Fuite
Sur la route, long ruban de béton, je marche. Seule.
Je fuis la guerre. Je fuis mes parents. La honte de leur en vouloir a longtemps retardé mon départ. Mais les cris et les reproches ont eu raison de mes doutes, de mes espoirs. De moi. Je n'ai jamais supporté qu'on élève la voix.
Ils n'ont jamais remarqué mes yeux embrumés tous les soirs.
Ils n'ont jamais remarqué mon silence. Ils n'ont jamais écouté les paroles des chansons.
Ils n'ont jamais remarqué ma douleur.
Ils n'ont jamais remarqué mes appels à l'aide, vains signaux que j'ai fini par graver sur mon corps. Littéralement. Depuis quelques mois, des cicatrices ornent mes bras, fin bracelets témoignant ma perdition. J'ai commencé par écrire sur mes poignets, en cours, et l'encre de sang emportait ma douleur en s'effaçant... Un jour ça n'a plus suffit. Alors, j'ai pris pour plume une aiguille. La souffrance du corps diluait celle de l'esprit. J'avais parfaitement conscience de ce que je faisais. Je savais la folie que représentait mes gestes. L'esprit dérangé qu'ils traduisaient. Le désespoir.
J'ai essayé d'attirer leur attention. Je n'ai jamais réussi. Me retrouver dans la même pièce qu'eux me rendait muette. Comme dans les films, tout ce que je disait pouvait être retenu contre moi.
Je voulais devenir chanteuse, faire de belles chansons, de celles qui rendent les gens heureux, de celles sur lesquelles ont tombe amoureux. Mais ils n'y croyaient pas. Ils ne croyaient pas en moi.Jamais. Ils n'ont jamais su écouter, mes chansons, ma douleur, eux...
Le jour où je n'ai plus eu de place sur mes bras, devenus insensibles, j'ai compris. Que la paix ne s'arrêterait jamais sur ce foyer, que ça ne servait à rien de lutter. Jamais je ne verrais la fierté briller dans leurs yeux. Jamais, ils ne danseront, enfin réconciliés sur une de mes chansons...
Je voulais voir ma famille heureuse.
Je voulais vivre, aimer, chanter. Je voulais Vivre.
Mais ce n'est pas possible.
Alors je suis partie...
Sur la route, je marche.
Seule.
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