Chapitre 9

PDV Lester

Quand j'ouvre les yeux ce lundi matin, j'ai envie de râler. Pas parce qu'on est lundi, mais parce que je sais bien ce que je dois faire aujourd'hui. Après une semaine à repousser l'échéance, il va bien falloir qu'on s'y mette, à cet exposé. Travailler avec une autre personne, sur un sujet qui me dépasse, cela m'agace.

Déjà, parler aux autres, en soi, ça m'agace. A part peut-être avec la bande d'idiots qui vit avec moi, et encore, pas toujours.

Je n'ai rien contre l'Ovni. Je m'en fiche, pour tout dire. Mais je n'ai pas envie d'avoir de contact avec de nouvelles personnes. Et travailler ensemble, aller chez elle, devoir échanger, c'est du contact. C'est prendre le risque qu'après, elle ne me lâche pas. Je n'ai pas l'impression qu'elle soit du genre à s'accrocher aux gens. Elle paraît plutôt détachée de tout en général. Mais sait-on jamais.

J'ai repoussé le moment où je devrais lui parler une nouvelle fois. Repousser l'instant où je devrais me rendre chez elle. Je ne suis pas un grand bavard. Je ne connais rien à l'amour, et je ne veux rien connaître. Nos échanges paraissent mal parti, et je me demande comment on va pouvoir mener à bien ce projet.

Mais ce matin, retour en philo, retour à côté d'elle, et il faut se rendre à l'évidence, il va bien falloir que je me décide à bosser. Plus vite ça sera fait, plus vite on sera débarrassé. De toute façon, elle non plus n'a pas l'air vraiment emballée par cet exposé.

Si j'avais un moyen d'éviter de travailler avec les autres, encore plus sur un sujet tel que celui-ci, je le ferais. Mais je n'ai rien trouvé, et ce n'est pas faute d'avoir chercher. Il n'a pas moyen que je ne travaille pas, le professeur c'est assuré de palier à toutes les éventualités. Me voilà contraint de m'engager un minimum avec une nouvelle personne. Mais vraiment un minimum. Je ne veux pas la connaître. Je ne veux pas qu'elle me connaisse. Je me fiche bien de ce qu'elle pense de moi, et je pense que la réciproque est vraie.

Mais un point déterminant finit de m'agacer. Il a bien précisé qu'il voulait un exposé personnel. Et comme Carter s'est amusé à me le rappeler, pour faire du personnel, il faut connaître l'autre. Alors il va falloir trouver comment contourner cette règle, parce que je ne veux pas qu'elle rentre dans ma vie. Mon monde est complet. Il y a 3 idiots à l'intérieur, un père et surtout une énorme place pour la musique. Mais pas de place pour l'ovni, ou pour n'importe qui d'autre.

Je passe sûrement pour un connard, mais je dois dire que j'en ai rien à faire. Au moins, on ne peut pas me reprocher de faire des discriminations, avec moi, c'est tout le monde pareil. Elle, une autre, je m'en fiche. Sauf que je vais devoir me retenir d'en avoir rien à faire au moins pour un temps. Être sympa. Encore que ça, je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire. Pourquoi me faire passer pour ce que je ne suis pas. Je ne suis pas sympa, je dirai plus que je suis asocial. Je n'aime pas les autres, je ne leur trouve pas d'intérêt. Et je doute de rencontrer un jour une personne qui me fera changer d'avis.

Je finis par cesser de ruminer dans ma chambre pour aller ruminer dans la cuisine. Je crois même que mon humeur se dégrade encore quand je vois le sourire moqueur et satisfait de Sam.

Sans parler des yeux de biche de Carter, dans son uniforme débraillé, la cravate à peine droite. Qu'est-ce qu'ils foutent, à attendre comme ça dans le canapé, les yeux fixés sur ma porte de chambre ?

- Tu vas parler à Lyra aujourd'hui ?

C'est donc ça qui les intéresse. J'aurai dû m'en douter. Depuis qu'ils ont appris que j'allais travailler avec elle, ils ne me lâchent pas. Un intérêt énorme pour une fille qu'ils ne connaissent pas, et cela me dépasse. Si ils sont si enjoués à l'idée de cet exposé, qu'ils le fassent après tout.

Je m'avance vers le frigo et réponds à Sam sans le regarder.

- Tu es déjà levé, étrange.

- Je ne voulais pas louper ta tête. J'avais raison, elle était à ne pas manquer.

Il est fier de lui, et le pire, c'est qu'il est sérieux.

- Tu l'emmènes ici ?

- Non Carter, je t'ai déjà dis que c'était hors de question. Remet ta cravate en place et fais pas chier.

Il penche la tête vers l'objet et essaye de faire mieux, bien qu'il ne soit vraiment pas doué avec ça. C'est sa troisième année dans ce lycée de bourge, et pourtant, il est toujours pas foutu de s'habiller correctement.

- Mais je veux la voir moi !

- C'est pas mon problème.

Je sens une bouteille de lait ouverte avant de grimacer. Bordel, depuis combien de temps elle est là elle ?

Du coin de l'œil, je vois Sam se retourner sur le canapé pour me regarder toujours avec ce même sourire.

- C'est parce que tu la trouves trop mignonne que tu veux la garder pour toi ?

Je n'ai jamais entendu autant de connerie dans une même conversation, et pourtant, ils ont en général un bon niveau.

- Vous me fatiguez.

Et en plus, ils me coupent la faim, si bien que j'attrape mon sac et me dirige vers la sortie, sous les rires de Sam. Avant que je n'ai le temps de la claquer, je suis obligé d'entendre Carter me rabâcher ce que je sais déjà et que je n'accepte pas.

- Oublie pas que pour du personnel, il faut apprendre à se connaître !

En descendant les escaliers, je râle. En montant sur ma moto, je râle. Sur la route je râle, et en arrivant au lycée, je vous le met dans mile, je râle. Je ne veux pas qu'elle me connaisse, je ne veux pas apprendre à la connaître. Alors pour le moment, on va faire sans, et on avisera. Depuis quand un exposé doit être personnel de toute façon. Encore une idée à la noix.

Je suis tellement agacé par toute cette situation que je ne capte même pas que je suis déjà installé dans la salle, une pimbêche blonde à côté de moi. Je ne l'avais pas vu arriver. Elle a l'air fière d'elle, comme si elle avait trouvé le Graal. Bordel, comment j'ai fais pour ne pas m'en rendre compte avant ? Que ce soit sa présence largement détectable par la bouteille de parfum qu'elle a dû se vider sur le corps, ou bien par les ricanements impressionnés de ses amies.

Je plante mes yeux dans les siens, déjà bien énervé de mon début de journée. Je la vois frémir mais elle ne se départie pas de son sourire refait. Comment peut-on être autant fausse à cette âge là ?

- Dégage.

Son sourire s'éteint et les rires des autres cessent, alors qu'elle se lève, honteuse, pour aller trouver du réconfort au près d'eux.

Effectivement, je suis bien un connard. Est-ce que ça me dérange ? Non. Imaginez bien que si déjà une personne assez « simple » comme l'ovni ne peut pas entrer dans ma vie, ce genre de fille en sont bannis pour toujours. Je ne suis pas fan du plastique et des facettes.

Je ne sais pas ce qui attire en premier mon regard entre sa chevelure rousse ou la tenue jaune fluo de son amie. Du coin de l'œil, je la vois se tourner vers l'arc-en-ciel, et lui échanger un regard peu sûre d'elle. Comme si elle cherchait à se donner du courage. Je suis si intimidant ? Il faut dire que je ne fais rien pour paraître autrement. Déjà qu'avec cette apparence, je me fais quand même emmerder, alors je me demande ce que ce serait si j'étais accueillant.

Mon dieu je ne veux pas y penser.

Elle finit par traverser la salle, toujours en se fichant des commentaires des autres. Si elle ne les entend pas, je suis sûre qu'elle les comprend, et je trouve toujours cela curieux qu'elle ne réagisse pas plus que cela. C'est presque impressionnant.

Elle s'assoit à côté de moi sans me regarder, se contentant de sortir son enregistreur et de quoi prendre des notes. Moi je reste silencieux, car si il va falloir que je lui parle, je préfère retarder encore un peu le moment.

Et durant tout le cours, je ne dis rien. Je me contente d'observer. Je la vois anxieuse, comme si elle voulait briser le silence entre nous, sans oser le faire. Sûrement est-ce dû à mon attitude au dernier cours. Je la vois aussi regarder autour d'elle, pour comprendre tout ce qui peut se dire sur elle, sur notre duo pour le moins improbable et incompatible. Ce qui est fou, c'est qu'alors même qu'elle ne fait rien, ils se foutent d'elle. Ils n'ont vraiment rien de mieux à faire de leur vie ?

Et je le vois se dandiner sur sa chaise. Elle se retient. Mais de quoi ? De leur répondre, ou de me parler ? Ou les deux, peut-être.

Quand la sonnerie retentit, je la vois dépitée en se rendant compte qu'elle n'aura pas nouer de dialogue avec moi, et que je n'ai pas cherché à le faire non plus. En me levant, je m'arrête un instant et la regarde. Elle remarque mon temps d'arrêt et finit par lever la tête vers moi.

- Ce soir, sortie des cours ?

Je n'ai pas besoin de lui en préciser plus. Elle ne paraît pas stupide, elle aura comprit ce que je veux dire. Comme la dernière fois que je lui ai parlé, elle paraît surprise, et met quelques instants avant de me répondre.

- Oui.

Je hoche la tête pour toute réponse et m'apprête à partir quand elle m'arrête en agrippant mon sac. Elle-même paraît gênée de son geste, si bien qu'elle lâche l'objet aussitôt, et rougit à la fois à cause son action et du regard de la classe envers elle.

Moi je ne dis rien et j'attends d'entendre ce qu'elle veut rajouter.

- Mon adresse...

- Je suivrais le chauffeur.

Je ne lui laisse pas le temps de répliquer que je suis déjà sorti, la laissant plantée là.

Elle se demande peut-être comment je sais qu'elle a un chauffeur. Il faut dire qu'il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte. Je ne passe pas mon temps à l'observer, pourtant.


Le soir, c'est avant elle que j'arrive sur la parking. J'avance ma moto non loin de la voiture que je reconnais, patientant appuyé sur elle. Elle finit enfin par sortir, et tandis que son amie arc-en-ciel la salut, elle me fixe. Elle a l'air gênée, et en pleine réflexion. Elle finit par avancer, et alors qu'elle s'apprête à me parler, je lui fais comprendre qu'il n'y a rien à dire en enfilant mon casque. J'enfourche ma moto tandis qu'elle monte dans la voiture, et nous démarrons. Pas de temps à perdre, j'ai déjà envie de rentrer chez moi.

Nous nous dirigeons rapidement vers les beaux quartiers. Pas étonnant quand on a un chauffeur, pas étonnant non plus que la maison devant laquelle nous nous garons soit digne d'un film. Une gosse de riche, mais qui ne semble pas en avoir tous les travers. Enfin, pour ce que je vois d'elle, c'est-à-dire pas grand-chose. Et puis je suis mal placé pour parler, quand on voit le compte en banque de mon père. Vivre dans un petit appartement reste mon choix, je pourrais tout aussi bien avoir une grande maison comme celle-ci.

Toujours avec cette gêne sur le visage, l'ovni, je vais m'évertuer à l'appeler ainsi, s'avance vers la porte, glissant un regard en arrière pour s'assurer que je la suis. Je capte un regard du chauffeur, et un sourire que je ne m'embête pas à tenter d'interpréter. Je passe la porte, et tout de même bien élevé, essuie mes pieds.

A peine avons-nous passons l'entrée qu'une boule de poils saute dans les jambes de la jeune femme. Elle s'accroupit devant le labrador pour lui offrir de nombreuses caresses affectueuses, et moi, je me contente de regarder son sourire. C'est la première fois depuis qu'elle a mis les pieds dans notre école que je la vois sourire de cette façon. Un sourire vraiment sincère. Comme ça, elle a l'air différente. Dans son élément, avec son chien. Comme si c'était l'animal qui lui procurait sa seule source de joie.

Quand elle sourit, elle a une fossette qui apparaît au creux de la joue. Carter adorerait ce détail, ce qui me renforce dans l'idée qu'elle ne doit jamais mettre les pieds chez moi. Cet imbécile la prendrait pour cible sans aucun doute.

Le canidé se détache d'elle pour venir se frotter contre mes jambes. La première chose à laquelle je pense est la somme de poils qu'il va rester sur mon jean noir après ça. Je finis tout de même par me pencher un peu pour lui procurer quelques caresses sur le museau. Je me stoppe rapidement, et remarque le regard de Lyra sur moi. Elle ne dit rien, et moi non plus, jusqu'à ce que je décide de briser le silence. On ne va pas rester là cent ans.

- On y va ?

Elle détourne rapidement la tête en acquiesçant, et se dirige vers ce qui est à première vue le salon. Elle se stoppe en voyant le désordre qui règne et semble se résigner à changer d'espace. Sans me demander de la suivre, elle avance vers les escaliers. Elle a enfin comprit que moins de bavardages il y a, mieux cela me va. Je la suis et nous montons, jusqu'à ce qui est logiquement sa chambre. Je regarde rapidement autour de moi et reste pensif. C'est si... impersonnel. La chambre est normalement un lieu d'intimité, un lieu où l'on est nous-même. Mais dans son cas... ce n'est pas ça. C'est fade, sans vie. Cela n'apprend rien sur elle, même si ce dernier point ne me dérange pas le moins du monde. Le chien nous a suivit et s'installe sur le lit, pendant qu'elle dégage une chaise qui servait de repose vêtements. Sans un mot, elle la déplace vers moi, et s'installe sur sa chaise de bureau. Elle sort ses affaires, et s'évertue à ne jamais croiser mes yeux. C'est plutôt amusant, de la voir gênée ainsi. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, elle est gênée que je sois ici, en particulier dans cette pièce. C'est amusant, et si elle avait été une personne qui comptait pour moi, je me serais sûrement mis à la taquiner.

Sans le contrôler, je me mets à imaginer quels seraient ses mimiques, si je le faisais. Ça m'agace de penser à cela, car ça n'arrivera jamais.

Une nouvelle fois, le silence règne en maître dans la pièce, et j'avoue que cela ne me dérange pas plus que cela. Seulement, si on veut avancer, et surtout avancer vite pour terminer vite, il va falloir le briser ce silence. Il va falloir communiquer, donc faire un effort.

Et bordel, j'ai pas commencé, mais qu'est-ce que ça m'emmerde.

Mais bon, quand faut y aller... bah faut y aller.  

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Lester aurait-il un cœur de pierre ? Surement pas, mais on peut dire qu'il est bien garder ! En tout cas, ne vous attendez pas à ce qu'il fonde pour Lyra et soit tout gentil aussi vite. Un gars comme ça, il lui faut du temps. Vous l'appréciez ? 

A vendredi pour la suite, 

Kiss :*

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