II - Le grenier de mes pensées

– Alors, ça été ta journée ? m'interroge ma mère lorsque je rentre dans le salon, accompagné de ma grande sœur.

Je viens m'asseoir sur le canapé avec ma mère et ma sœur vient s'installer à côté de moi.

– Ouais, ça peut aller.

– Les autres ont été contents de te revoir ? s'inquiète ma sœur.

– Ouais, je mens en souriant.

Je n'ai pas le courage de leur dire que je m'entends bien avec personne dans ma classe. Et qu'ils s'en prennent à moi à cause de je ne sais quelle raison.

– D'ailleurs, y'a un nouvel élève, j'ajoute en leur souriant de façon sincère cette fois-ci.

– Oh ? Et il est gentil ?

– Il a l'air. Il s'appelle Oscar. Et c'est mon voisin de classe.

Ma grande sœur me lance un petit sourire.

– Quoi ? je m'étonne.

– Il veut être ton ami ?

– Je sais pas. On s'est quasiment pas parlés...

– Et s'il te demandait de devenir son ami, tu dirais quoi ?

– Je dirai oui. Ça serait le premier ami que j'ai.

Ma sœur se met soudainement à mordre sa lèvre.

– Nathan... Je suis déso... commence-t-elle, mais je l'arrête.

– Non, mais c'est pas grave. De toute façon, je le sais que j'ai pas d'amis.

– Nathanaël, je voulais pas dire ça...

– Eh, c'est pas ta faute. Tu n'y es pour rien si on me fuit comme la peste. Alors que j'ai juste une tumeur... Oh et des fichus problèmes aux poumons. Comme si ça ne suffisait pas. Mais les gens sont trop bêtes pour comprendre que c'est pas contagieux.

Elisa ne répond rien mais elle passe un bras autour de mes épaules et m'attire contre elle. Je sens ses lèvres froides se poser sur mon crâne nu, dû à la chimiothérapie que j'ai subi il n'y a pas longtemps, et y déposer un petit baiser. Je reste un moment dans ses bras et je dois avouer que ça me fait du bien. Je ne sais pas ce que je ferais sans elle et mes parents, et je ne préfère même pas l'imaginer.

– Je vais aller faire mes devoirs, je leur annonce au bout d'un moment en m'éloignant de ma sœur et en me levant du canapé.

– Déjà ? s'étonne ma sœur.

– J'ai un peu des cours à rattraper, je te signale...

– Tu peux pas les demander à quelqu'un ? Genre... Oscar ?

– Il a dit qu'il m'aiderait à rattraper, mais j'ai pas voulu l'embêter dès le premier jour.

Elle lâche un soupir et je monte dans ma chambre. Je m'installe à mon bureau et commence à faire mes devoirs. Une demi-heure plus tard, j'ai déjà tout terminé. Enfin tout... Étant donné qu'il me manque la moitié des cours, c'est compliqué de tout faire.

Je prépare mes affaires pour demain et retourne sur mon bureau pour me mettre à dessiner tout en écoutant de la musique. Ça fait un petit peu de temps que je ne m'étais pas remis à dessiner. Je ne pouvais pas vraiment à l'hôpital. Enfin si, je pouvais. Mais je n'avais ni d'inspiration, ni l'envie. Je préférais passer le temps en m'échappant dans des livres.

Lorsque j'ai terminé mon dessin, qui est simplement un ciel étoilé avec de nombreuses constellations et la Lune, je décide d'aller rejoindre et par la même occasion lui montrer le dessin. Je la retrouve allongée sur son lit, avec son ordinateur posé devant elle.

– Regarde, j'ai dessiné ça.

Parfois j'ai vraiment l'impression de redevenir un enfant en faisant ça. Un enfant de 4 ou 5 ans qui va montrer son dessin à sa grande sœur, fier de lui. Sauf que je n'ai plus 4 ou 5 ans, malheureusement. Parfois j'ai envie d'avoir à nouveau cet âge-là. Tout allait bien, je n'avais pas mes fichus problèmes de santé. Ni n'importe quel autre problème, d'ailleurs. Tout allait bien.

– Pourquoi t'as pas pris la spécialité arts, sérieusement ? me demande-t-elle. T'es super doué, qu'est-ce que t'es parti à faire de la littérature ?

– Il est bête ton petit frère, pas vrai ?

– J'ai pas dit ça !

Je ris et viens m'asseoir à côté d'elle.

– C'est juste que t'es super doué et que c'est dommage que t'en aies pas profité.

– Super doué, super doué...

– Tu vas croire en toi un peu ? s'énerve-t-elle.

Je me mets à rire, mais elle n'insiste pas plus pour ça.

– J'espère que t'arrivera à devenir ami, avec Oscar.

– J'espère aussi. Je verrais bien.

– Sinon ça voudrait dire que c'est un idiot.

– Ou que je suis nul.

– T'as fini de dire n'importe quoi ?

– C'est pas n'importe quoi. Aïe ! j'ajoute alors qu'elle me donne une petite tape sur la tête.

– Ça t'apprendra à dire des bêtises.

Je lève les yeux au ciel en soupirant, mais n'insiste pas. Quoi que je dise, elle trouvera quelque chose à me répondre pour avoir le dernier mot.

– Bon, et sinon, quand est-ce que tu vas être amoureux ?

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive, faisant rire ma sœur. Pourquoi elle se met à me parler de ça ? Je suis sûr que c'est à cause de son petit ami.

– Sérieusement, t'as seize ans ! Il est temps d'être amoureux !

– J'ai pas le temps pour être amoureux.

– Allez, Nathanaël ! Tu vas pas me dire que personne te plaît ?

– Personne me plaît.

– Vraiment ?

– T'es lourde, Elisa.

– Je dis juste ça pour toi. J'aimerais juste que tu trouves une personne qui te rende heureux.

– Je suis heureux, avec papa, maman et toi.

– Tu sais très bien ce que je voulais dire.

– Je sais.

Je lâche un soupir et reste silencieux pendant un moment.

– Je serais là pour toi, quand ça arrivera. Peu importe si t'aimes une fille ou un garçon.

– Merci.

Elle me sourit et se redresse sur ses coudes. Je la regarde en souriant aussi et elle finit par me prendre dans ses bras. Je reste contre elle pendant quelques instants puis relâche notre étreinte.

– Ça te dirait qu'on regarde un film ? Avant que tu aies plus la moindre seconde à donner à ta sœur parce que tu seras amoureux.

◇◇◇

Je suis à peine arrivé dans la cour du lycée que je cherche déjà Oscar du regard. Sauf que vu tout le monde qu'il y a, ça va être compliqué de le trouver.

– Salut, dit quelqu'un derrière moi.

Je sursaute et me retourne pour tomber nez à nez avec Oscar. Quand on parle du loup !

– Oh, je pensais à toi justement !

– Je te manquais tant que ça ? s'étonne-t-il.

Je mets à rire et il me rejoint. Nous décidons finalement d'aller nous installer sur l'un des rares bancs qui n'est pas encore occupé.

La sonnerie retentit à cet instant. Oscar et moi quittons le banc et récupérons nos sacs avant d'aller en cours. Nous avons cours de français, avec notre professeur principal. Nous allons en classe et Oscar vient s'installer à côté de moi, comme hier.

– Tu restes ici ? je m'étonne.

– Je peux partir, si tu veux.

– Non, non. Ça me dérange pas que tu sois là. Au contraire.

Il me sourit et se laisse tomber lourdement sur sa chaise pour sortir ses affaires. Je m'assois aussi et sors mes affaires alors que notre professeur s'approche de moi.

– Je suis content de te revoir, me dit-il en souriant. Tout va bien ?

– Oui, on peut dire ça.

– Tu viens me voir si tu as un problème, surtout.

– Merci.

Il me sourit une nouvelle fois et se dirige vers son bureau pour s'asseoir dessus.

– Maxime, enlève ton bonnet.

– Pourquoi ? Nathanaël il le garde bien !

Tous les regards se tournent vers moi et je sens mes joues s'enflammer.

– Enlève-le, répète simplement notre professeur.

– Pourquoi vous dites rien à Nathanaël ? C'est pas juste.

– Oui, je sais, mais la vie est injuste.

Les autres élèves se mettent à rire alors que Maxime enlève son bonnet et le pose violemment sur sa table.

– Vous faites du favoritisme, de toute façon, râle Maxime.

– Le jour où il t'arrivera quelque chose comme à ton camarade, tu pourras venir te plaindre.

– Vous faites quand même du favoritisme.

– Tu me diras quand tu auras fini de râler.

Maxime n'ajoute rien d'autre.

– Bien, on va pouvoir se mettre au travail ?

◇◇◇

Je m'installe tranquillement sur un banc, pose mon sac à mes pieds et en sors un livre. Je replonge dans ma lecture que j'avais commencé hier soir jusqu'à ce que j'entende quelqu'un me parler.

– Arthur Rimbaud. Roman.

Je sursaute légèrement et relève la tête pour voir que c'est Oscar qui m'a adressé la parole.

– On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans, cite-t-il. Tu crois qu'on l'est à seize ans ?

Il s'installe à côté de moi alors que je referme mon livre et que je regarde Oscar en souriant.

– Je crois qu'on est encore moins sérieux à seize ans.

Il me sourit et je fais tourner nerveusement les pages de mon livre.

– Je savais pas que t'aimais bien Rimbaud, me dit-il un peu surpris.

– J'aime bien la poésie, pas uniquement Rimbaud.

– Monsieur est donc un grand poète, à force de lire des poèmes.

Je me mets à rire, en sentant mes joues devenir rouges face à son compliment.

– J'arrive pas à la cheville de Rimbaud.

– Non, tu as raison. Tu lui arrives probablement au nez.

– Au nez ? je répète en riant.

– Il faisait un mètre soixante-dix-sept, comme moi.

– Oh, j'en fais qu'un mètre soixante-treize.

Nous rions tous les deux.

– Dis, ça m'embête un peu de te demander ça, mais est-ce que tu pourrais m'aider à rattraper les cours ? je demande timidement à Oscar.

Il laisse échapper un petit rire, me laissant me demandant ce que j'ai pas dû de drôle ou de bête.

– Bien sûr que je vais t'aider. Ça me dérange absolument pas, au contraire. Si je peux t'aider, ça me fait plaisir. On essayera de se trouver un peu de temps pour le faire.

– Merci beaucoup.

– Me remercie pas.

Il me sourit et je sens que je rougis légèrement, sans vraiment savoir pourquoi.

– Mais t'es sûr que ça te dérange pas de rester avec moi ? je lui demande.

– Non. Et puis tu serais avec qui, sinon ?

– Avec Rimbaud.

– C'est pas pour vexer Rimbaud, mais je crois que je fais une meilleure compagnie que lui. Enfin, j'espère. Sinon je devrais m'inquiéter.

Je ris, le faisant sourire

– Merci beaucoup de rester avec moi

– Je vais pas te laisser tout seul, quand même.

– Ça dérange pas les autres, tu sais.

– Mais je suis pas les autres.

– Merci, Oscar.

Je lui souris timidement et me rends compte que j'ai gardé mon livre entre mes mains. J'attrape mon sac pour y ranger mon livre, mais je ne remarque pas qu'il est ouvert et que je fais tomber quelques affaires. Oscar s'empresse de m'aider à les ramasser, mais s'arrête lorsqu'il tient un carnet noir dans les mains.

– C'est quoi ? s'étonne-t-il.

Je sens mes joues devenir complètement rouges alors qu'il examine la couverte, sauf qu'il ne trouve rien puisqu'elle est toute noire.

– Un carnet où j'écris des trucs pas superbes, je lui réponds.

– Je suis certain que c'est génial ce que t'écris ! T'y écris quoi ?

–  Tout et n'importe quoi.

–Le grenier de tes pensées.

– Quoi ? je m'étonne en riant.

– Je voulais juste trouver un nom sympa.

– Le grenier de mes pensées, je répète. J'aime bien ce nom.

– J'avoue que je suis un peu fier de moi.

Nous rions tous les deux et la sonnerie choisit ce moment pour retentir. Je range rapidement mon carnet dans mon sac et me dirige vers le prochain cours que nous avons Oscar et moi. Je passe même le reste de la journée avec lui et je dois avouer que ça me fait du bien, même si Rimbaud est aussi de bonne compagnie. Mais je crois que je préfère être avec Oscar.

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