Chapitre 35: Lysiriens & Madrigans
- Munis Madriganas ikhelateh, marmonna Nathanaël Walker dans un Lysirien absolument parfait.
Un des Madrigans face à lui le fusilla du regard, posant ses mains à plat sur la grande table qui séparait les deux clans dans un bruit sourd.
- Vous pensez peut-être que nous ne comprenons pas l'insulte? Dit-il d'un ton qui se voulait posé, malgré tout teinté d'un certain dégoût.
- Nous, Lysiriens, ne somme pas stupides, nous savons très bien que vous comprenez mes paroles. Mais ce n'est pas cela qui va m'empêcher de les prononcer.
Une jeune femme s'interposa entre les deux groupes: la négociatrice. Du haut de son mètre quatre vingt cinq, elle inspirait le respect. C'était sûrement une des raisons pour lesquelles elle avait été choisie.
- Calmez-vous, intima-t-elle. Ce n'est pas comme ça que les choses vont s'apaiser.
- Mais ce que vous ne comprenez, c'est que nous ne voulons pas que les choses s'apaisent, siffla Eleanora Higgins, d'épais cheveux bleus tombant sur ses épaules.
La négociatrice soupira. Depuis le début, les Walker-Higgins prenaient plaisir à dire des horreurs aux Madrigans. Il était évident qu'ils les détestaient, et cela devenait problématique.
- Eleanora, calmez-vous je vous prie, dit la négociatrice.
La grande femme jeta ensuite un coup d'œil dans les deux partis. Il fallait trouver Lysiriens et Madrigans ouverts au dialogue.
- Vous, dit-elle en pointant un couple de Madrigans, pouvez-vous venir?
Les deux hochèrent la tête et s'approchèrent.
- Qui êtes vous? Demanda la négociatrice.
- Salem et Tamara Van Elden, répondit la femme dans un sourire, d'épaisses boucles brunes encadrant son visage.
- Parfait. Vous me semblez bien.
La négociatrice jeta un regard du côté des Lysiriens et de la même façon, en désigna un couple qui s'approcha.
- Vous êtes? Demanda-t-elle.
- Mérian et Aylin Adams.
- Très bien. Comme vous m'avez tout deux l'air de couples calmes et sensés, vous essaierez de discuter du projet des mariages en suivant l'avis tout aussi calme et posé des autres.
En prononçant ces mots, la négociatrice jeta un regard plein de sous entendu aux fauteurs de troubles, notamment aux Walker-Higgins. Plus loin dans la salle, elle croisa le regard du premier ministre. Il lui indiqua que si besoin, il interviendrait.
- Eh bien, bonjour, dit Aylin.
- Bonjour, lui répondit Salem, un sourire poli aux lèvres.
Tamara, sa femme, se pencha légèrement en direction des deux Lysiriens pour leur glisser quelques mots qu'eux seuls pourraient entendre.
- Si vous voulez mon avis, certains de vos amis Lysiriens auraient bien besoin de retirer le balais qu'ils ont dans le derrière. Cela entrave à leur ouverture d'esprit.
Mérian laissa échapper un petit rire et se pencha à son tour.
- Nathanaël Walker n'est pas quelqu'un de facile, je le conçois. Il est quelque peu...
- Raciste?
- Effectivement. Lui et sa femme, comme quelques uns de notre peuple, ont un peu de mal à accepter les autres populations comme égales. Ils vivent un peu dans leur monde, un monde à part. C'est assez triste.
- Il en est de même pour certains des nôtres, dit Tamara. Si seulement ils pouvaient ouvrir un peu leur esprit et se rendre compte que ce n'est pas en se battant que les choses vont s'arranger.
La négociatrice s'immisça dans leur conversation.
- Pourquoi ne pas faire partager ce que vous dites à tout le monde? Vous avez l'air de débattre de quelque chose d'intéressant.
Mérian hocha la tête. Ses boucles de jais rebondirent sur son front halé.
- Comme le disait Tamara en face de moi, il serait temps que certains d'entre nous, Lysiriens et Madrigans confondus, retirent le balais qui leur entrave le derrière. Ces conflits entre nos peuples doivent cesser, ils n'ont aucune raison d'être.
Des exclamations fusèrent dans un mélange d'approbation et de réprobation.
- Vous êtes donc pour les mariages? Demanda la négociatrice.
- Ma femme et moi sommes contre, répondit Mérian.
- Et il en est de même pour nous, ajouta Salem. Nous avons deux enfants, et il est hors de question de les forcer à épouser qui que ce soit sous prétexte que cela améliorera les rapports entre nos peuples. Car soyons clair, tout cela ne sera qu'une illusion. Si mes enfants veulent épouser des Madrigans, Lysiriens, Ancestraux, ou tout autre peuple, je ne m'y opposerait pas, bien au contraire.
Certaines personnes n'approuvèrent pas du tout ces propos et ne se privèrent pas pour en faire part au reste de l'audience.
- Donc vous refuseriez de chercher un terrain d'entente sous prétexte que vos enfants veulent faire leur vie comme il leur semble, bafouant par la même occasion des centaines d'années de traditions? Cracha une Madrigane.
- Et pourquoi la jeune génération devrait payer pour ce que nos ancêtre ont crée? Demanda Salem. C'est injuste. Ce n'est pas à eux de régler un conflit dont il n'ont encore aucune idée de l'existence en leur forçant la main. J'aurais honte d'obliger mon fils aîné à faire une chose pareille. Quand aux traditions, très chère, il faut savoir vivre avec son temps. Tout évolue.
- Voyez-vous? Dit Aylin Adams. Je suis entièrement d'accord avec ce Madrigan. Vous Lysiriens qui vous croyiez au dessus du reste du monde, retenez bien ces propos en espérant qu'ils vous fassent changer d'avis.
Elle jeta un regard aux Walker-Higgins avant de détourner les yeux.
- Parfois, mon propre peuple me fait honte, ajouta-t-elle.
Nathanaël Walker s'approcha d'Aylin à grand pas, un air menaçant collé au visage.
- Ces quelques mots m'étaient destinés, je me trompe?
Mérian se planta devant sa femme. Il n'avait pas confiance en l'homme qui les dévisageait d'un air supérieur.
- Sans aucun conteste, répondit Aylin. A vous et votre femme. Je ne sais pas comment autant de haine peut émaner d'une personne.
- Et vous, je ne sais pas comment vous pouvez approuver l'idée d'un Madrigan. Vous souhaitez réellement autoriser votre enfant à épouser quelqu'un de sang différent?
- Et comment! Chez les Lysiriens, cela est pourtant assez répandu. Je comprendrais qu'un Madrigan puisse s'offusquer puisque cela n'est pas dans ses traditions, mais enfin, chez nous! Certains Lysiriens ici présents n'ont pas de "sang pur", comme vous aimez le décrire!
- Dans ce cas là, ces gens ne sont pas fréquentables. Cela divise notre peuple, mais cela montre aussi ceux qui sont sensés. Vous deux avez beau être des Lysiriens sans aucun conteste, pour ma part, vous n'en êtes pas des nôtres pour autant. Je pleins d'avance celui ou celle qui épousera votre fils.
- Ça suffit! Décréta la négociatrice.
Le couple Adams dévisagea Nathanaël d'un regard plein de désapprobation mêlé à de l'amertume.
Le premier ministre, qui se tenait à l'écart depuis le début, se joint au groupe, visiblement agacé par la situation. Il se tourna en direction de Nathanaël et le regarda de façon insistante.
- Votre hypocrisie n'est pas des moindres, dites moi, M. Walker.
- Je vous demande pardon? S'offusqua ce dernier, faisant tout de même attention à ne pas hausser le ton devant le premier ministre.
- Mais enfin, vous ne l'avez pas dit aux autres? Vous qui avez tant en horreur les Madrigans, vous avez décidé que votre fille en épouserait un. Votre descendance ne sera plus aussi "pure" qu'elle l'est pour le moment.
Des chuchotements emplirent la salle. Nathanaël, lui, avait pâli.
- Armändo! Dit la négociatrice. Avec tout le respect que j'ai pour vous, vous n'allez tout de même pas prendre part à ce débat?
- Bien au contraire, je vais le faire. Pourquoi est-ce que cela me serait interdit? Je suis un demi-Madrigan. Ou plutôt, un "non pur", comme ose dire cet homme.
- Vous? S'étonna Nathanaël, qui avait perdu tout respect pour l'homme qu'était le premier ministre. Un Madrigan? A moitié, qui plus est? C'est une honte de l'apprendre, vraiment. La reine devrait envisager de changer ses ministres au profit de personnes un minimum respectables.
Cela laissa un blanc dans le débat. Les Lysiriens et Madrigans attendaient de voir la réaction du premier ministre. L'affront qu'avait commis M. Walker pouvait être sévèrement puni.
Mais le premier ministre ne dit rien, gardant un air fermé.
- Comment osez-vous? Répondit la négociatrice à sa place. Vous cherchez à vous faire exécuter en place publique? C'est à un ministre que vous vous adressez, pas à un de vos amis. Vous lui devez respect.
- Laissez, dit Armändo.
Il s'avança d'un pas pour faire face à Nathanaël, prenant son air le plus supérieur possible, et parla suffisamment fort pour que toute l'audience puisse l'entendre.
- M. Walker, Mme. Higgins, j'espère que ce mariage arrangé avec la famille Zepleski se déroulera sans aucun ennui majeur. Après tout, cent mille pour la vente de votre fille, c'est un bon prix.
Des exclamations retentirent, la plupart de surprise. Mérian et Aylin prirent un air offusqué identique à celui de Salem et Tamara.
Puis deux Madrigans bravèrent la foule. Vêtus de vestes caractéristiques de leur peuple, noires et ornées de dorures, les deux nouveaux venus avaient tous deux des cheveux aussi noirs que leur iris: Landra et Sahellÿn Zepleski.
- Sans vouloir vous offenser monsieur le ministre, commença Landra, cet argent n'a rien à voir avec le mariage convenu. Ma femme et moi entretenons des rapports étroits avec des laboratoires et cette somme est une bourse d'étude attribuée à la jeune fille pour qu'elle puisse y travailler. Rien de plus.
- Vraiment? Dit le ministre avec un air faussement étonné. Et je me tromperais en avançant qu'il s'agit des laboratoires du Phoenix?
Landra fut, quand à lui, réellement étonné. Comment le premier ministre avait pu le comprendre? Des laboratoires, il y en avait bon nombre, alors comment avait-il pu deviner qu'il s'agissait d'eux en particulier?
- Vous ne faites pas erreur, non. Il s'agit d'un institut prestigieux réservé à une certaine catégorie de personnes. Andromède à la chance d'en faire partie. Je ne vois pas quel mal il y a à cela.
- Il est vrai qu'il s'agit d'une catégorie très restreinte. Par contre, je ne parlerais pas de chance, au contraire.
Landra se crispa. Le ministre savait.
- Tout dépend du point de vue, dit Sahellÿn, essayant de rattraper la chose, un fin sourire poli collé au visage.
- Tout dépend également de celui qui reçoit l'argent, répondit le ministre en esquissant la même expression hypocrite.
Un froid retomba. La négociatrice essaya de reprendre la situation en main.
- Je propose que chaque personne ici présente expose son avis sur la situation de façon claire et précise, afin que nous puissions analyser un peu mieux les différents points de vues. C'est de cette façon que nous parviendrons à trouver un terrain d'entente qui mettra un maximum de gens d'accord.
Des murmures d'approbation s'élevèrent dans la salle. Dans un coin, Mérian et Aylin Adams s'étaient mis à faire plus ample connaissance avec Salem et Tamara Van Elden, tandis que les Zepleski et les Walker-Higgins s'étaient éloignés pour discuter plus au calme. Ils avaient l'air soucieux.
De son côté, le premier ministre les observait avec un air mauvais.
Dès que le moment serait venu, il interviendrait.
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