Chapitre 14
Malgré les félicitations de ses camarades, Andréas n'arriva pas à se réjouir pour sa victoire. Lino était venue lui serrer la main, sans rancune, en lui demandant si elle pourrait rester trésorière l'an prochain – ce qu'il s'était empressé d'accepter – mais il avait du mal à se concentrer sur ce que chacun lui disait. Le départ de Merlin, comme son arrivée, l'avait plongé dans une totale stupéfaction et il se rongeait les sangs d'inquiétude.
– Je vais aller le retrouver, dit-il soudain à Alexie. Il a l'air malade.
– Non ! s'écria Alexie. Il ne vaut mieux pas.
– Mais pourquoi ?
Elle baissa encore les yeux et fixa ses pieds. Andréas fronça les sourcils, perplexe. Qu'avait-il fait pour que la jeune femme ne veuille même pas qu'il lui parle ?
– Il a surtout l'air défoncé, railla Barthélémy. Je vous l'avais dit qu'il n'était pas net, vous ne me croyiez pas tous les deux.
– C'est la faute de Dylan, décréta Andréas. Il a dû lui filer ses merdes et lui retourner l'esprit.
– Fraser est un con, il n'a pas besoin de Dylan pour ça, lança Seth en passant près d'eux.
– C'est toi qui es abruti ! s'écria Alexie.
Le jeune homme s'arrêta, étonné qu'elle s'adresse ainsi à lui.
– Merlin t'a frappé parce que tu m'avais insulté.
– Et que son pote le lui a demandé, ajouta-t-il.
– Dylan le manipule, s'énerva Andréas. Il faut qu'on aille lui parler. Viens Alexie.
Il lui fit signe de le suivre. La jeune fille soupira en comprenant qu'il ne changerait pas d'avis et le suivit après avoir rapidement rangé ses affaires. En marchant dans les couloirs, ils entendirent qu'on les suivait et se retournèrent pour tomber sur Barthélémy qui avait passé son sac en bandoulière sur ses épaules.
– Vous n'arriverez à rien, dit-il en accélérant le pas pour les rattraper. Johns a très bien vu que Fraser lui échappait quand il était avec nous.
– Et donc, on doit rester sans rien faire ? s'énerva Andréas en se retournant vers lui.
– Il ne te choisira pas Andréas, dit simplement Barthélémy en haussant les épaules.
– Je ne lui demande pas de me choisir mais d'ouvrir les yeux.
Il planta Barthélémy dans le couloir et ils partirent à la recherche de Merlin. Il fallut un moment avant qu'ils ne le retrouvent. Il était assis avec Dylan dans l'immense cours de récréation d'Hamilton, là où tous les élèves prenaient le soleil dans l'herbe. Heureusement, fumer étant interdit dans l'enceinte de l'établissement, Johns et lui n'avaient pas poussé jusqu'à sortir un joint en plein milieu du lycée. Les jumeaux n'étaient pas avec eux, mais Kate était allongée dans l'herbe, la tête sur les cuisses de son petit ami qui lui caressait les cheveux.
Ils étaient presque arrivés à sa hauteur quand Alexie posa sa main sur Andréas qui s'arrêta brutalement. Au loin, il vit que Dylan les avait remarqués et qu'il affichait son sourire mielleux et narquois qu'il détestait.
– Il vaut mieux que ce soit moi qui y aille, lui dit-elle.
– Je veux lui parler.
– J'ai compris, mais laisse-moi une minute.
Malgré lui, Andréas hocha la tête et la laissa faire. Elle avait raison, s'il fonçait sur Merlin, il se tirait une balle lui-même, étant donné qu'il était protégé par le choléra. Le virus n'attendait qu'un faux pas de sa part pour infecter son système immunitaire. Alexie s'approcha et échangea quelques mots avec eux. De loin, il vit Merlin secouer la tête, puis soupirer, et enfin se lever. Il crut qu'il allait revenir seul avec sa petite amie, mais il vit que Dylan le suivre comme la peste.
– Qu'est-ce que tu veux me dire ? demanda Merlin avec un ton agressif en arrivant à sa hauteur.
Andréas fronça les sourcils. Merlin paraissait assez remonté contre lui, ce qu'il ne comprenait pas. La dernière fois qu'ils avaient passé un moment ensemble, ils mangeaient des pancakes dans une pâtisserie après être allé chez le tatoueur, alors qu'est-ce qui avait bien pu se passer entre temps ? Le jeune duc voulait bien croire que Merlin n'ait pas apprécié son instance à lui parler de la drogue, mais là, sa fureur paraissait nettement plus exagérée que légitime.
– On peut peut-être discuter en privée ? proposa-t-il en jetant un regard à Dylan qui avait posé une main sur l'épaule de Merlin, comme s'il voulait le protéger.
– Souviens-toi de ce que je t'ai dit, murmura Dylan en se rapprochant de lui. Si tu l'écoutes seul, il te retournera l'esprit encore une fois.
– Je ne préfère pas, répondit Merlin.
– Tu ne préfères ou il ne préfère pas ? répliqua Andréas.
Dylan lui sourit tandis que Merlin braquait ses yeux bleus sur lui. Comme il ne répondait pas, Andréas préféra enchainer avec une autre proposition.
– Tu peux peut-être me dire ce que je t'ai fait dans ce cas ?
– Tu le sais très bien.
Andréas échangea un regard avec Alexie qui baissa les yeux. À côté d'elle, Kate semblait mal à l'aise mais ne disait rien. Fidèle à lui-même, Dylan continuait de sourire. Le jeune duc chercha dans son esprit s'il avait dit ou fait quelque chose qui aurait pu blesser Merlin mais ne trouva pas. À part la drogue ou les traces de blessures qu'il avait évoqué chez son oncle, rien ne lui venait à l'esprit, alors il opta pour cette option.
– Si c'est à cause de la drogue ou de ce que je t'ai dit l'autre soit chez mon oncle, je suis désolé, je n'aurais pas dû insister, je voulais juste t'aider.
– Je ne te parle pas de la drogue ! Ni de l'autre soir !
– Dans ce cas, je ne sais pas du tout de quoi tu parles.
– Tu m'as manipulé, tu as voulu m'éloigner de mon meilleur ami, l'attaqua Merlin.
– Pardon ?
Mais qu'est-ce qu'il racontait ? Ou plutôt, qu'est-ce que Dylan était allé lui dire ? Il allait se tourner vers le concerné mais Merlin enchaina, plus énervé que jamais.
– Tu le détestes depuis le début.
– Mais pas du tout, s'offusqua Andréas. C'est lui qui a commencé à m'insulter.
Merlin avait-il oublié que son cher et tendre meilleur ami passait régulièrement son temps à se moquer de lui ? Qu'il le mettait systématiquement mal à l'aise ?
– C'est lui le manipulateur Merlin, lui dit-il. Et ce qui me tue, c'est que tu ne t'en rends même pas compte !
– Il m'a dit que tu dirais ça. J'aurais dû le voir depuis le début, mais je me suis laissé aveuglé par... par...
– Son sourire et son titre, je comprends Merlin, tu ne pouvais pas savoir. On s'est tous laissé prendre !
Dylan l'enlaça et posa ses lèvres sur sa joue, avant de sourire à Andréas, comme s'il savourait sa victoire. L'aristocrate sentit son cœur s'emballer. Il avait envie de hurler, de secouer Dylan, voir même de le frapper, chose qui ne lui était jamais arrivé jusqu'à présent. La violence était proscrite par sa religion, comme par ses convictions, mais en cet instant, il avait réellement envie de lui casser la gueule.
Il aurait voulu garder son calme, mais malgré toutes les prières qu'il adressa au ciel, il ne put s'empêcher de regarder Dylan droit dans les yeux avec un regard de haine.
– T'es un sacré connard ! Tu le sais ça ?
– Tu vois Merlin, c'est la seule chose qu'il sait faire quand il n'a pas ce qu'il veut. Il voit que tu lui échappes, du coup, il me présente comme le grand méchant.
– Tu sais que je peux te dénoncer ? s'emporta Andréas. Tu lui files de la drogue, tu le frappes, tu le traites comme s'il t'appartenait, et tu veux lui faire croire qu'il est ton meilleur ami. Ce n'est pas ça l'amitié.
– Alors donne nous ta définition Monsieur le duc, répliqua Dylan sans se départir de son calme. C'est obtenir des services sexuels de la part de mon meilleur ami en échange de cours ?
– Pardon ?
Dylan avait perdu l'esprit ou quoi ? Et Merlin, qu'attendait-il pour lui répondre. Heureusement, une lueur de lucidité sembla enfin lui traverser l'esprit et il se tourna vers Dylan.
– C'est moi qui lui donne des cours, rappela Merlin.
– Je sais mon beau Merlin, je sais, susurra Dylan. Mais tu t'es laissé charmé par ses airs de petit ange maltraité. Son histoire de duc torturé est si tragique. J'y pense Andréas, est-ce que tu lui as dit la vérité à propos de centre où tu es allé ? Parce que j'ai eu vent par mon père que tu avais signé de ton plein gré pour te faire soigner. Alors, utiliser cette histoire pour faire croire à mon meilleur que l'on t'a forcé, je trouve cela un peu exagéré.
– Ferme là ! Tu ne sais pas de quoi tu parles.
Andréas avait les poings serrés et les larmes lui montèrent aux yeux. Évoquer le centre était la pire des tortures que Dylan pouvait lui infliger, en plus d'éloigner Merlin de lui, et il le savait parfaitement. Le jeune duc comprenait ce qui était en train de se passer, il sentait que Merlin était en train de leur échapper, parce qu'il était sous emprise de Dylan, et chacun de ses mots ne faisaient que l'éloigner davantage. Il jeta un regard suppliant vers Kate et Alexie. La première baissa les yeux et ne dit rien. Quant à la seconde, elle semblait prise entre deux feux.
– C'est bas ce que tu fais Dylan, chuchota Alexie.
– Toi, on ne t'a pas sonné, cracha-t-il. Merlin a besoin de soutien. Casse toi avec Kate si t'es pas contente.
– Merlin, reprit Andréas en décidant de ne plus s'adresser qu'à lui. Tu ne peux pas croire ça.
– Voilà qu'il va se mettre à pleurer, susurra Dylan. Quelle belle stratégie politique Monsieur le duc. Ou monsieur le président ? Félicitations pour ton élection d'ailleurs !
– Merlin, reprit-il en essayant d'oublier Dylan. On est ami.
Merlin éclata de rire et ses deux yeux bleus se fixèrent sur lui. Il écarta Dylan d'un mouvement d'épaule et s'approcha suffisamment près pour qu'Andréas eut l'envie intempestive de l'embrasser. Mais il ne reconnaissait plus le garçon devant lui. Ce n'était plus l'adolescent doux qui lui donnait des cours de littérature ou le caressait, c'était un autre, sous l'emprise de son meilleur ami.
– Barre toi Andréas, ça vaut mieux pour nous deux.
– Ce n'est pas ce que tu veux. Tu ne peux pas rester avec lui.
– Il a toujours été là pour moi. Je le connais, il a ses défauts, mais il m'aime.
– IL NE T'AIME PAS ! s'écria Andréas. Il te manipule !
– Retourne prier, c'est la seule chose que tu sais faire.
– Comment peux-tu me dire ça ?
Derrière lui, même Alexie semblait choqué par ses mots. Andréas se sentait affreusement mal, il avait envie de pleurer. D'ailleurs, des larmes dévalaient déjà ses joues et chaque mot de Merlin était comme un pique qu'il enfonçait plus fort dans sa poitrine. Il savait que ce n'était pas lui qui parlait, mais le poison que Dylan avait injecté dans son esprit. Un poison qui ne cesserait jamais de s'écouler tant qu'il resterait son ami. Mais même si Andréas savait que les mots de Merlin dépassaient sûrement sa pensée – du moins, il l'espérait - il n'empêche qu'il lui faisait mal.
– Tu ne crois pas ce qu'il te dit, pas vrai ? gémit-il.
– Et allez ! Voilà qu'il pleure maintenant, ricana Dylan derrière. Tu vois Merlin, qu'est-ce que je t'avais dit ?
– Merlin, on est ami, le supplia Andréas en lui prenant la main.
– Tu n'es pas mon ami Andréas, répliqua le jeune homme en retirant ses doigts. Tu veux juste que je t'encule, prendre du plaisir et oublier ton putain de sentiment de culpabilité avec ton dieu à la con !
Sa main partit d'elle-même s'abattre sur la joue de Merlin. Il n'avait pas réfléchi, mais il n'aurait jamais cru qu'il oserait lui dire cela. Qu'il oserait parler ainsi de Jésus, de sa foi, de ce qu'il ressentait. Il n'avait pas le droit.
– T'étais bien content de le faire, hurla-t-il.
– Dégage !
Merlin lui fit signe de s'en aller et le repoussa. Sa colère le faisait trembler. Andréas ne savait plus comment réagir, partagé entre sa propre colère et sa détresse à l'idée de partir et de le laisser entrer les mains de Dylan. Partir serait comme plier l'échine devant son ennemi, mais que pouvait-il faire d'autre ? Alexie lui renvoya un regard triste. Il savait qu'il l'abandonnait aussi s'il partait.
– Tu te comportes vraiment comme un con, s'entendit-il dire.
– Parce que j'en suis un, petit duc, depuis longtemps. Il n'y a que toi et elle qui ne l'aviez pas compris.
Barthélémy avait peut-être raison. Peut-être que derrière le garçon qu'il avait connu et apprécié, avec lequel il avait couché et tissé une amitié, il n'y avait que de la violence et de la haine. Peut-être que Merlin n'avait affiché un visage avenant que pour l'humilier. Si cela se trouvait, depuis le début, tout cela n'était qu'une stratégie fomentée par son meilleur ami. Lui dire qu'ils pouvaient être amis, lui apprendre à aimer, puis le jeter.
– Maintenant va-t'en. Je ne veux plus voir ta sale gueule.
Ce n'était pas juste. Cela ne pouvait pas se terminer ainsi entre eux. Ils ne pouvaient pas l'abandonner. Pas comme ça. Pas maintenant.
– Merlin, on n'est pas obligé de faire ça. On est amis, répéta-t-il.
Merlin ricana encore. Il semblait trouver ses mots particulièrement risibles ou ridicules.
– On baise, nuance Von Fürstenberg.
Andréas eut l'impression de recevoir un coup de poignard en plein cœur. Ce n'était pas la première fois que Merlin lui disait cela, mais c'était différent d'habitude, moins chargé de mépris. « Ce n'est que du sexe entre nous Andréas », avait-il dit la première fois. Mais les choses avaient changé depuis, non ? Ils étaient amis. Leur histoire était devenue tellement plus que cela. Elle ne pouvait pas se terminer ainsi.
– Merlin, je ...
– FERME TA GUEULE ! hurla-t-il en le plaquant ses mains sur son torse et en le repoussant. CASSE TOI ANDRÉAS ! Je t'en prie.
Les derniers mots ne furent qu'un murmure. Andréas eut l'impression de discerner une supplique silencieuse. Quelque chose dans son regard semblait lui dire de ne pas partir, mais il contredisait avec ses mots durs, et il ne pouvait pas les ignorer. Alexie lui fit un signe de tête.
Il ravala ses sanglots et ne regarda même pas Dylan avant de s'éloigner. Johns avait gagné, et cela lui déchirait le cœur d'abandonner Merlin entre ses griffes. Il remonta vers le lycée en pleurant, le cœur plein de culpabilité. Il aurait dû insister. Il aurait dû rester. Mais à quoi bon ? Tant que Merlin resterait avec son meilleur ami et qu'il le droguerait et lui retournerait l'esprit, il aurait toujours raison à ses yeux.
Il traversa les couloirs et il était presque arrivé à la chapelle quand il entendit la voix de Barthélémy.
– T'as vu Fraser ? lui demanda-t-il en lui coupant la route.
– Pousse toi Bart, j'ai besoin d'être seul là.
– Je te l'avais bien dit que c'était une mauvaise idée.
Il le contourna et rentra dans la chapelle. Il se laissa tomber à genou devant Jésus, prit sa croix entre ses mains, prononça un « Notre Père » et mit ses mains en prière. Barthélémy ne pouvait pas comprendre ce qu'il ressentait, seul Dieu pouvait le soutenir dans cette épreuve alors qu'il pleurait à ses genoux. De rage, de tristesse, de désespoir. Tout aurait dû être parfait en cette journée. Il avait remporté ses premières élections importantes, il avait des amis, les vacances allaient arriver et il faisait beau.
Mais Merlin... Merlin était retombé sur la coupe de son meilleur ami, et cela, il n'arrivait pas à le digérer. Et il ne pouvait rien faire. D'autant que même si ses mots avaient été en partie dirigés par Dylan, cela restait Merlin qui les avait prononcés. « On baise Von Fürstenberg », « Tu n'es pas mon ami, tu veux juste oublier ton putain de sentiment de culpabilité avec ton dieu à la con ! ». Merlin avait tort. Il ne voulait pas juste oublier sa culpabilité dans ses bras. Il ne regrettait aucune de leur caresse, aucune de leur étreinte. Il recommencerait s'il le fallait, même si sa religion le lui interdisait.
Il croyait qu'ils étaient amis, vraiment.
Et il l'aimait.
Il ne savait pas comment, ni pourquoi, mais il l'aimait.
Et l'idée de le perdre et de le laisser entre les griffes de Dylan était insupportable.
¤
Et voilà ... Cette histoire se termine ici !
Pour l'instant en tout cas.
Si vous désirez connaitre la suite, rendez-vous sur le podcast Le monde nous appartient.
Puis, sur les OS "Noël" et "Le mariage" d'Andréas & Merlin (car oui, malgré cette fin tragique, plus tard, cela finira bien...).
Et peut-être que nous réussirons un jour à trouver un éditeur pour notre roman Deux étoiles pour deux Papas, que nous avons écrit avec Marion avec nos deux bébés ! <3
En attendant, n'hésitez pas à me dire si vous avez aimé !
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