Je me trouve dans une bousculade où tout le monde cherche à atteindre un tableau. La session des examens pour ce semestre est passée et les notes sont supposées être affichées aujourd'hui. Tout ça me mets la boule au ventre, je frémis.

Je balaye les notes des yeux , anxieuse. Le contrôle était difficile et j'avais peur de ne pas réussir . Beaucoup ont échoué et les notes que j'ai perçue jusqu'à là ne dépassaient pas le 12/20 . Il n'y pas grand nombre de participants au CEC de chirurgie cardio-vasculaire cette année. Nous sommes neuf. Je ne tarde pas à retrouver ma note qui était à vrai dire, miraculeuse. Un 17/20. Je suis heureuse et ne le cache pas.

Je me dis un instant que la modestie et moi ne faisons pas paire. La vie appartient au plus fort, non ? Je me délecte de ce moment de gloire en révisant la chaîne des notes qui dépassent à peine le 12/20 . L'intervalle est énorme et ça ne fait que me gonfler.

Toute ma vie, la chose qui me procure un véritable bonheur est de me toujour poser au sommet. Ni parents, ni famille ni amitié. J'ai tenté de vivre une vie sociale ordinaire mais cela semble ne pas m'etre écrit. Puisque vous l'aviez deviné je ne suis pas du tout modeste et ça me vaut souvent la haine de mes congénères.

J'ai toujours désiré l'amour,la tendresse,l'appartenance mais ça fait longtemps que j'ai lâché l'affaire. Honnêtement qui voudrait de moi?Je mens...même à moi.

Avant de sombrer dans des propos déprimants, je quitte le tableau vers ceux supposé être mes amis . Cette fois ci avec un petit sourire modeste.  Faudra  jouer au rôle de celle qui ne connaît rien. Les compliments devraient arriver pour gratifier. Ah qu'est-ce j'adore !

-Salut ! Sandra. Je bredouille,timidement. Que se passe t il ? Je faint l'ignorance.

Je m'attendais aux flatteries, sauf que ça ne vient pas. Sandra ne me regardais pas. Elle était distraite. Les yeux humides regardaient le ciel. Elle semblait convulser ou même possédée. Je vous jure que ses pupilles se seraient transformées en un coeur.

Et c'est alors qu'on suivant son regard que je me rends compte qu'à droite, un peu derrière,se trouve un phantom. Un laid phantom ! Je me crispe et serres mes points.

Il regardait le tableau où les notes étaient affichées. Nos regards se croisent. Ses yeux d'aigles n'échouent pas à me vider d'énergie. Je l'affronte avec un sourire de défi. Il avait sous son nez de quoi je suis capable. Qu'il meurt de haine.

Je prends Sandra par son poignet et la tire. Je n'ai pas réussi à la faire bouger dès la première fois .

Que fait-il ici, bon dieu !

Dans l'amphithéâtre, j'étais assise au premier plan, extrêmement vigile et armée de mon stylo et cahier de note.

Professeur Taba a été remplacé à l'hôpital. Je m'attends qu'il le soit aussi pendant les cours. Ça ne peut pas être lui. Il est trop jeune pour être professeur, il lui faudrait encore des années pour atteindre l'agrégeation.

« Professeur William chéri! » murmure Sandra qui est assise à mes côtés.

« Prof..professeur qui ?! »Je m'écris et me relève brutalement. Je m'asseye pour ne pas attirer plus d'attention.

« Sandra tu déconne , non? » je déni.

Elle oublie mon existence et suivait à présent l'entrant. L'amphithéâtre plonge dans le silence. J'entends les violences de mon cœur retentir dans mes oreilles et tourne la tête.

« Il est beau! Professeur William Chéri . »

Chuchote-t-elle tandis que j'avalais péniblement ma salive.

« Non ! »

Ça m'échappe, il regarde alors en ma direction. Je prends un cahier et couvre ma face.

« Non ? »

Sa voix rocheuse me secoue et je plonge encore plus ma face sous la terre. L'Autriche que je suis l'ignore. Il continue sa descente et se positionne sur l'estrade.

Malédiction!

Il portait un manteau gris qu'il enlève pour le déposé sur le dos de sa chaise. Une chemise blanche couvrait un corps modestement bâti. Son pantalon noir et sa montre argentée lui donnait un air propre et hygiénique. Sa tenue est simple mais il reste très charmant. Les filles ont déjà succombé. Ses cheveux crépusculaires sont poliment coiffés vers l'arrière dégageant le plus beau visage que j'ai vu de toute ma vie. Une fine barbe de trois jours accentuait son regard d'aigle, le même qui me scrute gravement pour un instant. Je gèle.

Il fait sortir son PC et le connecte au projecteur. En gras, une phrase surprenante et inhabituelle est affichée.

" Le seul moyen d'apprendre, c'est à travers nos sens "

Il prend un marqueur et Note son nom .

"Pr.Ag William Diver "

« Je suis votre professeur replaçant de chirurgie cardiovasculaire, j'espère que nous allons passer des intéressantes séances ensemble. Comme écrit, vous allez apprendre à travers l'expérimentation . Je vais vous suivre dans tous les étapes et vous corriger. Considérez ça comme un entraînement pour votre future pratique. »

Il sourit légèrement, son aura noire l'accompagne toujours. Puis reprend:

-On commencera par vous laisser faire vos recherches sur une pathologie de votre choix et la présenter ici devant tout le monde . Les profils épidémiologiques,cliniques ,thérapeutiques et évolutives sont à préciser.Je choisirai à la fin 5 internes pour les récompenser de leurs efforts. Je les laisserai assister à une chirurgie de poids au bloc opératoire et selon l'état local,je pourrais leur laisser la dernière suture à faire.

Les voix augmentent dans la salle, d'agrément et de contestation. Quelqu'un décide de parler.

« Nous n'avons pas le temps pour préparer des cours. Nous travaillons à l'hôpital et avons besoin de réviser. C'est un extra effort qui ne convient pas à tout le monde. Pouvons-nous juste faire des cours conventionnels? »

Le professeur le regarde et sourit. Sandra à mes côtés fonds, je m'occupe de la collecter pour éviter que sa magie noire ne me fasse le même effet .

« Votre nom monsieur? »

« Read Grander. »

Il cherche le nom sur une feuille et note quelque chose.

« Bien monsieur Read, Vous serez le premier à commencer. Le titre de votre recherche est "la transposition des grands vaisseaux. Pour notre prochaine séance. Le mardi, dans deux jours. »

« Mais ! »

« Pas de mais, c'est moi qui décide de comment je fais mes cours. Vous allez le faire ou préférez-vous un zéro à la place? »

Il était intimidant si bien que l'étudiant accepte et reprend sa place sans contester encore plus.

« Très bien, ensuite, ce sera Mademoiselle Narie Steadman. Les cardiopathies cyanogènes . Pour la séance d'après. Dans trois jours. »

Il me regarde de ses yeux d'acier, neutres mais brûlants.

« Un problème? »

« Non »

Je réponds en baissant la tête pour ne pas à le voir en face. Combien va t-il encore me coller au dos? Je peux dire à dieu à mes note avec lui comme professeur. On n'était pas sensé choisir nous mêmes les thèmes de nos exposés?Je souffle d'exaspération.

Le professeur annonce après avoir laissé chacun choisir son thème qu'il était temps de mettre nos tenues de blocs.

On était surpris, personne ne s'y attendait . On pensait être là pour un cours. Que se passe-t-il ?

Read , l'interne de la dernière fois reprend cette fois-ci sûr de gagner le débat puisque après tout, qui traîne avec une tenue de bloc en dehors de l'hôpital?

<<Professeur, nous n'avions pas des tenues de blocs actuellement sur nous, on ne savait pas qu'il fallait les ramener >>

<<Eh bien dommage pour vous monsieur Read >> rétorque le professeur avant de poser une deuxième fois la question << Qui a ramené une tenue de bloc avec lui?>>

Je lève la main. Tout le monde me regarde. Comme je suis une SDF, mon sac à dos contient souvent tout. Sandra à mes côtés lèves la main aussi.

Je la regarde pétrifiée . Elle me toise avec horreur.

«Traîtresse , tu aurais pu me prévenir qu'il fallait ramener une tenue de bloc » lance-t-elle .

Je l'ignore et réponds

« Tu as vraiment une tenue de bloc ou tu as juste levé la main sans réfléchir?»

«Bien sûr que je l'ai!»

Je soupire, elle ne sais pas de quoi ce nouveau professeur est capable si il découvre que c'était un mensonge.

Aussitôt,le chirurgien après un bref explicatif sur la communication inter-auriculaire (CIA) interrompe le cours et nous demande de se pointer au bloc opératoire dans 1 heure .

Il avait aussi laissé les autres récupérer leurs tenues de blocs et les a averti que d'au ré avant, ils devraient veiller à ramener leurs tenues.

Pour la première fois, j'assisterai à une chirurgie cœur ouvert, c'est bien au dessus de toutes mes attentes. l'excitation monte dans mes veines en même temps qu'un sourire. Peut-être qu'il n'est pas mal au final ce chat noir.