Chapitre 35
Hava contemplait les derniers bourgeons éclore sous un soleil de plomb alors qu'elle s'occupait des chevaux. Plus de trois semaines venaient de s'écouler et Ivar n'était toujours pas de retour au château. Folker qui les avait accompagné pour cette traversée était rentré seul. En effet le petit fils du jarl était trop fragile pour reprendre la mer.
De ce fait, Hava était dans l'inconnu et ne parvenait pas à voir un avenir se dessiner. Néanmoins elle ne perdait pas espoir. Chaque jour Gunard se montrait de plus en plus protecteur et prenait des risques pour elle. Des risques qui pouvaient les démasquer à tout moment. Une question subsistait dans son esprit.
Pourquoi Gunard attendait-il patiemment le jarl ?
Qu'avait-il à lui dire de si pressent ?
Chassant ces questions d'un mouvement de tête elle reprit son travail et alla nourrir les chevaux.
Dans l'habitacle qui avait été récemment construit par les vikings, plus d'une vingtaine de chevaux reposaient dans la paille fraîche. Tous les jours depuis peu Hava s'imposait cette tâche pour oublier qu'elle demeurait toujours cette fille seule et qui gardait encore les traces de son statut esclave.
Dans les recoins de l'écurie Hava croisa Hazelle, l'une des femmes qui vouait une confiance absolue à Ena. Une femme dont les traits tirés par la fatigue reflétait un tout autre visage.
Hava baissa immédiatement le regard, consciente que son statut ne lui permettait pas de soutenir son regard aussi longtemps.
Mais contre toute attente, Hazelle s'approcha pour lui rendre un chausson aux airelles.
- Tu en veux ? Proposa-t-elle sans un sourire qui aurait pu lui permettre d'accepter plus vite.
Perplexe, Hava se recula d'un pas, se rappelant de l'empoisonnement qu'avait subi Nessa.
- Il n'est pas empoisonné, dit-elle avec un fin sourire en coin.
Hava le prit non sans ressentir le besoin de le renifler sous l'œil amusé de la jeune femme qui se laissa tomber dans la paille fraiche pour déguster le sien.
- J'ignore comment je dois le prendre, déclara Hava en essuyant son front d'un revers de main ; N'es-tu pas censé me détester ?
Hazelle pouffa en secouant de la tête.
- Je ne te déteste pas, je suis les ordres même si parfois cela me déplaît.
- Je n'ai rien fait de mal, déclara Hava en baissant les yeux sur elle.
Hazelle releva la tête vers elle pour la détailler.
- Hormis le fait que tu es belle et que le chef des armées ait jeté son dévolu sur toi, précisa Hazelle en levant un sourcil ; Je regrette ce qu'il t'est arrivé lorsque Ena s'en est pris à toi et je ne peux pas revenir en arrière mais nous sommes en train de parler de Gunard, pas d'un simple guerrier.
Elle marqua une pause pour mordre dans son chausson.
- Il n'aurait jamais dû envisager de te prendre comme esclave et Eugènie n'aurait pas dû en parler à Ena.
Hava s'installa près d'elle en sentant qu'elle n'avait rien à craindre d'elle.
- On ne peut pas revenir en arrière, déclara Hava en déchirant son chausson.
- En effet oui, affirma-t-elle d'une voix entendue ; Et puis de toute façon les efforts d'Ena n'ont servis à rien puisque le destin à décidé de vous réunir.
Réprimant un regard qui aurait pu la mettre à mal, Hava secoua négativement de la tête.
- Il n'y a rien entre nous et...
- Je suis une femme Hava, coupa Hazelle ; Inutile de mentir, il suffit d'observer les expressions faciales de Gunard pour comprendre une seule chose...
Hava fronça des sourcils.
- Quelle chose ?
Hazelle se mit alors à rien devant son incrédulité.
- Quelle petite innocente fais-tu ! Je dois reconnaître que ta douceur à de la valeur et ta naïveté te sied à merveille.
Hava ignorait si elle devait le prendre pour un compliment ou une légère moquerie.
- Pour quelle raison Gunard s'impatiente du retour du jarl d'après-toi ? Il veut t'épouser bien-sûr.
Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle n'en croyait pas un traître mot. Gunard voulait la demander en mariage ? L'espoir se perdit dans les abîmes du désespoir à la simple idée qu'elle puisse se moquer d'elle pour mieux lui faire du mal.
- Je doute qu'il veuille se marier, rétorqua Hava d'une voix qui sonnait triste ; Il vient tout juste de divorcer et il ne désire pas s'enfermer dans un autre mariage.
- Tu te trompes, la seule et unique raison qui l'a mis en colère au retour solitaire de Folker c'est qu'il attend impatiemment Ivar pour lui demander son accord.
Fièrement Hazelle reporta son attention sur son chausson.
Hava peinait à reprendre ses esprits. Son cœur battait si fort qu'elle craignait qu'il sorte de sa poitrine.
- Quant à moi, je serais forcée de te détester jusqu'à ce qu'elle accède à ma requête.
- Quelle requête ?
Le regard d'Hazelle se ferma.
- Folker, avoua-t-elle en baissant les yeux ; Elle m'a promis de m'aider à le conquérir si je continuais à contribuer à ses actions.
Du chantage, songea-t-elle en regardant l'expression triste de la viking.
- Car sous mes airs un peu méchants, il se trouve que je suis nulle lorsqu'il s'agit des hommes.
- Alors Ena a proposé de t'aider si tu concèdes à me détester ?
- Oui, lâcha Hazelle avec humeur.
Tout ceci semblait si ridicule qu'elle poussa un rire à peine audible.
- Je suis amoureuse de lui, poursuivit Hazelle en plantant ses yeux noirs dans les siens ; L'amour peut parfois conduire à des sacrifices que l'on ne veut pas forcément faire Hava.
Hava ne sut quoi répondre devant une telle confidence.
- Comme Gunard, ajouta-t-elle en un soupir.
- Que veux-tu dire par-là ?
- Il t'a enlevé, n'est-ce pas une preuve suffisante ? Et crois-moi il n'a jamais regardé Ena comme il te regarde toi.
- Hazelle, murmura-t-elle d'une voix empreinte de prudence ; Il ne t'est jamais venu à l'esprit qu'elle puisse se moquer de toi ?
La jeune viking aux prunelles sombres se redressa instantanément.
- Sois un peu plus précise je te prie ?
- Elle n'a toujours pas parler à Folker depuis le commencement, comme si cette requête était pour elle qu'un moyen de te garder auprès d'elle.
- Tu racontes n'importe quoi ! S'écria Hazelle en se levant d'un bond ; Cette conversation me fatigue !
- Enfin réfléchi ! Rétorqua Hava en se levant à son tour ; Folker ne sait même pas que tu éprouves des sentiments pour lui, depuis le temps qu'elle me fait des misères...
Les joues en feu, Hazelle s'approcha d'elle.
- Tais-toi ! Tu ne sais rien ! Donne-moi ça !
Elle lui arracha son chausson aux airelles des mains et se retourna pour quitter l'écurie avant qu'une masse sombre ne lui fasse barrage.
- On offre mais on ne reprends pas ! Gronda-t-il surgit de nulle part.
Hava frissonna de tout être. Comment faisait-il pour être là chaque fois qu'elle était en difficulté ?
Son regard perçant suffit à réduire Hazelle dans une position de soumission telle qu'elle lui redonna le chausson et quitta l'écurie en courant.
Hava se frotta les épaules en soupirant.
- Qu'est-ce qu'elle te voulait ? S'enquit-il durement ; Tiens il est à toi.
Hava reprit ce petit délice qui lui collait aux doigts en inspirant profondément.
- Elle voulait discuter un peu et je l'ai mise en colère.
- Pour quelle raison ?
Hava n'avait pas vraiment envie de lui dire mais l'impatience dans son regard suffit à la faire parler.
- Elle est amoureuse de Folker et Ena lui a promis de le pousser dans ses bras en échange de sa loyauté.
- Je comprends, déclara-t-il en refermant ses mains autour de son visage ; Et je peux voir dans tes yeux un désir d'intervenir et je m'y oppose Hava.
Il est vrai qu'elle y songeait mais à quel prix ?
Seulement Hazelle n'était pas son plus gros problème.
- Gunard j'ai une question à te poser.
- Vas-y je t'écoute.
Hava déglutit avec difficulté avant de lui poser cette question qui lui brûlait le ventre.
- Est-ce que tu attends le retour du jarl pour me...
- Demander en mariage ? Est-ce que c'est une éventualité qui te fait peur ?
Hava réprima un hoquet. Ainsi Hazelle disait vrai ?
Il voulait vraiment la demander en mariage ?
- Gunard je pensais que...
- C'était avant de me rendre compte que je te voulais plus que tout.
Elle aperçut ses mâchoires se contracter comme si sa réaction ne lui plaisait guère.
- Tu ne veux pas devenir ma femme ? S'enquit-il d'une voix tendue ; Tu ne veux pas m'appartenir par les liens du mariage ?
- Mon dieu Gunard, tu sais à quel point je rêve de devenir ta femme mais tu sais ce qu'une telle décision provoquera.
Impassible, le guerrier la dévisageait silencieusement. D'étranges lueurs passaient dans ses yeux. Des lueurs froides et inquiétantes.
Il captura ses lèvres furtivement pour mieux les reprendre.
- C'est moi qui décide, chuchota-t-il sur ses lèvres ; Tu n'as pas à t'inquiéter du reste, la seule chose qui m'importe c'est de savoir que tu le veux.
Le cœur gonflé d'une immense joie Hava perdit ses mots. Elle ne voulait pas lui exposer son bonheur maintenant car elle savait que le chemin qui menait à son bonheur était semé d'embûches.
- Aime-moi je t'en prie, murmura-t-il à mi-voix.
Hava plaqua son avant-bras sur son torse pour mettre un peu d'espace et le dévisagea longuement. Son visage semblait dévoré par des démons intérieurs. Il la tenait si fort contre lui qu'elle peinait à respirer.
- Gunard...calme-toi, je suis là regarde-moi, ordonna-t-elle en posant la paume de sa main sur sa joue.
Peu à peu, la pression s'apaisa dans un silence inquiétant.
- Je suis là, je ne vais nulle part, murmura Hava en lui souriant alors qu'il inspirait difficilement par le nez.
- Dis-le-moi j'ai besoin de l'entendre...
Hava posa sa main sur son torse en peinant à retenir ses larmes.
- Je t'aime Gunard...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top