Chapitre six

Média - Portrait de Peter Pan

Muette, et encore choquée par l'annonce du voyage, je retourne dans ma chambre et trouve Clochette.

-Dors un peu, je te réveillerai plus tard.

Je hoche la tête et m'introduis dans la pièce, seule. Dans les tons chauds et hivernales, des peintures de forêt somptueuse tapissent les murs. Au milieu, un énorme tapis bordeaux. Je parvins à distinguer malgré l'obscurité, un lit à baldaquin en bois sombre d'où tombent un drapé beige accroché en lisière.

Ne tenant plus debout, je m'y allonge de tout mon être.

Il y a quelque heure, j'étais encore au lycée. La seule chose dont je me souciais le plus était ce que j'allais dire à Keven, puis j'ai appris qu'il m'a trahit. Maintenant, je suis dans un monde...comment le qualifier ? Fantastique ? Fictif? Je ne sais même pas où est-ce que j'ai atterri. Enfin si, à Neverland. J'apprends l'existence des héros de mon enfance et me rend compte qu'ils sont totalement différent de ce à quoi je m'imaginais.

Maintenant que j'y pense, il est vrai que j'ai une chance inouï d'être ici et je ne préfère pas m'imaginer le nombre de personne prête à payer une fortune pour voir ne serais-ce qu'un seul des paysages que j'ai pu voir aujourd'hui.

Je ne sais pas comment rentrer chez moi, je ne sais même pas de quoi sera fait mon lendemain !

Le pire dans tout ça ? Je ne pense pas que ce soit un rêve, non, c'est bel et bien réel.

J'ouvre les yeux, et les referment immédiatement, de fatigue.

****

Les paupières fermées, je me retourne rapidement sous la couette. Mais une nouvelle fois, je sens ces chaudes mains me secouer frénétiquement l'épaule. Je pousse un grognement. C'est sans doute Keven.

-Laisse moi tranquille, je rouspète, la voix grave.

-Réveille toi Stasya, debout ! insiste mon petit-ami.

Attendez voir, mais que fais Keven chez moi ? Un matin en plus ! Il n'a jamais dormis à la maison. En plus de ça, je ne lui parle plus, après ce qu'il m'a fait, c'est fini ! Puis depuis quand m'appelle t-il Stasya ? Mais...

J'ouvre furtivement les yeux et observe la pièce où je me trouve. Les tableaux aux murs, les drapées du lit, quelques rayons de soleil traversent les rideaux tirés. Soudain, tout me reviens à l'esprit.

-Peter ? m'enquis-je en me relevant.

Même si je le savais déjà, tout ça n'est pas un rêve c'est officiel et je pense qu'à chacun de mes réveils mes pensées seront les mêmes.

Peter Pan esquisse un sourire, toujours arrogant et enfantin. Ses cheveux ébènes remontent en bataille et son regard fin est espiègle.

-Eh bien je suis toujours là, je souffle, fatiguée par dessus tout.

-Dépêche toi, le soleil est levé depuis pas mal de temps. J'ai insisté auprès de Peter pour te laisser te reposer encore un peu, annonce Clochette en apparaissant au dessus du jeune homme.

Je crois aussi que je ne m'habituerai jamais de voir cette petite fée aux yeux pourpres.

-Habille toi, on t'attend en bas. Me dit la petite fée en désignant une pile de vêtement posé sur le coffre à ma gauche.

-Où sont les toilettes ? Vous avez des toilettes j'espère, vous ne faîtes pas vos besoins dans des troncs d'arbres, je demande, anxieuse.

-Beurk ! Je ne sais pas si vous êtes aussi sale chez toi, mais ici on a des cabinets, me répond Clochette, écœurée.

Je me contente de hocher la tête et quelques secondes après, le jeune homme part en compagnie de sa fée. Je me relève alors avec beaucoup de mal, ne souhaitant que de rester pour toujours dans ce lit mais finis par me faire entendre raison : Mon retour à la maison ne se fera pas seul !

Je jette un coup d'œil aux vêtements et découvre un corset en taffetas sombre décoré de panes de velours noirs. Les manches voilées, des lacets de soie ornent le devant du corset. Une capuche ébène à l'arrière du vêtement est fixé solidement. Pour bas, je trouve un simple pantalon en cuir noir ainsi que les mêmes bottines sombres de la veille. Soit je me fais des idées, soit Clochette a un goût prononcé pour le noir.

Après m'être soigneusement changé, j'aperçois une bassine en fer remplie d'eau. Une odeur de fleur me chatouillant les narines, je suppose que c'est sans doute pour que je me lave le visage. Une fois le visage nettoyé par cette eau turquoise, je me rend aux toilettes comme me l'a indiqué Clochette et découvre un cabinet en bois. A l'intérieur, je suis surprise de découvrir des toilettes similaires à celles de mon monde avec un banc de bois sur lequel s'asseoir en plus.

Une fois mon envie pressante envolée, je descend rejoindre Peter et Clochette dans le salon de la maison.

Assis sur un canapé, occupé à manger une tartine recouverte de confiture de fraise sûrement, Peter observe une carte. Sourcil froncé, il semble concentré à la tâche et mâche lentement son morceau de pain.

Au même moment, une Clochette déchaînée arrive à toute allure.

-Dépêche toi de manger, tout est sur le comptoir ! s'écrie t-elle, excitée et sortant de la pièce.

Je m'approche du comptoir sans un mot et aperçois du pain tranché ainsi qu'un pot de confiture de fraise.

- Oui roh, y'a pas le feu au lac, dis-je

Peter se met à rire .

- Si justement.

Je soupire et étale la confiture sur ma tartine.

-  Comment c'était pas drôle, dis-je

Vexé, il s'en va rejoindre Clochette.

Décidant de rejoindre Clochette et Peter, je me lève, tartine en main, et me dirige vers la chambre de Peter où il est en grande conversation avec Clochette concernant le voyage et le nom des Auberges où nous allons dormir.

Je m'apprête à parler, mais au même moment, Peter se retourne, et sans même regarder, me fonce dessus. Ma tartine à la confiture s'étale sur son veston en cuir noir

- Stasya ! Tu peux pas manger là bas ! dit-il en se reculant

- J'étais toute seule...Je voulais venir vous voir, désolé.

Peter me décale sur le côté.

- C'est pas grave, j'vais essuyer.

Peter sors de la pièce et je me retrouve face à Clochette, je fis alors un pas en avant et manque de trébucher.

Par chance je repris mon équilibre grâce au mur.

Par malchance, la tartine tomba au sol, côté confiture.

Clochette devient toute rouge.

- T'es insupportable le matin !

Je baisse la tête au sol pendant que Clochette fait disparaître ma catastrophe.

- Désolé...

Je pars alors au salon, mais me retourne vers  Clochette avant.

- Euh...Clochette?

Elle se retourne et me lance des éclairs avec ses petits yeux.

-Quand t'es énervé on dirait une fourmi rouge.

-  Vermine? me dit-elle les sourcils froncés

-  Oui? dis-je tout sourire

- Quand t'es énervé t'es moche !

- Moi je suis belle en toute circonstance, dis-je sur le ton de la rigolade.

- L'espoir fait vivre !

Après que Clochette et Peter aient vérifié plusieurs fois l'état de la maison, c'est à dire trente minute plus tard, nous sommes enfin sortis. Le soleil levant n'a pas chassé cette brise fraîche et je remercie intérieurement Clochette de m'avoir donner un vêtement à manche longue.

Sans même que je ne m'en aperçoive, nous franchissons les portes d'une étable. Assez éloignée des maisons, il y a plusieurs enclos habités par des chevaux. Je lève alors un sourcil, incertaine de comprendre la raison de notre présence en ces lieux. Nous nous arrêtons alors face à un box, où un cheval blanc comme neige nous fait face.

-On part à cheval...je réalise, déçu.

-On part pas à cheval, commence alors Peter, on part à Billy.

Je lui lance un regard inquisiteur, je ne sais pas s'il réalise que sa remarque ne veut rien dire.

J'observe alors le dit Billy. Sa crinière crème retombe fièrement par dessus son poil, et j'en viens presque à me demander si la vanité et l'orgueil sont des caractères héréditaires chez le maître et son cheval.

Peter monte alors sur le cheval, j'aperçois la petite fée installée confortablement sur l'épaule de Peter, je leur lance un regard paniqué. Attendent-ils que je monte toute seule ? Comment veut-il que je monte seul d'ailleurs ? Ce n'est pas un cheval, c'est un immeuble dix étages !

-Donne ta main, me lance alors Peter en portant son regard sur moi.

Je le regarde, hésitante, comment ça il veut ma main ? Je finis par comprendre au bout de quelques secondes et attrape alors la sienne qu'il me tend.

-Met ton pied ici, poursuit le jeune homme en me désignant un étrier.

Rapide, je m'exécute et Peter me soulève sans soucis. Je me retrouve assise derrière lui. Je retire ma main de la sienne et ne sachant quoi en faire, je la pose juste derrière moi, sur le poil immaculé du cheval.

- C'est bon là? me demande Clochette

-  Nickel !

Elle retourne dans la poche de Peter, puis ce dernier....Mis un certain temps à partir.

-Vérification de la quantité de foin...commence Peter en se penchant sur le côté droit.

Palpant ce qui semble être le ventre du cheval, il se redresse avant de poursuivre.

-Vérification de ma ligne de mire... poursuit-il, sérieux.

Il s'approche de la nuque du cheval pour se redresser, quelques seconde après.

Bouche bée, sourcils levés, je l'observe sans mot dire.

-Vérification de la flexibilité de la selle.

Il se lève alors subitement de sur la selle et s'y rassoit. La scène se répète trois fois et il finis par s'arrêter, comme si rien ne s'était passé. Le jeune homme se racle la gorge. Je lance un regard perdu à Clochette, toujours assise sur l'épaule de Peter.

-Vérification de la netteté des virages... continu t-il.

D'un revers de main vif, il attrape les rênes du cheval et les tournes de droite à gauche, très sérieux.

Mon Dieu, il se moque carrément de moi là, non ? Qu'est-ce que c'est que toutes ces vérifications bidons ?! Il s'est pris pour un pilote de course ?

-Vérification de...

-T'as finis là ?! je m'écrie, perdant patience.

-Nous allons galoper, je répète, nous allons galoper. La température extérieur est de...elle est plutôt bonne, et la limite de galop est de cent cinquante pas par seconde, autant dire qu'il n'y en a aucune. Cheval Pan vous souhaite un agréable galop, débite Peter, éloquent.

-Cheval Pan... parviens-je à dire, abasourdie.

-Ou Billy Pan, c'est comme vous voulez.

-Billy Pan ça fait chenapan qui vole des billes, tu n'es pas d'accord avec moi Ana ? intervient Clochette, sérieuse.

-Vous voulez savoir ce que j'en pense ?

Clochette et Peter me lance un regard sérieux, trépignant d'impatience. Comme si j'allais leur délivrer la réponse absolue qu'ils attendaient depuis des années.

-Je trouve aussi que ça fait chenapan qui vole des billes, mais attention, des billes à la chantilly non ?

Je fronce les sourcils. Bon sang, c'est bien moi qui vient de parler ? Comment se fait-il que j'entre dans leur jeu telle une gamine ? Je m'épate de jour en jour.

Le jeune homme et la petite fée se lance un regard entendu.

-Oula...t'es vraiment bizarre toi, m'annonce Clochette.

Billy le cheval part directement au galop, j'agrippe mes mains au ventre de Peter et me mise à paniquer.

-  Peter ! C'est quoi ce truc ! Ça va vite !

- Un cheval ! dit-il serein

Environs 30 minutes après, les paysages défilaient toujours, moi, je les observaient, tous plus beau, les uns que les autres. Des petits villages fantômes, ou encore des grandes forets de toutes les couleurs, un arc-en-ciel sépare le ciel en deux, le vent frais passe à travers mes cheveux.

Nous nous rendons au royaume de la « Petite-sirène » ? Comment se fait-il qu'elle existe ici, aussi ? Ça se trouve, nous ne parlons pas de la même personne, mais...quelque chose me prouve le contraire. Tout d'abord Peter Pan, puis la Fée Clochette, Wendy. Et maintenant, la petite-sirène ?

Si Peter est un adulte de la vingtaine d'année, Clochette une fée aux goûts sombre, je n'ose imaginer comment sera la petite sirène ! Encore faudrait-il que nous parlions véritablement de la même personne. Mais comment le savoir ? Il faut dire que là d'où je viens, ces personnages ne sont que des contes de fées et n'existent pas réellement...

-J'aimerai tellement comprendre... je murmure, perdue, tandis que nous traversons les portes du village.

Personne ne répond. D'ailleurs, personne ne saurait répondre.

Hésitante, je finis par croiser mes bras sur l'abdomen de Peter, et m'apercevant qu'il ne proteste pas, je souffle intérieurement. J'ai eu peur qu'il ne me fasse une remarque, et que je sois forcée de retirer mes bras.

-J'ai une blague ! s'exclame Peter, brisant ma contemplation.

-On t'écoute, dit Clochette, toute excitée.

-Alors, c'est un lapin qui respire par les fesses... commence le jeune homme, ou grand le jeune enfant.

Je ne sais pas ce qu'est le plus étonnant : Que cette blague aussi frivole existe également ici, ou que Peter se croit réellement drôle.

-Et un jour il...

-Il s'assoit et il meurt, je le coupe dans son élan avant de poursuivre : Bravo, c'était extrêmement nulle. 

-Bon alors attend, j'en ai une autre. C'est une carotte qui court et qui se jette !

Alors que je m'apprête à pousser un hurlement de détresse, Clochette explose de rire. Je la fixe, bouche bée.

-Clochette ne me dit pas que... je me résous à lui faire entendre raison et m'adresse à Peter : Puis pour ta gouverne ce n'est pas une carotte mais une courgette.

-C'est une carotte. Pourquoi une courgette se jetterai ? proteste t-il.

-La carotte aussi, elle n'a pas besoin de se jeter. C'est une courgette qui court et qui se jette. Court-jette, courgette ! Je m'égosille, tentant de lui faire comprendre la blague.

-C'est plus drôle du coup. Une courgette qui se jette, on aura tout vu franchement, souffle Peter, lassé.

Je sens la rage m'envahir face à mon incapacité à lui expliquer le pourquoi du comment de la blague, et finit par abandonner la bataille.

-J'en ai une aussi, mais c'est une blague à deux balles... dis-je à l'attention du jeune homme.

-Laquelle ? s'enquit-il.

-Peter Pan Pan !

Ma blague est si drôle que je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, et je deviens toute rouge au vu de la réaction de Peter. Penchant sa tête sur le côté, de façon à me voir, il me lance un regard sombre. Il ne va pas se la jouer mauvais joueur tout de même, ma blague était bien trouvée ! Oh...mais j'espère qu'il la comprise au moins ?

-Tu t'appelles Peter Pan, et la blague à deux balles c'est Pan Pan, alors Peter Pan Pan ! je tente de m'expliquer, manquant d'air.

-J'avais compris la blague, rétorque sèchement Peter, elle est juste pas drôle, il faut l'accepter.

-T'as juste la haine, il faut l'accepter, je chantonne, hilare.

-Ferme la bouche, tu vas gober une fée, s'incruste Clochette, aussi austère que Peter.

-Mais c'est quoi cette manie de tout modifier ? C'est plutôt : Ferme la bouche, tu vas gober une mouche !

-Ferme la bouche, tu vas gober une fée, insiste t-elle.

Je soupire d'énervement et toute trace d'humour a sitôt disparu de mon visage. Ils ne sont vraiment pas drôle ! Et dire que dans mon monde, des centaines d'enfants rêvent de s'en aller à Neverland à leurs côtés ! Quelle ironie du sort.

Bercée par la brise matinale, je finis par reposer ma tête contre le dos ferme de Peter. Les paupières fermés, je songe à mon père, et à Keven. Que font-ils actuellement ? Keven est-il en cours ou est-il resté aux côtés de mon père, anxieux de ma disparition ? D'ailleurs, l'ont-ils seulement remarqué ? Mon père travaille beaucoup, et Keven va sûrement penser que je l'ignore après notre embrouille de la veille. A vrai dire, je me demande quelle heure est-il chez eux. Est-ce la même qu'ici ? J'aimerais poser la question à Peter et Clochette, mais je ne pense pas qu'ils sauraient me répondre : Ils ne savaient même pas l'existence de mon monde hier.

Sur ces pensées, je sombre dans un sommeil léger. Pas assez profond pour me laisser rêver. Me laisser rêver que je sois chez moi, dans ma maison, aux côtés de mes proches.

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