J'essaye en vain de réussir à déterminer la voix de l'homme que je viens d'entendre. Elle ne me fait penser à rien de familier, c'est étrange. Recevoir une lucifette pour se rendre à un "numéro qui m'inspirera le plus confiance", c'est pas net.

Je réfléchis de plus en plus à l'hypothèse que c'est un piège des sombros, et petit à petit j'enlève de mon esprit l'envie de me rendre sur les lieux.

Je me pose un instant sur une chaise de bar de la cuisine à la couleur rouge flamboyante. Je ferme les yeux et me re-mémore les mots prononcés par la luciole.

D'un coup, mon corps ne répond plus de lui-même, et s'élance, me faisant presque tomber au sol. Je comprends et réalise à l'instant que l'avenue des Impoche est la rue où vit Jessica.

Ce n'est pas une coïncidence, je suis obligé désormais de me rendre là-bas, je suis convaincu que je ne risque rien.

Dans la précipitation la plus totale je me rue en plein cœur de New-York. Je ne préviens personne de mon départ, et je n'ai plus qu'une hâte, c'est découvrir ce qu'il se passe dans cette fameuse rue.

Je n'ai jamais traversé aussi rapidement Central Park, le temps est presque orageux, la pluie ne va sûrement plus tarder. Au fur et à mesure que je me rapproche du lieu de rendez-vous, l'atmosphère est de plus en plus palpable.

Mon cœur se met de nouveau à s'emballer et un mélange d'émotion traverse mon esprit. Je suis à la fois paniqué et admiratif de mon propre courage. Tout n'est qu'une question de temps, je me rapproche, je me rapproche.

Comme je l'avais pressenti, les premières gouttes de pluie font leurs apparitions. Je n'aurai jamais cru que la fin de ce mois d'octobre serait aussi mouvementée.

Après avoir traversé la "rue des coiffeurs" comme on l'appelle avec Jess, je poursuis mon périple en m'éloignant des passants. J'arrive alors dans de plus petites ruelles, plus sombres, plus mystérieuses, plus vides.

Je reconnais au loin la rue de l'Impoche, elle n'est plus qu'à quelques mètres de moi et je ne peux plus rebrousser chemin. Je dois avancer. Je dois y aller.

Tandis que mes jambes font de plus en plus petits pas, j'entends de nombreux bruits autour de moi. Ce n'est peut-être que le fruit de mon imagination, mais j'ai cette sensation d'être suivi, d'être observé.

Une fois arrivé au niveau du panneau qui indique la ruelle, je pense de nouveau aux mots de la Lucifette : "Rends-toi le plus rapidement possible à l'avenue des Impoches, au numéro qui t'inspirera le plus confiance".

Il faut ainsi que je me dirige au numéro qui me donne confiance.

Je regarde autour de moi, sans repérer aucunes traces d'individus ou d'autres indices. Je commence à avancer dans cet endroit étrangement silencieux.

Je me rapproche doucement de la maison de Jess, le numéro sept, celui qui m'inspire le plus confiance. Je pense forcément à chez elle, mais je me dis que ce n'est peut-être pas ici que je devrai me trouver.

Alors que j'allais envisager de trouver un autre numéro plus cohérent, je découvre, mise en valeur pas l'aspect sombre de la rue, une autre Lucifette qui vole au niveau de la fenêtre de la chambre de Jess.

Je comprends rapidement que je suis au bon endroit, et je suis aussi certain que Jessica ne rentrera pas d'Andore avant de longues heures. Du moins j'espère.

Le seul moyen pour moi d'accéder à cette luciole est par la maison. Je dois me présenter auprès de Madame Pereza et prétexter une excuse.

Je m'approche de la sonnette, appuyant machinalement sur le bouton, avant même d'avoir une simple idée de l'excuse que j'allais donner pour entrer dans la maison de Jessica.

Je commence à paniquer, quand la mère de Jess ouvre la porte et me reconnait au loin.

— Kyle ! s'exclame-t-elle.

— B.. Bonjour Madame Pe.. Pereza, balbutié-je.

— Comment vas-tu mon garçon ? Je ne t'ai pas vu depuis un moment !

— Oui, c'est vrai..

Je me demande alors à cet instant, si elle est au courant de notre petite dispute avec Jessica.

— Allons bon, que veux-tu ?

— Hé bien..

— Jessica n'est pas encore revenue, si tu la cherchais, m'intérrompt-elle.

— Je ne suis pas venu la voir, répliqué-je à son plus grand étonnement.
Je viens récupérer le disque dur que je lui ai prêté l'année dernière, dis-je, fier d'avoir inventé cette excuse et de pouvoir par la même occasion récupérer ce fameux disque.

— Un disque quoi ? s'interroge-t-elle.

J'avais oublié que je faisais face à une sorcière qui ne connaissait pas grand-chose du monde bannet.

— Un outil pour stocker des données, comme des films.

— Ah, très bien, entre mon grand !

J'entre alors dans l'immense maison de Jess. Le pavillon est sur deux étages et j'emprunte directement les escaliers de marbre. J'arrive sur le palier sans avoir le temps d'analyser le décor de la maison qui a changé.

— Tu sais où chercher ou tu as besoin d'aide ? crie d'en bas la mère de Jess.

— C'est bon normalement, improvisé-je.

J'entre dans la chambre, totalement décorée de paysages paradisiaques, lui rappelant les Caraïbes.

J'ouvre avec la plus grande des précautions la fenêtre, afin d'atteindre la Lucifette.

Elle est toujours au même endroit, prête à se faire écouter. Je me penche pour l'attraper, quand je sens brutalement une sensation de chaleur qui me brûle la paume de la main. La Lucifette devient rouge et je la lâche rapidement. Elle ne m'est pas destinée.

Je ne comprends plus rien, mon corps est encore sous le choc et ma main me pique.

Je vois le disque dur posé sur le lit de Jess, juste à côté d'un de ses pantalons. Je le prends précipitamment afin de n'éveiller aucun soupçon en restant trop longtemps.

Mais dans la vitesse de l'action, je fais tomber le jean de mon amie, et le contenu de ses poches par la même occasion. J'entends les pas de la mère de Jess qui monte les marches. Je mets rapidement les morceaux de papier et les chewing-gum qui sont tombés dans ma propre poche.

La mère de Jess me fixe avant de lancer :

- Tu es sûr que tout va bien Kyle ? Jess m'a dit que vous vous étiez disputez et...

- Oui Madame, promis je dois filer désolé.

Mentir à cette femme extraordinaire me fait du mal, mais je crois que je n'ai plus le choix.

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