Chapitre 1: Février (12)
28/02/2014.
Olivia Vandeuvre ne se rappelait pas le moment exact où quelque chose dans son esprit s'était comme remis en place.
La sensation avait été progressive. D'abord un léger mal de tête qui l'avait obligée à fermer son ordinateur portable pour se reposer les yeux, puis un besoin impérieux de monter les escaliers pour gagner le couloir du premier étage.
Elle y avait d'abord résisté – ce n'était pas dans ses habitudes d'avoir des pensées aussi irrationnelles – puis, gagnée par une appréhension dont elle ne comprenait pas l'origine, avait craqué.
Jamais encore elle n'avait si vite monté un escalier.
Olivia rejeta ses cheveux bruns en arrière et laissa ses yeux errer sur les murs jusqu'à ce qu'ils se figent sur la porte du fond.
Son cœur rata un battement. Ses pieds la menèrent devant sans qu'elle ne les y commande.
Le nom d'Eloïse était inscrit sur la porte en lettres fantaisies.
Un sentiment d'angoisse oppressant envahit Olivia.
Eloïse.
Sa fille cadette. Eloïse.
Elle ouvrit vivement la porte pour trouver la chambre vide. L'intérieur sentait le renfermé et était couvert de poussière comme si personne ne s'y était aventuré depuis plusieurs années.
Des livres d'astronomie étaient posés sur le bureau. Une veste traînait au bord du lit. L'armoire était ouverte et pratiquement vidée des vêtements qu'elle contenait.
Le cerveau d'Olivia tournait à vive allure. Elle ne comprenait pas l'information renvoyée par ses yeux.
Eloïse.
Où était Eloïse ?
Elle sortit en trombe de la chambre et toqua à la porte de la pièce qui se trouvait en face. De l'autre côté, son fils l'invita à entrer.
Olivia le découvrit en train de lire un livre allongé sur son lit, comme souvent. Il ne prit pas la peine de relever les yeux.
- Alexandre, tu as vu ta sœur ?
- Chambre d'à côté, répondit-il platement.
- Non, je ne te parle pas de Garance. Je parle d'Eloïse.
Alexandre se figea. Il laissa retomber son livre sur sa couette sans remettre le marque-page, mais y fit à peine attention. Il se redressa en se frottant le crâne.
- J'en sais rien. Elle est pas là ?
- Non, c'est... Très étrange.
Olivia abandonna son fils pour toquer à la porte de Garance. À cette heure-ci, elle était à son cours de violon en ligne, mais Olivia n'en aurait pas pour longtemps. L'adolescente lui ouvrit, interloquée, son archer encore entre les mains.
- Y'a un souci ? Je suis en plein cours, là.
- Oui, je sais. Tu as vu Eloïse ?
- Qui ?
L'angoisse d'Olivia s'accrut. Garance, elle, fronça les sourcils. Elle eut un moment d'absence avant que ses souvenirs ne refassent surface.
- Oh, murmura-t-elle, confuse. Oui, Eloïse. Non, je ne l'ai pas vue. Elle n'est pas là ?
- Sa chambre est vide.
- Tu as demandé à Alex ?
- Il ne sait pas non plus.
- Et papa ?
Olivia n'était pas encore allée lui poser la question. Son mari était à la cuisine à faire à manger. Peut-être qu'il en saurait plus ?
Elle s'excusa auprès de Garance pour le dérangement et retourna au rez-de-chaussée.
Philippe comprit que quelque chose n'allait pas dès qu'il la vit rentrer dans la cuisine, le visage tiraillé par l'inquiétude.
- Olivia, tout va bien ?
- Tu as vu Eloïse ?
- ... Qui ça ?
- Ta fille, enfin !
Deuxième fois. C'était la deuxième fois que cela se produisait. D'abord Garance, et maintenant Philippe ?
Son mari se rendit compte de ce qui venait de s'échapper de ses lèvres et s'excusa immédiatement. Il mit sa maladresse sur le compte de la fatigue.
Olivia en fit abstraction. Elle lui raconta la chambre vide qu'elle avait trouvée et la confusion de Garance et Alexandre. Au fil des mots, les sourcils de Philippe se froncèrent.
- Je ne l'ai pas vue non plus, avoua-t-il. Peut-être qu'elle est chez une amie ?
- Elle nous aurait prévenu, argua Olivia.
- On ne sait jamais. Viens, on va passer quelques coups de fil. Ça ne coûte rien d'essayer.
Il baissa la température des plaques de cuisson pour que le repas ne brûle pas et entraîna Olivia dans le salon. Pendant qu'elle saisissait le combiné du téléphone fixe, il partit récupérer le carnet d'adresse familial pour trouver le numéro des amis d'Eloïse.
Ils n'en avaient que trois. Olivia tapa nerveusement le premier sur le combiné, qui appartenait à Marie, une camarade de longue date d'Eloïse. Au départ, Olivia crut bien que personne ne décrocherait, puis la voix de la fameuse Marie, plus grave que dans ses souvenirs, parvint à ses oreilles.
Le constat fut sans appel.
Marie n'avait jamais reparlé à Eloïse après qu'elles se soient retrouvées dans deux collèges différents. Aussi, elle était déboussolée qu'Olivia la contacte.
Quant au second numéro, il n'était plus attribué.
Le dernier était celui de Lysandre, le meilleur ami d'Eloïse depuis qu'ils avaient trois ans. Ils passaient leur temps ensemble, elle devait forcément être avec lui.
Quand Olivia porta le combiné à son oreille, ses mains tremblaient.
Lysandre décrocha.
- Oui ?
- Bonjour Lysandre, c'est Olivia, la mère d'Eloïse. Désolée de te déranger aussi tard, mais elle ne serait pas avec toi ? Elle n'est pas rentrée et on s'inquiète.
Ce fut d'abord le silence qui lui répondit.
- Attendez, quoi ? s'étonna Lysandre.
- Tu ne sais pas où elle est ? insista Olivia.
- Mais... Comment vous...
- Comment quoi ?
Lysandre bégaya, puis se tut. Alors qu'Olivia s'attendait à enfin obtenir une réponse un minimum cohérente, Lysandre lui raccrocha au nez. La sidération la gagna. Elle écarta le combiné de son visage.
- Tout va bien ? demanda Philippe, inquiet. Lysandre avait des informations ?
- Je ne sais pas. Il a raccroché.
Philippe était au moins aussi interloqué qu'elle. Il posa une main réconfortante sur son épaule.
Cette fois, c'était trop. Toute cette situation n'avait aucun sens. Pourquoi Olivia avait-elle l'impression que tout ce qui concernait Eloïse était aussi distant ?
Pourquoi avait-elle l'impression de l'avoir tout bonnement oubliée jusqu'à aujourd'hui ?
- Ça suffit, décréta-t-elle. J'appelle la police.
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