Chapitre 23: Septembre (7)


Les Magiciens Seconds d'Astras avaient toujours été proches du gouvernement de la cité, et ce puisque leur aide avait été très utile après la guerre qui avait opposé les Madrigans aux Lysiriens. C'était Célèste qui s'était occupée de la plupart des communications, en général avec le prince Aaron, qui avait voulu s'impliquer sur ce terrain.

Cependant, après la quasi destruction des Magiciens Seconds d'Astras durant une récente attaque, cela lui faisait mal au cœur de fouler les couloirs du palais seule.

Le prince Aaron, qui marchait à ses côtés, dut s'en rendre compte, puisqu'il lui adressa ses condoléances d'une voix feutrée. Elle le remercia, un sourire triste aux lèvres.

Le palais d'Astras était généralement peu rempli. Les rares personnes qui déambulaient dans les couloirs le faisaient d'un pas pressé, une tablette ou des dossiers entre les mains. Célèste trouvait que cela avait un côté angoissant.

Ils passèrent à côté de la salle du trône, dont les larges battants étaient ouverts, et la sorcière jeta un œil à l'intérieur. Elle était surplombée d'un dôme de cristal fait de teintes de bleu, orange et jaune qui faisait penser à un coucher de soleil se reflétant sur le sol de mosaïque en dégradés de gris. Ce qui la faisait particulièrement dénoter des salles du trône des autres cités, c'était l'abondance de plantes qui grimpaient sur les murs jusqu'au dôme. D'ailleurs, Célèste remarqua plusieurs employés en train de s'en occuper et de couper certaines tiges, là où les fleurs poussaient les unes sur les autres.

Voilà pourquoi elle devait être ouverte.

- Où allons-nous ? demanda-t-elle.

Célèste reconnaissait qu'elle aurait pu poser la question plus tôt.

- Dans le bureau de mon père, répondit Aaron. Nous serons au calme.

Elle ne s'y était jamais rendue auparavant, puisque les Magiciens Seconds s'étaient limités à la salle du trône. Ce serait une première quelque peu intimidante.

Ils parcoururent plusieurs couloirs et un escalier avant d'arriver devant le bureau. Aaron sortit un trousseau de clés de sa poche, en passa une, d'un rose doré, dans la serrure, puis invita Célèste à le suivre quand il ouvrit la porte.

Le sorcière fut presque déçue quand elle entra à l'intérieur. La pièce était si sobre qu'elle n'aurait pas cru se trouver dans le bureau d'un dirigeant de cité. Les murs étaient peints d'un bleu paon où de larges cadres noirs de la famille royale étaient accrochés. Le bureau, fait de bois clair, avait deux tablettes posées sur le coin supérieur gauche. Une large plante aux fleurs blanches était posée juste à côté de la fenêtre parée de rideaux translucides qui laissaient une lumière diffuse entrer. À part ça, il n'y avait rien.

Célèste, qui avait aujourd'hui revêtu une longue robe mélange de blanc et de vert d'eau où le jupon et les manches légères flottaient lorsqu'elle se déplaçait, se sentait presque trop bien parée.

Elle aimait être élégante en toutes circonstances, mais se sentait gênée lorsqu'elle l'était davantage que certains lieux ou personnes prestigieuses. Aaron n'avait pas l'air de s'en formaliser le moins du monde, lui qui était en tenue plutôt décontractée pour quelqu'un de son calibre.

Il tira une chaise et attendit qu'elle s'y installe, puis contourna le bureau pour s'asseoir face à elle. À la place où aurait, en temps normal, été son père.

Le prince Aaron était jeune, entre dix-huit et vingt ans si Célèste ne se trompait pas. Il laissait pousser ses cheveux noirs, dont seule la partie assez longue était accrochée à l'arrière de son crâne. Les autres mèches encadraient son visage aux yeux violet clair et l'expression que Célèste trouvait similaire à celle d'un chien battu. C'était naturel chez lui, et elle s'effaçait uniquement lorsqu'il esquissait un sourire. Là, deux fossettes apparaissaient sur ses joues.

- J'ai cru comprendre que vous habitiez maintenant à la Cité, commença Aaron.

- Je loge chez des amis, en effet, confirma la sorcière, mais je dépends toujours d'Astras.

- Vous ne venez plus très souvent, n'est-ce pas ?

Célèste secoua la tête. Maintenant que la plupart de ses connaissances étaient à la Cité sous l'influence de l'Ombre, elle ne se voyait pas rester seule à Astras. Surtout après ce qui s'était passé pour ses amis des Magiciens Seconds.

- Je vois, dit le prince Aaron, pensif.

Était-ce uniquement pour ça que Célèste avait été conviée ici ? Ou alors cela concernait les Magiciens Seconds, qu'il souhaitait reformer ? C'était difficile à dire. En tout cas, la sorcière sentait sans mal son hésitation et sa nervosité.

- J'espère qu'il n'y a pas de problème, s'assura-t-elle.

- Non, non, promit Aaron. C'est juste que je ne sais trop comment aborder le sujet en douceur.

- Peu importe la façon dont vous vous y prenez, je ne vais pas avoir de réaction négative, ne vous inquiétez pas pour ça.

Il n'avait pas l'air de la croire, mais dut s'y résoudre. Il poussa un soupir et se lança.

- Je vous ai conviée ici après une discussion que j'ai dû avoir avec mes parents, suivie par plusieurs jours de réflexion intense. Tout ceci concerne les tensions actuelle sur le continent ainsi que l'avenir d'Astras.

- Cela concerne les Magiciens Seconds ?

- Non, cela vous concerne vous uniquement.

Juste elle ? Oh. Dans ce cas, Célèste ne voyait pas où il voulait en venir, même si elle supposait que son titre de prêtresse rentrait en ligne de compte.

- Avec la situation actuelle sur le continent, et particulièrement les attaques proférées contre Astras, Caméone et la Cité par Pyros et le Futuro, mes parents ont insisté pour que je trouve une personne avec qui régner s'ils venaient à mourir, avoua le prince. Comme ils ont peur de manquer de temps, ils m'ont demandé de faire un choix sous un mois, ce qui m'a contraint à faire rapidement le point sur qui pourrait convenir au rôle de dirigeant... Et c'est tombé sur vous.

Célèste entrouvrit la bouche, à la recherche de quoi que ce soit qui se transformerait en réponse convenable. Pour une fois dans sa vie, ses pensées, trop emmêlées, ne furent pas assez rapides à franchir ses lèvres.

Elle ? Reine d'Astras ? Elle n'était rien de plus qu'une jeune femme dont les aspirations ne s'étaient jamais mêlées à la politique. Pourquoi avoir jeté son dévolu sur elle ?

En constatant sa réaction, Aaron s'excusa du regard. Alors enfin Célèste réussit à prononcer quelque chose.

- Je ne comprends pas.

- Pourquoi je vous ai choisie ? Je ne sais pas si c'est la réponse à laquelle vous vous attendez, mais la voici. Je sais que vous n'êtes pas née sur Eole, que vous avez déménagé à plusieurs reprises et que vous avez habité sur les îles. Vous avez vu et vécu beaucoup de choses qui vous ont donné des perspectives que bien des gens n'ont pas. Vous êtes une prêtresse, ce qui vous donne la possibilité de sentir des choses que le commun des magiciens ne peut pas déceler. Et surtout, vous êtes quelqu'un qui a une élégance et un charisme naturel.

- Je n'ai jamais fait de politique.

- Peu de gens en ont fait, vous savez. Parmi les candidats auxquels j'ai pensé, vous êtes celle qui possède le plus de qualités. Raison pour laquelle je me tourne vers vous aujourd'hui dans l'espoir que vous acceptiez cette alliance. Vous apprendrez ce dont vous avez besoin.

Célèste ramena un mèche de cheveux sombres derrière son oreille. Elle sentait que le prince était quelqu'un qui s'efforçait de faire de son mieux. Elle l'avait toujours senti. Et, visiblement, ses parents lui faisaient suffisamment confiance pour choisir la personne qui règnerait à ses côtés.

Si Célèste donnait son accord, ils devraient se marier, mais pas de la même façon que les couples. Cela avait seulement valeur à concrétiser leur alliance. Le trône d'Astras demandait deux dirigeants de genre différent liés entre eux, comme érigé dans la constitution en place depuis des siècles.

Elle espérait qu'il n'arriverait rien aux dirigeants en place, mais dès qu'elle pensait à l'avenir proche de la cité, son cœur se mettait à battre plus fort. Un sentiment d'urgence l'envahit.

Célèste était une prêtresse puissante, aux perceptions précises. Parfois, plutôt que d'être rationnelle, elle préférait se laisser guider par son instinct, qui lui faisait rarement défaut.

En cette instant, il l'amenait en une direction bien précise.

- Je ne suis pas sûre d'en être à la hauteur, s'excusa-t-elle, mais j'accepte votre proposition.

La pause du midi touchait à sa fin. Installés dans un couloir du deuxième étage, à proximité d'un radiateur encore éteint à cette période de l'année, Lysandre, Mila et Eugénie discutaient distraitement tandis que cette dernière terminait le travail qu'elle était supposée rendre dans moins de vingt minutes.

Eloïse, qui avait promis de l'aider à faire le dernier exercice de ce devoir de mathématiques, était absente aujourd'hui – et avait apparemment déjà rendu sa copie la veille. Eugénie n'en revenait pas d'avoir ainsi été abandonnée.

- Tu t'en sors ? s'assura Lysandre.

- Les résultats sont faux, mais la volonté est bien présente, répondit Eugénie, qui mordilla le bout de son stylo.

- J'aurais bien proposé de t'aider, mais je pense pas que je vais y arriver.

- Ne t'inquiète pas, j'ai bien compris que de nous trois, c'était moi la meilleure en maths.

- C'est à dire qu'en temps normal c'est Eloïse...

- N'évoque pas le nom de la traîtresse, s'il te plaît.

Mila retint un sourire devant l'air dépité d'Eugénie, qui relisait en boucle son dernier calcul comme si l'erreur allait enfin lui sauter aux yeux.

Eloïse les avait prévenus vers six heures du matin pour leur dire qu'elle ne viendrait pas sans préciser la raison. Lysandre, qui avait l'habitude de la voir sécher, n'avait posé aucune question. Soit quelque chose se passait, soit elle n'avait pas envie de se déplacer. En tout cas, si elle avait rendu son devoir de mathématiques la veille, tout ceci était prévu et il ne fallait pas s'en inquiéter.

Eugénie ratura deux lignes, les réécrivit à la hâte, puis ferma sa copie et poussa un soupir de découragement.

- Terminé, annonça-t-elle. Je crois que j'ai perdu mon âme.

- Essaie peut-être de t'y prendre plus à l'avance la prochaine fois, tenta Mila.

- C'est beaucoup m'en demander, tu sais.

Eugénie rangea sa copie dans le cahier étendu à ses côtés, avant de le fourrer dans son sac parfaitement ordonné.

- Avec un peu de chance j'aurais plus de douze.

- Douze c'est bien, argua Lysandre.

- Mouais. Si j'ai moins, je compte bien brûler ma copie dès que le prof l'aura corrigé. Ensuite je brûlerai les cendres.

- C'est un peu extrême.

- J'ai un standard à tenir.

L'adolescente changea ses jambes de position et entoura ses genoux de ses bras. Elle laissa sa tête retomber contre le mur derrière elle et profita des dernière minutes de calme avant d'enchaîner avec les trois heures de cours qui l'attendaient cet après-midi.

Le répit fut de bien courte durée. Un bruit sourd qui ressemblait à une faible explosion fit trembler les murs et Eugénie sursauta. Tous les élèves qui, comme eux, attendaient dans le couloir, tournèrent leur regard vers le mur qui leur faisait face.

- ... C'était quoi ? s'inquiéta Mila.

- Sans doute rien, voulut rationnaliser Eugénie. Des idiots qui tapent contre la façade.

- Ça ne ressemble pas à des coups, fit remarquer Lysandre. On aurait plutôt dit que quelque chose a été jeté dessus.

- Peut-être qu'ils ont voulu faire un ping-pong en utilisant un élève comme balle.

- C'est pas crédible, tu le sais.

- Soit, en attendant il y a forcément une explication logique et sans danger.

Un second bruit, similaire au premier, retentit contre un point un peu plus à gauche. Il sembla même aux adolescents que les murs tremblèrent encore davantage.

Des cris leurs parvinrent depuis la cour de l'établissement.

- Je retire ce que j'ai dit, murmura Eugénie.

Ils se levèrent en même temps que les autres élèves qui traînaient dans le coin. Devaient-ils descendre voir ce qui se passait ou rester là où ils étaient ?

- Moi j'y vais, décréta Lysandre, pas très sûr de lui.

- Je pense pas que ce soit une bonne idée, répondit Mila.

- Je veux savoir ce qui se passe.

- On peut juste s'approcher un peu, proposa Eugénie. Ensuite on avise.

Mila aurait voulu insister, mais ses deux camarades avaient déjà pris leur décision. Elle les suivit pour ne pas rester toute seule en retrait.

Ils descendirent les escaliers les plus proches quatre à quatre et atterrirent au milieu du couloir du rez-de-chaussée. Le surveillant en charge pendant la pause du midi avait quitté son bureau et observait nerveusement un point au loin. Trois professeurs, sortis de la salle qui leur était réservée, chuchotaient entre eux.

Eugénie reconnut parmi eux M. Manent, son professeur de mathématiques, et s'approcha pour glaner des informations.

- Monsieur, vous savez ce qui se passe dehors ?

Il se tourna vers les adolescents, soucieux.

- Pas exactement, non, admit-il. M. Zepleski est parti voir ce qui se passait. Selon lui il y a de la magie.

Ça ne sentait définitivement pas bon.

- Ne vous éloignez pas, leur demanda la professeure de français de Lysandre et Mila.

- Je ne comptais pas sortir, la rassura Eugénie. Je tiens à ma vie.

Mila en fut soulagée. Ils avaient en avaient assez fait en descendant ici, hors de question qu'elle aille au devant du danger.

- C'est vous qui êtes amis avec Rory et Eloïse ? vérifia M. Manent.

- Oui, confirma Lysandre, pourquoi ?

L'enseignant n'eut pas l'occasion de formuler le fond de sa pensée. Le directeur débarqua dans le couloir au pas de course et rejoignit le groupe. Il avait l'air à la fois énervé et complètement désemparé.

- Où sont Eloïse Aprehensen et Rory Van Elden, les deux magiciens ? demanda-t-il.

Il avait de la chance d'être précisément tombé sur les élèves qui les connaissaient.

- Absents tous les deux, répondit Eugénie.

- Comment ça ?

- Ils sont pas là, répéta-t-elle. Eloïse m'a prévenue ce matin qu'elle ne viendrait pas.

- Elle t'as dit pourquoi ?

- Non. J'ai supposé que c'était par flemme, honnêtement.

Le directeur se passa une main sur le peu de cheveux encore sur son crâne.

- Ces fichus magiciens... Et Rory ?

- Lui il n'a rien dit, s'excusa Eugénie.

- Michaël est sorti voir, intervint M. Manent. Nous saurons bientôt ce que...

Quelque chose s'écrasa contre la façade, ce qui l'empêcha de finir sa phrase. Une seconde plus tard, ils virent Michaël, affublé de sa veste de Madrigan, être projeté dans le couloir depuis l'extérieur. Il roula sur lui-même et poussa sur ses bras pour se redresser prestement. Là, il tituba avant de retrouver son équilibre. Il tourna le regard et constata avec horreur, mais sans surprise, que le couloir n'était pas vide.

Ce que les trois adolescents remarquèrent, eux, c'était le sang qui s'étalait sur la tempe droite de Michaël.

Deux figures s'approchèrent tranquillement du Madrigan. La première, Mila la reconnut immédiatement et sentit son sang descendre jusqu'à ses pieds : Julien, le magicien qui avait déjà voulu s'en prendre à elle, durant l'attaque des laboratoires au parc quelques mois plus tôt. L'autre fille, par contre, elle ne l'avait jamais vue. Elle était grande, le visage couvert de taches de rousseur et avait des cheveux blonds bouclés attachés à l'arrière de son crâne.

Michaël esquissa un signe de main pour ordonner à tout le monde de partir le plus vite possible. Trop tard, Julien avait déjà posé son regard sur Mila, qui recula d'un pas par réflexe.

- Euh... articula Eugénie. Qu'est-ce qu'on fait ?

Lysandre ouvrit la bouche pour répondre, mais ne put prononcer un mot. Julien se précipita sur eux avec sa vitesse impressionnante et Mila eut juste le temps de bondir sur le côté pour ne pas se faire attraper. Eugénie la tira par le bras pour la redresser et le directeur les poussa derrière lui. Il manquait d'assurance, mais son geste fut apprécié par Mila, qui était figée sur place.

En fond, Michaël tentait tant bien que mal de retenir l'autre magicienne, qui lui donnait bien du fil à retordre.

- Tu sais, Mila, tu peux juste venir et nous faciliter la tâche, fit remarquer Julien, qui s'approcha lentement du groupe.

L'adolescente secoua la tête et fouilla ses poches à la recherche de son téléphone, les mains tremblantes. Eugénie fit de même, pas certaine des options qui s'offraient à eux.

S'ils fuyaient, Julien les rattraperait sans problème. En revanche, le combattre... Ce serait tout sauf une mince affaire.

Une professeure que les adolescents ne connaissaient pas composa le numéro de la police dans l'espoir qu'eux au moins puissent résoudre la situation. Mila avait de gros doutes. Quant au surveillant qui était là un peu plus tôt, il détalla vers la cour de l'établissement.

- Reculez-vous, ordonna le directeur. Vous n'avez rien à faire ici.

- Vous êtes un marrant, vous, répliqua Julien. Ce serait plutôt à vous de vous écarter, parce que...

Une sphère de magie d'un bleu azur le cueillit en plein crâne et il bascula en avant avant de se stabiliser. Ses sourcils se froncèrent et son regard se déplaça vers Lysandre, qui, les mains tendues devant lui, s'efforçait de garder un visage composé.

- Attends, toi aussi t'es un magicien ? s'étonna Eugénie, confuse.

- Toi, le gamin, tu ne sais pas te battre, comprit Julien à sa posture. Mais bon, si tu veux jouer à ça...

Il se précipita sur lui. Lysandre tenta de le repousser d'une décharge de magie, mais la puissance déployée fut insuffisante et Julien passa au travers. Il lui donna un coup de poing dans le plexus solaire et Lysandre heurta le mur de plein fouet, le souffle coupé. Il glissa sur le sol et s'efforça de retrouver une respiration normale.

Julien, lui, se tourna vers Mila, qui, horrifiée, ne pouvait pas quitter Lysandre des yeux. Est-ce qu'il allait bien ?

À peine la pensée se fraya un chemin dans son esprit que Michaël se téléporta devant leur groupe pour les protéger. La magicienne qu'il affrontait plus tôt, qu'il avait réussi à plaquer au sol un court instant, se releva pour se jeter sur lui.

Michaël avait déjà l'air épuisé et complètement dépassé. Il ne tiendrait pas longtemps, même s'il faisait son maximum. Sa magie, d'un jaune vif, couvrit ses mains et il évita de justesse le poing que Julien balança vers son crâne. Par chance, cela fit reculer l'employé des laboratoires. Tout cela pour que la seconde opposante se décide à rejoindre le combat.

- Où tu en es avec la police ? demanda M. Manent à sa collègue.

Elle venait juste de raccrocher et arborait un air outré.

- Ils ne veulent pas venir.

- Pardon ?

La troisième professeure les écarta quand un éclat de magie s'écrasa là où ils se trouvaient un instant auparavant, puis vérifia que Mila et Eugénie, recroquevillées, étaient saines et sauves.

- Il faut qu'on parte, décréta-t-elle.

- Pour laisser Michaël tout seul ? objecta M. Manent.

- Qu'est-ce que tu veux faire d'autre ?

- Écartez-vous.

La voix de Lysandre avait été à peine assez forte pour atteindre leurs oreilles. Mila le vit se redresser avec difficultés, le visage figé dans une grimace. Il avait l'air de souffrir. Pourtant, elle remarqua qu'il ne posait pas une main crispée sur son plexus ou son dos, mais contre sa gorge.

- Écartez-vous ! répéta-t-il plus fort.

La magicienne plaqua Michaël au sol et se redressa en sentant la magie rouge poindre dans l'air. Elle avisa Lysandre, plus particulièrement la couleur de ses yeux, et compris que cette fois-ci, c'était sur eux que les problèmes allaient déferler.

- Mage rouge ! s'exclama-t-elle à l'intention de Julien.

Ce dernier, qui avait replacé toute son attention vers Mila, pesta dans sa barbe et se tourna vers Lysandre. Il chercha à l'assommer, mais l'adolescent s'agrippa à son bras sans trop savoir comment et déchargea sa magie rouge sur lui.

Julien étrangla un cri, le repoussa et tomba à genoux, les veines de ses mains assombries. Lysandre, adossé au mur, leva une main vers la dernière ennemie, qui abandonna Michaël pour se concentrer sur lui à la place.

Le Madrigan saisit cette occasion. Toujours allongé au sol, il posa une main à plat dessus et laissa sa magie serpenter sur le carrelage jusqu'à Julien. Elle se transforma en fils, qui s'enroulèrent autour de ses bras. L'employé des laboratoires, sonné par la magie rouge qui s'écoulait trop lentement hors de son système, ne se releva pas assez vite. Michaël récita un sortilège Madrigan et il s'endormit comme une pierre, étalé de tout son long dans le couloir.

Plus qu'un. Par miracle, ils avaient maintenant une chance de s'en sortir.

M. Manent et sa collègue de français aidèrent Michaël à se relever. Lysandre, lui, contourna les enseignements que Phrixos lui avait transmis à l'époque et laissa ses pouvoirs prendre le dessus sur lui, rien qu'un court instant. Ses iris se teintèrent de rouge. Une déflagration s'échappa de son corps et brisa le champ de force que la magicienne leva à la hâte devant elle. Elle s'écrasa au sol, la respiration sifflante, et se concentra pour faire sortir la magie rouge de son organisme.

Lysandre était encore un débutant. Ses pouvoirs ne suffiraient pas à les tuer, mais ils n'en étaient pas moins abrasifs et incapacitants.

Les fils de Michaël saisirent la magicienne à ses poignets, et comme pour Julien, il récita un sortilège qui la fit s'endormir.

Un calme, cette fois teinté d'appréhension, envahit le couloir. Eugénie, Mila et les professeurs observèrent les corps inertes des deux magiciens, où leurs poitrines se soulevaient lentement, seul signe de vie.

- Lysandre ? l'appela Michaël, inquiet.

L'adolescent se retenait au mur, une main toujours sur sa gorge, les paupière closes et le dos vouté. Il avait l'air d'étouffer.

- Respire, dit doucement Michaël. Tout va bien. Respire.

Lysandre hocha la tête. Il inspira et expira bruyamment et, peu à peu, s'apaisa. Sa main quitta son cou et il cligna des paupières, incommodé par la lumière du couloir. La magie rouge qui émanait de lui reflua complètement.

Michaël poussa un soupir de soulagement.

- Ça va ? s'assura-t-il.

Lysandre acquiesça, néanmoins livide.

- Ça va.

- Ne refais plus jamais ça, s'il te plaît.

Pas la peine de le lui demander, Lysandre n'y comptait pas. Il était terrifié par sa magie rouge incontrôlée, alors heureusement que cela avait permis de sauver Mila.

Le directeur, après avoir avisé Michaël, se tourna vers Eugénie et Mila.

- Vous n'avez rien ?

- Non, répondit Mila d'un faible filet de voix.

- Tout va bien, confirma Eugénie, pâle. J'ai prévenu Eloïse de ce qui se passait, elle va arriver.

Michaël, jusque là retenu par ses deux collègues, les lâcha pour tenir debout de lui-même. Pour le coup, sa réaction était contraire à celle du directeur, qui était ravi de l'apprendre.

- Comment ça ?

Eugénie, presque gênée, désigna le téléphone dans sa main.

- Je lui ai dit ce qui se passait. Elle m'a répondu qu'elle arrivait.

- C'est une très mauvaise idée de la faire venir ici après tout ça !

- La police ne veut pas venir et je ne connais que deux magiciens, sachant que je n'ai pas le numéro de Rory ! Je ne savais pas quoi faire d'autre.

- Rassure-moi, elle ne vient pas seule ?

- Son père va l'accompagner.

- C'est déjà ça.

Si elle venait avec Victorien, cela limitait considérablement les risques. Et surtout, Michaël pourrait se reposer sur quelqu'un d'autre pour gérer la suite. Il n'était plus au meilleur de sa forme.

- Qu'est-ce qu'on fait d'eux ? demanda M. Manent en désignant les magiciens allongés au sol.

Michaël leur proposa de les amener dans une pièce à l'écart, où ils pourraient être installés jusqu'à ce que leur sort soit décidé. Ça, ce serait soit l'expertise de l'Ombre, soit celle de Victorien.

En attendant, Michaël avait des questions à leur poser.

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