Chapitre 30: Décembre (3)

(Chapitre non corrigé par ma correctrice)

Synetelle coupa une tête de son sabre aussi aisément qu'elle aurait décapsulé une bouteille. Des gouttes de sang vinrent se poser sur son visage, se mêlant avec adresse à ses quelques tâches de rousseur.

- Trois, dit Synetelle à l'intention d'Alicia.

La magicienne en face d'elle esquiva un chasseur de prime d'un pas sur le côté, trop concentrée sur sa tache pour pouvoir lui répondre. Synetelle s'élança pour lui donner un coup de main et brisa les genoux de son assaillant avant qu'Alicia ne l'achève.

- C'est qu'ils sont forts, ces cons, marmonna la capitaine de l'équipe Alpha.

Alicia haussa les épaules. Il ne fallait pas en attendre moins de la part de chasseurs de primes sans aucun doute chargés de tuer le premier ministre.

Au moins, avec l'aide du AMI, peut-être la Cité allait-elle finir victorieuse des affrontements.

En espérant ensuite que Pyros et le Futuro ne se décident pas à aller attaquer ailleurs. Avec Astras sous leur main puis leur désir d'assiéger la Cité, il fallait s'attendre à tout venant de leur part.

Synetelle fronça les sourcils en voyant deux silhouettes familières fureter autour du palais royal.

- Ce ne seraient pas des gens de l'Ombre ? demanda Alicia en les fixant à son tour.

- Je ne suis plus sûre s'ils ont officialisé leur appartenance, mais ils sont au moins de grands alliés.

Les deux filles s'avancèrent jusqu'à eux. Ce n'était pas la peine d'attendre le reste de l'équipe Alpha, elles devaient être occupées à se débarrasser des ennemis dans leur zone d'action.

- Maximilien, c'est bien ça ? l'appela Synetelle.

Lui et Ilyann se tournèrent vers elle, coupés dans leur contemplation. Ils se crispèrent un instant, puis se détendirent en reconnaissant, au moins vaguement, les deux magiciennes.

- C'est ça, oui. Vous êtes les magiciennes de l'équipe Alpha affiliées à l'Ombre ?

- Tout à fait. Actuellement à la Cité pour se débarrasser des ennemis selon le souhait de notre nouveau directeur.

Maximilien et Ilyann ne leur dirent pas que c'était en réalité après leur demande que le AMI avait été envoyé.

- Vous vous en sortez ? demanda Maximilien.

Synetelle haussa les épaules avec ennui.

- A peu près. Ce n'est pas du gâteau, mais on sait gérer.

- Tant mieux, dans ce cas.

- Et vous, qu'est-ce que vous faites ici ? demanda Alicia.

- Nous avons impérativement besoin de rejoindre le premier ministre, indiqua Ilyann. Si vous avez une idée de comment infiltrer le palais, ce serait bon à prendre.

Synetelle croisa les bras et observa la grande façade de briques rouges du palais, les yeux plissés.

- A part escalader, briser une vitre et espérer ne pas se faire tuer par nos chasseurs de prime, je ne vois pas trop. Il y a vraisemblablement des accès souterrains, mais ils ne sont évidemment répertoriés nulle part.

- C'est bien le souci, soupira Maximilien. Le palais est fait pour résister à un siège, y entrer n'est pas simple.

- On peut toquer, dit simplement Alicia.

L'idée laissa tout le monde sans voix. Elle était si simple et si naïve qu'elle n'avait effleuré l'esprit de personne.

- A toi l'honneur, dans ce cas, lui dit Synetelle.

Alicia matérialisa un petit cailloux entre ses doigts et l'envoya heurter une fenêtre, barricadée d'un sortilège. Elle réitéra l'opération plusieurs fois jusqu'à ce que la moitié d'un visage ne se dessine derrière la vitre. Alicia et Synetelle se retournèrent alors pour mettre en évidence le symbole du AMI brodé de blanc sur leurs vestes noires : les couleurs des agents de terrain.

La magicienne à la fenêtre esquissa quelques signes de main qu'elles interprétèrent comme un code. Sous leur étonnement, ce fut Maximilien qui le comprit et qui y répondit.

- C'est un code usé par les chasseurs de prime de la Cité, leur expliqua-t-il en voyant leurs mines perplexes. Je l'ai appris après être resté au palais quelques temps.

Ils n'eurent pas longtemps à attendre avant qu'une dalle du sol ne se soulève près d'eux et que la chasseuse de prime n'en sorte, jetant des regards attentifs autour d'elle.

- Vous êtes tous du AMI ? demanda-t-elle.

- Seulement moi et ma camarade, répondit Synetelle en désignant Alicia. Les deux magiciens sont des alliés. Ils ont besoin de parler au premier ministre.

- Vos noms. Je ne laisse passer personne tant que je n'ai pas de nom.

- Maximilien et Ilyann Avenski, dit Ilyann. Le premier ministre nous connaît. Dites-lui que nous avons des informations de grande importance.

La chasseuse de prime leur renvoya un regard perçant, puis disparut dans les souterrains. Il s'écoula dix minutes avant qu'elle ne refasse surface, l'air plus détendue.

- Suivez-moi, dit-elle. Le premier ministre vous attend.

Maximilien et Ilyann suivirent la chasseuse de prime à travers le palais, silencieux. Même si elle tentait de le dissimuler, elle restait suspicieuse envers eux, ce qui était parfaitement légitime. Au fond, ils auraient très bien pu être des ennemis déguisés pour les tromper.

Heureusement pour elle, ce n'était pas le cas.

Aucun bruit ne filtrait à travers les couloirs, comme si les lieux étaient totalement déserts. Pourtant, tout le gouvernement était encore terré entre les murs du palais.

- Nous sommes arrivés, dit la chasseuse. Attendez ici une minute.

Elle ouvrit le bureau du premier ministre après y avoir toqué et passa sa tête dans l'entrebâillement de la porte. Le premier ministre finit par apparaître de l'autre côté et s'installa dans le couloir.

- Bonjour, dit-il à l'intention de Maximilien et Ilyann. Qu'est-ce qui vous amène ici en ces temps troubles ?

Le siège partiel de la Cité ne semblait pas entacher son éternel air moqueur.

- Nous avons des nouvelles du côté des laboratoires, déclara Ilyann. C'est mauvais.

Le premier ministre se redressa légèrement, attentif.

- Nous pensons fortement que les laboratoires se sont alliés avec Pyros et le Futuro, poursuivit Ilyann.

- Comment ça ?

- Ils n'ont pas ciblé les cités attaquées au hasard. Astras possédait une alliance avec les Magiciens Seconds et vous même entretenez quelques rapports avec l'Ombre. Vous attaquer revient à nous affaiblir.

- Sans doute, admit le ministre, mais cela ne suffit pas pour confirmer une théorie pareille.

- Pyros et Futuro n'ont menacé que les cités qu'ils comptaient attaquer, dit Maximilien, or ce sont celles qui luttent d'une manière ou d'une autre contre les laboratoires. Si nous ne nous sommes pas trompés, alors la prochaine cité attaquée devrait être le Chao Ming.

Le premier ministre plissa les yeux.

- Voilà qui ferait enfin réagir Jaon Chen. Et qui me donne un prétexte pour venir lui rendre visite.

- Vous comptez partir ? s'étonna Ilyann.

- La Cité n'est plus sûre. De toute manière, je me devais de faire changer d'avis le Seigneur Chen, et il n'y a rien de mieux que de le rencontrer en personne pour cela.

Le premier ministre fronça les sourcils, en proie à une certaine hésitation. Ou du moins à un doute.

- Ce que je ne comprends pas, reprit-il, c'est par quel moyen obscur les laboratoires auraient appris l'alliance des Magiciens Seconds avec Astras. Ma haine envers eux n'est pas un secret, mais la famille royale d'Astras n'a jamais laissé entendre qu'ils entretenaient quelconque alliance avec ce genre de groupe.

- C'est bien là un autre problème, déplora Ilyann. Cela induirait qu'il y ait un traître au sein même de l'Ombre.

Rachelle faisait tourner son crayon de couleur rouge entre ses longs doigts. Le mouvement était hypnotique, si bien qu'elle était tout bonnement incapable de détourner les yeux. Elle aimait celle couleur, voulait la voir partout autour d'elle. Un monde empli de rouge dans ses moindre recoins.

Un regard sur sa peau trop pâle la fit grimacer. Il lui faudrait un jour y remédier.

Très bientôt.

Un bruit dans le dortoir l'obligea à lever les yeux. Julia et Camille venaient juste de revenir de leur sortie dans les jardins du AMI, le sourire aux lèvres. Rachelle avait de plus en plus envie de l'arracher de leurs visages stupides. Mais elle devait patienter. Encore et encore.

Ou peut-être était-il temps d'enfin agir. De rejoindre son dieu qui devait l'attendre depuis des centaines d'années.

Ne pouvait-il simplement pas lui envoyer un signe ?

Bientôt, elle allait devoir retourner sous la tutelle de Phrixos, qui la gardait bien trop à l'œil, et à ce moment-là, tout ses espoirs de fuite seraient réduits à néant.

Non. Il était temps qu'elle agisse. Son esprit dissipé se focalisa sur cette seule idée, s'ancra dessus comme ses doigts autour du crayon rouge, qui se brisa sous sa poigne.

Il lui était aussi nécessaire d'agir que de respirer.

- Tu n'as pas l'air bien, Rachelle, dit Julia en s'approchant, un pli d'inquiétude barrant son front. Tu es sûre que tu n'es pas malade ?

Rachelle ne répondit rien. Depuis quelques temps déjà, elle s'y refusait catégoriquement. Ces gens ne méritaient pas d'entendre sa voix. Ils ne méritaient même pas de s'adresser à elle.

Julia posa une main glacée sur son front dans un geste maternel. Rachelle ne la considérait pas comme sa mère. Elle ne représentait à ses yeux qu'un obstacle. Un obstacle dont il fallait se débarrasser.

Elle posa sa main sur celle de Julia, qui se radoucit légèrement, avant de se crisper dans une expression horrifiée.

Rachelle sentait la flux de magie rouge sortir de son corps pour s'infiltrer lentement dans celui de Julia. Elle voyait ses veines devenir rouges à travers sa peau bien trop fine. Elle sentait un sourire naître sur ses lèvres à mesure qu'elle tuait à petit feu.

- Arrête ! s'écria Julia en cherchant à s'échapper de son contact. Rachelle !

Elle exauça l'exact contraire de sa demande et intensifia sa magie, retenant le bras de Julia de sa poigne de fer pour qu'elle ne puisse s'enfuir. Enfin, elle vit le rouge remplacer la pâleur de la peau à travers le réseau de ses veines, où sa magie se répandait comme un poison.

Maintenant, elle était digne d'entendre sa voix.

- Neda riedso, aelaïri, souffla Rachelle, menes odrogen ji klimnye fe ju alyokha.

Julia écarquilla encore plus ses yeux injectés de sang – si c'était seulement possible. Elle n'eut pas le temps de traduire ces quelques mots dans son esprit que son corps s'affaissa sur le sol dans un spasme silencieux. Une goutte de sang roula de la commissure de ses lèvres pour s'écraser sur le gris terne du sol.

Rachelle lui accorda à peine un regard en l'enjamba pour atteindre Camille, collée au mur, le visage empli d'une expression de terreur pure.

Ses yeux rouges, même emplis de larmes, la rendaient digne de quelques paroles.

- Dulianeo omenes, dit Rachelle.

Camille se recula doucement vers la porte de sortie.

- Je ne parle pas Lysirien et tu le sais, répondit-elle dans un faible filet de voix.

Rachelle se stoppa un instant, les yeux rivés dans les iris écarlates de Camille. Soudainement, elle n'était plus digne du tout. Les magiciens n'avaient pas à parler de langues d'humains.

- Dosma, reprit-elle, menes an neda ikta nauru.

Camille s'enfuit en courant dans le couloir. Rachelle fouilla rapidement sous l'oreiller de la capitaine de l'équipe Alpha et en sortit un poignard avant de partir à sa suite, animée d'une volonté sans faille.

Elle ne lui échapperait pas.

Rachelle passa à travers les murs, aidée de sa magie rouge qui lui créait des passages. Le décors ne cessait de changer alors qu'elle poursuivait sa proie, son esprit focalisé uniquement sur le rouge de ses yeux. En à peine quelques instants, elle fondit sur Camille et la poignarda dans le dos. Un cri perçant s'échappa de ses lèvres.

Rachelle grimaça. Elle aurait préféré la tuer en silence, mais celle-là était une mage rouge. Impossible de s'en débarrasser à l'aide de sa précieuse magie. Il lui fallait user d'armes.

Avec un peu de chance, elle serait rapidement réduite au silence.

Le corps de Camille retomba lourdement au troisième coup de poignard. Le silence s'abattit dans le couloir.

Rachelle retourna le corps fraîchement tué et jaugea ses yeux immobiles ouverts sur le plafond.

Elle ne les méritait pas.

D'un geste habile, elle les lui arracha et les jeta au loin, laissant deux trous béants sur son visage enfantin.

Quelques instants pour se délecter de sa victoire furent de trop. Au bout du couloir, deux silhouettes familières se dessinèrent, le regard incrédule braqué sur elle.

L'un d'eux était Jerome, le directeur du AMI et supérieur de l'équipe Alpha. L'autre était Eelis, son plus grand associé et lui-même supérieur de l'équipe Zéta.

- Rachelle ? s'étonna Jerome en s'approchant. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Elle réprima un sourire. Jerome pensait donc qu'elle était innocente, ou sûrement ne voulait-il pas se résoudre à la penser coupable d'un crime pareil. Son visage enfantin était l'assurance de passer pour une victime.

Enfin, si elle excluait Eelis et son regard perçant. Il sembla la sonder au plus profond de son être en un instant et retint Jerome par le bras tout aussi brusquement.

Rachelle se rendit immédiatement compte de son erreur.

- C'est elle la coupable, dit Eelis d'une voix plate. La magie rouge émane d'elle.

Il s'agissait également d'un Chevalier.

Rachelle aurait aimé lui proposer de la rejoindre dans son combat, mais là n'était pas le moment opportun. Il voulait l'arrêter et elle devait fuir maintenant que la liberté était à sa portée.

Dans des volutes de fumée rouge, elle traversa les murs jusqu'à l'extérieur.

On l'attendait.

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