Chapitre 32



Hava observa le regard de Gunard se fendre en une douleur méconnue. Le coeur battant à tout rompre elle fronça des sourcils sans jamais quitter son regard jusqu'à ce qu'il se lève du banc pour s'avancer vers elle. Hava s'était changée pour enfiler une élégante toilette qu'elle avait créé elle-même. Sa robe nacrée soulignée sa taille d'un corset ficelé de beaux lacets noirs. Elle désirait se faire belle pour lui mais elle eut subitement l'impression qu'il n'était pas content.

- Rejoins-moi dans la forêt immédiatement, dit-il simplement sans même s'arrêter devant elle.

Hava le suivit des yeux le regard terrifié à la simple idée qu'il veuille mettre un terme à leur relation. Ses jambes refusaient d'avancer par craintes d'affronter la réalité. Peut-être avait-il changé d'avis, songea-t-elle en le suivant les mains jointes contre son ventre.

N'avait-il pas brusquement changé de comportement après son échange avec Fior dans le village ?

Son regard éteint n'était pas la preuve vivante qu'il ne voulait plus d'elle.

Le cœur serré de douleur elle le suivit jusqu'à l'orée du bois.

Un silence pesant s'ensuivit. Il était dos tourné à elle comme s'il refusait de l'affronter.

- Gunard ? Que se passe-t-il ? Demanda-t-elle d'une toute petite voix.

- Je t'ai enlevée Hava.

- Je te demande pardon ? S'enquit-elle d'un souffle court ; Enfin Gunard qu'est-ce que tu dis là ?

Incrédule, Hava battit des paupières et coupa sa respiration lorsqu'il se retourna brusquement pour la saisir par les épaules pour la plaquer contre un arbre.

Ses yeux d'acier recouvert de sombre lueurs suffirent à étouffer son hoquet.

- Je suis responsable de ta captivité Hava ! S'écria-t-il en la soulevant hors du sol.

Hava le dévisagea longuement sans un mot.

- Bien sûr que tu l'es Gunard puisque tu étais là !

- Non tu ne comprends pas Hava, rétorqua le viking d'une voix tremblante de fureur ; C'était moi ce soir-là qui a décidé de te prendre, c'était moi l'homme qui te retenait prisonnière pendant la bataille.

Un terrible choc s'empara d'elle et des souvenirs vagues mais bien présent revinrent la hanter. Ce fut à cet instant qu'elle revit l'acier de ses yeux surplombé de suie...

Il la relâcha si vite qu'elle vacilla et dut se retenir au tronc pour ne pas tomber.

- Je t'ai menti, reprit-il amèrement ; Je t'ai vu et quelque chose s'est emparé de moi. Je n'ai pas réfléchi jusqu'à ce que le regrets vienne me ronger de l'intérieur.

Hava ne parvenait pas à sortir le moindre son. Elle se contenta de l'écouter.

- J'avais l'impression d'être à nouveau le monstre qui sillonnait les villages du Danemark comme un assassin. Lorsque nous sommes revenus au village je me suis rendu compte que je ne pourrais pas te garder, alors j'ai pris la mer pour tenter de t'oublier mais ton regard effrayé me hantait chaque jour.

Hava déglutit péniblement, envahie par une sourde colère qui peu à peu se muait en un sentiment mystérieux.

- Quand je suis revenu, la tentation de te revoir était trop forte et puis j'ai appris ce que Ena t'avait fait subir pendant mon absence. Je me suis promis de te protéger en m'interdisant de t'approcher car je suis l'unique responsable des horreurs que tu as vécu.

Il se retourna pour fuir son regard empli de larmes.

- Puis tu es partie affronter Gareth, acheva le viking d'une voix presque inaudible.

- Alors pendant tout ce temps où je me demandais à qui je serais donné avant que mon frère me sauve c'était toi ?

Il se retourna, rictus aux lèvres.

- Oui c'était moi, lâcha-t-il brutalement ; Tu aurais dû être mon esclave parce que un fugace désir m'a saisi pendant la bataille.

- Suis-je toujours un fugace désir maintenant que tu l'as assouvi ?

Une lueur terrifiante passa dans son regard.

- Je te demande pardon ?

Hava émit un rire étouffé en dodelinant sa tête.

- Je pense avoir le droit de me poser la question non ?

D'un pas précis et vif il fut devant elle les traits tirés.

- Tu n'as pas un désir fugace Hava, répondit l'homme d'une voix ferme et sincère ; Mais je comprendrais si tu me haïssais, je me répugne moi-même.

Égarée par un torrents d'émotions contradictoires Hava le gifla et lui tourna le dos la respiration erratique.

- Ena a dû avoir vent de tes projets pour moi et c'est sans doute pour ça qu'elle s'est acharnée sur moi, murmura-t-elle en posant une main fébrile à sa bouche.

- Tu es le droit de me haïr, répéta le viking.

Hava ferma les yeux en se retenant au tronc. Haïr Gunard lui était impossible car derrière les douleurs du passé un amour incompréhensible naissait en elle plus fort chaque jour.

- Je ne peux pas te haïr Gunard même si je le voulais...

Elle détourna pour lui faire face.

- Je t'en veux de m'avoir menti, de m'avoir voulu pour ensuite fuir tes choix.

Elle aperçut sa gorge se contracter.

- Puéril venant d'un homme comme moi n'est-ce pas ?

Son regard disparut soudain comme s'il voulait dissimuler ses émotions.

- Tu m'as sauvé et tu n'as pas failli à ta promesse, dit-elle en s'approchant prudemment.

- Je t'ai arraché à ta vie, gronda-t-il sans se retourner.

Voyant qu'elle livrait une bataille perdue d'avance elle décida de le faire réagir d'une manière un peu risquée.

- Alors laisse-moi la reprendre, libère-moi.

La réaction ne se fit pas attendre. Il se retourna violemment, le regard rembrunit et lui saisit les épaules dans une étrange tendresse.

- C'est impossible ! Ça je ne peux pas je regrette, murmura-t-il le visage tout proche du sien.

Hava pouvait déceler les iris de ses yeux sombres tant il était proche d'elle. Proche de l'aveu inavouable elle scella ses lèvres par craintes de lui révéler les sentiments qui naissaient en elle. Son regard était si meurtri par ses erreurs passées qu'elle n'avait pas la force de le laisser ainsi croire qu'elle voulait le quitter.

- Alors qu'est-ce que tu attends ?

Comme s'il avait attendu cette réponse pendant des siècles il écrasa sa bouche sur la sienne avec urgence et elle sentit le pardon sur ses lèvres. Il emprisonna son visage de ses larges mains pour approfondir son baiser passionné.

Sa main se pressa dans son dos pour l'attirer à lui.

- Pardonne-moi Hava, murmura-t-il d'une voix voilée de tristesse.

Hava posa sa main sur sa joue et crut sentir une larme s'échouer sur la naissance de son doigt.

- Je ne veux plus penser au passé Gunard je veux tenter de me construire un avenir plus heureux.

Il se redressa de toute sa hauteur pour survoler l'horizon tout en portant sa main à sa bouche. Des bruits de pas se firent entendre. Comme deux amants en cavale, ils se cachèrent derrière les charpentes de bois.

Gunard garda sa main plaquée sur la bouche de la jeune femme sans quitter l'orée du bois du regard.

L'ombre sur le sable disparut soudain sur le crissement des feuilles mortes.

- Je pense que vous devrions partir d'ici séparément, proposa-t-elle en se relevant.

Gunard peinait encore à croire qu'elle lui avait pardonné toutes les peines et les peurs dont il était responsable.

Comme une âme aussi pure que la sienne pouvait pardonner le monstre qu'il était.

- Je ne pourrais pas tenir longtemps ainsi Hava, confia-t-il en se massant la nuque.

- Pourtant il va le falloir, rétorqua la jeune femme en venant coller son menton contre son torse, une lueur malicieuse dans les yeux.

- Tu as l'air d'apprécier cette situation je me trompe ? Demanda Gunard en levant un sourcil.

Elle haussa des épaules puis se cacha le visage dans son torse.

Chaque geste, chaque regard, chaque mot prononcé de sa part était tout nouveaux pour lui.

- Viens, nous devrions rentrer à présent, lui dit-elle en partant vers l'orée du bois.

Gunard la retint par le bras.

- Hava, est-ce que tu me pardonnes vraiment ? Ne me mens pas...

Elle releva les yeux lentement pour ancrer son regard au sien. Son silence insupportable lui vrillait les tempes.

- Je t'ai pardonné Gunard, car si ça n'avait pas été le cas, je serais devant le jarl en ce moment même pour lui demander de tenir sa promesse de me laisser partir.

Gunard reçut une seconde gifle.

La douleur lui serra le cœur car il réalisait que ses mensonges auraient pu l'éloigner à jamais de lui.

Avec autorité il porta sa main à ses lèvres pour y déposer un baiser.

- Je te fais la promesse de te protéger même si je dois mourir pour ça.

Il scella sa promesse en l'embrassant avec force et partit en premier vers le château avec la sensation de renaître.

D'être celui qu'il avait toujours voulu être.

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