Chapitre 24



Après des heures de traversée dans la forêt, les chemins devenaient de plus en plus dangereux. Pendant un bref instant qui lui parut infini Hava avait douté de son frère et de son imagination débordante. S'était-il trompé ? Avait-il vraiment un moyen d'atteindre un autre village par l'île sans passer par la mer ?

Hava chassa ses doutes imperceptiblement. Aleston était certes très inventif mais il n'aurait pas menti au risque de la mettre en danger.

- Je commence à me demander s'il y a vraiment un village derrière cette épaisse et interminable forêt ! Se plaignit l'un des hommes de Gunard.

Hava sentit son sang se figer car ses yeux étaient braqués sur elle.

- Mon frère n'aurait jamais menti, dit-elle d'une voix faible ; Il ne m'aurait pas mise volontairement en danger.

- Hava à raison, déclara Gunard d'une voix ferme ; Nous venons de faire une demi-journée de traversée et les endroits ne se ressemblent pas, ce qui signifie que l'on s'approche.

Le viking dont les épaules étaient voûtées marmonna dans sa longue barbe grise.

- J'espère que tu as raison Gunard, dit l'homme en braquant son regard sur elle.

Terrifiée, Hava chercha les mains de Gunard pour s'y accrocher.

- Serais-tu en train de remettre ma parole en doute ? S'enquit le viking en stoppant son cheval.

Tous s'arrêtèrent derrière leur chef. La confrontation silencieuse dura suffisamment longtemps pour qu'elle craigne un affrontement.

- Non Gunard, jamais j'oserais remettre ta parole en doute, je te respecte trop pour ça.

Hava pouvait sentir la tension qui habitait le guerrier. Le froid s'engouffrait dans sa cape. Son visage était marqué par des rougeurs.

- Ma femme est enceinte, je lui ai promis de lui ramener des laines chaudes pour notre enfant.

- Et tu auras ta laine chaude mon ami, affirma-t-il avec fermeté ; Tu auras bien plus mais pour l'heure il est temps de s'arrêter pour la nuit.

Des exclamations de soulagements retentirent derrière eux. Hava fut aidée par Gunard pour descendre de son cheval. Son regard plongea dans le sien. Il était fermé visiblement mécontent des suspicions portées à son encontre.

- Merci de m'avoir défendu, bredouilla-t-elle tout bas.

Il lui répondit d'un salut et s'éloigna pour aider à monter le camp. Hava le regarda s'éloigner le coeur battant à tout rompre.

- Pardonnez-moi femme, s'exclama une voix qui la fit sursauter.

Hava se tourna vers le viking qui s'était heurté à son chef en l'accusant.

- Je suis désolé, je ne voulais pas vous accuser, déclara-t-il l'air penaud.

Hava considéra le guerrier avec méfiance mais elle disparut aussitôt quand il se frotta le visage, embarrassé par son attitude.

- Je comprends vos doutes, ne vous inquiétez pas, vous êtes pardonné.

L'homme hocha de la tête avec un mince sourire au bord des lèvres puis se tourna pour venir en aide aux autres.

Hava exhala un soupir tremblant puis se retourna en direction du cheval qu'elle caressa tendrement. Elle prit son sac et chercha Gunard des yeux. La plupart des femmes s'étaient placées à côtés de leurs époux. Pour l'heure, Hava n'était ni mariée ni fiancée alors elle jeta un regard circulaire autour d'elle et s'arrêta vers le taillis de chênes. L'endroit était parfait pour sa couche de fortune songea-t-elle en se dirigeant vers le coin reclus.

- Hava, je peux savoir ce que tu fabriques ? S'enquit le viking en glissant ses doigts autour de son poignet.

- Je cherche un endroit pour dormir, parvint-elle à dire alors qu'il la dominait de toute sa hauteur.

- Allons ne sois pas ridicule, dit-il en comblant le dernier espace qui les séparait ; Nous dormirons ensemble.

Un feu intense coula en elle à mesure que son regard se fermait comme s'il voulait garder ses pensées pour lui. Hava ressentit le besoin urgent de décliner cette possibilité mais serait-ce aussi facile que ça ?

- Gunard nous ne sommes pas mariés, lui fit-elle remarquer en peinant à soutenir son regard ; Cette possibilité serait mal venue, il vaut mieux pour moi de rester à l'écart.

Hava retint son souffle.

- Je rejette cette proposition, lâcha-t-il aussi doucement que possible alors que les traits de son visage le trahissaient ; Le camp est de l'autre côté, il est hors de question que tu ailles dormir loin du feu.

- Pourquoi ? Je...

- Tu dormira près de moi, coupa-t-il sur un ton inflexible ; Je suis le chef et je refuse que...

Il s'interrompit, peut-être enfin conscient que sa voix devenait tranchante.

- Vous ne sommes pas mariés tu as raison et je respecte tes croyances, reprit-il sur un ton plus calme ; Mais ce n'est pas discutable Hava, je ne vais pas risquer que tu tombes malade.

Hava resta muette, consciente qu'il avait en partie raison. Mais était-ce une raison suffisante pour se risquer à le suivre ?

N'ayant d'autre choix que de baisser les armes Hava répondit simplement ;

- Je n'ai guère le choix n'est-ce pas ?

- En effet, affirma le viking en inclinant sa tête.

Il lui prit ses affaires des mains et la conduisit vers le camp. Certains regards s'attardèrent sur eux mais très vite ils reprirent leur travail sans se soucier d'elle. Elle fit de son mieux pour paraître détachée mais très vite Gunard se rapprocha lentement en lui donnant de quoi se rafraîchir. Dans la pénombre qui commençait à naître dans le ciel, son visage acéré lui parut plus menaçant. Il avait l'air contrarié et ne tarda pas à lui en faire part.

- Notre baiser ne signifiait rien pour toi ? Questionna le viking à voix basse.

Ébranlée par sa question Hava avala péniblement sa salive. Bien évidemment qu'il était important pour elle. Elle avait même encore l'impression de sentir ses lèvres contre les siennes.

- Il a beaucoup d'importance pour moi, répondit-elle enfin ; C'était mon tout premier.

Le viking releva brusquement les yeux, l'air assommé.

- Je te demande pardon ?

Étourdie Hava le considéra avec un grand étonnement.

- Je...n'avais jamais laissé un homme m'embrasser avant, confia Hava en ayant soudain l'impression d'être misérable.

- C'est impossible, s'exclama-t-il d'une voix presque éteinte ; Tu...avant ta captivité tu as sûrement dû être courtisée ?

- Non ! S'agaça Hava en se redressant contre le tronc d'arbre ; Je commence à me sentir insultée Danois, pourquoi cela te paraît si impossible, une femme de vingt-deux n'a pas le droit de protéger sa vertu jusqu'à...

Hava se coupa dans sa lancer craignant se révéler davantage et d'être jugée.

- Jusqu'au mariage avec un homme dont te serais amoureuse ?

- Oui, avoua-t-elle d'une voix agacée ; C'est ridicule n'est-ce pas ? Une jeune femme ne devrait pas se soucier de ce genre de sentiment, seule la condition de l'époux compte ?

- Non, ton désir n'est pas ridicule, au contraire...contrat-il d'une voix si douce qu'elle lui parut méconnaissable ; Mais tu as raison, de nombreuses jeunes filles espèrent le lord ou le comte idéal pour avoir un bon statut, ce n'est pas ton cas, et cela fait de toi une jeune femme unique.

Il leva sa main pour caresser sa joue. Hava se laissa submerger par ses émotions et ferma les yeux en savourant ce contact.

- Seulement ce baiser mène-t-il quelque part ? Car j'ai l'impression que tu...

- Non ! S'écria-t-elle en secouant vigoureusement de la tête ; Je me suis éloignée par crainte, mais je...

Gunard posa son pouce sur ses lèvres pour interrompre la jeune femme. Elle s'y perdait et semblait en grande panique. Gunard préférait arrêter de la torturer avec ses questions.

- Cessons de parler Hava, tu m'en as beaucoup dit ce soir et cela me suffit.

Ses prunelles brillaient à présent. De soulagement sans doute car un sourire se dessina sur ses lèvres tremblantes.

- Merci Gunard...

- Donne-moi ta cape que je puisse la sécher.

Elle ôta sa cape, le regard ancré dans le sien. Il aurait voulu l'enlacer mais c'était impossible...du moins pas maintenant. Il se leva pour suspendre sa cape près du feu puis s'agenouilla à nouveau en face d'elle, complètement envahi par une émotion qu'il n'expliquait pas.

Il s'empara de sa main à l'abris des regards et la cala contre son torse.

Sans un mot, il fixa sa bouche entrouverte et ramena sa main contre ses lèvres sans la quitter des yeux tout en espérant qu'elle puisse lire dans son regard toutes les promesses qu'il tiendrait.

Elle se rapprocha lentement de lui, malgré les craintes qu'il lisait dans ses prunelles.

- Je ne regrette pas notre baiser Gunard, je....

- Je le sais Hava...comme je sais que je recommencerais.

Elle hoqueta sans bouger, les yeux rivés dans les siens. Alors il rajouta d'une voix rauque ;

- Seulement, je ne sais pas encore quand...

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