Chapitre 36



Gunard ferma les yeux lorsqu'il entendit ces mots franchir ses lèvres roses. Une émotion indéchiffrable serra son cœur. C'était comme si elle venait de sceller leur relation pour toujours. Dans la douce pénombre qui commençait à naître dans le ciel pour avertir la nuit, Gunard plaqua sa paume de main sur sa nuque pour la renverser sur la paille fraiche. De là, il l'embrassa avec fougue.

- Gunard ! Quelqu'un pourrait venir et nous surprendre !

- Peu m'importe, je n'ai plus rien à perdre aujourd'hui, répondit-il d'une voix rauque ; Il n'y a que toi qui compte...

Pour appuyer ses paroles sincères, Gunard s'engagea dangereusement sous les replis de sa robe pour caresser sa cuisse.

Immédiatement elle se mit à réagir comme il l'aimait l'entendre.

Mais quelque chose l'empêcha de posséder sa future femme...

Comme un mauvais présage, comme si une noirceur s'emparait de l'île Gunard releva la tête vers l'entrée des écuries et aperçut Idy et Haakon devant la mer déchaînée.

Un seul regard lui suffit pour apercevoir la voile noire et déchirée d'un vaisseaux qui ne lui était pas méconnu.

Gunard se releva précipitamment.

- Que se passe-t-il Gunard ? S'enquit-elle d'une voix tremblante.

Idy le chercha des yeux et lorsqu'elle posa son regard inquiété sur lui Gunard comprit que les deux vaisseaux qui s'approchaient de la côte étaient ce qu'il redoutait.

Dagmar...

- Relève-toi !

Gunard la hissa sur ses pieds et balaya son beau visage d'une main tremblante de fureur et d'inquiétude mêlées.

- Hava je veux que tu retournes dans ta chambre immédiatement pour te changer, ne laisse pas une once de ta peau visible est-ce bien compris ?

Sa future femme cilla, incrédule.

- Dépêche-toi ! Gronda-t-il en la faisant sursauter.

Dans les dernières lueurs du soleil couchant elle se précipita hors de l'écurie en manquant de tomber.

Avec regret Gunard la rattrapa lorsque ses hoquets de peur lui furent insupportable.

Il parvint à la saisir par la taille pour coller à son torse.

- Tu te rappelles du Danemark ? S'enquit-il d'une voix crispée alors que les bateaux touchaient presque la côte.

- Ou...oui...

Gunard la tourna de façon à ce qu'elle puisse faire face à son passé.

- J'ignore pourquoi ils sont ici, si loin de chez eux mais je t'en supplie Hava, il va falloir m'obéir.

Hava frémit jusqu'à la racine de ses cheveux en fixant les vaisseaux sombres. Elle s'empressa de hocher de la tête.

- Cours...

Hava se mit à courir vers le château alors que le peuple se ressemblait près de la côte pour une éventuelle attaque. Un morceau du passé de Gunard s'apprêtait à franchir leur petit paradis et elle ignorait si cette venue impromptue se terminerait par un bain de sang.

- Dois-je m'inquiéter ? S'enquit Haakon lorsqu'il les rejoignit.

- Oui, avoua Gunard en calant son poignard contre sa hanche.

- Pourquoi sont-ils si loin du Danemark ? Questionna Folker en retroussant ses manches.

- Je l'ignore, répondit-il précipitamment ; Mais je sais une chose, Dagmar est intéressé par les butins de guerres, les esclaves, il est sans foi ni loi. Hazelle va mettre les enfants à l'abris.

- Mais...

- Fais ce qu'on te dit ! Gronda Folker dans sa direction.

Hazelle s'empressa d'obéir sous le regard acéré du viking.

- Soyez prudents et à la fois accueillants, si vous sentez que la situation dégénère, ne vous posez pas de questions, déclara Gunard en apercevant les traits pervers de son ancien chef.

La part sombre qui sommeillait dans son être se propagea alors en lui comme une onde diabolique. Dagmar planta son regard dans le sien et il sut qu'il allait devoir redoubler de froideur s'il voulait protéger Hava.

Son poing se referma convulsivement contre sa hanche et il se dirigea vers la plage pour l'accueillir.

- Quelle bonne surprise de te revoir ici ! S'exclama Dagmar en écartant ses bras.

Son sourire vague et cruel n'avait guère changé, songea-t-il en serrant les dents.

- Moi aussi je suis surpris Dagmar, tu es si loin de tes terres, déclara Gunard en esquissant un mince sourire.

Dagmar sauta du bateau pour venir à lui. Très vite, Gunard jeta un regard circulaire vers ces hommes dont les regards se portaient tous sur les femmes.

- Voilà plus d'un mois que nous naviguons sur les mers à la recherche d'or et il se trouve que le village au nord m'a soufflé qu'un peuple de vikings habitait non loin d'ici et qu'un certain Gunard s'y trouvé.

- J'espère que tu ne l'as pas pillé ? Demanda Gunard avec une légère froideur.

Dagmar si mit à rire diaboliquement en faisant planer le mystère.

- Disons qu'ils se souviendront de mon passage...

Gunard se retint de lui prendre la gorge pour l'égorger.

- Mon jarl tient à garder une certaine amitié avec ces villages, si jamais il y a des morts Ivar le prendrait extrêmement mal.

- Vraiment ? S'enquit-il en levant un sourcil ; Et où se trouve ce jarl dont tous le monde parle ?

- Il n'est pas ici, il est en voyage pour quelques jours, je le remplace.

Gunard montra son autorité en dévoilant volontairement son tatouage en pivotant sa tête vers son peuple.

Son ancien chef dévoila ses dents limées en un sourire heureux et se frotta les mains.

- Je suis juste de passage mon vieil ami, aurais-tu un petit remontant à m'offrir ?

Gunard savait d'avance que s'il refusait Dagmar chercherait à combattre. Après un rapide calcule Gunard fut rassuré de le voir en position de soumission car ces hommes étaient bien moins nombreux qu'il ne l'aurait crû.

Mais rien n'arrêtait cet homme au regard empreint de concupiscence.

- Je t'en prie, suis-moi.

Un rire satisfait quitta la gorge de son ennemi personnel. Ses hommes s'écartèrent à leur passage. Haakon le regarda avec étonnement et il lui fit signe de lui faire confiance. Gunard devait impérativement fouiller le Drakkar de Dagmar car il craignait qu'il ait pu prendre des femmes pendant son pillage.

Il les guida jusqu'à la grande salle et une seule pensée possédait son esprit.

Hava.

- Les femmes vont nous servir dans un moment, installez-vous je reviens immédiatement.

Gunard s'en alla vers Haakon qui s'agitait nerveusement comme s'il voulait tous les tuer.

- Je peux savoir pourquoi tu...

- Écoute, commença Gunard en tournant le dos à la salle ; Ils ont attaqué le village au nord, je connais Dagmar, il y a probablement des femmes sur son bateau.

Haakon se détendit peu à peu et se tourna vers sa femme.

- Que veux-tu que je fasse au juste ?

- Sois amical, assez rude dans tes paroles, va dans leur sens et dès qu'il y a une opportunité, va jeter un oeil sur son bateau.

Haakon acquiesça silencieusement et le quitta d'un pas lourd.

Avec prudence Gunard jeta un coup d'oeil vers les couloirs vides. Les femmes les plus fragiles avaient pris peur.

Il serra ses mâchoires en surveillants les marches, priant pour que la jeune femme ne descende jamais les escaliers.

Faisant alors mine d'être détendu Gunard rejoignit Dagmar qui reposait à son aise autour de la table de hêtre.

- Alors, commença celui-ci lorsqu'il vint s'asseoir ; J'ai entendu dire que tu étais marié à une Saxonne.

- Plus maintenant, répondit-il en cherchant Ena des yeux.

- Quel drame ! Que s'est-il passé ? S'enquit-il d'une voix théâtrale.

- C'était une union basée sur des faux-semblant je ne l'ai pas supporté.

Dagmar soupira.

- Ah les femmes, ainsi voilà pourquoi je refuse le mariage, elles sont stupides.

Gunard serra l'accoudoir jusqu'à faire rougir ses phalanges.

- Est-elle ici que je puisse la voir ?

- Juste en face de toi dans la robe rouge.

Dagmar l'observa les yeux plissés puis haussa des épaules avec indifférence.

- Elle a l'air d'aimer être désirée au vu de sa toilette...assez vieillissante, j'espère au moins qu'elle t'a donné un fils ?

- Je n'ai pas d'enfant, répondit-il avec humeur.

Dagmar lâcha un son méprisant.

- Incapable en plus...

Soudain dans la fureur qui perçait son esprit Gunard observa son ancienne épouse dans l'intention de l'utiliser pour divertir Dagmar.

Après tout elle lui avait volé des années et s'en était pris à Hava sans la moindre compassion.

- Elle a pourtant de nombreux talents je ne peux le nier.

- Vraiment ? Lesquels ? Non...assez pour l'instant j'aimerais d'abord savoir pourquoi le plus puissant de mes hommes s'en est allé sans aucune explication.

Gunard esquissa un sourire étrangement machiavélique.

- Est-ce vraiment une question Dagmar ? S'enquit-il en tournant sa tête vers lui ; Dois-je vraiment me justifier ?

- Tu n'as jamais vraiment aimé l'odeur du crime Gunard...

- Seulement ceux qui sont justifiés, les boucheries inutiles ne m'intéressent guère, rétorqua Gunard d'une voix presque meurtrière ; Protéger mon peuple et récupérer mes terres ont toujours été ma seule détermination.

- Et on peut dire que tu as réussi ! S'esclaffa son ennemi en désignant son château ; J'espère au moins que tu as une esclave pour jouir des avantages de ce château.

Gunard sentait le monstre en lui se réveiller peu à peu. Une sorte de brouillard épais se formaient dans les fentes de ses yeux.

- Il n'y a aucune esclave ici, répondit-il en reportant son attention sur la salle.

Les doigts boudinés de son ennemi se refermèrent sur son gobelet de bière.

- La femme du jarl en était une avant qu'il l'épouse presque aussitôt ne supportant pas l'idée de la réduire à un tel statut, reprit-il avant qu'il reprenne la parole.

- Quel dommage, chantonna Dagmar en regardant une à une les femmes ; Vous avez là de beaux trésors, je suis jaloux.

Gunard s'efforçait de respirer à chaque pause pour ne pas lui arracher le cœur à main nue.

- Plus précisément pour celle-ci...

Gunard n'eut pas besoin de se retourner pour savoir de qui il parlait.

Sa seule question à présent fut celle de ne pas savoir si cette soirée terminerait en bain de sang.

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