~Chan~

Poudlard était sans dessus-dessous.

Malgré le silence des professeurs et leur volonté de faire croire que tout allait bien, aucun élève n'était naïf. Ils voyaient l'agitation parmi les Aurors qui entouraient le château, ils voyaient le stress des adultes, ils avaient bien remarqué que certains manquaient à l'appel, ils sentaient l'absence des cinq derniers sorciers dans leurs classes. Quand ils posaient des questions personne ne daignaient leur répondre, "tout va bien" leur disait-on, "suivez les cours et continuez à vivre normalement" leur répétait-on. Alors, lasse d'être laissé dans l'incompréhension, les élèves se tournait vers Chan. 

Il était proche de certains des professeurs et des envoyés du Ministère après  tout, alors il devait bien savoir quelque-chose. 

C'était bien ça le problème, Chan ne savait rien. 

Jeonghan était venu le voir plus tôt dans la matinée pour lui annoncer la disparition de certains de leurs amis, il ne s'était pas étendu sur le sujet, sur le pourquoi du comment et avait seulement affirmé que tout irait bien et qu'ils allaient bientôt les retrouver. Il lui avait aussi fait part d'un confinement pour les cinq derniers sorciers, lui assurant qu'ils allaient bien mais que pour les protéger il valait mieux qu'ils ne bougent pas de leur chambre pendant quelques jours, et ne reçoivent aucune visite. 

Chan ne l'avait pas cru, de son sourire construit pour le rassurer à toute les fois où il affirmait que tout irait bien, il connaissait suffisamment Jeonghan pour savoir quand il mentait. Mais il avait choisi de ne pas insister, Seungcheol faisait parti des personnes disparues et il se doutait que ce devait être très difficile pour son ami, alors il l'avait juste prit dans ses bras en s'efforçant de sourire pour simuler qu'il le croyait, puis lui avait assurer qu'ils déjeuneraient ensemble à midi. Il avait bien l'intention de voir tout ses amis aujourd'hui, de les interroger un à un pour en savoir plus sur la situation actuelle, et si personne ne voulait rien lui dire il irait dans la chambre des derniers sorciers pour trouver Yeonjun et le questionner. Chan détestait être mit de coté, il détestait qu'on lui mente alors qu'il voyait clairement que l'inquiétude étouffait l'école. 

Il le voyait sous ses yeux, à cet instant, que ça n'allait pas. Alors qu'il se trouvait en cours de botanique tout les élèves de sa classe de cessaient d'échanger des regards soucieux.

- On devrait faire quelque-chose, tu ne crois pas ? Vient lui murmurer Yeri. 

Chan soupira en se rapprochant d'elle, ne pouvant détourner son regard de ce qu'il se passait devant lui.

- Je comprend même pas pourquoi il est venu donner cours, j'adore notre directrice mais là je lui en veux d'insister autant pour faire comme si de rien était. Elle aurait du donner une journée de repos à tout le monde, déclara-t-il.

- Elle ne veut surement pas effrayer les élèves. 

- On est pas stupide, tout le monde voir que quelque-chose ne va pas. Je pari que c'est pareil dans tout les autres cours.

Face à eux c'était le chaos, lors d'un coup sur les plantes magiques une erreur d'attention avait poussé Mingyu à perdre le contrôle d'une fleur réputé pour dévorer les humains qui passaient trop prêt d'elle. Ses pétales s'étaient refermé sur le bras d'un Poufsouffle, toute la classe s'empressait de lui porter secourt. 

Ce n'était pas la première maladresse de Mingyu depuis le début du cours. Certes, ce garçon était reconnu pour être maladroit, mais aujourd'hui son défaut atteignait un level astronomique. Il avait déjà cassé trois pots, marché sur la tige d'une plante hurlante et renversé un seau d'eau sur la tête d'un Serpentard. Chan connaissait son ami, il voyait bien qu'il n'allait vraiment pas bien.

Le bras du Poufsouffle fut dégagé des pétales de la fleurs mais celle-ci pencha violement en arrière, se heurtant à Mingyu qui perdit l'équilibre et s'effondra au milieu du matériel.

- Hyung ! S'exclama Chan

Il se précipita vers son ami pour l'aider à se redresser et s'assurer qu'il aille bien. Il avait un bras bandé et du sang se remit à couler sous sa chemise. Chan s'empressa d'attraper un chiffon que Mingyu pressa contre sa blessure réouverte, puis ce dernier se rendit vers le lavabo en étouffant un juron.

- On devrait arrêter là pour aujourd'hui, lâcha Yeri.

Elle avait parlé comme une professeure, aucun de ses camarades ne s'en moqua ni ne se leva contre. Il hochèrent tous la tête et rassemblèrent leurs affaires avant de quitter précipitamment la serre. Mingyu lavait le mélange de sang et de terre qui s'accumulait sur ses mains tandis que Chan, rejoint par Yeri, ramassa les morceaux de pots brisés. Sa petite amie prit un balais pour nettoyer le sol marronné, lorsqu'ils eut à peu près rangé il se pencha vers elle:

- Je dois parler à Mingyu, tu peux partir la première. 

- D'accord, je t'attend dehors. Je crois que je vais fumer un peu. 

Elle lui offrit un sourire désole en sortant son paquet de cigarette de son uniforme et il l'embrassa pour lui signifier qu'il s'en fichait. Elle tentait de réduire cette tendance mais c'était difficile, par période de stress le besoin de fumer devenait presque vitale. Elle était presque à un paquet en deux jours depuis la disparition de la magie. 

Chan la regarda coincé une cigarette entre ses lèvres et, après un "bonne chance" murmuré, elle quitta la pièce. Il se tourna vers Mingyu qui avait entreprit de retirer son bandage pour s'en placer un deuxième. Il n'eut pas le temps de voir l'étendu de cette blessure, personne n'avait consenti à lui dire comment leur ami s'était fait ça, et Chan commençait à être épuisé de cette situation.

- Hyung, tu devrais te reposer aujourd'hui. Je vais aller voir la directrice et lui dire que tu annules tes cours pour aujourd'hui, dit-il en aidant le plus vieux à fixer les bandes blanches.

- Non, ça va. Je suis un peu distrait mais ça va. 

- ça ne va pas, ne me mens pas. 

épris par la frustration il serra trop fort le bandage, faisant grimacer Mingyu. ça ne lui fit ni chaud ni froid, il était trop en colère pour se rendre compte de ses gestes. 

- Wonwoo a disparu alors évidement que ça ne va pas. Je te connais, je vous connais tous, et vous n'allez vraiment pas bien. Arrêtez de me mentir, je n'ai pas besoin d'être préservé, je veux savoir ce qu'il se passe vraiment.

Mingyu ouvrit la bouche, surement pour mentir une nouvelle fois en affirmant que tout allait bien. Mais alors que leurs regards se heurtaient il se resigna et se laissa tomber sur une chaise en soupirant: 

- On ne le sait pas nous même. Je n'ai aucune idée d'où se trouve Wonwoo et ça me tue. On perd le contrôle de la situation. 

Chan hocha la tête, le cœur serré. Il laissa tomber le bandage et prit la main de son ami, plus doucement cette fois.

- Qu'est-ce que je peux faire pour aider ? 

- Pas grand-chose, on ne sait pas quoi faire. La directrice veut qu'on agisse comme s'il ne se passait rien. Tu devrais y aller, je vais ranger.

- Ne restes pas tout seul hyung. 

- Je vais aller rejoindre Junhui à la bibliothèque, on va essayer de continuer un peu les recherche de Wonwoo. Peut-être qu'on arrivera à y voir plus clair et à comprendre... où est-ce qu'il a disparu.

Son cœur se serrait au point que s'en devenait douloureux. Ne sachant que faire devant le visage défait de Mingyu Chan le prit dans ses bras, il avait l'impression de ne savoir faire que ça, serrer ses amis dans ses bras. 

Il ne s'était jamais senti aussi inutile. 

Son cœur lui faisait toujours mal lorsqu'il quitta la salle de classe. Il hésitait à aller rejoindre Yeri à l'extérieur ou à chercher un autre de ses amis auprès de qui obtenir peut-être plus d'informations. Il en avait marre d'être le petit jeune à préserver, d'être mit à l'écart et de voir des personnes précieuses pour lui souffrir en le laissant de côté.
Il avait l'impression d'être revenu deux ans en arrière, quand la guerre approchait et qu'il voyait son entourage se détruire. Lorsqu'il était encore considéré comme un Mangemort et que pour le protéger Joshua et Hansol faisaient tout pour qu'il reste ignorant de leurs problèmes. Ça semblait remonter à si loin déjà, et pourtant cette période les marquait encore tellement.

Lors de cette guerre ils avaient tout les treize apprit qu'ils devaient se serrer les coudes, être sincère les uns avec les autres et se battre main dans la main. Ils avaient apprit que les secrets et les mensonges étaient les pires dangers.
Alors pourquoi continuer à en avoir ?

Chan en avait marre.

Il était en colère contre eux tous.

Et il avait mal au cœur. Bon sang, ce n'était pas normal d'avoir mal au cœur à ce point.

Essoufflé sans raison logique il s'adossa à un mur. Il avait marché sans regarder où et se rendit compte qu'il n'était pas loin de la tour dédié aux quartiers des professeurs. C'est là que tout ses amis logeaient, c'est là aussi qu'avaient été enfermé les derniers sorciers.

Et si il allait les voir ?

Ses amis refusaient d'entrer dans les détails avec lui, parce qu'il était plus jeune et qu'on souhaitait le préserver. Mais les cinq derniers sorciers n'avaient aucune raison de faire ça. Il s'était grandement rapproché de Yeonjun depuis le début de l'année, avec lui peut-être pourrait-il obtenir quelques informations ?
Il avait l'impression de ne pas l'avoir vu depuis des jours, avec Yeri ils s'étaient efforcé d'accueillir trois des derniers sorciers à leur tables pour leur permettre de ne pas s'isoler. Mais même s'ils discutaient tous ensemble, Chan ressentait le manque de ses conversations seul à seul avec Yeonjun dans leur chambre commune chez Gryffondor.
Il avait envie d'aller le voir, juste pour s'assurer que tout allait bien pour lui. Après tout ça devait être dur d'être enfermé, et la disparition de Seungcheol devait beaucoup l'affecter.

C'était décidé, même si quelqu'un tentait de l'en empêcher Chan ne se laisserait pas faire. Il irait voir son ami que ça plaise ou non.

Il se redressa, déterminé, mais ses jambes ne suivirent pas l'effort et il s'effondra.

- Chan !

Il ne reconnu pas tout de suite la voix qui criait son nom, un acouphène sifflait dans ses oreilles, sa tête tournait. Que lui arrivait-il soudainement ? Il était en pleine forme ce matin, il allait parfaitement bien.

Son cœur lui faisait affreusement mal. 

Et la panique monta, accompagnant la douleur. 

Il avait peur d'être en train  de mourir, subitement, sans raison. 

- Qu'est-ce qui t'arrive ? ça va pas ?

Il se sentit soulevé et poussé vers le mur auquel il s'adossa de nouveau, assit cette fois. Il ferma les yeux, la douleur battait contre sa poitrine, son crâne grondait, il lui fallut quelques minutes avant de se calmer. 

En ouvrant les paupières il découvrit le visage inquiet de Seungkwan. "J'ai cru être en train de mourir" avait-il envie de crier, alors que la terreur glaçait son corps. Mais à la place il mentit:

- Ca va j'ai juste... C'était juste un petit vertige.

- Tu as mal au cœur ? 

Il baissa les yeux pour voir sa main pressé contre son tee-shirt, contre l'emplacement de son cœur. Il s'empressa de la laisser tomber.

- Non c'est... J'ai pas beaucoup mangé ce matin, je dois être en manque de sucre. 

Seungkwan ne semblait pas convaincu, il ne le lâcha pas alors que Chan se levait difficilement. Cette drôle de crise semblait passé, son crâne ne bourdonnait plus et la douleur dans sa poitrine s'était tut. Ne restait que la peur, terrible et envahissante, qu'il s'efforçait d'enfouir au plus profond de lui. Ce n'était pas le moment de s'effondrer dans la crainte de mourir. Il n'allait pas mourir. Il allait bien. Son cœur battait normalement. Tout allait bien.

-Je voulais aller voir Yeonjun, expliqua-t-il.

- Personne n'a le droit de monter voir les derniers sorciers. Mais il vont bien.

Il s'efforça d'inspirer profondément, chassant la peur, chassant la pensée de la mort, chassant les souvenirs de son cœur ayant cessé de battre il y a deux ans. Tout allait bien, il était en vie, son cœur battait encore. 

Il était en vie, et il avait d'autres priorités.

- Vous vous avez le droit de les voir mais pas moi, c'est injuste.

- Chan, nous on est des adultes.

La réponse de son ami fut exploser les émotions qui bouillonnaient en lui, ces simples mots suffirent à briser la barrière qui le maintenait encore stable. Son corps toujours glacé de terreur se mit en fusion, le trop plein se changeait en colère. 

- J'ai que un an de moins que vous ! Arrêtez de me traiter comme un gamin ! s'exclama-t-il. 

La manière dont il haussa soudainement le ton fit sursauter Seungkwan, le faisant reculer d'un pas. Chan sentait les larmes de frustration s'accumuler à ses yeux, il en avait marre, il était fatigué, et il avait peur putain. Peur pour ses amis, peur de ce qu'on ne lui disait pas, peur des dangers qui pourraient leur tomber dessus, peur de la crise que venait de lui faire subir son corps.

Il était terrorisé.

- Qu'est-ce qui se passe ici ?

La question venait de Joshua, qui arrivait tout juste de l'escalier qui menait à l'étage dédié aux professeurs. Chan se tourna vers lui, déterminé à le pousser de son chemin s'il le fallait.

- Je veux aller voir Yeonjun, déclara-t-il.

Son ami haussa un sourcil, surpris par l'hostilité qu'il dégageait.

- Désolé Chan, mais ça ne va pas être possible.

- Pourquoi ?

- Parce-que j'ai décidé que les derniers sorciers ne devaient voir personne.

- Pourquoi ? Insista-t-il.

- Chan s'il te plaît, on est dans un situation très compliqué actuellement alors n'empire pas tout en faisant un caprice.

S'en était trop, vraiment trop. Sa vision se brouilla de larme et son corps se mit à trembler, accablé par l'envie de hurler.

- Un caprice ? Tu crois vraiment que je suis en train de faire un simple caprice ? Mes amis ont disparus et vous autre vous me cachez ce qu'il s'est vraiment passé ! Et maintenant vous m'interdisez de voir Yeonjun ? Qu'est-ce qu'il se passe bon sang !

Tout en parlant Chan attrapa le bras de Joshua, si violemment que les manches amples de sa cape se soulèvent. Ces dernières dévoilèrent la peau d'un bras entièrement teinté de noir et à cette vision il eut un hoquet de surprise.
Joshua s'empressa de se dégager et de cacher cette parti de lui, serrant son bras contre sa poitrine. La terreur se lisait dans ses yeux, ou alors était-ce celle de Chan qui se reflétait sur ses pupilles ?

- Hyung, qu'est-ce que...

- On parlera plus tard, tu devrais retourner en cours. Les choses sont déjà assez compliqué comme ça.

Sur ces mots, lâché sèchement, Joshua tenta de le contourner. Mais Chan ne le laissa pas s'en aller ainsi et le rattrapa.
Sa main tremblait lorsqu'il la posa sur le bras de son ami, et son cœur lui faisait de nouveau terriblement mal.

- La marque...

- Laissons ça de côté, on a déjà trop de complications.

- Non, on ne laisse pas ça de côté ! La marque noire s'est agrandi ! Elle ne devrait pas grandir si vite, tu n'as quand même pas sacrifié tant d'année de vie que ça ?

Joshua se tourna vers lui, ouvrit la bouche mais ne parvient pas à dire un mot. Ses lèvres tremblaient, le masque qu'il avait maintenu fort jusqu'ici s'effritait.

- Est-ce que c'est à cause de la disparition de la magie ? Demanda Seungkwan en s'approchant prudemment.

Pour toute réponse, Joshua hocha la tête.

- Alors c'est pareil pour Junhui ? à quelle vitesse est-ce que ça grandi ? Combien de temps... combien de temps vous reste-t-il ?

- Je ne sais pas, ça grandi vite alors... Peut-être un an si on a assez de chance, ou peut-être quelques mois... ou quelques-jours, avoua Joshua.

ça s'était la goutte de trop, Chan avait l'impression que son cœur tombait en miette. Les larmes inondèrent ses joues, la colère, la peur et le chagrin s'emmêlaient dans un cocktail de douleur insoutenable.

Son monde tombait en morceau.

Il était impuissant.

Et encore une fois, tout ce qu'il fut capable de faire était de prendre son ami dans ses bras.