Chapitre 28
Hava répondit à son baiser timidement. Ses pensées se bousculaient dans son esprit, son cœur se serrait chaque fois qu'elle songeait à un avenir avec Gunard.
Hava comprit que l'amour venait de la frapper. Elle se sentait transporté dans un autre monde chaque fois qu'il posait ses yeux sur elle. Pourtant, Hava mesurait la gravité de ses sentiments à l'égard de Gunard qui venait tout juste de divorcer.
Peut-être était-elle qu'un divertissement pour lui, songea-t-elle en se reculant.
- Je devrais peut-être chercher un endroit pour dormir pendant que tu te charges des chevaux...
- C'est un risque que je refuse de prendre, répondit Gunard en approchant sa main afin de glisser ses cheveux rebelles derrière son oreille ; Viens avec moi ma belle Hava, j'ai tant à te montrer.
Hava n'eut pas le temps de réagir qu'il lui prit la main et l'entraîna parmi les villageois.
- Tu dois mourir de faim, laisse-moi te faire découvrir ceci.
Il se planta devant un marchant dont le visage était figé de craintes. Pourtant, Gunard posa ses pièces d'or sur l'étalage en désignant le petit panier derrière lui.
- Qu'est-ce donc ? Demanda-t-elle en fronçant des sourcils.
- Des baies de sureau, répondit le viking en l'invitant à entrouvrir ses lèvres.
Cet instant aurait pu être romantique si Gunard n'était pas dévisager comme un monstre, songea-t-elle tristement en dégustant le fruit juteux.
- C'est très bon, dit-elle en lui prenant le panier des mains.
- Pourquoi un tel regard ?
- Tu es regardé comme un...
Hava ne trouva pas la force de terminer sa phrase.
- Cela ne m'atteint plus, répondit vaguement l'homme en adoptant une marche souple.
Gunard l'observa discrètement grâce à sa hauteur. Certes les regards des autres ne parvenaient plus à l'atteindre mais le sien lui importait.
- Ces personnes ont l'air terrifié, dit-elle en manquant de trébucher ; Pourquoi décimer des villages et en garder d'autres intact ?
- Hava, commença Gunard en lui prenant le coude ; Tu dois comprendre que nous avons tout perdu, femmes et enfants ont été décimé et cela depuis des années ; Nous sommes cruels lorsqu'il s'agit de récupérer nos terres.
- Tu en as une de terre Gunard, un château et...
- Je ne te parle pas de nous, je te parle des autres crois-tu sincèrement que nous sommes le seul clan encore existant ?
Il vit son visage prendre des pâleurs qui ne lui plaisaient guère.
- Au Danemark un clan sanguinaire y demeure depuis des années, j'ose à peine te décrire les batailles de sang qui ont eu lieu à l'époque.
- Parce que tu y étais ?
Cette question....manqua de l'assommer. Hava n'était pas seulement dotée d'une extrême beauté...elle était dotée d'une effroyable intelligence qui était sur le point de lui faire révéler ce qu'il tentait d'oublier.
Hava frémit tout entière devant la froideur qui marquait les traits de son visage. Tout portait à croire qu'il avait fait parti de ce clan sanguinaire.
- Tu étais au Danemark avant de rejoindre le jarl n'est-ce pas ? Insista-t-elle en peinant à contrôler les trémolos dans sa voix.
- Assez pour aujourd'hui, décréta l'homme en lui saisissant le bras pour la faire avancer le regard fixé sur l'horizon.
Hava se pinça furieusement les lèvres.
- Tu as peur de me révéler ton passé ? Pourquoi refuses-tu de me répondre ?
- Assez Hava ! Gronda-t-il d'un souffle court.
- Gunard...je...
Il la plaqua contre le mur de l'auberge, la respiration bruyante, le regard perdu dans la noirceur.
- Qu'est-ce que cela pourrait t'apporter de le savoir ! Hormis me voir comme un monstre ?
Son ton était délicatement sévère.
Mais Hava refusait de céder à la peur.
- Te connaitre mieux, apprendre à comprendre l'homme que tu es.
- Tu n'as pas à connaître cette partie de ma vie Hava.
- Alors tu es né au Danemark, conclut-elle le souffle court.
Il ferma les yeux comme pour s'empêcher de commettre une erreur.
- C'est tout ce que je te donnerai aujourd'hui comme affirmation, répondit-il en se redressant de toute sa hauteur ; Je suis né au Danemark.
Hava le suivit des yeux lorsqu'il la quitta dans un crissement de pas rageur. Une goutte de pluie tomba sur sa joue mêlé aux larmes qui venaient de quitter ses yeux. Le passé de Gunard était bien plus compliqué qu'on avait bien voulu lui laisser croire.
Prenant une grande bouffée d'air, Hava le suivit à distance le temps qu'il se calme et pénétra dans l'auberge.
La silhouette massive de Gunard ne passa pas inaperçu et certains hommes cessèrent de bavarder.
Seule au milieu de cette salle remplie d'hommes, Hava retint son souffle jusqu'à ce qu'elle croise l'épais regard de Gunard. Il n'eut pas besoin de parler pour qu'elle le comprenne. Elle se rapprocha de la table en sentant le poids des regards sur elle.
- Installe-toi près du feu...
Sa voix demeurait dure mais elle refusait de perdre espoir, car elle savait que Gunard se calmerait tôt ou tard.
- Je ne voulais pas te mettre en colère, dit-elle en déposant le panier sur la table ; Je voulais apprendre à mieux te connaître.
L'intéressé se passa une main furtive sur le visage.
- Toutes les femmes que j'ai connu ne se sont jamais intéressées à mon passée...
Sa voix restait égale à la froideur de ses traits, Hava sentit des frissons glacés parcourir son échine.
- Comment peut-on comprendre l'autre alors ? Osa-t-elle demander en soutenant son regard.
- Je l'ignore, cela ne m'a jamais posé de problème.
- Tu connais mon passé, tu as assisté à mon présent dont les tortures resterons à jamais gravé sur moi...
Le regard de l'homme s'adoucit aussitôt en une forme douleur. Hava ne voulait pas le rendre fautif mais lui ouvrir les yeux sur l'injustice.
- Que veux tu savoir de moi Hava ? Comment peux-tu vouloir connaître la plus sombre partie de ma vie ?
- C'est important pour moi, répondit-elle calmement ; Quand ton visage se fermera subitement, au moins je saurais ce qui t'habite.
Le viking semblait sous le choc et resta figé plusieurs secondes dans lesquelles Hava se raccrocha à l'espoir qu'il se confit enfin. Sa bonté et son désir de vouloir comprendre venaient de sa mère, Hava le savait et cette simple pensée suffit à lui faire monter les larmes aux yeux.
Le viking le remarqua et passa son pouce au creux de sa paupière pour effacer cette larme.
- C'est le regret qui habite mon âme Hava et je doute que tu puisses y faire quelque chose.
- Le regret d'avoir été dans l'armée au Danemark ?
Gunard laissa tomber sa paire d'yeux dans le vague, songeant à cette époque glaçante. Jamais au grand jamais une femme s'était intéressé à son passé. Pas même Ena.
Cette sanglante époque lui revenait souvent en mémoire. Il se souvenait de son ancien chef et de ses atrocités commises dans des villages innocents.
C'est en voyant tous ces crimes qu'il avait pris la décision de partir pour rejoindre l'Irlande et il mesurait la chance qu'il avait eu de rencontrer Ivar sur les chemins boueux de l'Irlande. Une puissante amitié était née entre eux et Gunard s'était même surpris à remercier les dieux de l'avoir conduit sur ces terres.
À présent il se battait pour ses croyances et son peuple et non pour le simple plaisir de faire du mal à des innocents.
Les dieux l'avaient poussé sur ces terres et le poussaient férocement vers cette belle jeune femme dont la bonté se reflétait dans ses yeux.
- Je suis partit du Danemark peu de temps après la première invasion, expliqua-t-il en avant une lampé de bière ; Mon ancien chef aspirait à bien plus qu'une simple guerre et je ne l'ai pas supporté.
Attentive, elle ne disait rien et se contentait de l'écouter. Pas une seule trace de dégoût traversa ses yeux d'or pendant son récit atroce qu'il acheva par son mariage avec Ena.
La torture de son silence était telle qu'il serra son gobelet au plus fort dans l'attente d'une réaction.
- Tu es resté toi-même Gunard tu n'as pas commis ces atrocités ce n'est pas toi le responsable.
Gunard se contenta de la regarder pour enfin déceler une profonde sincérité.
Elle posa sa main sur la sienne.
- Tu as pris la bonne décision.
Gunard préféra mettre un terme à ces souvenirs qui nuisaient à leur voyage.
- Maintenant que tu connais mon passé il est temps de poursuivre notre voyage sans laisser mes souvenirs le ternir.
Elle acquiesça timidement avec une sourire en coin.
Il termina sa bière puis se leva pour l'entraîner vers les maisons éloignées du village.
- Nous passerons la nuit ici, déclara-t-il en refermant la porte en bois derrière eux.
Hava contempla le lit les lèvres pincées. Ses cheveux étaient trempés, ses vêtements lui collaient à la peau, son cœur se mit à battre à la chamade à la simple idée de dormir avec lui.
- Si tu le souhaites, je dormirais par terre, déclara le viking.
La respiration haletante, Hava ferma les yeux, profondément touchée qu'il lui donne le choix.
Mais la tentation de dormir à ses côtés fut plus forte que la petite voix intérieure qui lui murmurait de prendre garde. Hava voulait ressentir la même émotion que la veille alors elle se retourna afin de lui donner sa réponse.
Il se trouvait tout près d'elle, si grand, si imposant qu'elle en perdit son souffle.
- Non, je veux partager ce lit avec toi Gunard...
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