu le punissait ?
– Il n'y a rien à changer ou à guérir chez toi, Andréas, dit Merlin en l'embrassant.
Il tentait d'essuyer les larmes qui roulaient sur ses joues. Elles étaient intarissables. Les images s'en allaient doucement, mais une impression de dégoût restait collée à sa peau. Depuis le centre, Andréas se sentait sale et impur.
– Tu vaux mieux qu'eux, dit Alexie. Mieux que tous ces prêtres qui t'ont fait des choses affreuses. Ce sont eux les monstres.
– Ces prêtres ne prônent pas la bienveillance et l'amour, poursuivit Merlin. Ils n'étaient là que pour t'imposer leur vision des choses.
– Je ne comprends pas pourquoi Jésus ne m'est pas venu en aide. La Bible dit « Dieu vous aidera si vous priez et que vous vous repentez ».
– Je ne suis pas le mieux placer pour parler religion. Mais je suis sûr d'une chose, c'est que si ton Dieu existe, il ne veut pas que tu souffres.
Andréas essuya ses larmes. Il avait envie de croire dans les mots de Merlin, mais cela lui semblait si difficile. Et s'il se trompait, si Dieu le détestait vraiment ? Son âme irait en enfer pour l'éternité.
– Tu dois me détester, dit-il à Alexie. Je couche avec ton petit copain, c'est abject. Non seulement je ne respecte pas votre couple, mais en plus je commets des actes contraires à ma foi.
– Tu ne me dégoutes pas. Sinon, je ne serai pas là.
Il leva vers elle des yeux craintifs, alors qu'elle continuait de sourire. Comment pouvait-elle tenir un tel discours ?
– Et je t'aime Andréas. On t'aime tous les deux avec Merlin.
Il se figea et s'accrocha un peu plus à Merlin. Personne ne lui avait jamais dit ça comme ça. Il n'y avait qu'Hanna pour répéter « Je t'aime » à longueur de temps, mais ces mots n'avaient aucun sens quand elle les prononçait. Avec Alexie, il se passait quelque chose de différent. Parce que ses mots avaient quelque chose de maternant et de réconfortant entre ses lèvres. Et qu'ils étaient sincères.
– Je t'aime comme un ami et ne chercherais jamais à t'enlever ces moments avec Merlin tant que tu en auras besoin, continua-t-elle.
Alexie se redressa alors qu'il continuait de la fixer, stupéfait. Elle embrassa la joue de Merlin et annonça qu'elle rejoignait leur chambre.
– Reste..., hoqueta-t-il en lui tendant la main.
– Tu es sûr ? Je ne veux pas te faire peur, si l'idée de dormir avec une fille te rebute.
– Je veux que tu restes, s'il te plait.
Elle lui sourit tandis que Merlin lui caressait les cheveux pour le calmer. En général, c'était des gestes qu'il réservait à Alexie, mais il était heureux d'être contre lui en cet instant, et soulagé.
– Si nous allions au lit, nous avons tous besoin de repos, proposa la jeune fille.
Andréas hocha la tête. Il sentait une énorme fatigue l'accabler. Une fatigue lourde, presque de plomb. Il avait trop pleuré. Alexie fut la première à se glisser dans les draps, suivi de Merlin. Andréas hésita, mais il lui tendit la main et il s'allongea à côté. Son compagnon passa ses bras autour de son corps et posa sa tête contre son épaule. Derrière, Alexie était serrée contre lui. La situation aurait pu paraitre incongrue, mais elle lui apportait plus de réconfort qu'il ne l'aurait jamais cru. Il aurait voulu que cet instant dure pour l'éternité. Il se sentait bien et en sécurité. Ses larmes s'étaient apaisées et il sentit le sommeil l'envahir alors que Merlin glissait sa main sur la sienne.
Quand il émergea le lendemain matin, la chambre était vide, même si les draps étaient défaits, signe que toutes les personnes qui avaient dormi là s'étaient agitées au matin ou durant la nuit. Il avait entendu Alexie partir une heure avant, mais Merlin l'avait serré un moment contre lui le temps qu'il se rendorme. Il devrait s'être levé depuis, car le réveil affichait neuf heures. Il se força à faire de même malgré sa fatigue, alla prendre une douche puis descendit rejoindre les deux autres qui se trouvaient à la cuisine. Dylan n'était pas là, mais Alexie l'accueillit avec un grand sourire, une poêle à la main.
– On a fait des pancakes, annonça-t-elle. Merlin est sur la terrasse avec les jumeaux. Comment ça va ?
– Fatigué, répondit-il, mais ça va mieux.
Il n'avait aucune envie de sortir mais se força. La lumière inondait la terrasse et se reflétait sur le lac et les grandes forêts. C'était splendide. L'État étant proche de la frontière canadienne, il imaginait sans mal à quoi devait ressembler ce pays. Merlin n'était pas là quand il arriva et seuls les jumeaux relevèrent la tête d'un même mouvement. Isaac avait l'air gêné, Josh marmonnait à ses côtés, et ils faillirent faire tomber tout ce qu'il y avait sur la table en voulant se saisir en même temps du sirop d'érable.
– T'en veux ? Pour les pancakes ? demandèrent-ils en même temps.
Andréas arqua un sourcil, étonné de tant d'attention de leur part, avant de s'asseoir et d'accepter. Voir Joshua lui préparer des pancakes au sirop d'érable avait quelque chose de particulièrement étrange.
– Tu veux du café ou du thé ? interrogea Isaac.
– Et ça te dirait de faire une partie de tennis après ? proposa Josh.
– Stop ! s'écria-t-il. Qu'est-ce qu'il vous prend ? C'est très gênant !
– Bah ça va, on veut juste être gentil, marmonna Josh. Si ça ne te plait pas, rend moi tes pancakes !
– Arrêtez de vous disputer, vous l'effrayez ! s'exclama soudain Merlin en arrivant sur la terrasse.
Il avait les cheveux mouillés, il devait sortir de la douche. Il sourit à Andréas en le voyant et posa une main sur son épaule, avant de s'asseoir à ses côtés et de voler l'un de ses pancakes. Il lui embrassa la joue en signe d'excuse alors qu'Alexie arrivait. Un instant, ses yeux s'attardèrent sur les deux garçons, puis son grand sourire revint sur ses traits et elle prit place en face.
– Je vais rentrer à Los Angeles, annonça Andréas en grignotant. Mon oncle m'a réservé des billets pour ce soir.
– Dy' s'est comporté comme un con, grogna Josh. Juste pour que tu le saches : on ne cautionne pas tout ce qu'il dit.
– J'espère que tu sais qu'on ne te considère pas comme une petite sauvage Lexie, ajouta Isaac.
– Ça dépend quand même du moment, rétorqua son frère avec un sourire.
Sourire qui lui valut un coup de coude de la part de la jeune fille. Merlin expliqua qu'il était allé parler à Dylan, qui reconnaissait que ses propos étaient allés trop loin et qui avait promis de s'excuser. Andréas ne croyait pas qu'il regrettait un seul de ses mots, mais Merlin semblait convaincu, ou en tout cas l'espérait fortement. Il glissa ses doigts dans les siens, parce qu'il se rendait compte d'à quel point il était manipulé et que cela lui faisait de la peine. Il fallait qu'il trouve une façon de lui faire prendre conscience du comportement nocif de son meilleur ami. Il ne s'en était pas seulement pris à lui hier soir, mais aussi à Alexie. Dylan était jaloux, cela crevait les yeux. Tant qu'il contrôlait ses amis, il leur laissait une pseudo liberté mais Alexie lui avait échappé hier soir, et Andréas ne lui obéissait pas, cela le rendait fou.
– J'aurais aimé que tu restes, murmura Merlin contre lui, mais je comprends pourquoi tu t'en vas. Je suis désolé pour Dylan.
– Ne t'excuse pas pour lui, il savait parfaitement ce qu'il faisait.
– Il avait bu, et fumé.
– Bien sûr Merlin. Deux addictions qui excusent tous ses mots, j'ai compris.
Merlin n'ajouta rien, ce qui arrangea Andréas qui n'avait pas envie de se disputer avec lui et préférait profiter du moment sur la terrasse. Il irait préparer son sac plus tard. En attendant, Alexie lui proposa d'aller faire un tour autour du lac et il la remercia du regard. Pendant la balade, elle lui parla de ses parents et de sa vie dans sa tribu, qui semblait lui manquait, ainsi que de sa passion pour la mécanique.
– Un jour, j'ouvrirai un garage, annonçait-elle alors qu'ils arrivaient près d'un ponton.
– J'y emmènerai ma voiture, promit-il.
– Tu veux quoi comme voiture ? Je pourrai t'aider à choisir ? Quelle année ? Quel type ?
– Une Tesla, répondit-il. C'est électrique et moins polluant.
Un air de dépit s'afficha sur les traits de la jeune femme. Il avait l'impression de lui avoir brisé ses rêves et son cœur en une phrase.
– C'est bourré d'électronique ces machins ! Ça ne devrait même pas s'appeler voiture !
– On dirait Bart quand tu réagis comme ça, s'amusa-t-il.
– Lui au moins a des discussions intéressantes. Tu devrais regarder ses vidéos, plutôt que de suivre des débats politiques.
– Pour entendre des enquêtes et voir des meurtres ? Non merci !
Il avait tenté une fois et il avait rapidement fermé la vidéo en question qui parlait de la disparition mystérieuse d'une fille dans le Connecticut. On avait retrouvé des traces de sang sur le sol, que le propriétaire de la maison n'avait pas su nettoyer. Avec un sourire – chose qui n'arrivait normalement jamais sur le visage de Barthélémy – son meilleur ami avait conclu la vidéo en disant : « En tout cas, si vous souhaitez faire disparaitre un cadavre, évitez les tâches de sang, c'est presque impossible à nettoyer et cela se voit à la lumière bleu ».
– Ce ne serait pas Merlin qui arrive, dit soudain Alexie en désignant une ombre qui marchait en tenant ses mains dans les poches de son sweat.
Andréas sourit en reconnaissant la silhouette du garçon. C'était bien Merlin. Son sourire ne disparut plus à partir du moment où il arriva à leur hauteur, embrassa Alexie, puis lui et glissa sa main dans la sienne pour terminer la promenade.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top