Chapitre 29: Juin (4)
Pour une fois qu'Eloïse parvenait à dormir le matin, surtout un dimanche, les vibrations de son téléphone, posé sur le bord de son bureau, la réveillèrent en sursaut.
Elle repoussa sa couette, se leva pour le récupérer et se demanda quelle galère pouvait lui tomber dessus de si bon matin.
Elle ne reconnut pas le numéro qui s'afficha à l'écran, mais il était humain. Étonnant.
- Oui ?
Sa voix transpirait la fatigue.
- Eloïse ? répondit son interlocutrice. C'est ta mère. Je ne te dérange pas ?
Voilà une mauvaise journée qui commençait.
- Comment tu as eu mon numéro ? s'étonna Eloïse.
- Mila l'avait marqué sur un post-it qui est resté dans ta chambre. Ça fait deux jours qu'on essaie de contacter un magicien. Elle a disparu.
- Pardon ?
Eloïse n'aurait pas dû être aussi surprise, puisque les recommandations données aux parents de l'adolescente avaient été royalement ignorées.
- Mais merde à la fin, s'agaça-t-elle. Il fallait s'y attendre. On vous avait prévenus.
- Il faut qu'on la retrouve... plaida sa mère.
- Vous êtes marrants, vous. On a bien dit aux parents de Mila que c'était préférable qu'elle reste sous surveillance à Lille. Ils sont partis sans même nous prévenir et maintenant il faut qu'on rattrape la situation ?
- Ils pensaient bien faire, même si ça peut paraître contradictoire à tes yeux.
- Dans ce cas ils auraient dû arrêter de penser, ça nous aurait facilité la vie.
Eloïse écouta à peine sa mère chercher d'autres arguments, coupa son micro et sortit de sa chambre. Elle ne savait pas si Victorien était là ce matin – il faisait si peu de bruit que c'était souvent difficile de savoir à moins de le croiser – puisqu'il était sept heures et qu'il travaillait à des horaires ridicules. Une seule façon de vérifier.
- Victorien ? l'appela-t-elle depuis le couloir.
Elle n'entendit strictement rien, ce qui la conforta dans l'idée qu'il n'était pas là. Au moment où elle voulut quitter le couloir et poursuivre l'échange avec sa mère, qui tâchait de ne pas s'impatienter, le mage noir ouvrit la porte de sa chambre.
Eloïse venait sans doute de le réveiller, même s'il faisait mine de rien.
- Quoi ?
- On a un problème, annonça Eloïse.
- Tu as un problème, corrigea-t-il. Explique-moi.
- Mila a disparue, ce qui veut dire que les laboratoires l'ont attrapée. Je suis au téléphone avec ma mère, là.
Victorien, pas vraiment d'humeur, lui demanda un résumé concis de ce qui s'était produit. Eloïse mit son téléphone en haut parleur et demanda à sa mère de s'en charger.
Un garçon assez jeune, estimé entre quinze et dix-huit ans, s'était infiltré dans le lycée et avait défoncé les portes de plusieurs salles à la recherche de Mila, selon l'établissement et la police qui était sur l'affaire. Il était parti avec elle, inconsciente, en volant.
Si maintenant les lyonnais ne croyaient toujours pas en la magie, Eloïse ne savait pas trop ce qu'il leur fallait de plus.
- Vénérios, supposa-t-elle. C'est toujours lui que les laboratoires envoient pour ce genre de choses.
- Est-ce que tu peux venir chez nous ? demanda Olivia. Les parents de Mila sont à Lille. Ils sont arrivés tard hier soir et je pense qu'ils aimeraient bien avoir des magiciens pour les aider.
Malheureusement, la magicienne n'avait aucune excuse pour s'extraire de la situation. Parler avec les parents de Mila ne ramènerait pas leur fille et elle doutait d'ailleurs que cela ait quelconque utilité.
S'ils voulaient être rassurés, ils allaient être très déçus.
- Très bien, accepta Eloïse. J'arrive le plus vite possible.
- Merci beaucoup. On t'attends.
L'appel se coupa et Eloïse poussa un long soupir. Ce n'était pas comme ça qu'elle envisageait son dimanche.
- Je viens, trancha Victorien à sa surprise.
- Je ne suis pas certaine que ce soit l'idée du siècle, répliqua-t-elle.
- Peu importe. Je ne te laisse pas seule avec eux.
D'une certaine façon, Eloïse en était soulagée, mais elle ne comprenait pas bien les raisons de Victorien. On parlait de ses parents, pas des laboratoires ou de tout autre groupe susceptible de s'en prendre physiquement à elle.
- Il ne peut rien m'arriver de si terrible, argua Eloïse.
- Non, mais ils vont te demander de régler la situation d'une façon ou d'une autre. Je m'oppose à ce que tu t'en occupes seule. D'ailleurs, je m'oppose à ce que tu t'en occuper tout court. Je viens.
- Mes parents te détestent.
- C'est leur problème, pas le mien.
Pourtant Eloïse se rappelait très bien comme il avait voulu garder sa capuche pour dissimuler son visage à leur dernière rencontre. Étrange revirement.
Tant pis. Au moins comme ça si ses parents tentaient une nouvelle fois de la faire revenir vivre chez eux, Victorien se chargerait de les remettre à leur place avec son absence de tact habituelle.
Cette rencontre pouvait mal tourner de tant de manières différentes qu'Eloïse en était impressionnée.
Il lui fallut dix petites minutes pour se préparer et trois de moins pour Victorien, qui avait l'air habitué aux départs précipités. Eloïse prit un paquet de gâteaux pour le manger sur le trajet vers la Porte des Mondes, qui fut bien plus court que d'habitude puisque Victorien avait son téléporteur.
Ils arrivèrent à destination en très peu de temps, si bien qu'Olivia Vandeuvre fut sincèrement surprise en voyant sa fille déjà sur place.
Ce fut très vite remplacé par une grimace quand elle aperçut le Seigneur des Ombres à ses côtés.
- On est là, dit platement Eloïse. Je suppose que les parents de Mila sont à l'intérieur ?
- Pourquoi est-ce qu'il est venu ? répondit Olivia.
- Parce que c'est à des adultes de gérer la situation, pas à une fille de quatorze ans, répondit Victorien, le regard perçant.
Tous les deux se dévisagèrent froidement jusqu'à ce qu'Olivia, résignée, se pousse pour les laisser entrer. Elle n'eut pas besoin de les guider dans le salon, Eloïse connaissait le chemin.
Dans la pièce, elle repéra les parents de Mila, son propre père, mais également son frère et sa sœur. Tout le monde avait fait son apparition pour l'occasion, ce qui était loin de la réjouir. Surtout quand Philippe Vandeuvre lança lui aussi un regard mauvais à Victorien, qui l'ignora royalement.
L'ambiance était particulièrement inconfortable.
- Eloïse, il faut qu'on parle, déclara Olivia, qui s'était glissée derrière elle.
- Ça j'avais compris, on s'est pas déplacés pour rien, répondit la magicienne.
- Non, je veux dire en privé. Philippe ?
Son père se leva de la chaise en bois où il était assis. Eloïse, elle, fronça les sourcils.
- On était là pour parler de Mila, rappela-t-elle. Je ne vois pas trop quel autre sujet peut être plus important que ça.
- Cinq minutes. De toute manière, comme cet homme l'a si bien fait remarquer, ce n'est pas à toi de régler la situation. Il se débrouillera.
Les parents de Mila, assis sur le canapé gris, étaient complètement désorientés. Ce revirement n'arrangea pas la chose.
Avant qu'Eloïse n'ait l'occasion de protester davantage, sa mère lui saisit le bras et l'entraîna vers la cuisine, son mari sur les talons.
La porte se ferma derrière eux.
Presque tout ici était comme dans les souvenirs d'Eloïse, qui, mal à l'aise, détailla le mur beige et les aimants en forme de poissons disposés sur le réfrigérateur. Il y avait une photographie d'elle enfant accrochée juste à côté, entre celle de son frère et de sa sœur, puisqu'elle était la deuxième de la fratrie.
Et dire que pendant trois ans, sa famille l'avait complètement oubliée alors que son visage était un peu partout dans la maison... Le AMI s'était appliqué à lui lancer le sortilège, ça, elle le savait depuis le premier jour.
Elle détestait y repenser.
- C'est quoi le problème ? s'impatienta Eloïse.
- Pourquoi tu as ramené ce type ? demanda Philippe.
- C'est lui qui a voulu venir. Il est clairement plus apte à régler la situation que moi.
- Tu aurais pu parler de ça à n'importe qui d'autre. J'ose espérer que c'est pas le seul magicien qui puisse faire quelque chose.
- Je l'avais sous la main, c'était clairement plus simple de faire comme ça.
- Parce que tu étais avec lui ? s'horrifia Olivia.
Eloïse se passa une main sur le visage. Autant vite arracher le pansement, qu'elle en finisse.
- Maman. J'habite chez lui.
- Tu... Quoi ? C'est une blague ?
- Est-ce que tu es au moins consciente de ce qu'il a tenté de faire ? insista son père.
- Vous allez continuer à vous offusquer de quelque chose qui s'est produit il y a dix ans ? s'agaça Eloïse. Attendez, je rectifie : quelque chose qui ne s'est même pas produit. On est là pour parler de Mila qui a disparue ou vous préférez vous plaindre de la seule personne qui peut vraiment vous aider ici ?
- Il a tenté de te kidnapper ! répliqua Olivia. Tu ne peux pas juste faire comme si de rien n'était, c'est très grave !
Eloïse ne pouvait pas prétendre le contraire et sa conversation avec Victorien sur le sujet l'avait laissée sur sa faim, mais malgré ça, elle comprenait pourquoi il avait tenté.
Elle-même l'avait dit, qu'il soit allé au bout de son plan ou pas, la finalité était identique. En revanche, elle aurait beau s'échiner à l'expliquer à ses parents, ils ne l'accepteraient pas comme justification. Autant ne pas gaspiller son énergie.
- C'est clairement pas le moment d'en parler, trancha-t-elle.
Eloïse s'apprêta à retourner au salon, mais son père l'en empêcha en posant une main ferme sur son épaule. Sur son visage, elle vit plus d'inquiétude que de colère.
- Qui est-ce ? demanda-t-il. J'aimerais au moins comprendre ça.
Ça, Eloïse pouvait le leur expliquer, en espérant qu'ils l'intégreraient sans trop de difficultés.
- Victorien Aprehensen. Mon ancêtre sur sept générations.
- Ancêtre ? répéta sa mère, incompréhensive. Comment ça ?
- C'est de ton côté de la famille, précisa Eloïse. Les magiciens ont une longue espérance de vie et ne vieillissent pas. Il est né au dix-huitième siècle.
Elle profita de leur incrédulité pour retourner prestement vers le salon et mettre fin à cet échange qui avait bien trop duré à son goût. Elle était là pour Mila, point. Si ses parents voulaient parler plus amplement de sa situation et de comment Victorien s'y était greffé, ils allaient devoir attendre qu'elle en ait la volonté, ce qui n'arriverait probablement pas.
Dès qu'elle fut de retour dans le salon, Eloïse vit les parents de Mila en plein échange avec Victorien, pendant que son frère et sa sœur, les yeux rivés à l'écran de leur téléphone, prétendaient pouvoir retrouver des vidéos du magicien qui avait kidnappé Mila en train de survoler Lyon, postées sur les réseaux sociaux. Eloïse ne voyait absolument pas en quoi cela serait utile sachant qu'ils connaissaient déjà son identité et sa destination, mais soit, si cela leur faisait plaisir.
- Vous ne pouvez pas affirmer ça sans avoir essayé, plaida la mère de Mila. Il y a forcément une option !
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Eloïse.
L'attention fut ramenée sur elle. Olivia et Philippe, qui arrivèrent dans le salon à ce moment, retournèrent discrètement s'asseoir sur leurs chaises, le visage fermé.
- Il nous a dit que nous ne pouvions rien faire pour Mila ! répondit la mère de la jeune fille en pointant Victorien du doigt.
- Je ne vais pas raconter de mensonges pour vous faire plaisir, contra le mage noir. Ça ne ramènera pas votre fille.
En désespoir de cause, les parents de Mila se tournèrent vers Eloïse qui, mal à l'aise, tâcha de trouver les mots justes.
- Tout est compliqué, dit-elle, je pense que vous l'avez bien compris...
- Vous êtes des magiciens, la coupa le père de Mila. Vous connaissez ces laboratoires. C'est à vous de faire quelque chose. Personne d'autre ne pourra s'en occuper.
- Sauf qu'on n'est pas responsables de ce qui s'est passé, s'énerva Eloïse. On vous avait prévenu des risques si vous la rameniez à Lyon. Vous ne nous avez pas écoutés. Dans cette histoire, vous êtes les fautifs, pas nous.
- On ne pouvait pas deviner ! On a tout fait pour que notre retour se fasse discrètement !
- Et vous croyez que ça arrête les laboratoires ? Ce sont des magiciens ! Bien sûr qu'ils allaient la retrouver en quelques jours à peine.
- Vous en êtes aussi !
Eloïse leva les yeux au ciel. Elle n'avait pas la patience de répondre à ce genre de provocations. Heureusement – ou pas – Victorien décida de s'immiscer dans la conversation.
- Nous avons déjà bien des choses à régler avec les laboratoires, indiqua-t-il. Il est hors de question que tout ceci mette Eloïse dans une situation dangereuse.
- Elle n'a pas à être impliquée, s'indigna la mère de Mila. Où est le rapport ?
- Vous ne connaissez pas les plans des laboratoires, asséna Victorien. Le rapport, il est là. Je ne sais pas ce qu'ils veulent à votre fille, mais je sais ce qu'ils veulent à Eloïse. Or, ils cherchent systématiquement à s'en prendre à elle. Tenter quoi que ce soit pourrait se retourner contre nous et la mettre en danger d'une façon ou d'une autre.
Eloïse fronça les sourcils. Qu'est-ce que Victorien s'imaginait ? D'accord, elle aussi avait des scénarios catastrophe qui se dessinaient dans son esprit, mais sauver Mila n'avait effectivement rien à voir avec elle. Sans doute devait-il avoir une vision de leurs seules options pour la récupérer, et de toutes les manières dont cela pourrait mal tourner.
- Pourquoi ils en ont après Eloïse ? s'inquiéta Philippe.
- Ce n'est pas la question, objecta Victorien.
- Je ne vois pas en quoi sauver ma fille va mettre en danger une autre ! poursuivit la mère de Mila. Tenez la à l'écart et voilà.
- Non.
- Non ? Pourquoi non ?
- Je viens de vous expliquer pourquoi.
Les parents de Mila se redressèrent le canapé, envahis par la colère. Victorien, dont la patience s'épuisait petit à petit – Eloïse était étonnée qu'il n'ait pas haussé la voix une seule fois jusque là – se décida à remettre les choses à plat.
- On n'entre pas dans les laboratoires comme on veut et on en sort encore moins, surtout depuis quelques mois, dit-il. Si Mila est importante pour l'un de leurs plans, la seule solution pour la récupérer, c'est de l'échanger contre quelque chose dont ils ont davantage besoin. Est-ce que c'est suffisamment clair énoncé comme ça ou il faut que j'élabore davantage ?
- Alors trouvez cette chose ! s'écria le père de Mila.
- Regardez devant vous.
Ils le firent. Ils posèrent le regard sur Eloïse. La compréhension les envahit. La magicienne elle-même cernait enfin son raisonnement, qu'elle trouvait un peu extrême.
- Il y a forcément d'autres choses, argua Eloïse.
- Oui, mais si ça peut leur permettre de mettre la main sur toi, ils ne se contenteront pas de moins. Qu'on organise un échange ou non, dans la finalité des choses, ils continueront à chercher d'eux-mêmes ce dont ils ont besoin et leur vie n'en sera aucunement changée. L'élément le plus compliqué à récupérer, c'est toi. Ils vont sauter sur l'occasion.
- Ça ne peut pas se limiter à ça, se désespéra la mère de Mila. Ce n'est pas possible.
Et pourtant...
- J'ai déjà été dans la situation de votre fille, expliqua Eloïse à contrecœur. Si j'ai réussi à m'échapper, c'est uniquement parce que Victorien avait deux infiltrés là-bas et que l'un d'eux s'est sacrifié.
Du moins, elle n'était au courant du sort exact de Théodore. Elle supposait que les laboratoires s'étaient débarrassés de lui à la première occasion. Le pauvre...
- Tu as... répliqua Olivia. Quoi ? Quand ?
- Encore une fois, ce n'est pas la question, décréta Victorien. J'ai utilisé ma seule carte de sortie ce jour là et c'était un plan qui s'est construit en anticipation sur des mois. Vous ne pouvez pas vous attendre à des miracles si l'on n'a aucune ressource sous le bras. Comme je l'ai dit, sans ça, la seule solution c'est l'échange.
Garance et Alexandre avaient rangé leurs téléphones et suivaient silencieusement l'échange, tout comme Philippe et Olivia Vandeuvre, qui n'osaient plus ajouter quoi que ce soit.
Les parents de Mila s'affaissèrent. Leur colère s'évapora. De toute manière, elle était inutile. En tant qu'humains, ils étaient impuissants.
- Alors on ne fait rien ? l'interrogea le père de Mila.
- Oui, confirma Victorien. On ne fait rien.
◊
Ses pieds s'écrasèrent contre la pierre qui constituait le sol. Un nuage de fine poussière remonta le long de ses jambes, accompagné par les vibrations de sa chute, qui résonnèrent dans son corps comme dans le conduit. Autour d'elle, la pénombre était étouffante.
Lanehaërt avait cherché son frère à la surface pendant des jours. Elle avait dû se rendre à l'évidence, il lui avait échappé de peu plusieurs fois, et maintenant, il n'y était plus. Cela ne lui laissait plus qu'une seule destination possible.
Les souterrains d'Astras.
La secte dans laquelle ils avaient tous les deux effectué leur formation de Chevaliers.
Lanehaërt y était passée à plusieurs reprises, sans résultat. Cette fois seulement, elle avait obtenu des informations concrètes qui la poussaient à y retourner.
Avec la dernière attaque en date à Astras, plusieurs membres de la secte étaient remontés à la surface pour s'enquérir de la situation. Pour cause, eux aussi avaient été agressés sur leur propre territoire, et ça, ils ne l'acceptaient pas. Peut-être vivaient-ils coupés du monde, mais si quelqu'un s'en prenait à eux, ils n'hésitaient pas à sortir de leur zone de confort pour le leur faire regretter.
Lanehaërt était perplexe face à ce dernier incident en date, que les autorités avaient très récemment attribué à un groupe nommé "le Phoenix". Seul problème : Célèste lui avait dit que le Phoenix n'existait pas. Qu'il s'agissait d'un ennemi non-politisé créé de toute pièce par l'Ombre pour que le climat de chaos s'élevant sur continent ne soit pas attribué à une autre cité. Une manière de ne pas alimenter les conflits grandissants.
Des gens avaient visiblement sauté sur l'occasion pour rejoindre ce qu'ils pensaient être un véritable groupe aux intentions mystérieuses.
Lanehaërt n'allait pas exactement s'en plaindre, puisqu'ainsi, un des membres de la secte lui avait dit avoir aperçu son frère jumeau sous terre la veille.
La Madrigane n'avait pas perdu un seconde plus. Elle avait rejoint l'accès le plus proche aux souterrains et était descendue dans ses entrailles.
Lanehäden n'allait plus lui échapper bien longtemps. Et cette fois-ci, elle comptait bien le forcer à acheter un téléphone portable pour qu'elle n'ait plus à écumer la cité pendant des jours pour retrouver sa trace.
Tandis que la flamme violette au creux de ses paumes éclairait son chemin, Lanehaërt suivit les cristaux de pyrope qui constellaient la paroi, et ce jusqu'à arriver au territoire de la secte. Pas besoin de se présenter ou d'expliquer la raison de sa venue, on la laissa directement entrer sans poser la moindre question. Alors enfin Lanehaërt s'affaira à examiner les visages qui croisèrent sa route.
Elle le repéra bien assez vite, lui qui était son miroir parfait du genre opposé. Les cheveux d'une couleur entre le blond et le gris qui retombaient sur son large front. Des yeux à la simple paupière où elle entrevit un iris blanc, l'autre bleu. Le nez droit. Les lèvres charnues. Le menton pointu. Même les tatouages sur leurs visages étaient identiques.
Lanehaërt s'approcha d'un pas vif.
Lanehäden. Tu sais depuis combien de temps je te cherche ?
Enfin, son frère la repéra. Sourd depuis sa naissance, ils avaient trouvé, pendant leur formation de Chevaliers, un moyen efficace de communiquer entre eux. Contrairement à la langue des signes, pas besoin de se voir pour parler, ce qui leur facilitait la vie dans bien des situations inconfortables où ils se retrouvaient. Simplement, cette télépathie, induite par magie rouge, ne marchait que s'ils se trouvaient à dix mètres de distance au maximum.
Lanehaërt, répondit-il. Désolé. J'étais occupé.
Pour la dernière fois, prends un téléphone.
Il esquissa un faible sourire.
Pourquoi, tu n'aimes pas voyager à ma recherche ?
Ne fais pas trop le malin.
Lanehäden s'éloigna des magiciens qui l'entouraient pour venir enlacer sa sœur, qui lui tapota le dos avec prévenance. La prochaine fois qu'il filait comme ça, elle le laissait se débrouiller.
Contente de te revoir, Lanehäden, lui dit-elle.
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