Chapitre 29: Maximilien
20/02/2012.
Les employés se regardaient tous d'un air inquiet pendant que Kaladria faisait les cent pas devant eux, l'air incroyablement énervée. En arrière plan, Anthéon et Isidorh observaient la scène, l'air renfrogné. Du moins chacun pour une raison différente. Anthéon était agacé que Zéro ait pu s'enfuir et disparaître aussi facilement. Isidorh, lui, en voulait à Kaladria de ne pas avoir tenu compte de son avis et d'être allée jusqu'à l'endormir pour n'en faire qu'à sa tête.
- Qui l'a aidé ? demanda Kaladria une nouvelle fois. Vous étiez tous présents hier, l'un de vous sait forcément quelque chose.
La petite quinzaine de personnes amassées dans le couloir se regarda dans le blanc des yeux. Kaladria se pinça l'arrête du nez en soupirant.
- Il n'a pas pu s'enfuir tout seul ! s'écria-t-elle. Alors vous allez vous dénoncer ou tout le monde paiera pour une seule personne.
Elle dévisagea les employés autour d'elle jusqu'à choisir une victime à interroger.
- Vénérios. Tu sais quelque chose peut-être ?
Le magicien haussa les épaules.
- Rien.
- Vraiment ?
- J'ai passé la journée enfermé dans un labo, se justifia-t-il.
Kaladria lui jeta un regard noir et tourna la tête.
- Valentiana, poursuivit-elle, tu n'étais pas au labo, toi.
- Non, je...
Phrixos posa la main sur l'avant de la jeune femme.
- Elle était avec moi, dit-il, on faisait du rangement au sous-sol.
Kaladria s'apprêta à interroger quelqu'un d'autre, mais Phrixos l'interrompit avant qu'elle n'en ait l'occasion.
- Il s'est peut-être tout de même échappé seul, avança-t-il.
- Non, répliqua sèchement Kaladria. La porte de secours était ouverte et il est parvenu à court-circuiter le grillage. Une loque ne peut pas y parvenir sans aide.
Phrixos s'apprêta à répliquer de nouveau, mais celle supposée être sa mère l'en dissuada d'un regard. Il referma la bouche.
- Maximilien.
Le Madrigan leva le regard, qu'il avait jusqu'alors laissé rivé au sol. Théodore, Tobias et une jeune fille en face lui jetèrent des coups d'œil à la fois compatissants et insistants, tout en essayant de rester discrets.
Tous les quatre, ils s'étaient concertés. Sur ce qu'ils allaient faire et dire. Malheureusement, peu importait comment ils avaient retourné le problème, le résultat était toujours le même : ils finiraient à trois.
L'un avait dû se sacrifier.
- Alors ? demanda Kaladria, ses yeux perçants rivés sur lui. Tu sais le nom du coupable, je me trompe ?
Maximilien inspira un grand coup.
- C'est Greta.
Un silence pesant s'en suivit. Maximilien ferma ses yeux un instant, regrettant déjà d'avoir prononcé ce simple nom. Pourtant, il n'avait fait que suivre leur plan, et Greta s'était portée volontaire.
Malgré tout la jeune fille était terrifiée. Maximilien n'appréciait pas de l'admettre, mais cela permettait de donner le change. Comme s'il l'avait véritablement dénoncée.
- Greta, répéta Kaladria. Je n'aurais jamais parié sur toi. Comment ?
La jeune fille enfonça ses ongles dans ses paumes. Il y eut un instant se silence avant qu'elle ne réponde.
- J'ai volé les clefs à Maximilien pour ouvrir la porte de secours. J'ai volé le tube de court-circuit dans la réserve quand personne n'y était. J'ai caché Arvhald dans un laboratoire de culture vide lorsque vous le poursuiviez et je l'ai guidé vers la sortie.
Greta posa son regard apeuré sur Maximilien. Pour tous les employés autour d'eux, elle semblait lui demander pourquoi il l'avait trahie. En réalité, elle tentait de lui dire qu'il n'avait pas à se soucier d'elle. Maximilien détourna les yeux, essayant vainement de se persuader que tout allait pour le mieux. Greta avait choisi ce qui allait arriver de son plein gré, elle le faisait pour sauver ses trois camarades. Plus que ça, pour sauver Zéro.
Elle avait échangé sa vie contre la sienne
Kaladria s'approcha de Greta comme un animal vers sa proie. Elle l'attrapa par l'épaule pour la guider vers les deux autres supérieurs qui attendaient en retrait, adossés au mur du couloir, pour la balancer vers Isidorh. Il la rattrapa avant qu'elle ne le heurte.
- Charge-toi d'elle, lui dit Kaladria. Tu dormais lors de la fuite de Zéro, alors tu peux au moins faire cela
Isidorh lui jeta un regard tranchant, néanmoins sans répliquer quoi que ce soit. Il guida Greta à travers les couloirs jusqu'à ce qu'ils disparaissent au niveau des escaliers et que le bruit de leurs pas ne s'estompe.
Maximilien était soulagé qu'Isidorh ait été choisi par Kaladria. Des trois supérieurs, c'était le plus indulgent et le plus concerné par le sort des employés. Elle ne souffrirait pas.
Il s'agissait d'une bien maigre consolation.
♦
Chaque semaine, Maximilien s'éclipsait des laboratoires deux jours pour rejoindre Ilyann et Victorien. C'était sûrement l'un de ses seuls avantages à jouer les agents doubles : il avait la possibilité de les voir.
Comme d'habitude, les deux magiciens l'attendaient au centre d'Astras, près de l'une des Portes des Mondes de la cité. Avec la pluie torrentielle, ils étaient les deux seules silhouettes debout dans les environs, parfaitement trempés.
En voyant arriver son fils, Ilyann s'empressa de le prendre dans ses bras.
- Tu vas bien ? demanda-t-il, inquiet.
- Plus ou moins, répondit Maximilien. Nous avons perdu un autre infiltré.
Victorien tourna sa tête encapuchonnée dans sa direction. Le sort des infiltrés aux laboratoires était connu pour lui tenir à cœur, même si Maximilien ne comprenait pas exactement pourquoi. Du moins, il avait une vague idée.
- Qui ? l'interrogea le mage noir.
- Greta.
Le visage d'Ilyann se ferma. Victorien, lui, ne laissait transparaître aucune émotion en dessous de sa capuche, mais Maximilien était prêt à parier que cela ne l'enchantait pas du tout.
- C'est à cause d'Arvhald ?
- Oui, répondit Maximilien. Kaladria avait besoin d'un coupable et Greta s'est portée volontaire, même si elle n'avait rien à voir dans l'histoire.
- Cet enfant à intérêt à en valoir la peine, ajouta Victorien. Il serait fâcheux que l'un des vôtres se soit sacrifié pour un tas de vent.
- D'ailleurs, tu as de ses nouvelles ?
- Il se remet.
La pluie se calma légèrement, suffisamment pour laisser aux magiciens le loisir de voir à plus de deux mètres et de s'entendre plus aisément.
- Il ne faut plus que vous perdiez qui que ce soit, ajouta Victorien. Vous n'êtes plus que trois.
- Je sais, répondit Maximilien, mais il pourrait y en avoir d'autres dans le cas d'Arvhald...
- Tu ne peux pas tous les sauver, le coupa le mage noir. Je sais que cela ne te fais pas plaisir, mais c'est impossible. Vous ne pouvez pas continuer à échanger une vie contre une autre ou l'on risque de perdre tous nos infiltrés, toi y compris.
Maximilien acquiesça à contre-cœur. Il ne voulait pas abandonner tous ceux qui finissaient aux laboratoires contre leur gré, mais Victorien avait raison. Ils ne pouvaient pas risquer de se faire démasquer.
- Et Eloïse ? demanda-t-il.
Victorien soupira. Plus Maximilien l'observait, plus il se rendait compte de son état de fatigue. Sans doute avait-il fait beaucoup de nuits blanches récemment.
- L'affaire est compliquée, mais on s'en sort pour le moment. Je ne suis pas certain que cela va durer.
- Je suis désolé, je ne suis au courant de rien concernant les prochaines actions des laboratoires.
- Ce n'est rien. Je me débrouillerai sans. De toute manière, les laboratoires ne sont pas les seuls à la surveiller de près. Les chasseurs de magiciens s'y mettent également.
Maximilien fronça les sourcils. Ce n'était pas la première fois qu'il entendait le nom de ce groupe dans la bouche de Victorien, mais cette fois, cela semblait sérieux.
- Tu sais ce qu'ils veulent ?
- Peu importe, marmonna le mage. Ils ne vivront pas assez longtemps pour réaliser leurs objectifs.
Ilyann posa une main sur l'épaule de Victorien, qui était définitivement plus crispé qu'à son habitude.
- Tu devrais aller te reposer, dit-il. Tu as l'air épuisé.
- Pas le temps. Je dois veiller cette nuit.
- Depuis combien de temps tu n'as pas dormi ? s'enquit Ilyann.
- Deux jours.
- Tu dois te reposer, Victorien, insista-t-il. Je veillerai à ta place.
- Ça va aller, Ilyann, arrête de t'en faire.
Il se dégagea nonchalamment et s'éloigna pour rejoindre le chemin menant à l'extérieur de la cité, le tout sans un regard en arrière. Ilyann posa une main sur l'épaule de son fils et ils emboîtèrent le pas à Victorien.
- Les choses ne tournent pas comme il l'espérait, n'est-ce pas ? demanda Maximilien.
Ilyann esquissa un sourire triste.
- Elles n'auraient jamais pu. Seulement, Victorien a trop longtemps espéré que l'on se trompe. Ça lui passera.
- J'espère, répondit Maximilien, les yeux perdus dans le vague.
♦
Les choses avaient pris un tournant inattendu.
Le cobaye devenu Phoenix de Lumière avait fait un arrêt cardiaque quelques jours auparavant et il avait donc fallu lui trouver un remplaçant d'urgence.
Le seul employé ayant le profil adéquat était Maximilien.
Il n'avait aucun moyen de prévenir son père ou Victorien de la nouvelle. Il n'avait aucun moyen de refuser le sort qui lui était réservé et personne ne pouvait s'y opposer.
Il était obligé de devenir un Phoenix s'il ne voulait pas que son double jeu soit découvert.
Bien évidemment, Kaladria avait fortement appuyé sa candidature, sûrement une façon de le tester. Depuis que Zéro s'était échappé, elle surveillait Maximilien bien plus qu'à l'accoutumée. Il avait enfin une possibilité de rattraper les choses et de regagner sa confiance. Même si le prix était cher à payer.
Il le ferait pour son père et pour Victorien.
♦
Maximilien remua ses doigts, puis son poignet. Un geste simple, et pourtant, il avait l'impression que tout avait changé. Que cette main ne lui appartenait plus.
Isidorh l'avait prévenu qu'il aurait un peu de mal à s'habituer les premiers temps.
- Qu'est-ce que tu sens de différent ? demanda Isidorh.
Maximilien releva la tête vers lui.
- C'est difficile à expliquer, répondit-il, c'est comme si j'avais intégré le corps de quelqu'un d'autre. Mes muscles répondent, mais j'ai l'impression de les utiliser pour la première fois.
Isidorh hocha la tête. Ses boucles blondes laissèrent un instant entrevoir l'œil amélioré qu'elles cachaient.
- J'ai vécu la même chose, indiqua le supérieur. Ça te passera dans une semaine ou deux. A ce moment-là, tu pourras commencer à utiliser tes pouvoirs de Phoenix.
Maximilien acquiesça, les yeux rivés sur la paume de sa main. Le silence dura un moment avant que le supérieur ne reprenne la parole.
- Je m'étais opposé à ce qu'ils te transforment, dit-il.
- Comment ça ? s'étonna Maximilien en relevant les yeux vers lui.
Isidorh était toujours impossible à déchiffrer. Que pouvait-il bien lui passer par la tête ?
- Kaladria et Anthéon font toujours poids contre moi, poursuivit-il. Je n'ai pas eu la possibilité de les stopper, mais je les ai au moins convaincus de ne pas te mettre d'œil amélioré.
Maximilien resta sans voix. Isidorh exprimait très rarement son avis, préférant suivre ses collègues dans l'ombre. Qu'il ait pris sa défense, surtout après les événements récents, avait un côté surréaliste.
- Merci, dit Maximilien.
- Je ne suis pas ton allié.
Un lourd silence envahit la pièce. Maximilien fronça les sourcils.
- Je ne comprends pas.
- Greta est innocente. C'est toi, Théodore et Tobias qui avez libéré Zéro, répondit Isidorh, parfaitement neutre.
- Nous n'y sommes pour rien, se défendit Maximilien. Elle me l'a avoué et...
- Elle m'a avoué tout autre chose.
Maximilien resta silencieux, le cœur battant. Pourquoi Greta avait-elle tout raconté à Isidorh alors même qu'elle s'était sacrifiée pour les protéger ?
- Tu as tes secrets, j'ai les miens, poursuivit Isidorh. Garde ce que je te dis pour toi et je ferais de même. Greta n'est pas morte.
- Quoi ? s'exclama Maximilien.
- Je ne sais pas où elle est désormais, mais il était hors de question que je tue une adolescente. Kaladria et Anthéon ne le savent pas. Je t'invite donc à garder le silence.
- Est-ce que vous leur avez dit la vérité sur comment Zéro s'est échappé ?
- Non. Kaladria a des doutes, mais rien de fondé. Maintenant, écoute-moi bien.
Maximilien avala sa salive de travers. Isidorh se pencha légèrement vers lui, son œil visible braqué sur son visage blême.
- Fais profil bas et ne cherche plus à aider quiconque, dit Isidorh. Je sais que tu veux bien faire et je comprends parfaitement ton point de vue, mais si tu ne veux pas te trahir, il va falloir que tu cesses de prendre des risques. Si j'ai bien compris, Ilyann et Victorien comptent beaucoup sur toi.
Maximilien s'apprêta à répondre, mais Isidorh ne lui en laissa pas les temps.
- Je ne suis pas ton allié, répéta-t-il plus froidement.
A ces mots, il quitta la pièce sans un regard en arrière.
(Je m'excuse pour le temps de publication entre chaque chapitres, le bac est bientôt fini et du coup je vais pouvoir consacrer beaucoup plus de temps à l'écriture ^^)
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