Chapitre 15: Août (10)
Eloïse avait presque cru échapper aux problèmes. Elle admettait avoir tort, la division des chasseurs de magiciens de Londres avait visiblement des yeux partout.
Elle abandonna le français pour l'anglais. Tant pis pour Zéro, de toute façon, il n'était pas celui qui pourrait résoudre la situation.
Elle le maudissait profondément de l'avoir traînée là-dedans.
- Vous êtes qui ? demanda-t-elle.
- Des adultes qui s'inquiètent de voir deux jeunes gens seuls dans le métro. Vous allez où, comme ça ?
- Ça ne vous regarde pas.
- Restons polis, ma petite. On va discuter un peu.
Les cinq adultes restants vinrent entourer Eloïse et Zéro pour leur couper toute retraite. La magicienne crut même voit la lame d'un couteau caché sous la veste d'une des femmes. Elle devait avoir chaud, vu la température.
- Il parle pas, ton copain ? reprit l'homme, qui la tenait toujours pas l'épaule.
- Il est nul en anglais.
- Peut-être parce que c'est un magicien ?
La seule pièce de théâtre dans laquelle Eloïse avait joué était durant son année de CE2, alors qu'elle avait huit ans. Elle rassembla tous les talents d'actrices qu'elle avait abandonné à cette époque de sa vie.
- C'est pas un magicien. Est-ce que vous pouvez nous laisser passer ? On a un train à prendre pour rentrer chez nous.
- On en a pour cinq minutes.
- Vous n'avez pas des choses à faire ailleurs ?
- Non.
Eloïse se dégagea de sa poigne et voulut traverser leur cercle, mais la femme au couteau le sortit un peu plus de sous sa veste pour lui signifier qu'elle n'hésiterait pas à la planter si le besoin se faisait ressentir. Eloïse leva ses mains devant elle en signe de paix et revint sur ses pas. À ses côtés, Zéro devenait agité.
- Comment tu t'appelles ? demanda le chasseur.
- Eloïse.
- Et lui ?
- Alexandre, mentit-elle. C'est mon frère.
Le premier prénom qui lui était venu était celui de son jumeau. Zéro, ça n'allait pas passer, et même si Eloïse ne connaissait pas son vrai prénom, elle doutait qu'il aille, lui non plus.
- Vous ne vous ressemblez pas du tout.
- On n'a pas la même mère. Est-ce que vous pouvez nous laisser passer ?
L'homme secoua lentement la tête avant de désigner la boîte de bois que Zéro gardait fermement collée contre lui.
- C'est quoi, dans sa petite boîte ?
- Un objet de collection, improvisa Eloïse. Ça vient d'un jeu vidéo.
- On peut voir ?
- Non, ça ne vous regarde pas. Laissez-nous tranquille.
L'homme poussa un soupir.
- Tu sais, Eloïse, ton "frère", là, on sais qui il est. C'est le magicien qui a volé les morceaux de la carte qu'on gardait en tuant plusieurs des nôtres. On a pas mal de comptes à rendre avec lui.
Là, ça se compliquait. Zéro, qui ne comprenait rien à l'échange, saisit le poignet d'Eloïse et se pencha vers son oreille.
- Cours.
- Qu...
Zéro projeta une onde de magie qui envoya les chasseurs de magiciens voler contre les rampes et dans les escaliers. Il tira Eloïse pour qu'ils s'élancent à toutes jambes vers le quai.
- Je croyais que tu voulais faire comme si de rien n'était ! siffla-t-elle.
- Et clairement ça ne fonctionnait pas, répondit sèchement le Madrigan.
- Forcément, puisqu'ils savent qui tu es vu que tu as butés certains d'entre eux !
Ils dévalèrent les marches quatre à quatre. Les chasseurs de magiciens, qui s'étaient pour la plupart relevés, les poursuivirent, déterminés.
Il y avait un métro à quai juste en face d'eux. Seulement, les portes étaient en train de se fermer.
- Dépêche ! marmonna Zéro.
Eloïse fit son maximum, mais ses jambes n'étaient pas extensibles. Ils descendirent les dernières marches quand un sifflement d'air parvint à leurs oreilles. Eloïse eut juste le temps de se décaler qu'un couteau lui effleura le bras. Les passagers qui venaient de sortir de leur rame et remontaient vers la sortie se reculèrent vivement, parfois avec des cris.
Le métro, lui, démarra.
- On saute dedans, décréta Zéro.
Sans ralentir, il lança le sortilège pour passer à travers les murs sur une porte derrière eux et, dès qu'elle fut à leur niveau, Eloïse et lui bondirent dans le métro. Ils s'écrasèrent à l'intérieur et manquèrent de renverser plusieurs personnes au passage.
Là encore, il y eut des exclamations de surprise, des gens s'écartèrent et d'autres sortirent leur téléphone pour prendre des vidéos. Fort heureusement, ce n'était pas l'heure de pointe et il n'y avait pas trop de monde.
- Pour la discrétion, on laisse tomber, soupira Eloïse.
Elle se redressa et jeta un œil à son bras gauche, là où le couteau était passé. Elle avait une coupure sur plusieurs centimètres et le sang avait maculé sa peau dans une longue traînée rouge. Ça piquait un peu.
Une fille inquiète lui tendit un paquet de mouchoirs pour qu'elle puisse l'éponger. Eloïse la remercia.
- Someone threw a knife at you ?
Elle hocha la tête. Avec ça, si la police ne venait pas courir après les chasseurs, ils auraient de la chance. Il y avait des témoins, tout de même.
Eloïse et Zéro remontèrent vers l'avant de la rame pour s'éloigner des curieux, qui commençaient à poser des questions. Au moins, ils avaient toujours l'épée de Lysandre Anaxagoras.
La magicienne nettoya sa blessure comme elle put. Là encore, plusieurs personnes vinrent lui demander si tout allait bien. Elle leur répondit avec un sourire crispé et un hochement de tête dans l'espoir qu'ils lâchent l'affaire.
- Comment ils nous ont trouvés aussi vite ? marmonna Zéro.
- Peut-être qu'ils surveillent les Portes des Mondes et qu'ils nous ont vu apparaître de nulle part.
- Avec tous les sortilèges qui la protègent ?
- Toi, tu sous-estimes clairement les humains. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas son emplacement exact qu'ils ne connaissent pas l'approximatif.
- Donc ça veut dire qu'ils doivent surveiller les environs de Hyde Park.
Cela annonçait un retour à Astras un peu plus complexe que prévu.
- Oui, et qu'ils n'ont pas peur de faire des tentatives de meurtre en plein jour, ajouta Eloïse. Je pense que c'est ça, notre plus gros problème.
- D'habitude ils sont discrets, je ne pouvais pas prévoir.
- Non, c'est sûr. Je doute que ce soit leur comportement habituel, mais ils doivent avoir très envie de se venger de toi parce que tu as tué des leurs.
- Eh bien qu'ils essaient.
Eloïse aurait largement préféré passer sa matinée à faire des recherches dans la cave de Victorien ou à regarder une série sur son téléphone. Surtout qu'elle en avait commencé une très sympathique sur des vadrouilleurs du Désert Blanc, qui découvraient une relique sous le sable et la confiaient à un scientifique de Romée après la mort mystérieuse de plusieurs d'entre eux. Eloïse était à l'épisode cinq et les rebondissements étaient divertissants.
N'importe quoi, même un navet, aurait été mieux que cette excursion à Londres.
- J'en reviens pas que tu m'aies entraînée là-dedans de force et qu'au final je sois celle qui ressorte blessée.
Zéro avisa son bras où des traces rouges séchées subsistaient.
- C'est qu'une petite coupure.
- Et comment je suis supposée l'expliquer au Seigneur des Ombres ? demanda Eloïse.
- Mets un pull, elle ne se verra pas.
- On est en août.
- Alors dis-lui que tu t'es coupée toute seule, je ne sais pas, s'agaça Zéro.
- Tu as encore moins crédible, comme idée ?
- Débrouille-toi tout seule, si t'es pas contente.
Eloïse avait la conviction intime qu'ils ne deviendraient jamais amis, tous les deux.
Les stations défilèrent une à une jusqu'à ce qu'ils soient de retour à celle à proximité de Hyde Park. Ils sortirent de la rame en tachant d'être les plus discrets possibles et remontèrent vers la surface.
Eloïse vérifia qu'il n'y avait personne de suspect au niveau de grilles, puis enjoignit Zéro de la suivre. Elle se rappelait du chemin exact pour retourner à la Porte des Mondes, avec sa mémoire photographique.
À mesure qu'ils s'approchèrent, elle remarqua des regards de plus en plus insistants en leur direction. Il lui sembla même que deux hommes assez costauds se mirent à les suivre. Elle donna un coup de coude à Zéro.
- C'est possible que les chasseurs de magiciens se soient fait passer le mot, chuchota-t-elle.
- J'avais remarqué, confirma-t-il.
- Qu'est-ce qu'on fait ?
- On fonce. De toute façon, une fois qu'on aura quitté les lieux, ils ne pourront pas nous rattraper.
Le plan tomba à l'eau dès qu'ils s'approchèrent du but. Une dizaine de personnes bloquaient les accès à la porte et les regardaient approcher, amusés, comme pour les mettre au défi de passer outre. Zéro avait l'air déterminé à le faire.
Jusqu'à ce que les deux hommes qui les suivaient ne leur bondissent dessus pour les immobiliser. Eloïse évita le sien de justesse et lui donna un coup de poing dans le plexus solaire. Zéro, lui, manqua de se faire arracher la boîte des mains. Furieux, il projeta son assaillant deux mètres en arrière d'une déflagration de magie.
Eloïse forma un champ de force entre eux et l'une des personnes qui bloquait l'accès à la Porte des Mondes. Cette dernière avait sorti un pistolet de son sac et tira en leur direction à deux reprises. La magie se zébra d'impacts, mais Eloïse tint bon.
À partir de là, le chaos et la confusion s'emparèrent du parc. Les coups de feu résonnèrent et entraînèrent une avalanche de cris et la fuite de quiconque se trouvait dans les environs. Eloïse put déterminer la quantité de chasseurs de magiciens en voyant qui gardait ses positions. Il y en avait beaucoup, beaucoup trop.
Ces gens n'avaient pas un travail, une famille, quelque chose d'autre à faire aujourd'hui plutôt que de les poursuivre ?
Eloïse tira Zéro au milieu des fuyards.
- Qu'est-ce que tu fiches ? l'invectiva-t-il.
- On ne va pas y arriver. Plan B.
- Il n'y a pas de plan B !
- Bouge ton cul et on en trouvera un !
Enfin, Zéro se décida à accélérer la cadence pour qu'ils reviennent sur leurs pas. Il fallait vite qu'ils retournent dans le métro avant que la ligne soit coupée ou cette station bloquée.
Avec la confusion, ils furent nombreux à s'engouffrer dans le métro. Les deux magiciens suivirent le mouvement, l'esprit en ébullition. Il leur fallait une solution, et vite.
- Il y a d'autres Portes des Mondes à Londres, non ? demanda Eloïse.
- Oui, mais je ne sais pas où elles sont.
Elle sortit son téléphone à la recherche de l'information sur le réseau des magiciens. Elle en trouva deux autres, mais elles étaient beaucoup trop éloignées de leur position, et si les chasseurs de magiciens connaissaient leur existence aussi, ils auraient tout le loisir de venir leur couper la route là-bas. C'était trop risqué de le tenter.
- Alors ? s'enquit Zéro.
- Trop loin. Minimum une heure de transports pour chaque.
- Qu'est-ce qu'on fait ?
Les magiciens ralentirent à l'approche des portillons de sécurité. Eloïse avisa les stations d'un côté et de l'autre de la ligne Picadilly jusqu'à arrêter son regard sur l'une d'entre elles.
Il y avait bien une solution pour quitter Londres et rejoindre Astras sans passer par une Porte des Mondes d'ici.
- On prend le train, décréta-t-elle.
- Quoi ? s'étonna Zéro. Pour aller où ?
- À Lille, quelle question. Il passe sous la Manche.
- La quoi ?
- L'eau qui sépare l'Angleterre de la France. Pose pas de questions et suis moi.
Plusieurs portillons avaient été cassés pour laisser les gens descendre aux quais et s'éloigner de la scène de l'attaque. Ils en profitèrent et prirent la ligne du côté qui les ramènerait vers la station Holloway Road.
- Tu es vraiment sûre de ton coup ? demanda Zéro en comprenant l'itinéraire.
- On ne va pas descendre à Holloway Road. La gare, c'est deux stations avant. Fais-moi confiance.
Ils atteignirent le quai en même temps qu'un métro et se glissèrent à l'intérieur. Quand les portes se fermèrent, Eloïse remarqua que l'un des hommes baraqués venait de débarquer, juste un peu trop tard pour rentrer à leur suite.
Normalement, aucun chasseur de magiciens ne les avait suivis ici. Eloïse souffla un bon coup et récupéra son téléphone pour vérifier les horaires de train.
Le prochain partait dans une heure, ce qui n'était pas à leur avantage. Il faudrait se cacher en attendant de pouvoir monter dedans, en espérant que les chasseurs n'anticipent pas cette solution aussi.
- Du coup, le plan, reprit-elle. On descend à la station King's Cross St Pancras et on rejoint la gare de St Pancras. À partir de là, on trouve une cachette ou on reste invisibles jusqu'à l'arrivée du train. Dès qu'il est là, on monte dedans et ça va nous emmener à la gare de Lille Europe. Il y a une Porte des Mondes pas très loin, on pourra la prendre et retourner à Astras. On est bons ?
- Je suppose, maugréa Zéro.
- Super. C'est ta faute si on en est là, j'aimerais que tu ne l'oublies pas.
- On a l'épée. Le reste, c'est du détail.
Eloïse avait une furieuse envie de lui mettre des claques. Elle baissa le ton de sa voix pour ne pas attirer trop de regards.
- Du détail ? Ils ont tenté de nous tuer en pleine rue ! Ils ont créé une émeute ! Ça aurait pu très mal tourner, s'il y avait eu des dommages collatéraux.
- Comme si le comportement des chasseurs de magiciens était ma faute.
- Non, ça ne l'est pas, mais ils ont une réputation de violence et ils te détestent après ce que tu as fait. Ça, c'était à anticiper.
Comme seule réponse, Zéro la foudroya du regard.
- Pourquoi tu veux l'épée, déjà ? l'interrogea Eloïse.
- Ça ne te regarde pas.
- Ça me regarde beaucoup.
Il serrait la boîte comme si sa vie en dépendait. Eloïse lui adressa un regard insistant et il finit par capituler.
- Parce que les laboratoires la cherchaient aussi. Là, on les a devancés.
- Il aurait peut-être fallu commencer par là. Tu sais pourquoi ils la cherchent ?
- Pour casser les pieds de tout le monde, comme d'habitude.
- Mouais.
Soit il ne savait pas, soit il ne voulait pas le dire. Tant pis, Eloïse en avait assez de gaspiller sa salive. Elle sortit son téléphone et fit un tour sur les réseaux sociaux pour voir ce qui était dit sur l'incident en cours. Elle trouva même une vidéo d'elle et de Zéro après qu'ils aient sauté dans le métro en marche en passant à travers la porte. On ne voyait pas leurs visages, ce qui était un soulagement, même si Eloïse aurait aimé que la vidéo n'ait pas été postée.
Quand ils arrivèrent à King's Cross St Pancras, elle rangea son téléphone et entraîna Zéro à sa suite. Tous les deux observèrent nerveusement les environs, au cas où des chasseurs de prime débarqueraient.
Zéro désigna une personne qui attendait adossée à un mur, près de la sortie de la station. Une des femmes qui les avaient arrêtées à Holloway Road. D'un simple regard, ils se mirent d'accord sur la marche à suivre, s'attrapèrent la main et récitèrent un sortilège d'invisibilité.
Ils firent attention à ne pas trop foncer dans les gens et se frayèrent un chemin jusqu'à la gare de St Pancras, où, à défaut de pouvoir faire mieux, s'enfermèrent dans les toilettes des femmes, à deux dans un compartiment pas spécialement spacieux. Là, ils purent lever leur invisibilité.
- J'ai connu des jours meilleurs, admit Eloïse dans un murmure. Au moins, c'est à peu près propre.
- Tu n'avais pas mieux, comme cachette ?
- Non. Tu t'en contenteras.
L'attente fut particulièrement désagréable. Ni l'un ni l'autre ne prononcèrent le moindre mot, le regard rivé sur leurs téléphones.
Après trente longues minutes, le train arriva et Eloïse trouva le numéro du quai. Elle et Zéro rétablirent leur invisibilité pour traverser la gare et monter dedans. Ils choisirent un coin encore désert et s'installèrent dans deux sièges côte à côté, où ils purent redevenir visibles.
- Si les contrôleurs arrivent, on reprend l'invisibilité, indiqua Eloïse.
- Les contrôleurs ? C'est qui, eux ?
- Les gens qui vérifient que tu n'es pas en train de frauder. Je n'ai pas miraculeusement fait pousser de l'argent entre tout à l'heure et maintenant, donc on n'aura pas de billets.
Eloïse espérait également que personne ne viendrait réclamer leurs places et que le train ne serait pas complet. Ils risquaient de faire un peu tache, sinon.
Les passagers montèrent un à un dans un ballet de sacs et de valises qui dura bien vingt minutes. Quand le train annonça son départ imminent, plusieurs places étaient encore vides. Parfait.
Ils se mirent en mouvement et virent la gare progressivement disparaître par la fenêtre.
Encore une heure trente ensemble et Eloïse et Zéro n'auraient plus jamais à s'adresser la parole. Une pensée réjouissante.
Ils évitèrent, comme prévu, le contrôleur, puis se murèrent dans le silence pendant un long moment. Eloïse, le regard fixé sur le paysage qui défilait, en vint presque à croire que toute cette histoire se finirait bien. Ce fut avant de sentir son téléphone vibrer dans sa poche et de voir le nom de Victorien apparaître à l'écran.
Elle allait passer un sale quart d'heure.
Après avoir maudit Zéro une énième fois, Eloïse décrocha et porta son téléphone à son oreille.
- Où est-ce que tu es ? demanda Victorien, pas de très bonne humeur.
- Nulle part. Pourquoi ?
- Ne m'oblige pas à te retrouver à la magie rouge.
Bon, il n'était pas ouvert à la discussion. Autant être honnête avec lui.
- Je suis dans un train, avoua-t-elle.
- Je te demande pardon ? Eloïse, qu'est-ce que tu fais et où est-ce que tu vas ?
- Je rentre à Lille. Je suis en gare dans trente minutes.
- Où est-ce que tu était partie ?
- Euh... À Londres ?
Il y eut un moment de flottement.
- J'espère que tu as une bonne explication à me fournir, gronda Victorien.
- Je te dirai tout en rentrant, promit Eloïse.
Avant d'y réfléchir à deux fois et de le laisser en rajouter une couche, elle lui raccrocha au nez et mit son téléphone en silencieux. Elle ne trouverait jamais les mots justes pour dire à Zéro à quel point elle le détestait.
Au moins, son fichu sortilège de magie rouge s'était dissipé.
Quand le train arriva à Lille Europe, ils furent les premiers à en descendre. Cela faisait du bien de retrouver un lieu familier.
- On est encore en vie, soupira-t-elle. C'est une victoire.
- Ça aurait pu être pire, argua Zéro.
- Et ça aurait pu être largement mieux, aussi. Tu pourrais me remercier.
Il l'ignora, fidèle à lui-même. Eloïse laissa complètement tomber l'affaire. Elle essaya de relativiser en se disant que comme ça, les laboratoires ne mettraient pas la main sur l'épée de Lysandre Anaxagoras.
Ils montèrent les escaliers pour sortir de la gare. Ils avaient environ dix minutes de marche jusqu'au parc où se trouvait la Porte des Mondes.
Seulement, ils n'eurent pas l'occasion de quitter les lieux. Eloïse repéra Victorien, un peu plus loin, qui guettait les environs à sa recherche. Il ne manquait plus que ça, il était déjà là.
Quand Eloïse voulut invectiver Zéro, le Madrigan se rendit invisible et se fit la malle pour la laisser seule et outrée. Elle cligna des yeux et laissa échapper un rire nerveux.
- Non mais quel culot, marmonna-t-elle.
C'était trop lui en demander que de se justifier auprès de Victorien ? Tout ça, c'était sa faute !
Dès que le mage la noir la repéra, elle et sa chevelure blanche qui passait tout sauf inaperçue, il la rejoignit d'un pas vif.
- Toi, dit-il, on doit parler.
Eloïse se passa les mains sur le visage.
- Écoute, commença-t-elle, je suis désolée. C'est une histoire un peu compliquée, je ne voulais pas aller à Londres, à la base.
- Il n'empêche que tu t'y es retrouvée.
- Je n'ai pas eu le choix ! Il y avait ce magicien, Zéro, qui avait une carte pour trouver l'épée de Lysandre Anaxagoras et qui avait besoin de quelqu'un pour l'accompagner, alors...
Victorien saisit son bras avant qu'elle ne puisse finir et analysa la coupure que lui avait laissé le couteau.
- Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
- On a peut-être croisé les chasseurs de magiciens de Londres, admit Eloïse.
- Si tu pouvais cesser de me donner des raisons d'être en colère, ce serait aimable.
Elle s'excusa une nouvelle fois et termina d'expliquer l'histoire, en insistant bien sur le fait qu'on l'avait forcée à aller là-bas et qu'elle avait refusé. Victorien poussa un soupir de frustration.
- Je suppose que je vais me contenter du fait que tu es en un seul morceau.
- Désolée...
- J'avais entendu tes excuses la première fois. Je les accepte tant que tu ne refais plus jamais ça.
- C'était pas prévu, j'ai eu ma dose.
- Bien.
Victorien posa une main sur son dos pour l'entraîner en dehors de la gare, non sans tension.
Eloïse avait connu mieux, comme fin de vacances.
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