Chapitre 19: Décembre (10)
Eloïse avait tendance à dormir peu. Aussi, avoir convenu un rendez-vous avec le Seigneur des Ombres à cinq heures du matin était loin de la déranger.
À cette heure-ci, les couloirs de l'académie Adénora Calléor étaient déserts. Eloïse, emmitoufflée dans son manteau, descendit discrètement les escaliers de l'internat et s'engouffra dans la cour.
En soit, les élèves avaient le droit de sortir quand bon leur semblait, même de nuit, mais Eloïse était l'une des seules qui s'y adonnait. Beaucoup révisaient jusqu'à tard dans la soirée, aussi ils avaient besoin du maximum de sommeil dont ils pouvaient disposer.
Elle traversa la cour – plusieurs écureuils s'enfuirent à son passage – et ouvrit la grille qui entourait l'académie à l'aide du badge qui lui avait été fourni à son inscription. Le temps qu'elle la referme et se retourne, le Seigneur des Ombres était apparu de nulle part. Eloïse bondit, prise par surprise.
- C'est trop vous en demander que de vous annoncer ? demanda-t-elle.
- Bonjour à toi également.
- Oui, oui. Bonjour. Ce que je viens de dire tient toujours.
- J'y penserai pour la prochaine fois. Tu viens ?
Sans attendre de réponse de la part, il s'éloigna de l'académie. Eloïse trottina pour le rattraper.
- Deux minutes. Où est-ce qu'on va ?
- Dans un coin plus tranquille. Il me semble qu'il y a un parc proche d'ici.
Le quartier Lumineux était majoritairement étudiant, puisqu'il comptait deux écoles, dont la plus grande de la Cité, mais il possédait également parcs et complexes sportifs. En l'occurrence, l'académie d'Eloïse était était située au centre de tout.
Il leur fallut cinq minutes pour joindre le parc et s'installer entre plusieurs arbres à l'écart du chemin principal. Des magiciens étaient déjà en train de s'entraîner, mais il était peu probable qu'ils fassent attention à eux, surtout que le Seigneur des Ombres portait une cape grise et laissait son visage à découvert.
- Bon, commença Eloïse. Qu'est-ce que le projet Alpha et quel est mon rôle dedans ?
Le mage noir parut surpris qu'elle amène aussi brusquement le sujet.
- Je ne suis pas venu pour parler de ça, contra-t-il.
- Vous aviez dit que c'était pour discuter de ce qu'il m'arrive ces derniers temps. Vous m'excuserez, mais je ne vois pas ce que ça pourrait être d'autre.
- Le AMI.
- Ah.
Eloïse sentit son enthousiasme retomber. Elle s'était attendue à plus.
- Je peux quand même vous poser une question au sujet des laboratoires ?
- Vas-y. En revanche, je ne garantis pas de te fournir une réponse.
- Vous avez dit que vous aviez travaillé pour les laboratoires. C'était sur le projet Alpha ?
- Oui, confirma-t-il.
Donc il était bien au courant de tout. Eloïse se demandait de plus en plus ce qui l'encourageait à garder le silence.
- Autre chose ?
- On va dire que je vais rester sur ça pour le moment, répondit-elle.
- Parfait. Passons à la suite, dans ce cas.
Il attendit qu'un magicien en pleine course s'éloigne avant de poursuivre.
- La situation actuelle et l'étau que le AMI a placé autour de toi est de plus en plus problématique. Je pense que tu es d'accord si je te dis qu'il serait bon d'y remédier.
- Ouais. Vous avez une idée ?
- Il suffit de changer ton responsable légal pour qu'ils n'aient plus aucun droit sur tes faits en geste en dehors de ce que tu cautionnes.
- Certes, je suis au courant de ça, mais c'est pas aussi simple qu'il n'y paraît.
- Au contraire. J'ai juste besoin de ton accord.
Eloïse crut d'abord qu'il plaisantait tant l'idée lui paraissait surréaliste, mais à en croire son visage neutre, ce n'était pas le cas.
- ... Vous me proposez de devenir mon responsable légal ?
- Oui.
Elle le dévisagea, sidérée. D'abord il lui demandait de le tutoyer, et maintenant ça ? C'était étendre sa confiance en lui bien au delà de ce dont elle était capable.
- Pourquoi ?
- Je te l'ai dit, le AMI est un problème dont il vaut mieux se débarrasser.
- Je sais, mais honnêtement je me serais attendue à tout sauf à ça venant de votre part.
De plus, maintenant que le sujet était sur le tapis, Eloïse avait des choses à clarifier.
- Quand vous êtes venu à la soirée de récolte de fonds de mon collège, vous aviez dit que vous étiez responsable de moi depuis que j'ai obtenu mes pouvoirs. Qu'est-ce que ça voulait dire ?
- C'est compliqué. Ça n'a pas rapport avec ma proposition actuelle.
- Peut-être, mais j'aimerais savoir quand même.
Le Seigneur des Ombres refusa d'abord d'argumenter, mais en voyant la frustration qui émanait d'Eloïse, finit par céder.
- C'est parce que tu fais partie du projet Alpha et que j'ai travaillé dessus.
- Vous vous sentez redevable ?
- En quelque sorte. On va dire que tu peux également compter les liens de parenté distants que j'entretiens avec toi.
Eloïse sentit sa réticence s'effriter. En soit, le Seigneur des Ombres avait actuellement les mêmes objectifs que l'Ombre. Ça ne pouvait pas être pire que de rester sous les ordres de Sakura.
- J'ai juste besoin d'une réponse, Eloïse. Oui ou non.
- On va dire que oui.
Elle crut voir du soulagement envahir un court instant ses traits, mais ne savait pas si elle l'avait imaginé.
- Par contre, poursuivit-elle, je ne sais pas comment vous allez vous y prendre, mais ça ne va pas être simple. Le AMI ne voudra sans doute pas perdre ma garde, or il va bien falloir qu'ils vous la cèdent.
- Je sais, oui. J'ai des relations.
- Ça n'a pas l'air très légal.
- Ça l'est suffisamment. En revanche, les procédures risquent d'être longues.
Eloïse s'en contentait. Cela lui laissait le temps de s'habituer à la situation. Tant qu'elle finissait en dehors de l'influence du AMI, elle n'avait pas à se plaindre.
Un vertige soudain l'obligea à s'adosser à l'arbre derrière elle. Le Seigneur des Ombres fronça les sourcils.
- Tout va bien ?
- Je ne sais pas, c'est bizarre...
Eloïse eut l'impression de tomber tout en restant ancrée sur ses deux pieds. Pendant une seconde, son souffle se coupa. Elle ferma les yeux, prise d'une violente douleur au crâne.
Celle-ci s'estompa presque immédiatement.
Quand elle rouvrit les yeux, Eloïse découvrit qu'elle était seule dans le parc.
- Qu'est-ce que...
Elle quitta l'espace entre les arbres pour regagner le chemin principal. Les quelques magiciens qui étaient venus s'entraîner avaient disparu. De même pour le Seigneur des Ombres, qui n'était nulle part où elle posait le regard.
Le Phébéien qu'elle avait vu en rêve apparut lorsqu'elle cligna des yeux. Eloïse se figea. Il la rejoignit d'un pas tranquille, ses longs cheveux platine flottant derrière lui.
- Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda-t-elle. Où sont les autres ?
- Je viens discuter avec toi. Je n'en ai pas pour longtemps.
- Ça ne répond pas à ma deuxième question. Le Seigneur des Ombres était là deux secondes plus tôt.
Un éclair de ressentiment traversa le visage du Phébéien à l'entente du surnom, vite remplacé par un sourire aimable.
- Il a dû partir. Ne t'inquiète pas.
- Ne pas m'inquiéter ? Je ne sais même pas qui vous êtes.
- Je m'appelle Caleb. S'il te plaît, écoute-moi. C'est important.
Eloïse le laissa poursuivre. Il n'avait pas l'air hostile et son attitude transpirait l'empressement.
- Tu fréquentes souvent le quartier Doré ? demanda-t-il.
- Non, pourquoi ?
- N'y va surtout pas demain. D'accord ?
- Comment ça ?
Caleb ouvrit la bouche, mais n'eut pas le temps de prononcer le moindre mot. Eloïse s'éveilla en sursauta, le souffle court et prise de nausée. Elle était allongée entre les arbres où elle s'était isolée avec le mage noir.
Ce n'était qu'un rêve.
La lourdeur de la magie rouge emplissait l'air. Eloïse cligna furieusement des yeux. Accroupi à côté d'elle, le Seigneur des Ombres l'observait avec préoccupation.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle.
- Tu t'es évanouie, dit-il. Je t'ai réveillée.
Eloïse se redressa jusqu'à être en position assise. Voilà donc d'où provenait la magie rouge. En revanche, cela risquait d'attirer l'attention sur eux. La Seigneur des Ombres se mettait à regarder derrière son épaule pour vérifier que personne n'approchait.
- Je suis restée comme ça combien de temps ?
- Une minute. C'était encore un rêve ?
- Oui, dit-elle. Caleb.
Elle pouvait désormais placer un nom sur le visage du Phébéien. Un nom qui ne plut pas du tout au Seigneur des Ombres, qui se crispa à son entente.
- Qu'est-ce qu'il te voulait ?
- Me demander de ne surtout pas aller au quartier Doré demain. Je n'ai pas eu le temps d'obtenir plus d'explications.
Le mage noir, dont l'attitude s'était refroidie, la saisit par les bras et la remis sur ses pieds.
- Je te ramène à l'académie, déclara-t-il.
- Attendez, plaida Eloïse. Vous savez pourquoi il m'a dit ça ?
- Non, mais je compte bien le découvrir. Pour le moment, n'en parle à personne.
- D'accord...
Il attendit qu'elle se décide à le suivre, même si sa patience s'était considérablement réduite.
Eloïse ne savait pas d'où le Seigneur des Ombres connaissait ce Caleb, mais une chose était sûre, il y avait du vécu entre eux.
Quant à cette histoire de quartier Doré, elle mettait Eloïse mal à l'aise.
Quelque chose se préparait.
◊
Les vieilles affaires d'Eluan s'empilèrent sur le sol de la chambre dans un enchevêtrement où seul Evan pouvait s'y retrouver.
Il ne retournait pas souvent chez ses parents, à Everland. Il ne s'était jamais vraiment remis de la perte de son frère, quelques années plus tôt, et venir lui faisait toujours remonter des souvenirs douloureux, aussi préférait-il rester dans le confort du AMI, même si leur rôle devenait de plus en plus trouble.
Aujourd'hui cependant, Philéas avait insisté pour qu'il s'y rende. Lui aussi était contre l'alliance avec le Seigneur des Ombres, mais sachant qu'il avait été accepté par la majorité de leur groupe, il voulait s'assurer que le mage noir était honnête dans ses intentions. Cela commençait par vérifier qu'il n'avait effectivement pas tué Eluan Robertson.
Les parents d'Evan avaient été étonnés par son initiative de parcourir les affaires de son défunt frère, mais n'avaient pas posé de questions et l'avaient laissé œuvrer tranquillement.
- Ton frère était agent de terrain, c'est bien ça ? demanda Philéas en observant les affaires.
- Oui, confirma Evan. Il a été dans l'équipe Zéta avant de devenir agent individuel.
- Je suppose que tu étais proche de lui.
Evan acquiesça. Eluan était la raison pour laquelle il avait rejoint le AMI. Son objectif avait toujours été d'un jour faire partie de l'équipe Zéta pour continuer ce que son frère avait commencé. Même si maintenant, il n'était plus certain de le vouloir.
- Il a brusquement disparu un jour, expliqua Evan. C'était après qu'il m'ait laissé le code pour retrouver le Livre des Miroirs. Lorsqu'on a eu des nouvelles de lui, c'était pour nous informer de son assassinat.
- Je suis désolé.
Evan haussa les épaules. Philéas n'avait pas à s'excuser, ce n'était pas sa faute.
Un silence s'installa entre eux. Pour tenter de chasser la gêne qui en résulta, Philéas décida de se déplacer dans la chambre à la cherche du moindre indice confirmant l'association d'Eluan et du Seigneur des Ombres.
Miranda avait fini par leur avouer que selon ses dires, Eluan avait travaillé pour lui et avait caché le Livre des Miroirs selon ses instructions. Dans ce cas, il y aurait forcément des traces quelque part.
Le parquet grinça sous le pied de Philéas, qui n'y prêta pas tout de suite attention. Cependant, il remarqua en arpentant davantage la chambre que seule cette plaque de bois faisait ce bruit. Evan, assis par terre à feuilleter un carnet, ne releva pas la tête, trop absorbé par sa lecture.
Philéas s'accroupit et testa la résistance du bois. Il se rendit compte, après observation, qu'il y avait un trou juste en dessous. De plus, les fixations qui la maintenaient paraissaient bancales.
- Evan.
Le Lysirien releva les yeux.
- Cette plaque s'enlève ? lui demanda Philéas.
- Non, pourquoi ?
Philéas lui montra, en tirant dessus, qu'il se trompait. Evan abandonna le carnet qui accaparait son attention et l'aida à retirer complètement le morceau de bois.
Il y avait bien un trou dans le sol. Un trou qui n'était pas vide.
Evan et Philéas rangèrent une partie des affaires qui traînaient au sol pour faire de la place. Ils sortirent délicatement tout ce qui se trouvait dans le trou.
Ils découvrirent plusieurs lettres ainsi qu'une pierre sphérique faite d'un cristal qu'ils ne reconnaissaient pas. Evan la leva vers la lumière pour l'observer plus attentivement.
- C'est étrange, dit-il, on dirait qu'elle dégage de l'énergie, un peu comme une Pierre Élémentaire.
- Vraiment ?
Evan donna l'objet à son ami pour qu'il le vérifie lui-même. Dès qu'il la posa sur la peau, il sentit un léger fourmillement remonter le long de son bras. Pas besoin d'être un Gardien des Clés pour comprendre que la pierre était saturée de magie.
- Je ne l'avais jamais vue avant, indiqua Philéas, mais ce n'est certainement pas une Pierre Élémentaire.
- Les reliques existent sous beaucoup de formes, fit remarquer Evan.
- Il faudra demander à Synabella de nous éclairer.
Evan trouvait tout de même cela étonnant qu'Eluan en ait eu une en sa possession, et surtout qu'il l'ait laissée croupir sous le plancher. Il lui avait donné le code pour le Livre des Miroirs, il aurait pu faire de même pour cette relique.
Philéas posa la pierre sur le lit derrière lui et s'attaqua aux lettres. Evan en prit la moitié et chacun entama sa lecture.
- Celle-ci est signée au nom de Victorien, déclara Philéas en relevant la tête. C'est donc le Seigneur des Ombres qui l'a écrite.
- De quoi elle parle ?
- Du Livre des Miroirs. Le Seigneur des Ombres demande s'il a avancé dans la recherche d'une cachette.
Evan se pencha pour en lire le contenu. Il fut frappé par la familiarité avec laquelle le mage noir s'adressait à son frère. Et aussi par l'urgence qui en ressortait.
Il ne comprenait pas pourquoi le Seigneur des Ombres avait tant voulu se débarrasser du Livre des Miroirs. Certes, il était très recherché à cause de tous les mythes qui tournaient autour et notamment sa difficulté à être descellé, mais ce qui était à l'intérieur ne pouvait pas être si terrifiant que ça. Autrement, il y aurait eu des archives quelque part pour le relater.
Enfin, le fait était que maintenant, il était entre les mains de l'Ombre. Evan n'était plus certain d'être réjoui par cette perspective.
Il poursuivit son investigation.
Sur plusieurs lettres, il n'y avait que des dates et des lieux, sans doute pour convenir de rendez-vous, nocturnes pour la plupart. Sur d'autres, c'était de brefs messages pour tenir Eluan au courant d'événements dont Evan ne comprenait pas la teneur.
La lettre suivante lui glaça le sang. Elle avait été envoyée pour prendre des nouvelles d'Eluan, mais la première phrase était suffisante pour renverser les convictions d'Evan. Il la relut trois fois pour être sûr de ne pas avoir halluciné son contenu.
Je n'ai pas pu entrer en contact avec toi depuis que tu es devenu un Phoenix.
Il lui sembla qu'une brique était tombée au fond de son estomac.
- Eluan était un Phoenix ?
Philéas releva brusquement la tête.
- Quoi ?
- Regarde.
Philéas se pencha par dessus son épaule pour lire la lettre. La stupéfaction envahit son visage.
Si Eluan avait été un Phoenix au même titre que Cassandre ou Vénérios, cela voulait forcément dire qu'il avait travaillé pour les laboratoires.
Cette pensée flotta entre eux et mit Evan particulièrement mal à l'aise.
- Je suppose que tu n'es au courant de rien à ce sujet, dit Philéas.
- Rien du tout.
- Eluan ne s'est jamais absenté pendant de longues périodes de temps ?
- Si, bien évidemment, mais il travaillait pour le AMI, donc c'était normal...
Or maintenant, ils savaient que le AMI et les laboratoires entretenaient des liens. Evan, pour espérer chasser ses doutes, continua à parcourir les messages.
Il trouva presque immédiatement la confirmation qu'il redoutait.
- "Les laboratoires vont te poursuivre si tu décides de les déserter", lut-il. Ensuite, le Seigneur des Ombres fait référence à un projet Phoenix.
- Donc ton frère travaillait bien pour eux.
Evan hocha la tête non sans crispation. Il devait s'être fait assassiner après les avoir déserté. Cela correspondait à la version du Seigneur des Ombres selon laquelle Valentiana Katalina était responsable.
Il ne voulait pas l'admettre, mais si son frère avait accordé sa confiance au mage noir, alors il était légitime qu'il fasse de même. À en croire les messages, il n'avait jamais cherché à lui nuire, plutôt le contraire.
Evan avait du mal à se situer dans toute cette histoire.
En revanche, il savait que Philéas et lui auraient davantage de recherches à faire, non seulement au sujet de son frère, mais aussi de la pierre cachée loin de tout.
◊
Eloïse avait eu une très longue journée. Après sa rencontre avec le Seigneur des Ombres de ce matin, elle avait enchaîné sur quatre heures de cours et cinq d'entraînement. Sans compter que l'équipe Zéta ne plaisantait pas sur la préparation physique. Eloïse avait eu le sentiment d'être efficace avec les Alpha, mais elle devait se rendre à l'évidence, il y avait un monde entre les deux.
Il fallait dire que les Zéta étaient l'élite du AMI, leurs meilleurs combattants. Eloïse s'était rendue compte que Canelle, sa camarade de l'Ombre, était véritablement impressionnante. Bien sûr, elle l'avait déjà vue combattre lors de missions, mais cela n'avait rien à voir avec les entraînements, où tout le monde se poussait davantage. Eloïse passait la plupart de son temps en sa compagnie, aussi bien comme une éventuelle protection que pour apprendre de nouvelles techniques.
Même si elle ne voulait pas l'admettre, ce stage d'apprentissage lui permettait de combler des lacunes qu'elle traînait depuis trop longtemps.
Quand elle regagna la grille de l'académie Adénora Calléor, Eloïse remarqua la figure de Rory qui faisait les cent pas juste devant. Dès qu'il la vit, il se stoppa. La magicienne vint à sa rencontre.
- Tu attends quelqu'un ? demanda-t-elle.
- Plus maintenant, répondit-il.
- Oh. Tu venais me voir.
- Tu n'as pas l'air très enjouée par la chose.
- Non non, je suis juste surprise. Et un peu fatiguée.
Plutôt que de l'inviter à l'intérieur de l'académie – il était interdit de ramener des magiciens qui n'y étaient pas inscrits pour des raisons de sécurité – Eloïse l'entraîna à travers les rues du quartier Lumineux. À cause de sa veste de Madrigan, Rory s'attira beaucoup de regards, mais à en croire son indifférence, il y était habitué.
- Tu voulais me parler de quelque chose ? l'interrogea-t-elle.
- Pas vraiment, admit-il. C'est juste qu'on est le 31 décembre et j'ai cru comprendre que les humains aussi le fêtaient.
- Et ?
- Comme tu ne peux pas aller sur Terre, je trouvais ça dommage que tu restes seule, donc je viens te tenir compagnie.
Les magiciens célébraient eux aussi la nouvelle année, mais de façon plus sobre. Ils sortaient à minuit et laissaient un filet de magie s'envoler vers le ciel, comme un symbole du renouveau des énergies. Il y avait peu de rassemblements ou de fêtes.
- C'est gentil, mais tu n'avais rien de prévu ? s'enquit-elle.
- Normalement je reste avec ma sœur, mais...
Il s'assombrit. Sa sœur était désormais à la charge du gouvernement de la Cité et il ne pouvait pas la voir.
- Les Magiciens Seconds sont pour la plupart avec leur famille, poursuivit Rory. Enfin, ceux qui en ont une. Et puis comme je suis le seul Madrigan du groupe, disons que nos traditions ne collent pas toujours.
- Oh.
Rory lui expliqua que si les Lysiriens se contentaient de libérer un peu de magie comme le faisaient les autres peuples, les Madrigans, eux, allaient planter un arbre, mais uniquement en présence des leurs. Comme souvent, les Madrigans cherchaient à s'isoler, même si cette tendance s'inversait maintenant qu'ils n'étaient plus très nombreux.
- Tu as des gènes de Madrigane, fit remarquer Rory, donc je me suis dit que ce serait amusant que tu viennes faire du jardinage avec moi.
- Dis plutôt que tu étais seul et que tu n'avais personne d'autre sous la main.
Rory lui renvoya un sourire moqueur.
- Ou peut-être que c'est simplement parce que je t'aime bien.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top