Chapitre 4: Novembre (7)
Eloïse avait peut-être accepté de retourner en cours pour débusquer le magicien qui prenait ses aises dans sa classe, mais il n'était pas pour autant question qu'elle s'y rende de bon matin – même si elle se levait à quatre heure à cause de ses insomnies. Elle prit le temps de faire son sport au réveil, mangea tranquillement son repas du midi, et dès que Rory la rejoignit au Centre, ils prirent la route du collège.
Après plusieurs jours à se faire remarquer durant le trajet, Rory avait finalement accepté de porter autre chose que sa veste de Madrigan. Au moins maintenant, c'était uniquement en le regardant dans les yeux que sa nature de magicien était visible. Au collège cependant, ils étaient toujours des attractions.
Alors qu'ils approchaient des grilles à la peinture écaillée, Eloïse se figea. Elle tira Rory par le bras et l'entraîna dans un coin isolé. Des élèves qui passaient à proximité leurs lancèrent des regards étonnés.
- Qu'est-ce qui te prends ? lui demanda Rory.
Eloïse observa Vénérios, adossé au mur d'entrée, qui lui même dévisageait les élèves un à un, sans aucun doute à sa recherche.
- On a un problème, dit-elle. Vénérios est là.
- Le type qui efface la mémoire ?
- Lui, oui.
Ce fut au tour de Rory d'observer les environs. Même s'il n'avait encore jamais rencontré Vénérios, il ne lui fut pas difficile de le localiser. Pour cause, les élèves l'évitaient. Le mot "magicien" aurait pu être écrit sur son front que cela n'aurait rien changé.
Vénérios tourna brusquement le regard dans leur direction et se décolla du mur. Ce fut presque s'il ne courut pas dans leur direction.
- Il nous a vu, maugréa Eloïse, on s'en va.
Elle entraîna Rory à sa suite. Elle connaissait la ville bien mieux que Vénérios, avec un peu de chance, ils pourraient le semer.
- Je crois plutôt qu'il a vu les gens nous dévisager parce qu'on agissait étrangement, indiqua Rory.
- On s'en fiche, le résultat est le même. Par là.
Eloïse réfléchit à un plan en même temps qu'ils tournaient dans la rue adjacente. Si elle retournait au Centre, les filles de l'équipe Alpha pourraient leur donner un coup de main et Vénérios n'aurait aucune chance. Le seul problème, c'était qu'hormis Synetelle et Miranda, ses camarades poseraient des questions sur pourquoi il en avait après elle.
Elle n'eut pas l'occasion d'envisager davantage la situation. Vénérios, le corps entouré de trombes d'eau, tomba du ciel et leur coupa la route. Eloïse et Rory se stoppèrent aussi sec.
Esquiver la confrontation n'était plus possible.
- Phoenix, hein ? grinça Rory.
- Je crois en toi, répliqua Eloïse.
Vénérios croisa les bras.
- On peut faire les choses simplement, leur dit-il. Je dois parler à Eloïse. Juste quelques minutes.
- Tu peux lui en parler devant moi, répliqua Rory.
- Ça ne te concerne pas.
Vénérios s'approcha. Eloïse recula derrière Rory par précaution.
- Ne le regarde pas dans les yeux, lui rappela-t-elle.
- Trois minutes, insista Vénérios.
- J'aurais volontiers accepté si tu n'avais pas tenté de la kidnapper la dernière fois que tu l'as croisée, dit Rory. Et si tu n'avais pas la capacité de laver la mémoire des gens en les regardant.
- J'essaie d'éviter la confrontation.
- Et j'essaie de garder Eloïse en un seul morceau.
Vénérios se pinça les lèvres, contrarié. L'eau qui le recouvrait s'agita et même temps que sa posture se faisait offensive. Eloïse laissa Rory gérer et s'éloigna le plus possible sans les perdre des yeux.
Rory se plaignit de l'absence de sa veste de Madrigan, laissa ses mains se couvrir de fumée rouge, puis visa Vénérios avant qu'il n'ait cherché à lancer les hostilités. Le Phoenix bondit dans les airs et répliqua par des trombes d'eau qui inondèrent la rue, heureusement déserte. Rory les bloqua d'un champ de force, le visage crispé par l'effort. Au sol, il était désavantagé.
Eloïse analysa la situation : Vénérios risquait de prendre l'ascendant sur Rory à cause de ses pouvoirs de Phoenix. Mais le combat pourrait le distraire le temps qu'elle se sauve jusqu'au Centre. Si elle courrait sans s'arrêter, moins de dix minutes lui suffiraient.
Rory, à moitié trempé, lui adressa un signe de tête dès qu'il en eut l'occasion. Eloïse le traduisit par "fuis pendant que tu peux", ce qu'elle s'empressa de faire.
Il fallut une fraction de seconde à Vénérios pour comprendre son intention. Il dévia l'eau qu'il envoyait sur Rory pour bloquer Eloïse, qui bondit contre un mur pour l'éviter. Rory, lui, profita du manque d'attention de Vénérios pour lui lancer une sphère de magie dans le dos. Déstabilisé, celui-ci chuta sur deux mètres avant de se reprendre. Ce fut suffisant pour qu'Eloïse reprenne sa course.
Vénérios s'élança derrière elle pour l'en empêcher. Il rasa le sol et, dès qu'il fut assez près, accéléra et lui fonça dessus. Eloïse chuta en étouffant un grognement. Son épaule et sa hanche heurtèrent violemment le sol tandis qu'elle roulait sur le bitume. Elle n'eut pas le temps de se lever que Vénérios était déjà au dessus d'elle.
- Tu es sûre que tu ne veux pas parler ? l'interrogea-t-il.
Rory se téléporta derrière lui et l'assaillit d'éclairs. Vénérios manqua de tomber en avant en avant, mais se reprit aussitôt. Cependant, l'eau qui l'entourait s'était amenuisée. Rory en profita pour doubler l'intensité de ses éclairs.
Eloïse se releva en grimaçant – elle allait avoir des bleus – et avisa. Elle ne pouvait ni fuir, ni donner de coup de main à Rory, ni accepter la requête de Vénérios. Si la rencontre du directeur avait été un piège, aucun doute que cette conversation en serait un aussi. Elle ne put faire autre chose que d'espérer la réussite du Madrigan.
Contre toute attente, Vénérios abandonna sa forme de Phoenix. L'eau qui l'entourait disparut tandis qu'une de ses mains s'emplissait de fumée grise. L'autre partit saisir quelque chose au fond de sa poche de pantalon. Il en sortit une petite fiole à la couleur violacée.
Eloïse fronça les sourcils. Ça ne lui inspirait rien de bon. Pourtant, Rory poursuivit ses attaques avec un regain d'énergie. Vénérios esquivait ses coups avec de plus en plus de difficultés et lui permettait de s'approcher dangereusement.
Eloïse serra les dents. Qu'est-ce que Rory était en train de faire ? Vénérios avait l'ambition d'utiliser une solution obscure et il s'approchait malgré tout ?
Elle comprit le problème en analysant la posture, légèrement de biais, de Vénérios.
Rory n'avait pas vu la fiole.
- Recule ! s'exclama-t-elle.
Le temps que Rory comprenne ce qui se passait, Vénérios avait retiré le bouchon et avait déversé le contenu du récipient sur le dos de sa main. Le Madrigan bondit en arrière et l'essuya sur sa veste.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il entre ses dents.
- Tu le sauras dans un instant.
Rory n'eut pas le temps d'en placer une. Sa peau devint livide, il s'effondra au sol, puis se mit à rétrécir. Eloïse s'élança vers lui, paniquée. Le temps qu'elle s'accroupisse à ses côtés il s'était transformé en chat.
- Maintenant on peut parler, conclut Vénérios.
Eloïse releva la tête vers lui, tendue.
- Pourquoi tu l'as transformé en chat ?
- Je savais qu'il t'accompagnerait et il me fallait un moyen de le battre. Celui-là était drôle.
- On n'a pas le même humour.
Eloïse se redressa sur ses pieds. Cette fois, la conversation s'imposait. Elle n'aurait pas le temps ni l'occasion de joindre qui que ce soit à l'aide.
- J'ai un marché à te proposer, déclara Vénérios.
- Hors de question que je négocie avec toi ou les laboratoires.
- Ça concerne ton amie Mackenlie.
Eloïse se figea. Alors Mackenlie était toujours en vie, mais au mains des laboratoires. Ils allaient l'utiliser pour la faire chanter.
- Donc ? demanda-t-elle.
- Le marché est simple. Je te l'échange contre la Pierre Alpha.
- La pierre Alpha ? Tu te doutes que je ne l'ai pas. Je ne peux pas la toucher.
- Toi non. Mais tes amis qui la gardent le peuvent.
- Je n'ai jamais dit que quiconque de mon entourage l'avait.
- Tu n'as pas non plus dit qu'ils ne l'avaient pas.
C'était le Conseil des Cinq qui en avait la responsabilité et ils n'en avaient parlé à personne à part à l'Ombre. Comment les laboratoires avaient-il pu l'apprendre ?
Elle espérait qu'ils n'étaient pas non plus au courant pour les autres pierres et le Livre des Miroirs.
- Ce n'est pas avec moi qu'il faut négocier, déclara-t-elle finalement. Je te l'ai dit, je n'ai pas la pierre Alpha.
- Tu te débrouilleras avec tes amis. En attendant, si vous ne nous la donnez pas, c'est Mackenlie qui ne reviendra jamais.
- Vous n'oseriez pas vous débarrasser d'elle.
Vénérios arqua un sourcil, sincèrement étonné.
- Et pourquoi ça ?
Eloïse resta interdite. Les laboratoires ne l'avaient pas kidnappée parce qu'elle avait l'essence magique des miroirs ?
- Bon, trancha Vénérios, j'y vais. Parles-en à tes copains. On a besoin d'une réponse rapidement.
Il lui adressa un signe de tête, activa la téléporteur à sa cheville et disparut dans un nuage de fumée noire.
Eloïse expira longuement. Il n'avait pas cherché à s'en prendre à elle. Pourquoi, alors que les laboratoires avaient envoyé des dizaines de magiciens à ses trousses à peine deux semaines plus tôt ?
La pierre Alpha devait être plus importante.
Les miaulements de Rory lui firent revenir à la réalité. Il s'agitait à ses pieds.
- Dans quelle galère on s'est encore fourrés ? marmonna Eloïse.
Elle prit Rory dans ses bras d'une main et sortit son téléphone de l'autre. Tandis qu'elle se hâtait de regagner le Centre, elle composa le numéro d'Etan, qui répondit presque aussitôt.
- Salut, lui dit-elle. On a comme un problème.
◊
Etan arriva au Centre tel un ouragan. Son visage mate était rouge d'épuisement et son souffle saccadé peinait à retrouver une rythme normal. Si Eloïse s'en référait au temps qu'il avait mit pour venir et la distance qui séparait le Centre du palais de la Cité, il avait couru l'entièreté du trajet.
- J'ai fait le plus vite possible, dit-il.
- Je vois ça. Merci de ton aide.
Etan esquissa un fin sourire. Eloïse l'invita à s'asseoir dans l'un des salons du Centre pour qu'il se repose et qu'elle lui expose la situation, non sans lui donner un verre d'eau auparavant. Il en but l'entièreté en une poignée de secondes.
- Ça va ? s'assura-t-elle.
- Mieux, merci. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Eloïse avait cité les laboratoires lors de son coup de fil, mais n'était pas entrée dans les détails, préférant attendre d'avoir Etan face à elle.
- Vénérios nous a attaqués Rory et moi. Il voulait passer un marché.
- De quel type ?
- Tu te rappelles de Mackenlie, la magicienne à l'essence magique des miroirs qui a été kidnappée ? C'est eux qui la détiennent.
- Ils veulent...
- L'échanger contre la pierre Alpha, le coupa Eloïse.
Etan fronça les sourcils. Il s'était attendu à une réponse bien différente, qui incluait d'ouvrir le Livre des Miroirs, pas de se débarrasser de leur otage après avoir déployé un minimum d'efforts pour l'attraper. Ils avaient tout de même falsifié des papiers du AMI et préparé une embuscade en pleine forêt.
S'ils avaient voulu kidnapper quelqu'un uniquement pour leur faire du chantage, ils avaient sans doute des cibles plus accessibles. Tout lui paraissait trop spécifique.
- J'ai beaucoup de questions, admit Etan.
- Et moi donc...
- Comment les laboratoires savaient que tu connaissais l'emplacement la pierre Alpha ? Et pourquoi est-ce qu'ils se débarrassent de Mackenlie à la première occasion ?
- Pour la première question, je n'en sais rien. Pour l'autre... J'ai affirmé à Vénérios qu'ils n'oseraient pas la tuer, et il avait l'air sincèrement curieux de pourquoi. Mais on sait que les laboratoires cherchent le Livre des Miroirs et ils ne peuvent pas ignorer l'essence magique de Mackenlie.
Tout cela la rendait particulièrement perplexe. Mais pas autant qu'Etan, visiblement.
- Ce n'est pas logique, acquiesça-t-il. Surtout qu'ils auraient pu prendre la pierre Alpha avant. Elle était sur Terre. Je peux comprendre que son énergie soit difficile à déceler chez les magiciens, mais pas ici.
Eloïse croisa les bras. Si elle résumait la situation, les laboratoires auraient pu avoir la pierre Alpha à portée de main, mais n'avaient pas saisit l'occasion et préféré l'échanger contre leur seul moyen d'ouvrir le Livre des Miroirs. Ça manquait de sens.
Ou alors il manquait à l'Ombre des informations cruciales pour comprendre ce qui se tramait.
- Où est-ce que tu as trouvé la pierre ? demanda Eloïse. Toi et le Conseil n'avez jamais donné les détails.
- Elle était dans un magasin de bibelots à dix minutes de marche d'ici.
- De bibelots ? s'étonna Eloïse. J'ai une bonne mémoire, et je ne me rappelle pas en avoir vu dans le coin.
- C'était au bout de la rue du Bois, si je ne me trompe pas. Dans un angle qui menait vers la grande rue où se trouve le parc.
- Dans ce cas il y a comme un problème.
Etan, silencieux, refit le trajet dans son esprit. Il n'était que très peu venu sur Terre, mais la boutique se trouvait près de l'une des seules rues qu'il avait arpenté.
- Je suis certain que c'était ici, affirma-t-il.
- Etan, je sais très bien de quel endroit tu parles, et ce n'est pas et n'a jamais été une boutique de bibelots.
Il se fixèrent un court instant dans le blanc des yeux. À ce moment, Rory se mit à miauler aux pieds d'Eloïse. Etan sursauta, surpris.
- Pardon. Je ne savais pas que tu avais un chat.
- À ce propos... Ce n'est pas vraiment un chat. C'est Rory.
- ... Quoi ?
- Vénérios l'a transformé pour pouvoir me parler seul à seul. J'aurais peut-être dû t'en parler avant.
Etan analysa la situation, les lèvres pincées. Finalement, il sortit son téléphone de sa poche pour joindre ses camarades du Conseil des Cinq.
- Je pense qu'un peu d'aide ne sera pas de trop.
◊
Eloïse et Etan passèrent un bonne demi-heure à écumer des livres d'alchimie dans l'espoir de re-transformer Rory avant que la sonnerie ne retentisse dans le couloir du Centre. Eloïse s'empressa d'aller accueillir les nouveaux venus, à savoir le reste du Conseil des Cinq plus Kathleen. Elle et Etan s'empressèrent de faire un compte rendu de la situation.
- Alors c'était pour ça qu'il traînait dans les magasins d'alchimie du quartier Argenté, marmonna Evangeline.
- Tu parles de Vénérios ? demanda Etan.
- Andromède, Kathleen et moi l'avons suivi alors qui se promenait à la Cité aujourd'hui. On se demandait ce qu'il avait pu acheter, et maintenant on a la réponse.
Les regards convergèrent vers Rory, qui lâcha un miaulement mécontent.
- Mais puisque l'on sait où il a acheté la potion, il nous sera aisé de trouver un contresort, affirma Kathleen. Ne t'inquiètes pas, Rory, tu ne resteras pas longtemps ainsi.
- Je crois que la boutique ferme très tôt dans la journée, dit Andromède.
- Oh.
Kathleen renvoya un regard désolé au Madrigan.
- Je te promets que j'irai demain matin à la première heure.
- Il est pas si mal comme ça, pourtant, argua Eloïse. Moins désagréable.
Elle évita le coup de griffe que Rory tenta de lui asséner d'un pas sur le côté.
- Et pour le marché de Vénérios ? demanda Tomas.
- Il faudrait en parler au reste de l'Ombre, répondit Evangeline. On avisera.
- Les laboratoires ont déjà deux Pierres Élémentaires en leur possession, ajouta Kathleen, mais on ne peut pas laisser cette fille entre leurs mains. Je pense que la plupart des Magiciens Seconds seront d'accord.
- Et même si on perd la pierre Alpha, retrouver Mackenlie pourra peut-être nous éclairer sur les intentions des laboratoires, ajouta Eloïse. En attendant...
Elle fit signe aux autres de prendre leurs affaires pour quitter le Centre. Ils avaient un autre mystère à élucider. Enfin, avec un peu de chance.
- Qu'est-ce qui se passe ? l'interrogea Evangeline.
- L'endroit où Etan a trouvé la pierre Alpha. Il y a comme un problème avec.
Evangeline arqua un sourcil.
- C'est à dire ?
- Tu comprendras.
Eloïse enfila ses chaussures et son manteau. Elle adressa un regard à Etan, qui paraissait quelque peu nerveux. Andromède posa une main sur son bras, interrogative, mais il secoua la tête comme pour lui dire de ne pas s'en faire.
- Suivez-moi, déclara Eloïse dès qu'elle fut prête.
Le groupe quitta le Centre en direction de la rue du Bois.
Comme d'habitude, leur présence leur attira des regards suspicieux, émerveillés ou curieux. Eloïse était la seule qui avait l'air normale selon les critères humain, et elle fut ravie de voir que pour une fois, on ne faisait pas attention à elle, noyée par la présence des autres.
Lorsqu'ils eurent remonté la quasi totalité de la rue du Centre, Etan désigna un croisement devant eux.
- C'est là, dit-il, je ne m'étais pas trompé.
Les autres magiciens, désarçonnés, stoppèrent leur marche, le regard rivé vers l'enseigne.
- Je sais que tu as une mauvaise vue, répliqua Tomas, mais il y a effectivement un soucis.
Etan plissa les yeux. La devanture du magasin était de la même couleur que lorsqu'il y était entré, mais maintenant qu'il était plus près et qu'il pouvait lire les inscriptions qui l'ornaient, il comprenait la réaction des autres. Il se figea.
- Une boulangerie ?
- Je savais qu'il n'y avait pas de boutique de bibelots ici, répondit Eloïse. Désolée, Etan, mais tu peux constater par toi-même qu'il y a une erreur quelque part.
- Je t'assures que ce n'était pas comme ça lorsque j'y suis allé. Même quand nous sommes partis faire du repérage avec le Conseil.
Andromède, Evangeline, Tomas et Jeremy approuvèrent aussitôt.
- D'accord, qu'est-ce que c'est que ce bordel ? maugréa Eloïse. Je passe devant chaque fois que je dois aller en cours, et même si je sèche beaucoup, il n'y a jamais rien eu d'anormal.
- Etan, à quoi ressemblait le vendeur ? lui demanda Evangeline. Tu ne nous en a jamais parlé et je pense qu'on peut commencer par là pour comprendre.
- Il n'y avait rien à dire là dessus. Il ne m'a presque pas adressé la parole, si ce n'est pour des banalités de politesse.
- Il ne t'a posé aucune question sur pourquoi toi, un magicien, se promenait dans sa boutique ? Est-ce qu'il était au moins suspicieux ?
- Non...
- Tu es sûre que c'était un humain ? vérifia Eloïse.
Etan, perplexe, se frotta la joue. Cela faisait plusieurs mois et il n'était plus sûr de bien se rappeler, mais maintenant qu'Eloïse posait la question, il doutait véritablement. Qu'ils aient été dupés par un magicien expliquerait tout.
- Je n'en sais rien, admit-il.
- Tu vois bien comment les gens te regardent dans la rue, reprit Eloïse. Si le vendeur n'était pas un minimum concerné par ta présence, c'est peut-être parce que lui aussi était un magicien.
- Et ça expliquerait aussi pourquoi le AMI n'a pas trouvé la pierre Alpha avant nous, compléta Evangeline. Il devait la cacher.
La Lysirienne rappela aux autres les doutes qu'elle avait émis dès qu'Etan avait ramené la pierre Alpha, il y a près de quatre mois. Sur comment le AMI avait pu repérer Eloïse parmi des milliers d'humain, mais pas la relique, qui devait pourtant émettre une énergie singulière facile à repérer sur Terre.
Pour preuve, eux y étaient parvenus en arpentant la ville une seule fois.
- Je ne sais pas précisément les détails, s'immisça Kathleen, mais si j'en crois vos paroles, il semblerait que le vendeur ait fait en sorte que vous en particulier trouviez la pierre. Autrement, Evangeline a raison, le AMI l'aurait récupérée.
- Le vendeur aurait pu lancer une illusion sur la devanture pour vous tromper, termina Eloïse. Ce n'est pas si difficile si on sait comment s'y prendre, et surtout, comment cibler des gens en particulier.
- Mais pourquoi nous ? s'étonna Andromède.
- Là, je ne peux pas t'aider.
Etan, l'esprit en ébullition, se focalisa sur les quelques minutes qu'il avait passé à l'intérieur de la boutique – ou du moins de l'illusion. Le visage du vendeur ne lui disait strictement rien, mais là aussi il avait pu être trompé. Pourtant, maintenant qu'il se posait la question, une impression de familiarité dans sa démarche et sa posture l'avaient interpellé, avant qu'il ne chasse cette pensée pour poursuivre sa recherche de la pierre. Parce qu'à l'époque, il pensait faire face à un humain.
Mais cette familiarité qu'il avait ressentie était la même que lui inspirait un certain magicien de sa connaissance doué en illusions.
Il avait appris à ne pas croire aux coïncidences.
- Kathleen a raison, déclara Etan. On n'a pas trouvé la pierre par hasard. Je crois qu'on nous a guidés vers elle pour nous la confier. Et je crois que Salem est derrière tout ça.
Andromède, Evangeline, Tomas et Jeremy se figèrent de concert à l'entente du prénom. L'incrédulité envahit leur visages, vite remplacée par une touche d'espoir.
- Mais... Il est mort, rappela Andromède.
- Présumé mort, corrigea Jeremy.
- Qui est Salem ? demanda Eloïse, perdue.
- L'un des trois Madrigans qui nous a envoyés jouer les espions au gouvernement, répondit Etan.
Eloïse lui demanda s'il était bien certain de ce qu'il avançait. Etan acquiesça avec néanmoins une certaine réserve.
- Je peux toujours me tromper, mais j'ai comme un pressentiment.
- Salem nous connaît, fit remarquer Tomas. S'il voulait qu'on ait la pierre, pourquoi établir un pareil stratagème ? Pourquoi ne pas nous la donner directement ?
- J'ai cru comprendre qu'il se faisait passer pour mort, dit Kathleen. Peut-être est-ce lié.
- Il vous connaît, il a pu vous cibler pour l'illusion, avança Eloïse. Le raisonnement se tient.
- Je ne comprends plus rien, souffla Etan.
Tomas posa une main sur l'épaule de son ami. Ils étaient à deux pas de résoudre un mystère, pourtant, ils s'en sentaient encore bien loin.
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