Chapitre 5
Assis dans l'une des chambres du manoir, les élèves du bureau étaient en train de dépouiller les noms pour élire le roi et la reine de la soirée. Il était plus d'une heure du matin et la partie de jeu dans le labyrinthe était terminée depuis plusieurs heures déjà. Tout le monde semblait avoir adoré, surtout les filles qui avaient pris en chasse les garçons pour retrouver leurs partenaires. Andréas continuait à se dire que cela aurait sans doute été plus approprié de célébrer Noël d'une façon plus traditionnelle, mais il semblait que les américains n'avaient pas la même conception que lui de cette fête, et Prudence avait refusé que le DJ passe un chant latin.
Une heure auparavant, ils s'étaient réunis dans une chambre pour pouvoir trier les noms dans les urnes et élire une reine et un roi de soirée. Apparemment, c'était un passage obligé pour toute fête qui se respectait. Depuis, ils avaient pris du retard dans le dépouillement des votes, parce que certains avaient voulu ajouter leur nom à la dernière minute, ce qui agaçait Prudence.
– Personne ne respecte jamais les règles, s'était-elle énervée en récupérant les derniers noms.
– Parce qu'elles sont faites pour être transgressées Prudy chérie.
– Ferme là Nicolas.
Ce qui étonnait Andréas plus que l'attitude agressive de Prudence, c'était le fait que Nicolas ne soit jamais perturbé par ses attaques. Le jeune homme faisait comme s'il n'entendait pas ce qu'elle disait et recommençait à la courtiser quelques secondes plus tard. Barthélémy étouffa un bâillement qui lui valut un regard noir de leur présidente et se remit à trier les bulletins avec Lino. Il s'occupait des filles, tandis qu'Andréas et Nicolas comptabilisaient les voix des garçons.
– La reine est Alexie Hale, annonça soudain Lino en relevant la tête des urnes.
– T'es sérieuse ? s'étonna Barthélémy. Ce n'est pas Kate qui gagne toujours normalement ?
Andréas se pencha vers la jeune fille pour voir les résultats. Alexie n'étaient pas avec eux, tout comme Lily. Les deux lycéennes avaient préféré profiter de la soirée pour s'amuser, et rester avec leurs petits copains respectifs, ce qui était compréhensif. De toute façon, Andréas préférait qu'elle soit avec Merlin, cela avait au moins le mérite de le détourner un peu de l'autre qu'il appelait « son meilleur ami ». Le groupe de Dylan n'avait pas cessé de se mettre en valeur toute la soirée et d'asticoter tous les élèves qu'ils croisaient comme s'ils étaient les maitres du lycée. Une heure plus tôt, ils s'étaient lancés dans un jeu d'alcool et Johns s'était énervé quand il avait décliné
– On a peur de dévoiler ses secrets, avait-il ricané alors qu'il s'éloignait.
– C'est juste que votre jeu est débile, l'avait défendu Barthélémy.
– De toute façon, tu n'étais pas convié Taylor, je ne joue pas avec les pauvres.
Visiblement, la drogue qu'il fumait en continue le rendait encore plus antipathique qu'il ne l'était déjà. Andréas se demandait comment Merlin pouvait rester avec un type aussi prétentieux et puéril sans réagir.
– Et le roi est Merlin, ajouta Nicolas en montrant les votes.
– Impossible ! s'écria Prudence.
– C'est pourtant vrai.
La jeune femme lui arracha presque l'urne des mains pour tout recompter. Andréas échangea un regard avec Barthélémy, sans comprendre où était le problème. Même si Andréas ressentait un léger pincement au cœur en voyant le jeune homme avec elle, il ne pouvait nier qu'ils formaient un beau couple
– Mon cousin ne peut pas perdre l'élection du roi et de la reine, s'énerva Prudence en recomptant à toute vitesse.
– Ton cousin ? répéta Andréas.
– Dylan est le cousin de Prudence, expliqua Barthélémy.
Andréas faillit s'étrangler. Il ne se serait jamais attendu à cela ! Déjà, ils ne se ressemblaient pas. Ensuite, dans son comportement, Prudence était à l'opposé de Dylan.
– On va changer le vote, décréta soudain Prudence.
– QUOI ? s'écrièrent-ils.
Peut-être n'était-elle pas si différente en fin de compte ? Il la regarda d'un air estomaqué.
– Tu plaisantes ? s'emporta-t-il. Tu es prête à changer un vote démocratique pour faire gagner ton cousin ? S'il s'agissait d'une élection fédérale, régionale, municipale ou présidentielle, on appellera cela de la corruption.
– Merci pour le cours de politique Monsieur le duc, je suis au courant. Et crois-moi, je le fais pour le bien de nous tous, et pour Merlin, pas pour mon cousin. Je n'ai aucune affection pour lui.
En quoi le fait de remplacer le nom de Merlin par Dylan rendrait-il service à Merlin au juste ? Elle allait mettre son cousin dans les bras de sa petite copine à lui. Andréas avait du mal à saisir le concept des relations multiples et partagées, mais il l'acceptait en se disant que ce n'était pas la même culture que lui. Sauf que là, c'était différent.
– On ne peut pas trafiquer le vote, continua-t-il. Ce serait comme élire un dictateur au pouvoir !
– Perso, je suis pour la préservation de l'harmonie sociale et je n'ai pas envie de déclencher une guerre à Hamilton, dit Nicolas en levant la main.
– Si mon cousin perd et que son chevalier est élu, il se vengera, répliqua Prudence.
– Ton cousin est mégalomane. Il est au courant qu'il n'est pas roi en réalité, rassure-moi ? demanda Barthélémy.
– Peu importe ce qu'il croit, s'énerva Prudence. On ne peut pas laisser Merlin gagner.
– Donc, la reine sera Alexie, et le roi Dylan, inscrivit Lino sur son document.
Mais elle n'avait pas réellement faire cela ! Si ?
– Je n'aime pas ça, s'énerva Andréas. C'est contre toutes nos valeurs !
– Je ne suis pas pour ces pratiques non plus, mais je crois Prudence quand elle dit que Dylan se vengera, soupira Lino. Et pas seulement sur Merlin si vous voulez mon avis. En lui donnant ce que l'on veut, on achète la paix.
– Pourquoi tu dis qu'il se vengera sur Merlin ? demanda-t-il.
– On s'en fou de Fraser ! s'écria Bart. Sérieux, t'es encore sur lui ? Là le souci c'est qu'on est prêt à céder à un enfant capricieux juste pour éviter une crise.
Andréas échangea un regard avec Prudence qui éluda sa question d'un mouvement de main énervé.
– J'ai déjà assisté à ses crises et ses caprices, et je vous assure que ce n'est pas beau à voir, dit-elle.
– La présidente a tranché, décida Nicolas. Elle est la voix de la raison, donc suivons-là.
– Sale traite, répliqua Barthélémy. Andréas a raison, c'est n'importe quoi.
– Oui, j'ai bien compris que c'était ton nouveau meilleur ami et tu m'avais remplacé.
Nicolas lui fit un clin d'œil et Andréas soupira. Il pouvait comprendre les réticences de Prudence, la jeune fille devait subir des pressions de la part de son cousin, mais il n'aimait pas l'idée de céder pour faire plaisir à Dylan. Même si ce n'était qu'un bal, cela restait une élection, et de la corruption.
En quittant la chambre, il n'arrêta pas de repenser aux paroles de Prudence. Pourquoi Dylan s'en prendrait-il à Merlin s'il perdait ? N'était-ce pas censé être son brave chevalier qu'il aimait ? Cela avait-il un rapport avec les marques qu'il avait vu dans le dos de Merlin vendredi dernier, alors qu'ils couchaient ensemble ? Andréas avait compris que Dylan exerçait une forte influence sur Merlin qui excusait tous ses comportements. Andréas ne savait pas comment en parler avec Merlin sans paraitre intrusif ou donner l'impression de ne pas aimer son meilleur ami – ce qui était vrai, mais qu'il ne pouvait pas le dire ainsi !
– Et le roi et la reine du bal masqué sont...
Nicolas se mit à taper sur la table devant lui pour simuler les battements d'un tambour pendant que Lino tendait à Prudence une enveloppe. Au milieu de la foule d'élève, Andréas cherchait Merlin du regard. Il lui fallut un moment pour le reconnaitre sous son masque d'où transparaissaient ses deux yeux bleus perçants. Il était à côté d'Alexie, de Dylan et de Kate.
– Mademoiselle Alexie Hale et Dylan Johns.
Andréas vit Merlin échanger un regard avec sa petite amie tandis que Dylan affichait un grand sourire et avançait vers elle pour lui prendre la main et la conduire vers eux. Ils arrivèrent main dans la main, le premier avec un grand sourire satisfait sur les lèvres, la seconde un peu gêné. Quand ils se retrouvèrent face à face devant Prudence, la lycéenne sourit timidement à Dylan avant d'adresser un petit signe à la foule des élèves. Lino récupéra les deux couronnes posées sur un coussin doré et les tendit à Prudence qui déposa la première sur la tête d'Alexie. Dylan semblait un habitué des cérémonies lycéennes car il tendit la main vers Prudence et, tel Napoléon Bonaparte, se couronna lui-même.
– Embrasse-moi, murmura-t-il à la jeune fille.
Andréas fronça les sourcils en attendant ces mots. Comment osait-il lui demander cela ? Non seulement elle était plus jeune que lui, mais surtout, elle était la petite amie de Merlin ! Son meilleur ami ! Indécise, elle tourna ses yeux vers son petit copain qui hocha discrètement la tête puis posa ses lèvres sur celles de Dylan. Au loin, Andréas vit que Kate s'était rapprochée de Merlin et murmurait quelque chose à son oreille. Alors que les applaudissements retentissaient, il en profita pour les rejoindre. L'attitude de Dylan avec Alexie lui donnait envie de vomir et il n'avait aucune envie de d'écouter son discours de remerciement pour une élection truquée.
– Je peux te parler ? demanda-t-il à Merlin en arrivant à sa hauteur.
– Que s'est-il passé avec le vote ? s'énerva Kate à sa place. C'est moi qui aurais dû être reine. Cela a toujours été ainsi !
La jeune femme retira son masque et le jeta sur le sol, vexée. Il ne connaissait pas Kate et les seules fois où il la côtoyait, elle était comme Merlin, en retrait, soumise et effacée devant son petit ami. Ou alors elle le laissait le caresser en public, ce qui était très malaisant. C'était la première fois qu'il la voyait aussi en colère.
– Merlin a été élu roi, rétorqua Andréas. Prudence a choisi d'élire ton petit ami pour éviter qu'il ne fasse un caprice.
En l'entendant, son visage changea et elle adopta immédiatement d'attitude.
– Oh ! Je vois.
Que voyait-elle exactement ? Tous les deux en étaient-ils arrivés à un tel niveau d'obéissance et de crainte mêlée qu'ils étaient prêts à donner à Dylan tout ce qu'ils voulaient pour acheter la paix ? Comme sa cousine ? À ce stade, le jeune duc constatait que Dylan exerçait plus que de l'influence sur ses amis. Il les dominait entièrement.
– Vous avez bien fait, murmura Merlin. C'est mieux ainsi.
Il semblait un peu en colère, ou peiné, mais maitrisait le son de sa voix.
– C'est vraiment ce que tu penses ? interrogea Andréas, plus énervé qu'il ne l'aurait voulu. Je viens t'annoncer que Prudence a trafiqué l'élection, et toi, tu réponds qu'on a bien fait ? Il vient d'embrasser ta copine !
– Tout ce qui est à moi est à lui, c'est la règle, murmura Merlin en détournant le regard.
Lui aussi avait retiré son masque. Andréas jeta le sien à son tour, en colère de ne pas le voir réagir. Il savait pourtant maitriser ses émotions d'habitude.
– Un problème monsieur le Duc ?
Il se retourna lentement. Alors que le DJ venait de relancer la musique, Dylan en avait profité pour les rejoindre, la main d'Alexie dans la sienne. Elle détacha ses doigts et s'approcha de Merlin et de Kate, un peu gênée.
– Vous ne vous prosternez pas ? interrogea Dylan d'un air innocent.
– Tu n'es pas roi, fut la seule chose censée qu'Andréas trouva à dire.
– C'est qu'il a l'air énervé le petit noble on dirait ! Je peux savoir de quel droit tu t'adresses au souverain d'Hamilton ainsi ? Et qui t'a donné l'autorisation de parler à ma copine et mon Merlin ?
– Ce n'est pas ton Merlin ! rétorqua-t-il les dents serrés. Un être humain n'est pas une propriété !
– Ah bon ? Va le dire à tes petits copains nazis dans ce cas ! Ce n'est pas vous qui avez enfermé des juifs dans des camps ?
– Mais tu vas arrêter avec ça.
En ce moment, Dylan prenait un grand plaisir à lui rappeler que les allemands avaient élu Hitler au pouvoir et qu'ils étaient responsables d'un génocide ! Comme s'il ne le savait pas. À cause de cela, tout le monde avait oublié l'existence des ducs de Bavière, il n'était donc pas prêt de l'oublier !
Il sentit que quelqu'un le retenait par le bras et reconnut la poigne de Merlin. Il n'aurait rien fait à Dylan, il n'était pas un prolétaire qui se bat avec des poings au milieu d'une bande de lycéen déchainé. Mais il tremblait de colère et le fait d'entendre Dylan dire que ses amis appartenaient le rendait fou. Alexie avait l'air un peu perdue au milieu de tous. Kate lui tendit la main et proposa qu'elles aillent boire un verre afin de fêter son élection.
– Lâche-moi, tu me fais mal, dit-il à Merlin en tirant pour qu'il retire sa main.
Il appuyait trop fort sur son coude, c'était douloureux.
– Monsieur le Duc, je crois qu'il y a une chose que tu n'as pas compris, dit Dylan en s'avançant pour coller son visage prêt de lui. Ici, c'est moi le roi et Merlin est mon chevalier.
J'ai bien compris que mon meilleur ami te faisait bander et que t'avais envie qu'il t'enfile, mais ça, c'est uniquement car je le lui permets, tu as bien compris ? Une seule remarque de ma part et tes privilèges cessent !
Merlin n'avait toujours pas retiré sa main et il serra fort autour de son coude. La douleur s'intensifia et il voulut lui dire de le lâcher, encore une fois, mais la présence du garçon à ses côtés l'empêchait aussi de s'effondrer, alors il ne dit rien. Il n'avait jamais été aussi en colère. Il savait se maitriser normalement, on le leur apprenait. Dans la noblesse, on se battait avec des mots – ou des épées, mais il n'avait jamais été doué à l'escrime – jamais avec ses poings. Il ne devait pas céder face à ce petit con !
– Dy', je pense que tu as trop fumé, intervint Merlin. Tu devrais peut-être aller boire un verre pour célébrer ta victoire ?
Quelle idée merveilleuse que d'ajouter de l'alcool à toute la drogue qu'il avait déjà dans le sang. Andréas faillit dire quelque chose, mais Merlin le pinça et il se mordit les lèvres.
– Tu me laisses deux secondes avec Andréas et je te rejoins ?
Dylan hocha la tête, son sourire mielleux revenu sur le visage.
– Bien entendu ! Bonne soirée Von Fürstenberg, dit-il en écorchant son nom de famille.
Il allait partir, quand il se retourna.
– Une dernière chose l'aristo' ! N'oublie pas que mon père est quelqu'un d'influent et qu'il connait le tien. Ce serait dommage que ton papa apprenne ce que tu fais avec des garçons, je n'ai pas raison ?
Andréas se figea, alors que Dylan s'éloignait, visiblement satisfaisait de son effet. Son sourire ne s'était pas décroché de ses lèvres alors que le cœur du jeune duc tambourinait dans sa poitrine et qu'il revoyait le visage de son père, alors qu'il était agenouillé devant lui et le prêtre, en train de les supplier. Perdu dans ses pensées, il mit quelques secondes à s'apercevoir que Merlin était devant lui et qu'il l'observait d'un air inquiet. Quand il reprit ses esprits, il s'écarta de lui et commença à s'éloigner, mais le jeune homme le rattrapa.
– Je t'ai dit que tu me faisais mal ! s'énerva-t-il en retirant son bras qu'il venait de reprendre.
– Je t'ai à peine touché, rétorqua Merlin, et tu es bien moins douillet en général.
– Je ne t'ai pas donné mon consentement ! Tu m'as fait mal au coude !
– C'est difficile pour moi de savoir quand je peux te toucher ou pas, se défendit Merlin. Je ne comprends pas toujours tes réactions.
– Il te prend pour sa propriété ! s'énerva-t-il en se retournant. Sans compter que s'il parle à mon père, je suis... Tu ne peux pas comprendre !
Merlin le rattrapa encore alors qu'il cherchait à s'éloigner dans les jardins pour souffler. Il avait besoin d'air, d'être loin de cette musique infernale et de se retrouver dans le silence. Il allait appeler Ludwig et demander s'il pouvait venir le chercher, puis il irait prier. Seul Jésus pouvait l'aider dans ces cas-là, pas Merlin, même s'il tachait vraisemblablement d'essayer.
– Je ne te laisse pas partir dans cet état ! Il faut que je tu m'explique ce qui ne va pas.
– Ton meilleur est un connard, voilà ce qui ne va pas !
– Dylan peut être difficile, c'est vrai, mais il a un bon fond quand on le connait. Tu avais des préjugés sur moi aussi non ? Et tu as appris à me connaitre.
– Ton meilleur ami est un pervers Merlin, il n'a rien à voir avec toi. Il a embrassé ta petite amie ! Ça ne te fait rien ?
Merlin ne répondit pas. Il essayait de le cacher mais Andréas voyait bien que l'élection de Dylan à sa place l'avait touché, comme ses lèvres sur celles d'Alexie. Il aimait la jeune femme, et même s'il ne disait rien à son meilleur ami, il aurait sûrement aimé être à sa place.
– Que se passera-t-il s'il parle à ton père ? lui demanda Merlin en changeant de sujet.
– Pourquoi tu parles de mon père ? On parle de ton meilleur ami malsain là.
– Je vois bien que tes réactions changent dans certaines situations. Tu trembles quand on parle de religion, ou de ton père, tu ...
– Laisse-moi s'il te plait.
Il fallait qu'il arrête de parler. Qu'il s'éloigne de lui. Qu'il ne prononce pas le nom de son père. Ou de l'Église. Pendant que Merlin restait figé sans savoir quoi faire, il attrapa son portable et composa le numéro de la villa de son oncle pour savoir si quelqu'un pourrait venir le chercher.
– Je peux attendre avec toi ? proposa Merlin quand il eut raccroché.
– Tu n'as pas plutôt envie de retrouver Dylan ? Il doit t'attendre.
– Il a sûrement déjà oublié et doit s'amuser. Allez, viens.
Il lui tendait la main et Andréas n'eut pas le cœur à la lui refuser. Pas le cœur, ni l'envie. Il glissa ses doigts dans les siens et ils rejoignirent l'entrée du manoir King pour s'asseoir sur le perron et attendre la voiture. Comme à son habitude, Merlin sortit un joint qu'il alluma. Andréas le regarda tracer des petits cercles de fumée dans le ciel, un sourire aux lèvres. Il avait l'air plus détendu que tout à l'heure, tandis que lui continuait de ressasser les paroles de Dylan. Et si M. Johns parlait vraiment au sien, que se passerait-il ? Viendrait-il jusqu'en Californie pour le chercher et le ramener dans l'Utah ?
Merlin lui tendit le joint et il grimaça. Il ne voulait pas fumer, juste penser à autre chose.
– Tu es amoureux d'elle ? demanda-t-il.
Ils ne voyaient pas Alexie d'ici, mais Merlin savait forcément de qui il parlait.
– Je crois, répondit le jeune homme. Elle est gaie, gentille, toujours heureuse.
– Et Dylan ?
– Je l'aime aussi. C'est mon meilleur ami.
Andréas ne trouva rien à redire. D'un côté, il ne comprenait pas comment Merlin pouvait aimer ce garçon puant et manipulateur ? D'un autre côté, si Merlin lui avait demandé s'il aimait son père, il aurait répondu oui sans hésiter, alors que le duc n'avait toujours eu que de l'indifférence et des mots durs à son égard.
– Mais je t'aime bien aussi, rassure-toi, continua Merlin en souriant. Même si tu es insupportable et indécis.
– Moi je suis insupportable ?
– « Pitié Merlin, attache-moi ! Non Merlin, ne me touche pas ! Mais où tu vas Merlin ? Reviens, baise-moi s'il te plait ».
– Je ne parle pas comme ça, bougonna Andréas vexé.
Merlin avait dit cela en posant une main sur sa cuisse. Andréas le laissa faire, tout en guettant la rue pour s'assurer que son oncle n'arrivait pas. Il n'aurait pas voulu qu'il le voit si proche d'un garçon, pas ce soir. Ludwig était ouvert d'esprit, et il serait sûrement celui de sa famille auquel il se confierait s'il devait en parler à quelqu'un, mais pas ce soir.
– On peut peut-être être ami ? proposa Merlin. Si tu veux ?
– Tu as déjà des amis, et moi aussi.
– Ça t'empêche d'être le mien ?
– Je croyais que tu voulais juste baiser avec moi.
– Oui, et aussi te donner des cours de littérature.
Ah oui ! La littérature ! Quelle plaie celle-là.
– Mais je peux aussi être ton ami, dit-il en remontant le long de sa cuisse.
Un sourire s'inscrivit sur les lèvres d'Andréas qui jeta un regard autour de lui pour s'assurer qu'ils étaient seuls. Il posa sa bouche sur celle de Merlin pour échanger un baiser, tandis que la main de son compagnon remontait sur son bras.
– Je ne suis pas un très bon ami, lui dit-il. Je n'en ai jamais eu.
– Tu as l'air de t'en sortir avec Taylor ? Ce qui relève de l'exploit !
– Pourquoi il te déteste ?
– J'ai une petite idée, mais je préfère le laisser te raconter. Tu pourras lui dire que je regrette ce qu'il s'est passé au collège ?
Que s'était-il passé au collège ? Merlin paraissait visiblement gêné d'aborder le sujet, donc Andréas n'insista pas. À la place, il se rapprocha de lui et resta à côté pendant qu'il fumait, jusqu'à ce que des phares illumine la rue. Là, il s'écarta et se leva pour rejoindre son oncle tandis que le jeune homme lui faisait signe qu'il retournait à l'intérieur.
Quand il se glissa dans la voiture, il crut discerner un sourire sur le visage de Ludwig, mais son oncle ne posa aucune question. Il démarra, et le souvenir de Merlin s'éloigna avec eux dans l'allée.
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