Chapitre 10 :Mignonne.
#POV William #
Je gare la voiture devant le manoir . En descendant, les bruits commencent déjà.
«Waouh ! » Son visage gardait encore des traits juvéniles, ses yeux brillaient. Elle me regarde sans cacher sa surprise et pointe le manoir comme un enfant qui voit un éléphant pour la première fois .
« C'est gigantesque! Vous vivez ici? Vous êtes un prince ou quoi? »
En l'espace d'un temps très court, j'ai pu assister à des expressions de toutes couleurs. Elle est facile à lire, facile à satisfaire et libre de toute appréhension.
« Ça te plait je suppose. » Dis-je en la devançant. Elle me suit avec ses gros sacs en vacillant. Je l'aurai aidé à les porter mais je me suis retenu en remarquant la force dont ses bras possèdent.
« Vous parlez? C'est un manoir! »
Son excitation chute à l'entrée. Ce lieu est une propriété de la famille et remonte au XVII eme siècle. Il est resté pour des raisons historiques et personne n'y habite depuis mes 12 ans . Il est donc empoussiéré avec des filets d'araignées partout.
À mon arrivé imprévu , je n'ai pas voulu m'installer dans l'un des hôtels insalubres que David m'avait proposé. Je suis retourné ici en l'espoir de retrouver le confort et les souvenirs de mon enfance....Et ceux d'Eulma.
« S'il n'était pas si sale, je l'aurai pris pour un palais. Quelle déception. Pourquoi vous ne le nettoyez pas? Vivre ici me rendra asthmatique »
Une araignée descend du plafond, elle la regarde sans réaction .
«Tu es plutôt coriace pour une femme »
«Comment ça ?» elle se contente de contourner l'araignée . D'autres femmes allaient s'affoler si un insecte leur tombait sur la figure comme elle.
«Juste une remarque » je réplique coupant court à la discussion.
« Comment faîtes-vous pour vivre ici ? Bon Dieu, les rues sont beaucoup plus propres. »
« Calme toi, veux-tu ? » je n'ai jamais communiqué aussi longtemps avec quelqu'un de ma vie ,ça commence à m'irriter.
Elle me lance un mauvais regard, le mien n'est pas accueillant.
« Si tu vas continuer à faire autant de bruits alors le contrat est résolu ! » Ma journée à l'hôpital était épuisante et elle a consommé toute la force qui me restait.
« J'ai appelé une agence de propreté, j'attends qu'ils viennent. Je ne suis là que depuis quelques jours. »
Elle me toise silencieusement, je vois clairement qu'elle ne m'apprécie pas. Je me demande ce qui m'a pris de lui proposer un tel contrat. Je sens que je vais rapidement avoir des remords.
« Je peux le nettoyez. Annulez votre demande au pré de l'agence. »
« Tu n'as pas à faire ça. Contente toi de ce qui t'es assigné . »
« Si je peux aider mon grand frère, je le ferai. »
Lance-t-elle de nulle part. Sa voix m'a paru la même qu' Eulma, je m'arrête pour la dévisager ,perturbé. Ses joues sont roses, elle évitait mon regard. J'ai dû halluciner, pathétique.
« Fais ce que tu veux. »
Je soupir et la laisse pour monter les escaliers. Il y'avait le portrait de mes ancêtres accrochés çà et là. J'avais l'impression qu'ils se désolaient pour moi.
« Vous êtes différent. Ce n'est pas ce que je pensais de vous, vous êtes plus vivable de pré. » Elle articule ces mots avec une lenteur qui me laisse percevoir un doute.
« Par contre ,tu es exactement ce que je pensais de toi. »
Je m'arrête devant la porte de ma chambre et l'ouvre. Elle fronce les sourcils.
« Que pensez-vous de moi?Je pense avoir une idée »
« Une petite idiote. Impulsive et naïve. » je déclare.
« ... »
« Exactement comme Eulma. » continuai-je avec un sourire nostalgique .
Au fond, je savais qu'elle n'était pas ma sœur . Je suis devenu une huître désespérée pour jouer à un tel jeu . J'avais l'impression d'avoir une deuxième chance, de remonter le temps. Si j'aidais cette fille, vais-je enfin réussir à oublier ?
«Vous aimez bien votre soeur, je ne peux pas comprendre car je n'ai pas un grand frère . Je suis contente d'en avoir un comme vous même s'il ne s'agit que d' un jeu de rôle . » Elle met un doigt sur son menton. « Comment devrais-je vous appeler ? »
« Surtout pas Professeur ou Docteur. » Elle sourit, ses prunelles me scrutent avec timidité .
« William? » Réussi-t-elle à formuler. Ses cheveux bouclés flottaient à chaque mouvement de son fragile corps . Elle avait un accent qui la rendait mignonne?
« Oui, Eulma. Je suis là pour toi. » Murmurai-je ,ma voix étant enrouée de sommeil.
« Euh ... mm . »
Elle détourne ses yeux et regarde autour d'elle. Je lève un sourcil.
« Où est ma chambre? »
« Choisi celle que tu veux. Il y'a 13 de libre. »
« Je peux prendre celle-là ?» Elle indique la porte à droite de ma chambre. « Le manoir est grand , vaut mieux rester proche au cas où , vous savez. »Se dépêche-t-elle d'expliquer.
« Aucun problème, bonne nuit Eulma. » je rajuste ma lunette glissante et ferme la porte.
Elle interpose un pied. Je la regarde irrité. J'avais besoin de repos.
« Quoi ? »
« J'ai eu l'occasion de lire un peu le contrat. Vous avez noté ce que Eulma aimait faire et comment elle se comportait avec vous . »
« ..... »
Elle m'approche et ouvre la porte, je la laisse glisser et bascule contre le mur. Elle dépose une main sur mon front et soulève mes franges. Je la regarde perdu, déstabilisé par cette soudaine proximité . Elle se met sur les pointes de ses pieds, ses yeux se ferment lentement, ses joues légèrement roses. Elle dépose ses lèvres sur mon front, les presses tendrement contre ma peau puis se détache de moi.
« Bonne nuit, William ». Dit-elle aussi rouge qu'une cerise avant de courir et disparaître dans sa chambre.
Je verrouille la chambre et me jette sur le lit. Le sommeil me prend tandis que l'image d'Eulma se confondait avec celle de Narie dans ma tête embrumée .
💉💉💉💉
#Retour à Narie#
« Madame, ne bougez pas s'il vous plait. »
Je reçois un autre coup de son sac à main.
« Sale perverse! Je savais que je ne devrais pas venir à l'hôpital. J'ai 60 ans et 6 enfants! Je les ai eus sans aller à l'hôpital! Ce n'est pas ma première fois à accoucher! »
« Vous n'êtes pas enceinte! Laissez nous voir de quoi vous souffrez. Je vous promets que ça ne fait pas mal ! »
« Vous plaisantez? J'ai du sang qui coule, si ce n'est pas un enfant, c'est quoi? Vous ne connaissez rien et vous prétendez être médecin! »
Je souffle et fait le tour de la Salle d'examen .
Mamie est venue pour métrorragie après une ménopause de 5 ans . Elle a le ventre ballonné, une constipation depuis un mois. Elle dit l'être parce-qu'elle ne mange pas comme avant alors il est tout à fait normal de ne pas aller au toilette. Le pire est qu'elle pense être enceinte et me refuse de lui faire le Toucher vaginal. Ce n'est pas que je suis particulièrement fan mais j'ai une pathologie grave en tête et je dois vérifier.
« Madame, écoutez-moi bien. Vous avez déjà consulté avant de venir ici. Votre mari m'a dit qu'il s'inquiétait car le médecin lui avait fait comprendre qu'il peut s'agir d'une maladie potentiellement grave. Il faut que vous me laissez vous examiner. »
Je contracte ma mâchoire lorsqu'un coup atterri sur ma tête pour la énième fois.
« Je n'ai pas de cancer! Puisque je vous le dis! Pourquoi vous vous entêter tous à me coller cette maladie! »
« Laissez-moi vérifier, nous serons rapidement fixés . »
« Tu veux me mettre le doigt à l'intérieur! Sale médecin! Tu n'as pas honte? »
Je pose ma tête contre le mur, dépassée. Narie, tu peux le faire ! T'as réussi à faire pire! Je n'ai pas dormi hier. Je n'arrêtais pas de me remémorant la bêtise que j'ai faite. Il m'avait regardé comme si je l'ai faite par envie. C'était pourtant bien écrit! Il a sûrement nettoyé son front avec tous les désinfectants du monde. Je ne sais pas comment je lui ferai face ce soir.
« Je vais mourir? » Dit la vieille dame sur le lit d'examen. Sa voix était tremblante et inquiète.
« Nous allons tout faire pour que vous reprenez santé »
« J'ai des saignements depuis deux mois, c'est trop tard? »
« Je ne peux rien vous dire avant d'avoir le diagnostic. Il est inutile de vous inquiéter. » Tentai-je de la rassurer.
« Ma dernière fille a presque le même âge que toi, elle sera triste de me perdre. »
« C'est trop tôt pour vous la mort. Vous êtes encore débordante d'énergie. » Je m'approche d'elle et lui souris en prenant sa main. Elle tourne sa tête, ses cheveux blancs soigneusement coiffé sont dispersés sur le cuir noir du lit. Des larmes coulaient silencieusement entre ses rides .
« Ça ne fait pas mal? Le doigt dans le cul? »
Je ris et lui montre mes mains.
« J'ai des petits doigts, pour une maman de 6 enfants, ce sera une pièce de gâteau. Faîtes-moi confiance. »
« La science. Quelle sorcellerie. Je n'arrive pas à croire que je vais laisser une enfant regarder mes intimités. »
« Faîtes-moi confiance . » répétai-je et un triste sourire étire ses lèvres.
« Fais-toi plaisir. »
Elle écarte enfin ses jambes et ferme les yeux. Je mets de la vaseline sur mes deux doigts et procède à l'acte avec respect et reconnaissance.
Je palpe une masse au niveau du col utérin. Friable, irrégulière avec une infiltration des structures de voisinage. Le droitier ramène du sang que je renifle . La science est une magie mais elle ne nous permet pas toujours de sauver des vies quand c'est très tard. J'enlève mes gants et note sur le dossier médical ma découverte.
« C'est bon? J'ai rien senti. »
« Je vous l'avez dit. »
« Petite, c'est un cancer? »
« Vous avez des douleurs osseuses? » J'évite de lui répondre sans avoir le diagnostic certain même s'il est clair à 90% .
« Oui, j'ai très mal au dos. Je n'arrive plus à dormir et les anti douleur n'ont plus d'effet. »
Mon visage s'assombri, je palpe son foie, ses aires ganglionnaires. Des métastases.
Devant mon silence, elle me sourit et tapote sur mon dos pour m'encourager.
« Ne t'en fais pas, la vieille va s'en sortir. T'as un bon cœur. »
Je n'ose pas la regarder et me contente de lever et baisser la tête. Je lui tends l'ensemble des examens qu'elle devra faire.
« Je vais appeler le gynécologue, nous aurons besoin de vous faire une biopsie. »
« Je pense que je ne peux pas refuser? »
« Effectivement. »
Je lui passe le dossier d'hospitalisation en gynécologie. Elle se met en position assise puis se lève en trébuchant. Je l'aide mais elle refuse ma main et me donne un dernier regard avant que son mari ne vienne la chercher.
« Si j'avais consulté plus tôt , est-ce-que les choses seraient différentes? »
« Beaucoup. »
« Je ne dois rien regretter alors, ma vie était belle. »
« Ne perdez pas espoir, rien n'est sûr encore. »
« Petite, laisse-moi te dire un secret. Quand la mort arrive, on la sent. Prends soin de tes biens aimés, car quand il est temps de partir, tu n'auras pas des regrets. »
« Des biens aimés? J'en ai pas » lui répondis-je alors qu'il n'y avait plus personne dans la salle.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top