Chapitre 94
Désolée pour l'absence de chapitre la semaine dernière, je suis très occupée en ce moment avec mes cours :(
PDV Lester
Je ferme les yeux sous l'eau chaude et laisse mon esprit dériver vers mille et unes pensées. J'ai toujours apprécié ces moments seul, le liquide presque brûlant sur ma peau. Carter me répète sans cesse que je la mets trop chaude, à en juger par la couleur écarlate de mes pieds lorsque je sors de la douche.
Mais comme la majorité de ce que peut me dire mon meilleur ami, je l'entends sans pour autant l'écouter. Il parle bien trop, après tout. Il serait surhumain de retenir tout ce qui peut sortir de sa bouche. Et pas forcément intéressant, en plus de cela.
Je rouvre les yeux le temps d'attraper le gel douche, et mes doigts savonneux se retrouvent à passer sur l'encre gravée à jamais sur ma peau.
Ce tatouage m'a toujours évoqué beaucoup. Je ne l'ai pas fait à la légère, il représente une part importante de ma vie, aux sens multiples. Celui en surface, puis les plus profonds. Pourtant aujourd'hui, il ne m'évoque qu'une chose, une personne, un moment.
Ses grands yeux vairons se matérialisent devant moi, je sens presque encore ses mains se glisser sur ma peau à la place des miennes. Son odeur remplace celle du savon que j'utilise, et je me retrouve à grogner, et baisser la température au maximum.
Il suffit de son souvenir pour faire monter mon désir. Je suis irrécupérable. Je n'ai pas envie d'être récupéré, de toute façon. Elle est une nouvelle touche de folie dans ma vie. Encore un peu plus, pour rendre mon monde meilleur. Elle s'est insinuée dans ma vie, mon entourage, et maintenant dans ma peau. Je n'ai rien contrôlé, et si je devais revenir en arrière, je la laisserais prendre cette place que seule elle semble pouvoir occuper.
La porte de ma salle de bain s'ouvre à la volée, et je m'apprête à pester sur Carter, qui n'a jamais réussi à intégrer la notion d'intimité. Je me rappellerais toujours de cette fois, où il est entré et s'est assis sur le trône pendant que je me lavais. Son regard fermement fixé sur moi, il avait passé les minutes suivantes à ignorer mes tentatives de le foutre dehors, pour me raconter sa rencontre avec cette coiffeuse, dont il était sûr d'être amoureux. Le lendemain, il parlait de l'amour de sa vie, croisé au guichet du cinéma. Heureusement, il s'était cette fois contenté de m'en parler lors de ma pause clope du matin.
Mais quand mon regard se tourne vers l'individu que je vais foutre dehors, en envisageant de lui lancer la bouteille de shampooing, je m'arrête le bras levé dans sa direction, avant de lâcher mon arme du jour.
Arthur me fixe, sans faire attention à ma position, seulement concentré sur la raison de sa venue ici. Qui doit être suffisamment importante, car au contraire des deux autres habitants de cet appartement, lui ne rentre pas dans ma salle de bain à tout bout de champ.
Il a l'air paniqué, perdu, et peut-être même au bout du rouleau, quand on voit son visage défait. Or, peu importe la bêtise que peuvent avoir fait les bouts en train qui vivent avec nous, il aurait attendu pour m'en parler. A moins que l'appartement ne soit en feu.
Je ne lui demande pas d'explication, car il me la donne sans plus attendre. Un mot, un seul, qui me suffit grandement à comprendre que j'aurai peut-être préféré que Sam ou Carter ait fait brûler notre demeure.
- Lyra.
Il disparaît aussi vite qu'il est apparu, et jamais je ne suis sorti si vite de la douche. J'enfile rapidement un bas de jogging qui traîne là, sans faire attention au fait qu'il ne s'agit pas du mien et qu'il n'aurait pas dû se trouver dans cette pièce, et me dirige à grand pas vers le salon. Je ne pense pas aux gouttelettes qui tombent en cascade sur mon torse que je n'ai pas pris le temps d'essuyer. Je ne pense qu'à elle, et je reste figé en la trouvant en larme dans mon canapé, le regard planté sur mon arrivée.
J'oublie les trois hommes désemparés autour de nous et fonce sur elle, l'entourant de ce dont elle a besoin en ce moment. Elle ressortira trempée de cette échange, mais je doute qu'elle en ait quelque chose à faire.
Ses mains s'accrochent à ma peau, sans que je ne fasse attention à ses ongles qui vont probablement y laisser quelques marques.
Blottie dans mes bras, elle laisse échapper des larmes supplémentaires. Depuis combien de temps est-elle aussi dévastée ? Cela ne peut être que trop, dans tous les cas.
Je vois du coin de l'œil mes colocataires s'éclipser dans une chambre, pour nous laisser seul. Pour être précis, je vois Arthur les forcer à quitter la pièce, malgré leurs protestations silencieuses.
Je caresse doucement son dos, la berçant presque imperceptiblement entre mes bras. Je veux savoir ce qui la fait pleurer autant. Elle est triste, mais en colère, aussi. Je sens qu'elle même ne parvient pas à définir exactement tout ce qu'elle peut ressentir. Et au fond, je sais qui a pu la mettre dans cet état. Je me demande bien comment, cependant.
Je reste dans cette position de longues minutes. J'en ai des fourmis dans les jambes, mais je ne lui en dis pas un mot. Je veux seulement qu'elle se calme, et j'attends le temps qu'il faut, jusqu'à ce que ses sanglots se tarissent. Elle relève le visage de mon cou doucement, et si les larmes coulent toujours, c'est la colère, qui semble prendre le dessus.
Je l'entends dans sa voix, je la perçois dans les traits tirés de son visage, et dans ses petits poings, qu'elle garde fermement serrés.
- Ils ont trouvé les brochures que tu m'as donnée. Ils ont pensé que je voulais reprendre le violon. Alors ils ont été cherché le mien au grenier. Quand je suis arrivée, une professeur m'attendait dans le salon.
J'ai envie de lever les yeux au ciel tant je trouve leur démarche maladroite. Ils devraient savoir, que prendre ce genre d'initiative avec elle n'est souvent qu'une source de problème. Ils l'ont bien vu avec le diaporama à son anniversaire. D'un autre côté, je ne vois là qu'une énorme maladresse, induite par un fol espoir de voir leur fille rejouer à nouveau.
- Ils n'ont pensé qu'à eux, encore. Ils auraient dû attendre ! Ils auraient dû m'en parler ! Ils n'avaient pas à faire ça...
- Je pense qu'ils n'ont pas réfléchi...
J'essaye de le glisser doucement, mais elle fait comme si elle n'avait pas capté mes paroles. Je suis pourtant certain qu'elle les a comprises.
- Ils font toujours ça. Pour la perte d'Aria, pour mon handicap, et maintenant pour la musique. Il faut toujours que ce soit comme ils en ont envie. Jamais mes sentiments ne rentrent en compte.
- Ils avaient peut-être envie que tu recommences une activité qui autrefois te rendait heureuse.
En tout cas, c'est ainsi que je le vois. Peut-être parce que je les connais moins bien qu'elle, et aussi parce que je n'ai pas envie de penser que leur démarche était tout à fait égoïste. Je suis pour une fois plus mesuré qu'elle ne peut l'être.
- Non, ils veulent juste faire comme avant, comme si l'accident n'avait jamais eu lieu. Ils veulent vivre dans le passé, même si cela m'empêche d'avancer.
Je comprends de part l'éclat dans son regard que je ne parviendrais pas à la faire changer d'avis sur ce point. C'est peine perdue, et je n'ai pas envie de créer des tensions entre nous en tentant de défendre ses parents. Elle n'est pas encore prête à entendre qu'il y a peut-être une autre façon de voir les choses que la sienne.
- Tu as essayé de leurs parler des sections compositions ? Histoire de leurs faire comprendre leur erreur.
Mais cette fois, son regard se détourne du mien, et mes sourcils se froncent. Non, elle n'en a pas parlé. Cela, je n'en ai pas grand-chose à faire. C'est ce que je capte, plus profondément, qui m'interroge.
Je relève son visage pour qu'elle pose ses yeux sur mes lèvres, bien qu'elle fuit mon regard.
- Tu as lu les brochures ?
Son visage me répond à sa place, et je sens une vague de colère monter en moi. Je veux la retenir. Je ne veux pas exploser, pas maintenant, pas contre elle. Elle vient de se disputer avec ses parents et elle n'a pas besoin de plus. Plus que cela, je n'ai pas envie de mettre des tensions dans notre relation. J'essaye de calmer ma respiration, de contenir ce que je peux ressentir. Pas seulement de la colère, mais aussi de la déception.
- Tu m'avais dit que tu les lirais.
C'est tout ce que je lui avais demandé. Au moins de les lire, et d'y réfléchir. Elle n'a fait aucun des deux.
- Je ne l'ai pas dit.
Sa mauvaise foi se lit sur les traits de son visage, signe qu'elle sait très bien ce qu'elle fait. En effet, elle ne l'a pas dit. Elle a hoché la tête pour me dire qu'elle approuvait ma demande. Juste 5 minutes de son temps, pour découvrir ces endroits que j'ai trouvé pour elle. Que j'ai cherché pendant des heures pour elle.
- Ne joue pas sur les mots.
Elle ne dit rien, et je m'en veux. Je m'en veux de lui en vouloir, parce que je me sens trahi, en quelques sortes.
J'ai dû mal à parler, du mal à contenir ce que je ressens.
- Est-ce que tu as au moins eu l'intention de les lire ?
Elle baisse la tête, et me répond si faiblement que je l'entends à peine.
- Les lire, oui.
Rien de plus, mais une réponse sous-jacente, que j'entends sans grand mal. Elle les aurait éventuellement lu. Mais jamais elle n'aurait réfléchi à l'idée d'y aller. Jamais elle n'a eu l'intention et l'envie de le faire. J'ai l'impression qu'elle piétine mes efforts. Des efforts que je n'ai pas fait pour moi. Mais pour elle, parce qu'elle en a besoin, et qu'au fond elle le sait très bien.
Je serre l'arrête de mon nez et détourne le regard d'elle, pour tenter de me calmer. J'ai de plus en plus de mal à me retenir, et je sens que je suis proche d'exploser. Je ne supporte pas ça. Pas qu'elle n'ait pas lu ces brochures. Mais qu'elle ne fasse rien pour aller bien. Elle ne sera jamais totalement heureuse, sans ça. Je déteste la voir se faire du mal en s'éloignant de ce monde qui est le sien. C'est trop dur à regarder.
Encore plus quand j'entends sa voix, presque en colère contre moi. Elle n'a pas le droit de m'en vouloir.
- Je t'avais dit que je ne voulais pas aller dans ces écoles.
Mon regard se fixe sur elle, presque trop durement à mon goût. Je n'arrive plus à me contenir, cette fois. Et je déteste lancer, ou continuer je ne saurais dire, cette dispute qui monte entre nous. Cela me fait mal de me prendre la tête avec elle, mais c'est plus fort que moi. Je ne peux pas encaisser sans rien dire quand je la vois se détruire à petit feux.
- Je ne t'ai pas demandé de le faire. Seulement de lire des putains de papiers. Et tu avais accepté de le faire.
- En quoi c'est si important ? Ce n'est que des putains de papiers, comme tu dis.
- Ce n'est pas les papiers, l'important. C'est ta volonté de te faire du mal. Encore une fois.
Elle fronce les sourcils. Je sais qu'au fond d'elle, elle comprend ce que je dis. Mais elle n'est pas encore prête à l'admettre.
- Je ne veux pas reprendre la musique. C'est de m'en parler sans cesse, qui me fait du mal !
- Si tu ne voulais pas reprendre, jamais tu n'aurais écrit cette partition avec moi !
- Et bien si j'avais su ce que cela te mettrait en tête, je ne l'aurai pas fait !
Elle n'en pense pas un mot, je le sais, mais cela paraît si vrai, dans sa voix, que j'en viens à douter. Cela me calme un peu, ou tout du moins, ma voix se pose et cesse de crier plus que je ne le voulais.
- Pourquoi tu ne peux pas accepter avoir besoin de cet univers ? Tout le monde le voit, autour de toi.
- Et pourquoi tu ne peux pas entendre que je ne le veux pas ? Ce n'est pas toi qui est sourd, à ce que je sache !
Elle, n'arrive pas à poser sa voix. Sa colère est au moins aussi grande que la mienne, et si mon contrôle est partiel, le sien est inexistant.
- Justement tu es sourde ! Pas aveugle ! Combien de temps vas-tu nier l'évidence ? A quoi bon te faire du mal, bordel !
- C'est toi qui me fait du mal là !
Comme un coup de poignard dans ma poitrine. Je déteste l'idée que cela puisse être vrai. Pourtant, je sais au fond qu'elle ment. Qu'elle se ment à elle-même d'ailleurs. Elle se fait du mal elle-même en niant ce que pourtant son cœur, son âme tout entière lui hurle. Je suppose que c'est plus facile de remettre la faute sur moi que de les écouter.
Il n'y a plus de raison, entre nous, dans nos paroles à ce moment là. Juste l'expression brute de nos sentiments. On le regrettera. Je commence déjà à le regretter. Mais ils nous poussent à continuer, à aller au bout de leurs expressions, quitte à en ressortir blessé, l'un comme l'autre.
- Tu vas continuer à te faire du mal et à accuser les autres ? Tes parents, moi ?
Je laisse planer un silence, durant lequel elle ne répond rien. Elle me laisse terminer ma pensée, et au fond, je sens qu'on arrive au bout de cette « conversation ».
- Ou bien tu vas enfin admettre qu'on a raison, que tu as besoin de la musique dans ta vie ?
- Jamais.
Et les mots sortent sans que je ne puisse y penser. Sans que je ne les contrôle, comme tous les autres.
- Alors on a rien à faire ensemble.
Les siens sont tout autant irréfléchis que les miens. Tranchants, comme ceux que je viens de prononcer.
- Dans ce cas, c'est fini.
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Comprenez-vous la réaction de chacun ?
En tout cas, une "discussion" qui finit mal... les choses vont-elles s'arranger ? Réussiront-ils à comprendre le point de vue de l'autre ?
A la semaine prochaine (en tout cas j'espère avoir le temps),
Kiss :*
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