Chapitre 2

TW : Propos à caractères homophobes !

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Son oncle n'avait pas paru très enchanté quand il lui avait demandé s'il pouvait aller passer une soirée chez les Johns, mais comme il souhaitait que son neveu s'intègre et se fasse des amis, il avait fini par accepter. Amélie l'avait regardé de travers, avant de demander ce qu'il allait faire chez le « petit roi prétentieux » d'Hamilton. Andréas s'en était justifié de bien des manières, dont aucune ne correspondait à la réalité. Toute la semaine, Barthélémy Taylor n'avait pas cessé de le mettre en garde contre Dylan, comme si c'était seulement nécessaire. Il voyait bien comment son camarade se comportait, qu'il était admiré malgré son côté hautain, que les filles lui souriaient en regardant sa bande avec envie, tandis que lui se pavanait. Il était tout ce qu'il détestait. Pourtant, chaque fois qu'il s'imaginait ne pas aller à cette fête, Andréas voyait ses espoirs d'approcher Merlin Fraser s'éloigner.

            D'après Barthélémy, Merlin était une petite crapule avec des muscles qui s'amusait à tyranniser tous les lycéens dès que son meilleur ami en avait envie. Certains le surnommaient même le « chien de garde » de Dylan, parce que c'était lui qui frappait, même si l'autre désignait ses cibles. Andréas aurait dû s'en tenir éloigner, pour toutes les raisons imaginables qui soient, et pourtant...

            Son oncle le déposa devant la villa des Johns et lui demanda d'être de retour au portail à minuit, pour qu'il vienne le chercher. En principe, Ludwig était plutôt laxiste quand cela concernait l'éducation de ses enfants, bien moins rigide que son père a lui, mais Andréas le sentait inquiet et il n'avait pas pour habitude de désobéir. D'autant qu'être autorisé à aller à une fête jusqu'à minuit était déjà exceptionnel en soi. En Allemagne, il n'en avait jamais fait aucune, tout étant scrupuleusement interdit si ce n'était pas un gala de charité ou une soirée mondaine. Son portable vibra dans sa poche alors qu'il claquait la portière.

            Barthélémy :

T'es arrivé ? Fais attention !

            Andréas sourit. En une semaine, il avait bien compris que Barthélémy était un râleur qui pouvait passer la journée entière à bougonner, mais qu'il était aussi très gentil et protecteur. Il passait la majeure partie de son temps avec lui et le jeune homme semblait reconnaissant qu'il ne l'ait pas repoussé parce qu'il était boursier. Du moins, c'était ce qu'Andréas supposait, étant donné qu'il ne souriait quasiment jamais, mais lui demandait de s'asseoir à côté de lui à chaque cours.

–  Monsieur le duc ! Entre, je t'en prie ! l'accueillit Dylan les bras grands ouverts.

            Bras qu'il posa sur ses épaules pour l'enlacer alors que lui restait droit comme un piquet. Est-ce que tous les américains avaient cette mauvaise habitude de toucher tout le monde comme si, en une conversation, on devenait ami ? Nicolas faisait cela aussi, en sautant sur tout ceux qu'il croisait. Cela dit, c'était quand même moins gênant qu'avec l'hôte de la soirée.

–  Tes parents ne sont pas là ? s'étonna Andréas en le laissant le conduire jusqu'à la terrasse.

–  Ils sont en voyage d'affaire et me laissent la maison. Je suis un homme responsable.

            Il en doutait, mais que pouvait-il répondre à cela ? Les lycéens et lycéens de la bande à Dylan étaient réunis sur la terrasse, où ils buvaient, mangeaient des chips et fumaient. À l'odeur, on comprenait vite qu'il ne s'agissait pas de cigarettes. De même que les apéritifs n'étaient pas des amuses bouches raffinées. Andréas s'assit sur l'un des transats face à des jumeaux aux bras musclés qui se mirent à bouffer. La terrasse et la piscine étaient éclairés par des lumières et la villa au style moderne semblait immense. Kate était là elle aussi, assise à côté de Dylan sur lequel elle posa ses deux longues jambes qu'il se mit à caresser. D'autres visages lui étaient inconnus. Merlin était assis à côté d'une fille aux cheveux bouclés et aux yeux verrons, qui portait un t-shirt avec un immense renard et une jupe en jeans qui dit s'appeler Alexie. Andréas déglutit avec difficulté alors que ses yeux rencontraient ceux de Merlin.

–  Vodka ? Tequila ? proposa l'un des jumeaux.

            En dehors du vin et du champagne, il n'avait jamais goûté à l'un de ces alcools mais ne vit pas comment refuser. Il accepta donc que l'un des jumeaux – Isaac – lui fasse un cocktail dans lequel il mit diverses substances, dont du jus de fruit bon marché, avant de le lui tendre. Il déclina par contre les apéritifs qui ressemblaient beaucoup trop à de la Junk Food. C'était sûrement bourré d'additifs et de sucres. Tout en portant son verre à ses lèvres alors que les conversations reprenaient, il ne cessa pas de jeter des regards à Merlin et la jeune fille. Ils riaient tous les deux et s'échangeaient des mots à l'oreille qu'il n'entendait pas. S'agissait-il de sa petite amie ?

            Vingt minutes après son arrivée, il ne lui semblait pas être parvenu à se détendre tout à fait. Dylan alluma alors un joint et commença à le faire tourner, jusqu'à ce qu'il arrive à lui.

–  Non merci, déclina-t-il.

–  Allez monsieur le Duc, ça te fera du bien, et ça te décoincera.

–  Je ne préfère pas.

–  La chemise, c'est pas obligé chez moi, tu le sais ? Tu devrais te mettre à l'aise.

            Et comme s'il pouvait tout se permettre sous prétexte qu'il était chez lui, il se leva pour lui ébouriffer les cheveux et dégrafer l'un des boutons de sa chemise. D'instinct, Andréas recula alors que les jumeaux s'esclaffaient de rire. Eux se baladaient à moitié torse nu. En Californie, il faisait rarement en dessous de quinze degrés l'hiver et ils ne semblaient pas craindre le froid.

– Arrête Dy', tu vois bien que tu le stress' en faisant ça, lança Merlin.

            Andréas n'avait pas encore entendu le son de sa voix, et il remarqua qu'il avait un trait léger accent écossais. Il le remercia du regard mais Merlin se détourna et recommença à discuter avec la jeune fille à ses côtés tandis que les autres faisaient tourner le joint. Quand il revint vers lui, il le refusa encore une fois. L'odeur était infecte. Dylan poussa un soupir.

–  Bon, parlons de toi, on n'a rarement de la nouveauté ici. D'où viens-tu ?

–  D'Allemagne.

–  C'est le pays qui a perdu les deux guerres mondiales non ? ricana Josh.

–  Pertinente réflexion Montgomery, tu as donc suivi tes cours d'Histoire, se moqua Merlin.

–  Eh ! J'suis peut-être pas un intello comme toi Fraser, mais je me rappelle très bien qu'Hitler venait de chez eux.

            Andréas se sentit mal tout à coup, comme à chaque fois que quelqu'un évoquait le III Reich. Comme tous les allemands, ils portaient la honte de leur passé. Le génocide restait à jamais lié à leur histoire nationale et avait entaché tout ce qui se rattachait à la période antérieure. Plus personne ne connaissait les ducs de Bavière ni l'empire des rois prussiens à cause de cet homme. À tout jamais, ils resteraient ceux qui avaient élu Hitler et lui avaient donné les rênes du pouvoir.

–  Du coup, t'en penses quoi d'Hitler ? continua Josh.

–  Il était autrichien, se défendit Andréas, les allemands ne sont pas responsables du génocide.

–  Tous les allemands ne sont pas des nazis, ajouta Alexie pour le soutenir.

            Elle lui sourit et lui renvoya un rictus mal à l'aise.

–  Et donc, tu es noble ? poursuivit Dylan en faisant tourner son cocktail.

–  Mon père est duc de Bavière.

–  Mmmmm... J'connais pas, ça doit être petit, lança Josh.

            Andréas fronça les sourcils et faillit répliquer. Il adorait son pays, sa région, ses forêts, ses châteaux et il n'aimait pas du tout le ton que l'un des jumeaux avait employé, comme si ce n'était rien d'autres qu'un minuscule pays sans importance.

–  Tu nous feras visiter, décida Dylan. Ça pourrait être exotique comme destination pour les vacances. T'es là depuis longtemps au fait ? Pourquoi tu débarques seulement maintenant à Hamilton ?

–  Quelques mois, répondit-il distraitement alors que ses yeux revenaient sur Merlin. J'étais... autre part au début de l'année.

–  Tu es très mystérieux dis donc. Tu vis chez qui ?

–  Mon oncle.

            Quand allait-il finir son interrogatoire ? Il n'aimait pas être le centre d'attention de ce garçon et aurait préféré savoir si Alexie était la petite amie de Merlin plutôt que l'on parle de lui.

–  T'as déjà eu des relations sexuelles ? lança soudain Dylan.

–  Je... Quoi ?

            Comment pouvait-il se permettre de poser une question pareille. L'assemblée éclata de rire, ce qui le mit affreusement mal à l'aise, alors que Dylan embrassait langoureusement sa copine sous les acclamations du groupe. Sauf de Merlin, qui souriait seulement, et Alexie, ne s'éclaffèrent pas.

–  Rassure-toi, Alexie non plus, annonça Dylan en pointant la jeune fille du doigt comme si révéler qu'elle était vierge était normale. Il n'y a pas de honte à ça.

–  Ce n'est pas... C'est juste... Je...

–  Tu t'intéresses aux filles au moins, rassure-nous ?

            Cette fois, il était sûr d'être devenu rouge vif. Il n'avait plus du tout envie de se trouver ici et commençait à regretter d'être venu. Il pourrait peut-être appeler Ludwig pour qu'il vienne le chercher avant la fin de la soirée, il était presque vingt-trois heures. Ses doigts glissèrent vers son portable, mais Dylan se laissa retomber sur le matelas à côté de lui et l'empêcha de le faire en saisissant son poignet.

–  Je t'ai troublé, pardonne-moi. C'est de fumer, ça me fait voir le monde en rose, et j'ai envie d'apprendre à te connaitre mieux. Tu comprends ?

            Il n'était pas sûr que ce soit totalement la fumée qui le mette dans cet état.

–  Tu vois bien qu'il est PD Dy', lança Josh, l'autre jumeau.

–  Tu dis ça juste parce qu'il est noble, ricana son frère.

–  Non, je dis ça parce qu'il a l'air PD.

–  Ne t'inquiètes pas, on est très safe ici, dit Dylan en lui tapotant la cuisse. D'ailleurs...

            Il se leva, s'approcha de Merlin et l'embrassa. Andréas se figea, les yeux rivés sur les deux garçons, sans savoir s'il était troublé, fasciné, envieux ou dégoûté. Pas que deux garçons s'embrassent, mais que Dylan le fasse avec son meilleur ami, devant sa petite amie. Et que Merlin l'embrasse lui. Les jumeaux grimacèrent. L'homosexualité n'était visiblement pas safe aux yeux de tout le monde.

–  Merlin est bi, j'aime Merlin et Kate, les jumeaux sont hétéros, énuméra Dylan. Il n'y a pas de mal à être gay !

            Si, il y avait un mal, mais il n'allait pas lui expliquer pourquoi sa religion le lui interdisait ni tous les efforts qu'il avait employé durant trois mois pour repousser ses désirs. Sa jambe tapotait nerveusement le sol et il espérait que la conversation dériverait bientôt vers autre chose. Pour éviter de rester sur le sujet de la sexualité, il demanda à goûter le joint pour essayer. Cela sembla plaire à Dylan qui le lui tendit immédiatement, ce qui le fit tousser alors que sa tête se mettait à tourner.

–  Je dois raccompagner Alexie, annonça alors Merlin en se levant avec la jeune femme. On revient.

            En passant près de lui, Andréas eut l'impression de distinguer un clin d'œil qui le troubla. Plusieurs minutes passèrent pendant lesquelles le jeune duc eut tout le loisir d'imaginer ce que Merlin pouvait faire avec sa copine. Dylan avait dit qu'il l'aimait, mais Merlin l'aimait-il ? Et du coup, était-il en couple tous ensemble ? Avait-il des sentiments les uns pour les autres ? Ou était-il seulement avec la jeune fille ? Pour lui, on aimait une personne dans sa vie, mais pas plusieurs en même temps, et on était fidèle. Pouvait-on être fidèle à plusieurs personnes en même temps ?

            Merlin revint, mais au lieu de retourner s'asseoir à sa place, il se laissa tomber à côté de lui. Andréas se tendit, mal à l'aise, gêné, troublé, heureux, angoissé. La main de Merlin lui effleura doucement le bras et il n'arriva bientôt plus à se concentrer sur les autres et ce qu'ils disaient. Soudain, il sentit la bouche du jeune homme lui effleurer l'oreille et chuchoter.

–  Si tu veux, je peux te donner des cours particuliers de littérature ?

            S'agissait-il d'un sous-entendu ou voulait-il vraiment l'aider dans cette discipline ? Perturbé, il ne dit rien, et préféra récupérer le joint de Merlin pour tirer une nouvelle bouffée qui le fit tousser plus que la première. Le brun tatoué éclata de rire et le lui récupéra, comme on prendrait un jouet à un petit garçon qui ne sait pas s'en servir. Visiblement, il avait l'habitude de fumer, et cela le mettait d'excellente humeur, contrairement à son meilleur ami dont la langue devenait plus acérée. Andréas devait tout de même reconnaitre que la fumée l'avait détendu et que la présence de Merlin et son corps chaud à ses côtés, ne lui déplaisait pas.

–  Je donne vraiment des cours de littérature, répondit-il finalement. Je le fais avec Alexie, ma mère veut que j'enrichisse mon dossier scolaire pour la fac.

–  Ta mère, c'est la prof de littérature ?

–  Oui, et mon père enseigne lui aussi.

–  Cela ne te ferait pas trop d'avoir deux élèves ?

–  Ce serait avec plaisir, j'aime bien aider. Surtout les petits ducs étrangers.

            Devait-il vraiment lire à un sous-entendu cette fois-ci ? Toujours incapable d'aligner une pensée cohérence, il préféra se mettre à discuter avec lui des cours, de littérature, de sa vie ici. Merlin expliqua qu'il habitait à Hamilton avec ses parents, qu'ils étaient arrivés d'Écosse quand il était au collège et que Dylan l'avait protégé et intégré.

            En quittant la soirée, Andréas continua à méditer ces paroles, dans la voiture de son oncle. Dylan l'avait protégé et intégré. Merlin avait-il un sentiment de reconnaissance à cause de cela ? Pensait-il lui devoir quelque chose pour ne pas avoir été mis de côté à son arrivée en Californie ? Le jeune duc ne savait pas quoi penser de leur amitié-amoureuse, mais une chose était certaine : il appréciait Merlin, mais il n'aimait pas du tout le comportement de Dylan Johns.

            Assis au premier rang, dans le cours de Science Politique dispensait par M. Maclage, Andréas n'arrêtait pas de fréquemment se retourner pour tenter d'apercevoir Merlin, toujours assis à côté de Dylan qu'il ne semblait jamais quitter. Depuis maintenant plusieurs semaines qu'il était ici, le jeune duc ne comprenait toujours pas ce qu'il faisait avec lui. Au début, il avait cru qu'il n'était qu'un garçon beau et sans cervelle, tatoué, qui aimait taper les autres et les tourmenter pour s'amuser – tandis que son meilleur ami distribuait les ordres – mais il avait revu son jugement quand il l'avait vu assis à côté de sa petite amie, où lui tenir la main dans les couloirs. Parce qu'Alexie était sa petite amie officielle, de ce qu'il avait compris. L'image que tout le monde avait de Merlin Fraser ne semblait pas conforme à celle que lui en avait, mais peut-être était-ce parce qu'il ne l'avait jamais vu frapper quelqu'un ?

–  Tu vas te faire avoir, marmonna Barthélémy.

            Il se reconcentra sur le cours, et sur son ami qui soupirait.

–  Pourquoi tu dis ça ? lui demanda-t-il.

–  Parce que c'est ce que fais Johns avec tout le monde, et toi tu sautes dans son piège avec le sourire. 

–  Je ne m'intéresse pas à Johns.

            Barthélémy fronça les sourcils et se retourna. Dans son dos, Andréas entendit des ricanements. La bande de Dylan ne pouvait s'empêcher de se moquer du jeune homme boursier dès qu'ils en avaient l'occasion. Mais pas Merlin, Andréas n'avait jamais vu Merlin rire.

–  Il t'a fait quelque chose ? demanda-t-il.

–  Qui ça, Johns ? Tu viens seulement t'en apercevoir ? Ça ne te suffit pas de les entendre m'insulter ?

–  Je parlais de Merlin.

–  Pourquoi tu parles de Fraser ?

            Barthélémy se retourna encore une fois, puis revint vers Andréas dont les joues avaient sûrement viré au cramoisi. Il se recentra sur l'étude du discours de Kennedy en espérant que son trouble ne se voyait pas sur son visage.

–  Ne me dis pas que tu restes avec Johns pour Fraser.

– Ce n'est pas ce que tu crois, le contredit-il immédiatement.  

–  Au vu de ta réaction, c'est exactement ce que je crois.

            Avec son manuel, il lui donna un coup sur la tête. Andréas poussa un cri et le professeur se retourna pour savoir ce qu'il se passait. Il leva les mains pour le rassurer et s'excuser.

–  Ce mec est un petit con ! Il harcèle tout le monde et ne se sert que de ses poings, quand il ne vole pas les affaires des autres. Crois-moi, je sais ce que je dis. Il m'a harcelé au collège.

–  Il a peut-être changé.

            Visiblement, Barthélémy était sceptique. Mais, fidèle à son habitude, il se contenta de soupirer. 

– Tu fais ce que tu veux, mais s'il t'humilie et te manipule, tu ne viendras pas pleurer.  

–  Je ferai attention Barthélémy.

            Même s'il ne savait pas ce que « faire attention » signifiait pour lui. Ne pas se jeter à corps perdu dans les bras de Merlin, si jamais il les lui ouvrait, lui semblait impossible. Il priait pourtant beaucoup ces temps-ci, pour réprimer ses pulsions et ses fantasmes envers le jeune homme, mais ils revenaient sans cesse. Le cours prit fin dans une cacophonie générale. Ici, le silence n'était pas d'or et les professeurs n'arrivaient pas toujours à maintenir la concentration de leurs élèves, ni à canaliser les bavardages. C'était très différent de son précédent établissement où la discipline était très stricte. Jamais un élève n'aurait osé interrompre le professeur, parler au fond de la classe ou faire une remarque déplacée. Mais l'Amérique – et surtout Hamilton – semblait avoir d'autres règles. Cette liberté le déstabilisait.

            Une fois dans les couloirs, Barthélémy lui proposa de rejoindre Nicolas qui l'attendait au bureau des élèves. Quelques jours plus tôt, Andréas lui avait demandé s'il pourrait se joindre à eux, car il avait envie de s'engager dans la vie de l'établissement. 

–  Tu es sûr que cela ne la gênera pas que je participe ? demanda-t-il.

            Il craignait un peu les réactions de la jeune femme rousse qui semblait toujours sur les nerfs et agressive. En arrivant, elle les accueillit en hurlant qu'ils étaient retard, puis lui jeta un regard de travers.

–  Tu n'es pas au bureau.

–  Barthélémy m'a dit qu'il restait des places vacantes. J'aimerais participer pour enrichir mon dossier pour Berkeley, et j'ai des idées concernant l'écologie.

–  Splendide ! On n'avait pas d'écolo, et c'est vrai que c'est un dossier sur lequel personne ne s'est encore penchée à Hamilton. Par contre, là on va parler de la fête de Noël. Tu as de l'expérience dans l'organisation ?

–  Je m'occupais des fêtes de la paroisse à l'Institut Wilhelminum, le collège où j'étais scolarisée en Allemagne.

–  Euh... Je pensais plutôt à de vraies fêtes, mais ça ira. Par contre, sache que si tu n'es pas performant, tu vires.

            Il hocha la tête et suivit Barthélémy alors que Nicolas arrivait en courant, essoufflé, et jetait son sac sur une table ronde. D'autres élèves étaient déjà installés et Prudence les lui présenta rapidement.

–  Lino est trésorière, Lily se charge de la communication, Bart est secrétaire mais il faut souvent le relire...

–  Eh ! s'écria ce dernier. Ce n'est pas de ma faute !

–  Nico est notre ... mascotte... et après tu as d'autres membres qui s'occupent d'actions ponctuelles en fonction des événements. Ah, et voici Alexie, elle est nouvelle.

            Andréas croisa le regard de la jeune fille aux yeux verrons. Était-elle partout où il allait ? On aurait dit qu'elle voulait lui rappeler qu'elle sortait avec le garçon dont il n'arrêtait pas de penser. Elle avait l'air gentille, mais aussi étrange, avec son pin's renard épinglé sur son uniforme et son sourire beaucoup trop grand pour son visage.

            Une fois tous installés, Barthélémy sortit son ordinateur et commença à prendre des notes.

–  Ok, commença Prudence, on va donc récapituler ce que l'on s'était dit la dernière fois. Pour Noël, on aura donc un bal masqué, avec traiteur et musique. Lily et Nicolas ont proposé de faire les affiches, mais on a besoin de quelqu'un pour les flyers.

–  Je peux m'en occuper ? proposa Alexie d'un air timide.

–  Adjugé. D'autres idées ?

–  Vous avez choisi quel traiteur ? demanda Andréas. Est-ce qu'il y aura des alternatives végétariennes ? Et les couverts, ils seront en plastique, en bambou ou vous prenez de la vaisselle recyclable ?

            Prudence se mit à soupirer, mais elle l'écouta quand même parler pendant une dizaine de minute de tout ce qu'il fallait faire pour éviter que cette fête se transforme en pollution géante. Elle le chargea de contacter les organismes concernés puis passa à la partie activité.

–  Quelqu'un sait comment on va se débrouiller pour le labyrinthe ?

–  Le labyrinthe ? répéta Barthélémy.

–  Pour le concours Bart ! Celui qu'a proposé ton meilleur ami –Nicolas retire ce sourire satisfait de ton visage s'il te plait – dans lequel les filles devront retrouver les garçons, avant l'élection d'une reine et d'un roi. Et évidemment, tous masqués.

–  Ce qui exclue de fait les couples LGBTQIAA+, dit Lino.

–  On s'occupera d'eux pour la Pride. Donc, on devait choisir le lieu ? Il faudra un grand jardin, et si possible, pas à 20 000$ la soirée, M. Campbell nous a alloué un fond à 10 000$. Vous avez avancé sur la question ?

            Andréas et Alexie échangèrent un regard, avant qu'ils ne détournent les yeux, tous les deux n'osant plus prendre la parole. Le jeune duc était étonné d'entendre parler de célébrer des sexualités différentes. Jamais personne n'aurait proposé cela dans son établissement catholique.

–  Elric King a proposé son manoir, annonça Lino. Il veut redorer le blason de son frère, Alexander. Entre nous, je pense qu'il n'y arrivera pas, mais le manoir reste une alternative intéressante, d'autant que ce serait gratuit.

–  Les King ont un super jardin, reprit Nicolas. Mon petit frère a été invité là-bas il y a deux trois ans. On n'aura aucun problème pour mettre un labyrinthe.

–  Cela me semble une bonne idée, qui est pour ?

            Ils votèrent et cette proposition remporta l'unanimité des suffrages. Le choix du jeu et de ses règles fut approuvé et Prudence finit par lever la séance. Ils terminaient la réunion au moment où la sonnerie annonça la fin de la journée. Il était dix-sept heures et Andréas espérait rentrer tôt ce soir, car Amélie fêtait ses dix-huit ans, et qu'elle avait proposé qu'ils aillent à la plage. Barthélémy termina de rédiger les dernières lignes du compte rendu, Nicolas lui demanda de le lui envoyer pour qu'il corrige et tout le monde rangea ses affaires. Il s'apprêtait à partir quand il s'aperçut qu'Alexie était juste à côté de lui. Il sursauta.

–  Je t'intimide ?

            Elle souriait toujours, ce qui le mit encore plus mal à l'aise.

–  Non. Pas du tout. Pourquoi tu dis ça ?

–  Tu évites mon regard à chaque fois que je tourne la tête vers toi. C'est à cause de Merlin, c'est ça ?

–  Pas du tout. C'est seulement... Je ne suis pas à l'aise avec les filles.

–  Tu n'es pas mal à l'aise avec Prudence. Ni avec Lily.

–  Ce n'est pas pareil. Elles ne sont pas... Toi tu es ...

            Il ne termina pas sa phrase, mais cela semblait faire rire Alexie qui se balançait d'un pied sur l'autre. Barthélémy restait en retrait mais n'arrêtait pas de lui jeter des coups d'œil insistants.

–  Il m'a dit qu'il te donnait des cours de littérature, continua-t-elle.

–  On n'a pas encore commencé, répondit Andréas. J'y vais vendredi.

            Merlin le lui avait proposé ce matin, il restait donc deux jours. Deux jours, c'était beaucoup trop long.

–  T'inquiètes, cela ne me gêne pas, lui dit-elle en posant sa main sur son bras.

            Il recula. Pourquoi fallait-il que tout le monde le touche dans ce lycée ? Et que voulait-elle dire par « cela ne me gêne pas » ? Elle se tourna vers Barthélémy et Nicolas et échangea quelques mots avec les garçons. Le premier bougonna tandis que l'autre se lança dans une longue explication de tout ce qu'elle pourrait faire sur ses flyers. Finalement, elle finit par partir et il la regarda s'éloigner en se demandant pourquoi Merlin l'avait choisi. Et s'il y avait une chance pour qu'il le choisisse lui, après une fille si gaie et enjouée.

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