Chapitre 14: Août (9)
Eloïse ne savait pas ce que Zéro lui voulait, cette fois-ci, mais était suffisamment curieuse pour ne pas l'ignorer.
Il lui avait donné son numéro de téléphone portable, à leur première rencontre. Cette histoire de carte et de relique à Londres l'avait intriguée, alors elle ne l'avait pas jeté et l'avait abandonné dans un coin. À leur deuxième rencontre, le jour où elle avait ouvert le Livre des Miroirs, Eloïse avait décidé qu'il était à peu près fiable, puisqu'il était une expérience au même titre qu'elle et qu'il luttait aujourd'hui contre les laboratoires. Alors, puisqu'elle n'était pas du tout au courant de ce qui s'était passé après leur séparation, et pour s'assurer que tout allait bien, elle lui avait envoyé un message – après tout, pourquoi pas s'allier avec lui, il avait l'air débrouillard.
Zéro n'avait jamais répondu. Soit il l'avait complètement ignorée, soit il était mort.
Vu comme il était revenu vers elle la veille, c'était la première option. Eloïse ne savait pas trop comment prendre la chose.
Il lui avait demandé de le rencontrer dans les plaines d'Astras, pas très loin de chez Victorien, pour discuter. La magicienne, qui avait trouvé le lieu du rendez-vous surprenant, avait découvert qu'il connaissait son adresse et avait choisi cet endroit justement pour qu'elle ne se mette pas en danger par rapport aux laboratoires.
C'était prévenant et inquiétant en même temps. Où est-ce qu'il avait trouvé son adresse ?
Eloïse, qui n'avait rien de mieux à faire de sa matinée et qui était seule chez Victorien, s'était décidée à y aller et à l'entendre.
Elle connaissait un mage noir qui lui aurait fait la peau s'il l'avait appris. Elle n'avait peut-être plus la Clé de l'Esprit pour lui permettre d'ouvrir toutes les portes, mais elle avait toujours la clé de la porte d'entrée, et ça il ne pouvait rien y faire. Il n'oserait pas l'enfermer complètement. Il préférait miser sur son sens des responsabilités, ce qu'Eloïse savait ne pas être la chose la plus judicieuse qu'il soit.
Tant pis. Avec un peu de chance, il ne l'apprendrait jamais.
Eloïse trouva Zéro assis sur la plaine au fameux caillou où elle et Maximilien allaient régulièrement s'entraîner. Il se leva de son siège improvisé en la repérant.
Le vent balayait les cheveux châtains qu'il rabattait devant son œil à la couleur étrange. Il faisait également flotter sa cape bleu nuit – c'était bien le premier Madrigan qu'elle rencontrait qui ne portait pas sa veste – sous laquelle il portait des vêtements on ne peut plus humains. Eloïse flaira l'embrouille à plein nez.
À leur première rencontre, il lui avait demandé de l'accompagner à Londres chercher la relique s'il ne trouvait personne d'autre pour le faire. Il était forcément revenu vers elle pour ça.
Sauf qu'Eloïse n'avait aucune envie de mettre les pieds à Londres. Sortir une heure en douce dans les environs ? D'accord. Partir sur Terre dans un autre pays que la France ? Là, Victorien n'allait pas être conciliant du tout.
Zéro ne prit pas la peine de lui dire bonjour.
- Mon accompagnatrice originelle pour Londres n'est pas là, annonça-t-il, j'ai besoin que tu la remplaces.
- J'avais vu juste, marmonna Eloïse. C'est non.
- Pourquoi tu es venue si c'était pour refuser ?
- Au cas où ce serait pour parler d'autre chose. Je ne sais pas, une alliance contre les laboratoires.
Zéro secoua la tête comme si elle venait de sortir une énormité.
- Je ne vois pas trop l'intérêt de faire une alliance avec toi sachant que tu es leur cible principale.
- Super. Et tu veux m'emmener à Londres en sachant ça ?
- Ils n'y seront pas.
Non, mais par contre il y aurait la division londonienne des chasseurs de magiciens, dont la réputation était assez dissuasive. Eloïse croisa les bras.
- Je t'en prie, donne-moi des arguments pour m'encourager à te suivre dans ton plan. Mais il va falloir qu'ils soient très, très convaincants, parce que si tu n'étais pas au courant, je vis chez le Seigneur des Ombres, et s'il apprend où je suis partie, il va me faire la peau et tu seras sans doute ajouté à l'équation.
- Ça ne va normalement pas durer plus de deux heures, il n'a pas à le savoir. Tu es la seule personne qui peut m'accompagner là-dedans.
- Pourquoi ?
- Parce que tu es une humaine. Tu sais comment ton monde fonctionne. Pas moi. Du moins, pas suffisamment.
Alors quoi, il avait peur de débarquer dans le métro et de ne pas comprendre comment il fonctionnait ? Il y avait énormément de ressources qu'il aurait pu utiliser plutôt que de venir la trouver. C'était, à son sens, la solution de facilité.
Mais bon, à sa place, Eloïse aurait sans doute fait la même chose. Moins d'efforts à fournir, et c'était une sécurité pour s'assurer que malgré les explications, elle ne faisait rien de travers.
Si les chasseurs de magiciens étaient partout et bien rodés, attirer l'attention devait être dangereux.
- Pourquoi tu ne peux pas faire ça à un autre moment et attendre que ton accompagnatrice originelle puisse venir ? demanda-t-elle.
- Je n'ai aucune idée de si les chasseurs de magiciens ont d'autres moyens de retrouver la relique. Je ne veux pas perdre l'opportunité que j'ai de la récupérer. C'est maintenant ou jamais.
- Alors trouve quelqu'un d'autre que moi.
- Tu es la seule personne à qui je peux demander.
- Il y a d'autres magiciens qui ont de la culture humaine.
- Non, mais tu es la seule que je connaisse. Je ne vais certainement pas demander à un inconnu de te remplacer.
Eloïse le concevait, mais ce n'était pas non plus comme si elle et Zéro étaient proches. Ils s'étaient vu deux fois avant aujourd'hui, et s'ils partageaient l'objectif commun de vouloir détruire les laboratoires, ça n'en faisait pas des amis pour autant.
- Je ne vais pas le faire, trancha-t-elle. C'est trop dangereux.
Zéro poussa un soupir de frustration.
- Deux heures, insista-t-il. Juste deux heures. Personne ne saura que tu es partie et il ne va rien se passer.
- Ça, tu n'en as aucune idée, contra Eloïse.
- Je te demande juste ça. Après, on n'aura plus jamais besoin de s'adresser la parole.
- Pourquoi, tu comptes me harceler si je continue de refuser ?
- Ne me tente pas.
- Tu sais que j'ai juste à bloquer ton numéro de téléphone ?
Zéro se renfrogna.
- Bon, tu l'auras cherché.
Il lui saisit le bras et, avant qu'Eloïse n'ait le temps de se dégager, récita un sortilège de magie rouge. La magicienne sentit une brûlure remonter le long de ses veines. Elle le repoussa d'un coup de pied qu'il évita sans mal.
- Qu'est-ce que tu viens de faire ? siffla-t-elle.
La douleur s'était estompée et un fin trait rouge sombre entourait désormais son poignet.
- Pas grand chose, répondit Zéro. Juste que pour les deux prochaines heures, si tu es à moins de dix mètres de moi, tu risques d'avoir un peu mal.
- Tu plaisantes ? C'est quoi ce chantage ridicule ?
- Tu t'en remettras.
C'était officiel, Eloïse le détestait. Vu comme il la regardait, elle supposait que c'était réciproque.
Zéro se retourna et entama sa route vers Astras. Au départ, Eloïse refusa de le suivre, mais quand les dix mètres entre eux furent franchis et qu'une douleur perçante envahit chaque millimètre de sa peau comme si elle était transpercée par une infinité d'aiguilles, elle se décida à courir pour le rattraper.
Tout revint à la normale dès qu'elle retourna dans le périmètre limite du sortilège.
- Tu dois être ravi, marmonna-t-elle.
- Pas spécialement. Tu sais, si j'avais eu une autre option que toi, je l'aurais prise avec joie.
- On va passer une très bonne matinée, dis-moi.
Surtout qu'ils avaient bien vingt minutes de marche avant d'atteindre Astras et sa première Porte des Mondes. S'ils allaient vite. Heureusement, Zéro avait l'air de vouloir en finir rapidement et pressait le pas, si bien qu'Eloïse et ses petites jambes eurent parfois du mal à suivre.
Une fois à Londres, sa tenue n'attirerait pas l'attention des chasseurs de magiciens – jean noir comme elle portait tous les jours, t-shirt blanc des Red Hot Chili Peppers et ses doc martens bordeaux –, par contre, ses cheveux et ses yeux, c'était une autre histoire. Elle pouvait toujours prétendre à une décoloration toute fraîche et des lentilles de contact, mais pour quelqu'un qui regardait un peu trop près, le mensonge se verrait. Zéro, à part pour son œil étrange, passait complètement inaperçu.
Il aurait pu mettre une lentille pour le cacher. Même si beaucoup de gens avaient un style particulier, la meilleure solution pour éviter les chasseurs de magiciens était encore d'avoir l'air le plus basique possible.
Ils marchèrent un bon moment dans un silence désagréable et traversèrent l'entrée est d'Astras. La Porte des Mondes n'était plus très loin.
- Ton œil, dit Eloïse, c'est quoi ?
- Un cadeau des laboratoires, répondit Zéro.
- Il fait quelque chose ou c'est juste pour la déco ?
- Il améliore ma vue.
- Vue de loin ? De près ?
- Je t'en pose, des questions ? s'agaça-t-il.
Il avait une patience de courte durée.
- On va devoir passer au moins deux heures ensemble, rappela Eloïse. Il va bien falloir qu'on s'entende un minimum, au moins pour cet intervalle de temps.
- Il améliore considérablement ma vue de près et de loin. Les couleurs sont un peu différentes, aussi. Contente ?
- Très.
Le silence fit son grand retour, et ce jusqu'à ce qu'ils atteignent la Porte des Mondes. Là, Zéro retira la cape qui couvrait ses épaules pour se retrouver avec un t-shirt gris et un jean bleu clair on ne peut plus basique. Il la transforma en une pièce, qu'il glissa au fond de sa poche.
- Où est-ce qu'on va atterrir dans Londres ? demanda Eloïse.
- Dans Hyde Park. C'est la seule formule de passage que je connaisse.
- Deux secondes, laisse-moi voir un plan.
Qu'elle en profite maintenant avant de ne plus pouvoir sortir son téléphone de magicien à l'écran transparent de sa poche. Elle pouvait le passer en mode opaque – une bande métallique pouvait être tirée pour recouvrir l'arrière du téléphone –, ce qui lui donnerait une apparence presque normale, mais elle n'était pas sûre de vouloir tenter.
Elle chercha un plan du métro de Londres et analysa la situation.
- Tu as de la chance, il y a une station pas loin de Hyde Park et elle est sur la même ligne de métro que Holloway Road, indiqua-t-elle. Neuf arrêts et on y est.
- Parfait.
Il attendit qu'elle range son téléphone pour réciter la formule de passage et ouvrir la Porte des Mondes. Eloïse traversa la première et il suivit juste après.
Dès qu'ils posèrent un pied de l'autre côté, ils furent frappés par une vague de magie.
La zone était couverte de sortilèges de dissimulation. Le monde autour d'eux était comme flouté et les sons paraissaient lointains alors mêmes qu'ils voyaient des enfants courir sur le chemin face à eux. Comme s'ils se trouvaient enfermés dans une bulle.
- Les magiciens d'ici veulent vraiment éviter les chasseurs, constata Eloïse.
Et ils avaient pensé à tout, puisqu'il y avait un chemin qui leur permettait de retourner discrètement dans le parc, entre des arbres et des buissons. Zéro la suivit quand elle s'y engouffra.
Dès qu'ils quittèrent la bulle de dissimulation, le monde redevint plus net. C'était presque agressif, alors que ce n'était qu'un parc et pas une rue commerçante.
- Bon, dit Eloïse, plus qu'à trouvée l'entrée du métro.
Pour y parvenir, quoi de mieux que de jouer les touristes perdus ? Elle trouva une femme de la quarantaine occupée à donner des cacahuètes à des écureuils et lui demanda le chemin. Zéro l'observa faire, pas trop sûr de la réaction à adopter.
L'accent anglais d'Eloïse n'était pas incroyable, elle le reconnaissait. Même si elle s'était pas mal entraînée, cela s'entendait qu'elle était française. Les gens la comprenaient sans problème, ce qui était l'essentiel.
La femme lui indiqua le chemin et Eloïse fit signe à Zéro de la suivre. Lui, il ne parlait pas un mot d'anglais, vu son air confus. Eloïse n'y avait pas pensé, mais ce devait être l'une des raisons pour lesquelles il ne voulait pas aller à Londres seul.
Ils quittèrent le parc, trouvèrent la bouche de métro et s'engouffrèrent à l'intérieur en même temps qu'un groupe de jeunes qui devaient avoir l'âge d'être au lycée. L'une des filles avait les cheveux rouge vif et des piercings au visage, ce qui rassura Eloïse. Elle ne sortirait pas trop du lot.
Quand ils arrivèrent en bas des marches, la magicienne avisa la situation. Il y avait des portillons de sécurité pour arriver aux rames, contrairement à Lille.
- C'est l'heure de frauder, je crois, annonça-t-elle.
- Traduction ? demanda Zéro.
- Pour prendre les transports en commun, tu dois payer, comme pour une arche. Les portillons, là, tu y passes ton ticket ou ta carte de transport et ils te laissent rejoindre le métro. Nous, on n'a pas de titres de transport.
- Alors tu n'as qu'à en acheter.
Donc il l'amenait ici de force et ensuite il lui demandait de payer pour eux deux ? Le culot.
- Je n'ai pas de quoi payer un ticket parce que je ne suis pas partie avec mon porte-monnaie et que je n'ai de toute façon pas la bonne devise, répliqua Eloïse. C'est frauder ou rien.
- Une carte de paiement ? Je sais que vous en avez sur Terre.
- J'en ai une sur Thélis. Pas sur Terre.
- Pourquoi ?
- Parce que je suis trop jeune, génie. En France, c'est seize ans.
Des sortilèges pour frauder, Eloïse en connaissait un. Elle ne s'en était jamais servie avant, puisqu'elle prenait rarement les transports en commun à Lille et payait la plupart du temps, mais aujourd'hui était un beau jour pour faire de nouvelles expériences.
Elle enseigna la formule à Zéro et lui dit de faire mine de sortir une carte de sa poche et de la passer sur la borne au moment où il la récitait.
- C'est pas forcément une bonne idée d'utiliser de la magie, fit-il remarquer.
- Oui, sauf que je te l'ai dit, c'est ça ou rien.
- Ça va aussi se voir qu'on n'a rien dans les mains.
- Dans ce cas attends que la plupart des gens soient passés avant d'y aller.
Ce fut ce que Zéro décida de faire. Il attendit que les quelques personnes qui venaient de descendre dans la station passent avant de s'approcher des portillons. Eloïse le suivit. Elle récita le sortilège en concentrant ses pouvoirs dans sa paume de main pour les dissimuler et put passer sans souci. Zéro aussi, même s'il ne fraudait pas avec autant d'assurance.
- Tu vois, lui dit Eloïse, c'est pas si terrible.
- Si on se fait repérer, on saura pourquoi.
- C'est bon, ils n'ont pas yeux partout non plus.
Surtout que chasseurs de magiciens ou pas, la grande majorité devaient avoir un travail et ne pouvaient pas passer leur journée à guetter les magiciens dans les transports en commun. Zéro s'inquiétait beaucoup trop, il ne fallait pas être paranoïaque non plus.
Ils se rendirent jusqu'au quai en vérifiant qu'ils ne se trompaient pas de direction, puis entrèrent dans la première rame qui s'arrêta devant eux. Eloïse se posta dans un coin et Zéro la suivit, mal à l'aise. Il était plus agréable quand il était perdu.
- Qu'est-ce qu'on fait, une fois à la station ? s'enquit-elle. Parce qu'avoir le plan général c'est bien, mais il faut savoir où aller précisément après.
- On cherche, répondit Zéro.
- C'est tout ?
- C'est tout.
- Il n'y a aucun indice ?
- J'en sais rien, on verra bien.
Ça s'annonçait long.
Les neuf stations défilèrent et les deux magiciens purent descendre à Holloway Road. Zéro se tourna sur lui-même à la recherche de quoi que ce soit qui leur indiquerait l'emplacement de la relique. Il n'y avait rien ici à part des bancs et quelques affiches sur les murs de briques.
- C'est peut-être sur le quai d'en face, argua Eloïse. Tu veux qu'on se sépare pour aller plus vite ?
- Le sortilège de magie rouge, lui rappela-t-il. Dix mètres. De toute façon, je pense que c'est une mauvaise idée.
S'il n'avait pas eu l'excuse de son chantage, il aurait dû avouer qu'il ne voulait pas rester seul.
- Et si on regarde dans les flux telluriques, reprit-elle, on pourrait trouver quelque chose ?
- C'est possible, répondit Zéro. Je ne sais pas si la relique est chargée de magie ou pas.
- C'est l'heure de vérifier.
Elle le laissa se débrouiller, puisqu'elle n'était pas bonne du tout pour se connecter aux flux. Zéro s'assit par terre, posa ses mains au sol – il ferait bien de les désinfecter après – et ferma les yeux pour se concentrer.
Un nouveau métro arriva à la station et plusieurs personnes en descendirent. Certains jetèrent des regards confus aux magiciens et Eloïse les ignora comme elle put. Elle l'admettait, c'était un peu gênant, comme situation.
Une femme s'approcha d'eux, curieuse.
- Is everything okay ? Do you need help ?
- We're fine, répondit Eloïse. Thanks.
Elle lui adressa un sourire et la femme reprit son chemin, non sans adresser un dernier regard à Zéro. S'il pouvait se dépêcher un peu, ce serait bien.
Ce fut à ce moment là qu'il rouvrit les yeux.
- J'ai senti quelque chose tout près. C'était très faible, mais je crois que c'est par là.
Il désigna un point un peu plus loin. Sur le mur. Alors ce serait cachée derrière des briques ?
Zéro se releva et Eloïse le suivit jusqu'à l'emplacement qu'il avait repéré. Ensuite, il tâta le mur à la recherche de quelque chose qui pouvait s'actionner. Il n'y avait rien.
- Les briques ont l'air très bien fixées, fit remarquer Eloïse. Tu es sûr de ton coup ?
- S'il y a quelque chose d'où émane une once de magie ici, c'est forcément la relique. Ça doit être de l'autre côté.
- La question c'est : comment on y accède ?
- Avec de la magie. Pas d'autre solution.
Eloïse jeta un coup d'œil derrière son épaule. Deux personnes attendaient le prochain métro, mais à part ça, la station était déserte.
- Dépêche, lui dit-elle.
Zéro récita le sortilège qui permettait de passer à travers les murs et engouffra son bras dans la pierre. Eloïse le vit fouiller à l'aveugle et veilla à ce que personne ne s'attarde sur eux.
- Trouvé, annonça Zéro.
Son bras quitta la brique, cette fois avec une boîte de bois sombre entre ses doigts. Elle devait faire trente centimètres de long pour dix de large et cinq de profondeur. Un simple fermoir en métal sans cadenas la maintenait close.
- On peut rentrer, déclara-t-il. Tu vois, ce n'était pas long.
- Peut-être, mais tu m'as quand même forcée à te suivre.
- C'est dommage.
Il se releva et garda la boîte serrée contre lui.
- Qu'est-ce qu'il y a dedans ? demanda Eloïse.
- Une relique.
- Non, sans blague. Je t'ai suivie dans tes affaires, tu pourrais au moins avoir la décence de me dire ce que c'est.
Zéro, silencieux, pesa le pour et le contre. Il finit par capituler.
- L'épée de Lysandre Anaxagoras.
Eloïse cligna des yeux.
- Pardon ?
- J'avais dit que c'était important.
- On parle d'une relique de magicien légendaire de la grande guerre. Pourquoi elle est aux mains des chasseurs de magiciens ?
- Ils avaient la carte, pas la relique. Et ils ne pouvaient pas la reconstituer. Je n'en sais pas plus.
- Pourquoi elle est aussi petite, l'épée ?
- Je n'ai pas la science infuse.
- Est-ce que je peux la voir ?
Zéro vérifia que personne ne regardait dans leur direction et entrouvrit la boîte. Eloïse se pencha pour avoir un meilleur point de vue.
L'épée avait la taille d'un jouet. Elle était faite de métal argenté soigneusement poli et était sertie de cristaux d'aigue-marine sur son manche.
Eloïse n'eut pas l'occasion de la détailler plus longtemps, puisque Zéro referma la boîte, par précaution. Quand il la retourna pour la coincer sous son bras, elle remarqua une gravure dans le bois, sur le côté gauche.
- Qu'est-ce que c'est, ça ?
Zéro ramena la boîte devant eux, intrigué. C'était le nom de quelqu'un.
- Robert Holloway, lut-il.
- Bizarre. Il peut avoir un lien avec Anthropa Holloway ?
- Elle n'a aucun descendant connu. C'est peut-être juste quelqu'un qui a le même nom.
- Donc il serait celui a avoir caché l'épée ici.
- Possible.
Eloïse partirait de ce principe.
Elle se demandait pourquoi Zéro cherchait tant à récupérer cette relique. Elle se demandait aussi si, comme le sceptre de Valiammée Astrada, l'âme de Lysandre Anaxagoras était scellée à l'intérieur.
- Partons, décréta Zéro. Je ne veux pas rester ici plus de temps que prévu.
Il voulut quitter le quai, mais Eloïse se racla la gorge en lui indiquant la direction opposée. Zéro, renfrogné, rebroussa chemin et la suivit pour remonter dans la station et changer de direction. Dès qu'ils seraient à Hyde Park, Astras deviendrait la porte à côté.
Seulement, un imprévu vint ruiner leurs plans.
Un groupe de plusieurs adultes descendit alors qu'eux-mêmes s'engouffraient vers l'autre sens de la ligne Picadilly. Ils les désignèrent et marmonnèrent des paroles qu'Eloïse ne parvint pas à entendre, avec la distance. Tout du moins elle reconnut un mot : magiciens. Elle donna un coup de coude à Zéro.
- Je crois qu'on est repérés.
Le Madrigan, le visage fermé, analysa la situation derrière son épaule. Le groupe se rapprochait dangereusement.
- Fais comme si de rien n'était.
- Mauvais plan, grinça Eloïse.
- Tu veux faire quoi d'autre, courir en espérant qu'il y ait un métro à quai en bas ?
Il n'avait pas tort. Eloïse se prépara mentalement à invoquer la culture humaine qui dormait en elle.
- Hey, kids, les interpella un homme d'un ton faussement enjoué.
Il accéléra le pas pour se retrouver à leurs côtés et posa une main sur l'épaule d'Eloïse, qui se retint de lui faire une clé de bras.
- I think we have to talk.
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