Chapitre 14: Lettre


Mon premier jour en unité de chirurgie cardiovasculaire commence. Si cet abruti de professeur ne m'encadrait pas , j'aurai beaucoup plus d'enthousiasme à quitter mon lit . Il suffit d'une seule journée pour que tous les minuscules bonnes impressions que j'avais de lui partent en l'air. J'éternue. J'ai des courbatures partout à cause du rhume. Je ne me rappelle même pas de la dernière fois que j'ai eu un rhume.

Et aussi, pour réguler mes hormones en furie, j'ai décidé de le détester avec ou sans raison. Je suis partie du principe de sublumination Freudienne. Orienter ses pulsions dans un domaine plus rentable. C'est pourquoi je me suis transformée en une zombie d'étude toute rancunière. Je révise et bosse comme une tarée.

Mon téléphone sonne. Je quitte le miroir devant lequel je me bossais pour voir le contenu du message qui s'affichait sur l'écran. Je continue à me brosser en switchant la brosse dans ma main gauche, je débloque mon code par la droite.

Sandra

« Narie tu es avec moi? S'il te plait, fais-moi ce service! Nous allons commencer aujourd'hui ,c'est le meilleure moment! On a pas de temps à perdre "

Je soupir. Impossible! Depuis quand je rends service aux gens? J'admets que je suis une égoïste quand ça revient à mon temps, je n'en donne pas facilement. Et puis ce genre de service? Impossible.

Je déploie mon clavier et m'apprête à lui répondre. Elle me précède ,une bulle bleue s'affiche .

"Tu n'as pas changé ton avis à faire du shopping avec moi cet aprèm non? On va discuter en cours de route"

Une 3ème bulle surgit, je roule les yeux.

"Aller Narie, ce n'est qu'une lettre à glisser dans son sac. Il ne saura jamais que c'est toi. Personne n'osera douter de toi. Je serais ton esclave si tu le fais pour moi. Non! Toutes les femmes du monde te seront reconnaissantes !"

"Nous allons en parler à la pose déjeuné Sandra. Lâche l'affaire " je réponds.

Je me prépare rapidement. Je suis particulièrement sur mes nerfs à cause de ces méthodes stupides d'enseignement que notre charmant prof adopte. J'avais bien préparé ma présentation, j'avais parfaitement maîtrisé le sujet et vous savez ce qu'il m'a sorti vers la fin?

« Félicitations, mademoiselle Steadman. Vous nous aviez prouvé qu'on peut génialement rater une présentation tout en ayant bien compris le sujet . »

Je me rappelle bien du silence gênant qui s'est installé dans l'amphi alors qu'il reprenait mes erreurs une par une. Il avait mémorisé les diapositives, leurs numéros et contenus. Chaque faute d'orthographe, d'agencement et la structure des plaques, la moindre photo placée avant le texte, la bibliographie, les niveau d'évidence . Rien ne lui échappe.

Tout ça n'était pas nécessaire.

J'ai protesté en répondant à chaque accusation, j'avais l'impression d'être sur la cours et à me battre avant d'aller sur la chaise électrique .

J'avais tout réalisé et rédigé sur mon téléphone en trois jours . Cent vingt  plaques, comment veut-il que je me pointe avec la perfection divine dans des telles conditions? Je n'ai pas d'ordi parce-que je suis pauvre comme une cuillère !

« Retournes à ta place. Je prends le relais d'ici. Apprends à voir tes erreurs en face et à les critiquer. Tu ne feras jamais un bon médecin avec une telle arrogance. Tes notes ne comptent pas ni ton classement d'ailleurs. J'ai expliqué les même choses à monsieur Read, où étais tu pour tomber dans les même pièges ? »

Il fronce les sourcils et sort d'un ton grave une phrase qui ne cesse de me hanter jusqu'à présent.

« Je suis déçu, je m'y attendais à mieux. »

Je ne suis pas si mauvaise, j'ai fait de mon mieux. Ceci avait ébranlé ma confiance en mes capacités pour un instant et m'avait laissé tout aussi chamboulée. Je n'ai pas envie de voir sa tranche, c'était injuste. Pourquoi ces mots me touchent autant ?

Enfin comme tout professeur narcissique, il lui fallait faire la morale à toute la classe en m'utilisant comme l'exemple à ne pas reproduire.

Pour me remonter la morale, je me suis assurée de paraître plus présentable pour ma première journée. Je me maquille d'une façon frivole, mes yeux mielleux vont bien avec mes cheveux bouclés . À l'orphelinat, on me surnommait "Caramel " . En effet, ils n'avaient pas tords, je suis devenue un peu plus belle depuis que je suis au manoir.

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« Narie, shhhuut ! Viens ici. »

Dès l'entrée, j'ai trouvé Sandra et les autres internes accompagnés de pré de quelques infirmières. Ils formaient une agglomération multicolore comme une réaction antigène-anticorps devant une chambre.

Elle me fait un signe de la main, je mets mon nez immédiatement dans leur affaire.

« Regardes , le sexy professeur se déchaîne. ~Ah~ . »

Le ton qu'elle utilise est celui d'une perverse professionnelle.

Je regarde par la faille de la porte ,une verticale lumière se projette sur mon œil. Une fois ma vision adaptée, je me trouves frigorifiée . Son aura noire s'était transformée en flammes. Il hurlait, sur tout ce qui bouge et principalement sur un interne. Mon cerveau tente à lui donner un visage puis un nom . Read , celui qui m'a confessé son amour. Presque confessé, je rectifie pour ne pas exagérer.

Ce dernier semblait aussi flamboyer mais à petit feu, insuffisant pour faire face à la hiérarchie. Il avait un plateau dans des mains crispées, tête baissée. Il y'avait une jeune femme sur le lit de patient et qui était totalement horrifiée. Les infirmiers se cachaient derrière lui, glorifiant le maître des démons d'un regard mixte de peur , crainte et d'admiration.

Notre encadreur, celui qui nous fera souffrir le martyre pendant les prochains quatre mois tenait et secouait un stéthoscope. Je tressaillis lorsque son œil translucide dévie en ma direction. Il arrête de gronder Read tandis que l'ombre sous ses yeux creuse un profond tunnel. Je m'écarte ,alertée, de la porte mais en retard.

Elle s'ouvre brutalement me faisant perdre l'équilibre. J'atterrie sur mes genoux, le poids de mon sac à dos me force à poser les mains sur le sol.

« Putain de merde ! » S'exclame mon esprit à la vue d'une paire de sabots blancs.

Mes yeux suivent ses longues jambes. Il avait sa tenue de bloc sous une longue blouse entrouverte. Je rencontre des billes étincelantes me fixant avec au-dessus des sourcils froncés qu'on dirait des nœuds d'un fil de suture. Il croise ses bras.

« Mademoiselle Steadman! Que faite vous dans cette position ingrate? »

« Bonjour... Professeur ? »Je bégaie en me relevant.

« Tu arrives non seulement en retard mais tu oses comme même à passer ton temps inutilement! »

Je mords ma lèvre inférieure et bombe le torse pour l'affronter bravement. C'est vrai que je lui dois du respect et que pire ,mon futur et mes notes se trouvent entre ses mains mais je ne baisserai jamais la tête. J'ai une fierté fâcheuse .

« Pardon Monsieur .. C'est la dernière fois. »

« La prochaine fois sera un stage invalide. Je vous préviens.» Il scanne la salle puis ajoute.«Pour tous , je ne tolère pas le retard! »

Un oui collectif retenti.

« Bien. Au lieu de rester plantée ici, mets ta blouse et suis moi . »

« Oui! » Je sors maladroitement ma blouse et l'enfile comme si toute ma vie en dépendait. J'accroche mon stéthoscope à mon cou.

« Tous les internes me suivent! Et vous ,les infirmiers, vous avez un travail à faire. Si vous ne bougez pas, j'écrirai un rapport sur ce comportement d'abrutis dans cette équipe ! »

Surpris, certains vexés, l'équipe d'aide soignante s'éparpille. Il les a traité d'abrutis? J'ai bien entendu, non? Cet enfoiré.

Un groupe de six internes le suit en bloc. Nous étions tous soudés comme pour faire face à un ennemi. Read se tenait à l'écart pour nous laisser passer. Son état m'inquiète. Je sens que William, oh le si grand docteur William s'est faite un ennemi. Un futur collègue, un égal dans quelques années.

« Votre camarade , avait échoué à reconnaître un souffle aussi simple que regarder son doigt d'en face. »

Il visait clairement Read. Le climat entre les deux mâles est étouffant, chacun percevait la rébellion de l'autre.

« Je lui ai donc demandé d'ausculter tous les patients présents dans le service chaque soir et m'écrire un rapport. La même sanction pour la personne qui n'arrive pas à identifier le souffle parmi vous ! Vous êtes en7eme année bon sang! »

Il sort une feuille pliée. Nous l'observons brûler dans ses flammes. Dans sa tenue de bloc et sa blouse, il était extrêmement sexy. Il est ce type de médecin qui va vous soigner de votre mal physique mais vous laissera complètement obsédé mentalement. Ma joue chauffe lorsque je me remémore que c'est lui la même personne qui m'a embrassé sur la joue il y'a deux jours.

« L'interne Sandra. Quel est ce souffle. »

Ma camarade se fige. Elle donne l'impression d'être timide et complètement terrorisé alors que c'est seulement ses fantasmes qui la mettent dans cet état.

« Je l'ausculte ? »

« Non, manges-la . Bien-sûr que tu l'ausculte! »

Il met les mains dans les poches de sa blouse et attends la réponse. La patiente avait un peu pré notre âge, elle était essoufflée, la tête posé sur 3 oreillers. Les personnes qui souffrent d'une pathologie cardiaque ne supportent pas d'être allongées , elles mettent souvent des oreillers pour gagner en hauteur. C'est d'ailleurs en chiffrant le nombre d'oreillers que nous estimons l'importance de la dyspnée .

« Je trouves...un souffle systolique stade 3 au foyer aortique. Je pense qu'il s'agit d'un rétrécissement aortique. »

« Vous êtes sûrs que vous êtes en 7eme année? » Questionne-t-il tout le monde. « Vous savez ce que je pense mademoiselle Sandra? Vous allez rejoindre monsieur Read. »

Et ainsi de suite jusqu'à mon tour. Nous échangeons un regard. Ces yeux qui commençaient à être familiers avaient une lueur étrange en eux, perturbante.

«L'interne  Narie. Vous avez intérêt à mieux faire. »

Je hoche la tête et avance d'une cadence robotique. La patiente m'offre un sourire sympathique. Je pose mon stéthoscope sur sa poitrine et ferme les yeux. Je me concentre. Tous les autres avaient trouvé la même réponse mais c'était faux. Si Sandra et Read se sont trompés, comment vais-je réussir? Il fallait que je me venge et lui prouver mes compétences était la méthode que j'avais choisie.

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