Chapitre 92

 PDV Lyra

Je ne comprends pas. Je ne cherche pas à comprendre, parce que je me laisse aller corps et âme dans le baiser qu'il m'offre dès ses lèvres refermées.

Je laisse cette passion que je ne sais pas réfréner m'envahir, une nouvelle fois. Je l'accueille à bras ouvert, savourant les sensations que me donnent cet échange. Il m'électrise, comme chaque fois que Lester me touche. Chaque fois qu'il me regarde, me sourit, m'embrasse.

Son bras glisse dans mon dos, laissant ses doigts passer sur mon postérieur. Je m'agrippe à son t-shirt, retenant du mieux que je peux un gémissement quand cette même main me plaque contre son bassin. J'y sens son désir, tout comme je sens le mien.

La gêne m'envahit, quand je pense au lieu où nous nous trouvons. Mais elle est bien plus faible que ce désir irrépressible qui coule dans mes veines. Quelqu'un pourrait entrer. Quelqu'un pourrait entendre.

Il doit comprendre ma pensée, et sépare nos lèvres. Il me regarde, sans rien dire, et je ne sais pas quoi faire. M'écarter de lui, remettre de l'ordre dans mes vêtements, et tenter vainement d'oublier ce feu qui grandit au creux de mon ventre ? Je n'en suis pas capable, je le sais. Et peu importe à quel point je ne suis pas encore tout à fait à l'aise avec toutes les envies qui me passent par la tête depuis que je suis avec lui, je ne peux pas y résister. C'est moi qui m'avance, qui me colle à lui, et qui l'embrasse avec toute cette passion dont je déborde.

Je n'oublie pas qu'une porte nous sépare des autres. Je ne trouve pas excitant l'idée qu'on puisse nous surprendre, même si je peux comprendre que cela soit le cas d'autres personnes. Ce que je trouve excitant, c'est lui. Ce que j'oublie, c'est ma gêne, mes angoisses. Je les mets dans un coin de ma tête pour savourer ses caresses.

Mes fesses butent contre la table de maquillage, et je ne saurai dire comment je me retrouve assise dessus, l'homme qui m'embrasse entre mes jambes.

Au fond, je ne suis pas capable de comprendre ni de savoir grand-chose d'autre que les sensations que je ressens. La seule chose que je peux dire avec précision, c'est l'endroit où ses mains me touchent. Parce que chaque centimètre d'épiderme qu'il caresse me brûle intensément. Ce n'est pas douloureux. C'est la plus agréable des sensations.

Ses doigts sous mon t-shirt, qui entourent mes seins. Son désir tendu, contre le mien. Ses baisers mouillés, sur la peau de mon cou. Tout s'enchaîne dans une danse qui semble parfaitement rodée. Le désir, le plaisir, l'envie grimpent en moi, tout au fond de moi. Dans les endroits les plus intimes de mon corps, ceux que je n'ai plus aucun mal à le laisser toucher. Ceux que je veux qu'il touche.

Je ne sais pas à quoi ressemble le son qui sort de ma bouche quand sa main y arrive. Ses doigts me frôlent avant de se poser de tout leur long sur cette zone si sensible de mon anatomie.

Quand a-t-il défait mon pantalon ? Peut-être quand son autre main sur ma poitrine me faisait oublier tout ce qui se trouvait autour de nous.

Je ne veux pas savoir. Je veux profiter, me laisser aller dans ce qu'il me donne.

Ma tête part en arrière et frappe le miroir quand ses doigts s'insinuent en moi. Pas de délicatesse. Pas de brutalité non plus. Juste ce qu'il faut, pour me faire tanguer au bord de ce précipice. Je veux y tomber, mais il me maintient au bord, encore un peu, pour faire durer ce moment. Je ne saurai lui en vouloir, tant le panel de sentiment est fort et bon.

Il contrôle mon désir, et je n'ai pas peur de lui laisser ce pouvoir sur moi. Je sais avoir le même sur lui.

C'est quand je croise son regard, cette teinte sombre mais si attirante, auquel je ne serai résister, que je tombe de cette falaise. Le gouffre de la jouissance m'accueille à bras ouvert, et j'y plonge sans regret.

Ses doigts cessent de bouger, mais sa bouche recommence à m'embrasser.

Je voudrais lui dire je t'aime. Parce que c'est les seuls mots que je parviens à penser. Je ne saurais dire si c'est mon cœur, mon esprit ou mon corps, qui m'empêche de lui révéler. Peut-être est-ce un peu des trois, peut-être savent-ils que ces mots doivent encore rester cachés.

C'est une déclaration que je ne suis pas prête à faire, et qu'il n'est pas prêt à entendre. Un pas que je ne saurais faire et qu'il ne saurait accepter.

Notre rythme me convient et je ne suis pas pressée de l'accélérer. Je veux profiter de chaque seconde, parce que je saisis à quel point elles peuvent être précieuses.

Je ne briserais pas notre relation pour un aveu que ni l'un ni l'autre ne sommes préparés à encaisser.

Alors je me contente de m'enfoncer dans ce ravin de plaisir que je découvre chaque fois plus profond. Et dans lequel je voudrais rester indéfiniment.

**

Mon sourire ne tarit pas, mon esprit ne cesse d'y penser, et mes joues de rougir. J'ai beau avoir quitté ce bar, être loin de ses bras, et de son regard, les sensations restent aussi vivaces en moi. L'effet de Lester sur ma personne semble n'avoir aucune limite, et je ne peux que me demander si le mien sur lui est aussi puissant.

Ai-je un jour imaginé que cela puisse être possible ? Non. Mais je n'ai jamais cherché à le savoir. Avec lui, pourtant, je me demande jusqu'où peut aller ce contrôle, à quel point peut-il m'atteindre même en étant absent. Je veux le découvrir, parce que ce que cela fait naître n'a rien de néfaste. Bien au contraire.

Je dois avoir l'air idiote. Coupable d'avoir eu des échanges intimes quelques minutes auparavant. Je suppose que c'est inscrit sur mon visage. Si l'on pouvait entendre les battements de mon cœur, ils raconteraient à qui veut bien l'entendre ce qu'il vient de se produire. Et aussi à quel point je suis atteinte par cet homme. C'est presque comme être malade. Le cœur qui accélère, les joues qui rougissent, une sensation de chaleur dans tout le corps, la tête qui tourne. Seulement ces symptômes d'ordinaire si gênants sont ici plus que satisfaisants. Si l'amour est une maladie, qu'on ne me soigne jamais je vous en prie.

Je tente de me calmer, d'arrêter d'avoir l'air béate, avant de passer la porte de la maison. Hors de question que ma mère comprenne ce qu'il vient de se produire. Je ne suis vraiment pas emballée à l'idée de la conversation qu'elle lancerait. Et je n'ose pas imaginer comment je me sentirais, si c'était mon père qui devinait. Bon sang, je ne veux pas que cela se produise.

Mais mon visage n'a pas le temps de me trahir que l'étonnement prend le dessus sur toutes les autres émotions. Mes géniteurs dans l'entrée, un sourire jusqu'aux oreilles, m'accueillent avec une joie que je trouve un peu trop explosive.

Ce n'est rien d'habituel, rien de normal, d'être si heureux que je rentre à la maison. On pourrait presque croire que je viens de passer un an à l'étranger, et qu'ils me retrouvent juste. Sauf que je suis partie il y a quelques heures seulement, et que rien ne peut justifier un tel accueil.

Ou presque rien. J'ai perdu l'ouïe mais j'ai développé mes autres sens. Ma vue ne loupe pas grand-chose, en général, et cette fois-ci, je ne rate pas ce qui est posé sur la table, juste derrière eux.

Ces prospectus que Lester m'a donné, ceux auxquels j'ai juré de penser, avant de les fourrer au fin fond d'un tiroir bien fermé. Pas si bien fermé, visiblement.

Une boule de stress monte en moi. De colère aussi. Je sens ce qu'il va se produire. Je ne veux pas que cela arrive, pas alors que nous commencions à nous retrouver. Mais j'ai l'impression de ne plus rien contrôler. Et contrairement aux moments avec Lester, je déteste ne pas me sentir maîtresse de la situation.

Je fonce vers eux, entre eux, pour me saisir de ces bouts de papier. Je recule lorsque ma mère tente de poser une main sur mon épaule, comme si elle allait me brûler. Elle ne semble pas s'en rendre compte. J'ai l'impression qu'ils sont ailleurs, dans leur monde. Exactement comme ces 5 dernières années.

- Chérie je te jure que je n'ai pas fouillé dans tes affaires, mais en faisant un brin de ménage, je les ai aperçus, ton tiroir légèrement entrouvert.

Je suis à peu près certaine que le tiroir était fermé, et j'ai comme dans l'idée qu'elle a simplement voulu vérifier si j'avais utilisé les préservatifs qu'elle a laissé. Je ne sais pas ce qui est le mieux. Qu'elle ait trouvé ses brochures et complètement oublié ce qui l'avait amené ? Peut-être aurai-je préféré qu'elle s'en tienne à ce qu'elle venait chercher.

- Ma puce je ne peux pas te dire à quel point je suis heureux que tu es décidé de reprendre le violon.

Comme moi, ils ont été trompé par les images présentes sur ces papiers. Mais ce n'est pas pour cela que Lester me les a donné. Je voudrais leurs dire. Je voudrais qu'ils cessent de penser que je veux rejouer. Je voudrais même qu'ils me connaissent suffisamment pour n'en avoir jamais eu l'idée. Les mots ne viennent pas. Je ne peux rien dire, alors qu'ils enchaînent l'un et l'autre les expressions de joie, de fierté, sans remarquer un instant ce que je peux ressentir.

La colère se décuple, chaque minute. J'ai l'impression de faire demi-tour et d'oublier tous les pas que nous avions fait pour nous réparer. Ils sont en train de tout briser, à nouveau. Alors que rien n'était encore recollé.

Mes yeux se posent sur l'homme que mon père désigne d'un doigt, dans le salon. Je crois comprendre que dans leur joie, ils ont de suite cherché un professeur. Ils se posent ensuite sur mon violon, dépoussiéré sur le canapé. J'ai du mal à lire ce qu'ils sont en train de dire. J'ai l'impression de ne plus rien voir correctement. Tout devient flou, mes mains tremblent, comme mes jambes. Je ne suis pas sur le point de m'évanouir. Seulement d'exploser.

- Dehors.

Un mot, un seul, qui franchit la barrière de mes lèvres. Ils cessent de parler, me regardent sans comprendre, mais mon regard n'est pas sur eux. Il est campé sur cet homme, qui n'a rien demandé, mais que je ne peux supporter d'apercevoir. Il ne bouge pas, autant chamboulé que mes parents, alors je répète, plus fort. Et encore une fois, toujours plus fort. Le mot sort en boucle d'entre mes lèvres, je hurle, j'en deviens presque folle. Je ne me vois pas, mais je sais à quoi je ressemble. Je suis une grenade que l'on vient de dégoupiller, et je vais tout raser autour de moi.

Je dois bien hurler une cinquantaine de fois, sans même penser à respirer, avant que l'homme ne se saisisse en vitesse de ses affaires et passe la porte, choqué.

Et puis je me tourne vers eux. Je vois tous leurs sentiments qui s'entremêlent. De la honte. De la gêne. De l'étonnement, de l'incompréhension. Mais surtout, de la colère.

Sauf qu'ils n'ont pas le droit d'être en colère. Je suis déjà en train d'exploser. Ils vont devoir le comprendre. Ils vont devoir l'encaisser. Ils vont devoir l'accepter.  

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