XI - La pédale et le cancéreux
⚠ TW : VIOLENCE, HOMOPHOBIE
– Salut, les garçons ! nous lance un groupe de filles lorsque nous nous approchons des autres élèves.
Oscar attrape ma main et la serre contre la sienne.
– Salut, répond-il.
L'une des filles nous regarde bizarrement pendant quelques secondes avant de demander :
– Vous sortez ensemble ?
– Euh oui, répond Oscar un peu gêné.
– OH MAIS VOUS ÊTES TROP MIGNONS ! s'écrie-t-elle.
Les autres filles qui sont avec elle se mettent à rire alors que la fille en question nous regarde en souriant à pleine dent. Elle a vraiment l'air heureuse de savoir qu'on est en couple.
– Merci, je réponds timidement.
Oscar me tire doucement par la main et nous partons nous installer sous un grand arbre. Oscar s'adosse contre le tronc et je viens m'installer entre ses jambes, en collant mon dos contre son torse.
– Les filles, alors. Elles sont bizarres, dit Oscar en riant.
– Je trouve que c'était mignon, je lui avoue.
– C'est vrai. C'est mieux qu'on nous dise ça plutôt qu'on nous insulte.
– Regarde, elle nous regarde encore bizarrement. Enfin elle a l'air contente.
– Elle a jamais vu deux garçons ensemble ou quoi ? demande-t-il en riant.
Mon rire vient rejoindre le sien. Je m'arrête lorsque Oscar m'attire contre lui, me faisant sursauter. Il m'embrasse doucement sur le crâne puis pose doucement sa tête sur mon épaule.
– Je t'aime, me chuchote Oscar à mon oreille.
Je souris doucement alors que je sens que mon cœur se met à battre plus vite. C'est fou comme trois simples petits mots peuvent faire battre mon cœur aussi vite.
– Je t'aime aussi.
Nous restons comme ça pendant un long moment, sans même se parler. Je finis tout de même par rompre le silence en demandant à Oscar :
– Tu ne veux pas aller jouer au foot ?
J'avais remarqué qu'il avait regardé en premier le groupe de garçons qui jouaient au foot sur le terrain du City Stade du parc.
– Je veux pas te laisser tout seul...
– Je peux venir te regarder, c'est pas un problème.
Nous nous relevons et nous nous dirigeons tous les deux vers le City, main dans la main. Nous nous lâchons la main seulement lorsqu'on arrive au niveau du terrain.
– Les gars ? Je peux venir ? leur demande Oscar.
Ils s'arrêtent tous de jouer et nous regardent.
– C'est hors de question qu'il soit dans mon équipe, lâche un garçon qui est le chef de l'équipe bleue, et que je ne connais absolument pas.
– Tu crois qu'on veut jouer avec une pédale ? ricane Elyas, qui joue dans l'équipe rouge.
– C'est bon, j'ai pas envie de vous sauter dessus non plus.
– C'est sûr que tu préfères plutôt lui, dit Elyas en me désignant d'un signe de la tête.
Tout le monde se tourne vers moi et je deviens complètement gêné.
– Laissez Nathanaël tranquille, il vous a rien fait.
– Il me dégoûte encore plus ce mec, lâche Elyas en ricanant.
– Répète un peu ?! commence à s'énerver Oscar.
Je l'attrape par le poignet pour l'arrêter, mais il se défait de mon emprise et s'approche d'Elyas.
– Tu le laisses tranquille, compris ?
– Oscar, s'il te plaît... C'est pas grave.
– Il sait même pas se défendre ? demande Elyas en ricanant toujours.
Oscar l'empoigne par le col de son tee-shirt et le pousse. De nombreux élèves se sont rassemblés autour du terrain de foot et nous regarde.
– Tu laisses mon mec tranquille, c'est compris ?
Elyas pousse Oscar et lui balance son poing dans le visage. Les autres ricanent alors que je me dépêche d'aller vers Oscar, qui s'est recroquevillé sur lui-même. Je passe mon bras autour de ses épaules et nous nous éloignons du terrain, sous les rires moqueurs de nos autres camarades.
– T'es tout amoché... je constate en relevant doucement sa tête.
Il ne répond rien, mais il grimace de douleur. Je regarde autour de moi, en espérant trouver quelqu'un qui aurait un trousse de secours ou quelque chose du genre. Je repère la fille de tout à l'heure, qui a complètement hurlé en nous voyant, avec un sac à côté d'elle. Avec un peu de chance, elle aura ce dont j'ai besoin. Je prends la main d'Oscar et on se dirige vers le groupe de filles qui arrête de parler en nous voyant approcher.
– Euh... Je voudrais pas vous embêter mais... Vous auriez pas une trousse de secours ou un truc du genre ? je leur demande timidement.
– Si ! J'en ai une dans mon sac ! dit la fille qui a crié tout à l'heure.
Elle attrape son sac et en sort une petite trousse blanche. Elle se lève et s'approche d'Oscar en demandant :
– Je peux le faire ?
– Si tu veux, mais dépêche-toi, lui répond Oscar. J'ai mal.
Elle ouvre sa trousse blanche et cherche à l'intérieur. Je me retourne vers les trois autres filles qui nous regardent silencieusement.
– Il s'est passé quoi ? finit par demander une fille rousse.
Tous comme les autres filles, je ne la connais pas. Je j'ai jamais dû être dans leur classe l'année dernière. Quoique. J'ai tellement été absent qu'elles auraient très bien pu être dans ma classe et j'aurais pu les oublier.
– Les mecs qui jouent au foot. Ils veulent pas jouer avec une pédale comme moi, leur répond Oscar en reprenant les mots des garçons de tout à l'heure.
– Quoi ? Mais ils sont complètement idiots, lâche la fille qui s'occupe de mon petit ami.
Je me tourne vers elle et je vois qu'elle nettoie le coin de la lèvre d'Oscar, qui était complètement ensanglantée.
– Je sais. Ça m'énerve. C'est bon, je sors juste avec un garçon. Il est où le problème ? soupire Oscar.
– D'ailleurs en parlant de ça... Je suis désolée d'avoir crié comme je sais pas quoi, tout à l'heure en vous voyant.
– T'excuse pas. Ça serait aux autres là-bas de s'excuser, dit Oscar en indiquant les garçons qui jouent au foot.
– Arrête de bouger, s'il te plaît, je te mets un pansement.
Oscar arrête de bouger et la fille lui pose un pansement, là où sa lèvre est fendue, avant de s'éloigner en souriant.
– Et voilà !
– Merci, infirmière, la taquine Oscar.
– Aeryn. Je m'appelle Aeryn.
– Joli prénom, la complimente Oscar.
Elle lui sourit et nous regarde tous les deux, sans ne rien dire.
– Vous êtes en Première, vous aussi ? leur demande Oscar pour mettre fin au silence.
– Ouais, répond Aeryn. On était dans la même classe l'année dernière, ajoute-t-elle en me regardant.
Je me disais bien que son visage ne m'était pas totalement inconnu.
– Je m'en souviens pas du tout, je lui dis, complètement gêné. En même temps, j'ai dû être là quoi ? Deux mois ?
– Ça va mieux ? s'inquiète Aeryn.
Je hausse simplement les épaules.
– Si je suis là, c'est que visiblement oui.
Un moment de silence vient s'installer entre nous. C'est finalement Oscar qui l'interrompt en disant que nous allons les laisser. Elle les salue avant d'aller retourner s'asseoir tranquillement dans un coin. Nous nous asseyons sur l'herbe et je viens me coller contre mon petit ami, en posant ma tête sur son épaule.
J'arrache distraitement de l'herbe par terre alors qu'Oscar regarde les autres élèves et notamment ceux qui sont sur le terrain de foot.
– T'aurais voulu y aller, pas vrai ? je lui demande.
– Je crois que je ne vais plus vraiment pouvoir jouer avec eux, maintenant.
– On pourrait y jouer tous les deux, si tu veux. Enfin, je dois être complètement nul, mais si ça peut te faire plaisir...
– C'est pas grave, Nathan. Te fatigue pas pour moi.
– Mais je veux pas que tu sois triste à cause d'eux !
– Mais je vais très bien, ne t'inquiète pas. Je préfère quand même être avec toi qu'avec eux.
Il me dépose un baiser sur mon crâne, ce qui me fait sourire.
Nous restons là tous les deux, l'un contre l'autre, à regarder un peu tout autour de nous. Mais je vois bien que son regard revient de nombreuses fois sur le terrain de foot.
– Regarde, c'est pas Aeryn là-bas ? je lui demande au bout d'un moment en indiquant un groupe de filles qui s'approche du terrain.
– Si, qu'est-ce qu'elle fabrique ?
Sa curiosité est plus forte que lui et il se lève, me tirant doucement par la main pour que je me lève aussi, et nous nous dirigeons nous aussi vers le terrain.
– Occupe-toi de tes affaires, lâche un garçon à l'attention de Aeryn.
– Je m'occupe de ce que je veux déjà ! Et ensuite, répondez à ma question : pourquoi vous n'avez pas voulu qu'il joue avec vous ?
Je devine immédiatement qu'elle parle d'Oscar.
– Rose, tu peux pas dire à ta copine de la fermer, râle Elyas en regardant la jeune fille rousse.
– Je ne la fermerai pas. C'est quoi votre problème avec lui ? Il a rien fait !
– Il est pédé !
– Je vous signale que je suis là, les prévient Oscar.
– Tu veux encore que je te frappe, ça t'a pas suffi tout à l'heure ? lui demande Elyas. À moins que tu sois là pour autre chose ?
– Il veut peut-être que tu le suces ? propose Maxime en riant.
– Il peut demander au cancéreux de le faire, ça.
– Arrête de parler de lui comme ça, putain !
– Qu'est-ce que vous dégoûtez, rit Elyas. Vous méritez même pas de vivre.
Oscar lâche ma main brutalement pour aller de nouveau empoigner Elyas par le col de son tee-shirt. Elyas ricane mais Oscar lui lance son poing dans la figure, sans doute pour se venger de tout à l'heure.
– Oscar, arrête, je lui demande.
Sauf qu'évidemment il ne m'écoute pas et continue de frapper Elyas, qui riposte.
J'essaie de me rapprocher d'eux sauf que quelqu'un vient me frapper, me faisant tomber par terre. Le garçon qui m'a poussé, et que je ne connais même pas, ricane avant de me ruer de coups.
– Lâche-le ! crie Oscar.
Il lâche Elyas et se précipite vers moi. Les autres garçons qui étaient sur le terrain ricanent bêtement eux-aussi. Je jette un coup d'œil autour de nous et je vois qu'un garçon tient Aeryn contre elle et a l'une de ses mains plaquée sur sa bouche, probablement pour l'empêcher de parler.
– C'est bon, les gars, on y va. Ils en valent pas la peine, c'est juste une pédale et un cancéreux.
Le garçon qui tenait Aeryn la relâche et ils s'éloignent tous de nous, en continuant de ricaner bêtement pour la plupart.
Oscar vient me prendre dans ses bras et me serre de toute ses forces contre lui, me faisant un peu mal mais je ne trouve même pas le courage de lui dire.
– Je suis vraiment désolé, c'est de ma faute.
– Oscar, t'excuse pas...
– Mais c'est de ma faute ! C'est à cause de moi s'ils t'ont frappé !
– C'est pas toi le cancéreux dans l'histoire.
– Peut-être, mais c'est moi la pédale.
– La pédale et le cancéreux, quel beau duo ! je dis en ricanant nerveusement.
Sauf qu'évidemment ça ne fait absolument pas rire Oscar. Il s'éloigne de moi, un peu violemment, et me regarde tristement.
– Comment j'arrive à ne pas te dégoûter ? me demande-t-il du bout de ses lèvres.
– Parce que je t'aime.
Il secoue la tête et je vois ses yeux qui viennent se remplir de larmes.
– Je dégoûte tout le monde...
– Non, tu me dégoûtes pas.
Des larmes roulent sur ses joues et un sanglot s'échappe de ses lèvres.
– Oscar...
Je m'approche de lui pour le prendre dans mes bras, mais il me repousse.
– Laisse-moi ! Ils ont raison ! Je dégoûte tout le monde, je mérite pas de vivre !
– Bien sûr que si tu mérites de vivre.
– Non !
Voir son joli visage, qui est habituellement toujours joyeux, aussi triste et ravagé par les larmes me brise le cœur. Mais je sais très bien que si je me rapproche de lui, il va encore me repousser.
– Je vais rentrer, annonce-t-il simplement.
– Tu veux que je te raccompagne ?
– Non, laisse-moi tranquille !
– Je t'aime, tu sais, je lui dis doucement.
Il ne répond rien et s'éloigne de moi, me faisant soupirer. J'entends quelqu'un qui se rapproche de moi et je vois Aeryn.
– Je suis vraiment désolée, commence-t-elle mais je l'arrête.
– On t'en veut pas. Je... Je vais juste rentrer...
– Désolée, répond-elle simplement.
Je n'ajoute rien et m'éloigne d'elle. Je quitte le parc, en espérant ne pas y revenir, et me mets en route pour rentrer chez moi.
Je rentre chez moi en larmes et ne remarque même pas que mon père est dans le salon. Je remarque seulement sa présence lorsqu'il m'interpelle. Je viens m'asseoir à côté de lui.
– Quelque chose ne va pas, mon grand ?
Je ne lui réponds pas tout de suite. Pas parce que je n'en ai pas envie. Mais parce que je n'y arrive pas. Les mots restent coincés dans ma gorge et ce sont les larmes qui s'échappent à leurs places. Il passe un bras autour de mes épaules et attend que je m'explique.
Lorsque je suis un peu calmé, je lui explique tout ce qu'il s'est passé au parc aujourd'hui. Il m'écoute et ne m'interrompt pas une seule fois.
– Il croit qu'ils ont raison, qu'il dégoûte tout le monde et qu'il ne mérite pas de vivre...
Mon père me serre contre lui et je pose ma tête sur son épaule.
– Tu sais, il y a de nombreuses personnes qui n'acceptent pas que deux garçons s'aiment. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils faut laisser ces personnes avoir raison. Oscar et toi avez tout autant le droit de vous aimer que n'importe qui.
– Mais et Oscar ? Je lui dis quoi ?
– Laisse-lui peut-être un peu de temps.
– Mais je veux pas le perdre ! On est ensemble que depuis hier...
– Nathanaël, il t'aime. Ça se voit.
– Je vais lui envoyer un message.
– Dis-lui que s'il a besoin de temps, tu lui en laisses.
J'acquiesce et attrape mon téléphone pour envoyer un message à Oscar.
Moi
Je ne veux pas t'embêter longtemps, mais juste sache que si tu as besoin de temps, je te laisse tout le temps qu'il te faudra. Tu reviendras me voir lorsque tu le sentiras.
J'hésite pendant quelques secondes avant de lui envoyer un autre message.
Moi
Je t'aime, fais attention à toi.
Je repose mon téléphone à côté de moi, mais je n'attends pas qu'il me réponde.
– Ça te dit qu'on regarde un film ? me propose mon père. Je pense que ça nous fera du bien à tous les deux.
– Maman et Elisa sont où ? je lui demande.
– Parties faire des courses entre mère et fille. Alors on va se regarder un film entre père et fils.
Je ris alors que mon père lance Netflix pour que nous puissions regarder un film. Une fois que nous en avons trouvé un qui nous plaît à tous les deux, je m'installe en me blottissant contre lui et il me serre contre lui. J'ai l'impression que je redeviens un enfant en étant blotti contre lui, mais ça me fait du bien. Je sais que les moments où nous sommes que tous les deux sont assez rares, alors j'en profite.
Vers la moitié du film je sens que je commence à m'endormir et je finis par tomber rapidement dans les bras de Morphée, sans même que le bruit de la télévision ne vienne me déranger.
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