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Elle ne s'était jamais sentie à sa place, c'était vrai, autour d'elle tout était fade et sans couleur, grisonnant, mourant, sa solitude seule d'un bleu désolé comme les fond des océans, abyssaux, aspirant tout ce qu'elle ne pourrait jamais être dans un maelström retentissant qui faisait trembler ses pauvres membres fatigués.
Jamais à sa place, nulle part, peu importait où elle courrait, jusqu'où elle se permettait de rêver, elle n'était jamais au bon endroit.
Jamais à sa place, toujours étrangère.
Dans leurs regards, leurs soupirs, leurs murmures, elle lisait dans les signes qu'ils laissaient dans leur sillage, elle lisait sa différence. Toujours étrangère aux autres, aux rires, aux larmes, aux sourires, à la tendresse, toujours étrangère à la vie comme elle y assistait chaque jour.
Pas besoin d'yeux pour le voir, pas besoin d'oreilles pour les entendre, pas de besoin de sens pour le savoir, le creux vide qui coulait jusqu'aux bords de son cœur écrasé suffisait à cette tâche.
C'était ça. Jamais à sa place, toujours étrangère.
Juste l'autre.
Cet endroit était un poison, une prison, un cadeau empoisonné. Si on l'avait sauvée pour vivre comme cela, elle aurait peut être préféré mourir dans le noir et le froid, préféré mourir seule pour une nuit que pour une vie toute entière.
Elle ne voulait pas. Elle était comme un fantôme, une ombre vengeresse, déchue, une malédiction pour sa propre personne, une proie à portée de main. Convoitée, crainte, admirée, et désespérément seule, dans ce grand château vide, où les seules choses qu'elle entendait vraiment étaient les échos de son cœur embrasé.
Elle était un fardeau, pour elle, mais aussi pour tous ces autres qu'elle haïssait tant, eux qui vivaient dans leur monde plein de couleurs, alors qu'elle attendait dans le noir.
Peut être qu'au fond d'elle c'était ça.
Partir ou mourir.
Mais de quoi ? La liste était trop longue, mourir d'absence, de pénitence, mourir de solitude ou encore d'ennui, mourir de douleur, mourir de honte. Partir ou mourir de mille façons différentes, toutes à la fois, et ressentir dans chaque parcelle de son corps un million de lames brisées lui trouer les os.
Si seulement ce n'était que ça.
Quel autre choix avait-elle eu de toute manière ?
Rien.
Et puis, qui se souciait de savoir qu'elle vivait, puisque de toute manière chacun souhaitait sa mort ?
Réponse simple : personne.
Qui était-elle ?
Réponse évidente : personne.
Quand on a jamais rien connu d'autre que la pierre et les chaînes de la douleur, c'est difficile d'apprécier sa liberté, c'est difficile de porter son passé à bout de bras en espérant qu'il disparaisse.
Ça aurait pu l'être d'avantage s'il n'avait pas été là.
Même après la mort, après la vérité, après le chaos, même après la haine, la désolation, le désespoir, même après la tempête, l'ouragan, le naufrage, elle continuait.
Elle aurait pu disparaître simplement et ne jamais remonter, simplement trouver cette paix éphémère qu'elle avait tant cherché, elle aurait pu continuer d'être vide.
Maintenant elle avait vaincu, passé, présent, futur, elle avait vaincu, vaincu les monstres, les ombres, la hantise, vaincu sa propre moitié, ses origines, son héritage, vaincu le néant comme on tranche l'air d'un coup de fouet.
Et soudainement, elle était quelqu'un.
Rien de plus que cela.
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