Chapitre 79
PDV Lyra
Je ne connais pas cette femme. Je ne la connaîtrais probablement jamais, et je dois dire que je n'en ai pas envie, de toute façon. Je ne la comprends pas. Je n'en suis tout bonnement pas capable. Abandonner son enfant, sans aucun remord. Elle a gâché sa vie, et encore aujourd'hui, il en garde les séquelles.
Pourtant, Lester n'est pas du genre à donner de l'importance aux autres. Il est plutôt solitaire, renfermé. Sa mère a un pouvoir sur lui qui m'étonne autant qu'il me fait du mal. Parce que cela le blesse. Quand il parle d'elle, il redevient en partie cet enfant blessé, celui qui attendait sa mère tous les soirs dans son lit, en espérant qu'elle viendrait lui dire bonne nuit. Et puis il y a cette autre part de lui, celle qui lui en veut. Pas seulement de l'avoir abandonné. Mais d'avoir encore suffisamment de pouvoir sur lui après son départ pour impacter sa vie. C'est à cause d'elle, qu'il a blessé ses proches. C'est à cause d'elle qu'il s'en ait écarté et s'est persuadé qu'il avait détruit leur famille sans retour possible.
Je déteste savoir que même loin depuis des années, elle continue d'avoir cette influence sur lui. Parce qu'encore une fois, alors qu'il se refuse à passer les fêtes de fin d'année en famille, c'est de sa faute. Il associe Noël à sa mère, et pour cela, il n'arrive pas à envisager que cette journée puisse être heureuse.
Je peux comprendre ce qu'il ressent. Mes noëls ont une saveur bien différente depuis qu'Aria n'est plus là. C'est une autre sorte d'abandon, une autre façon de souffrir. Cependant je n'ai pas cessé de le fêter. Autant pour mes parents, que pour ma sœur. Elle adorait cette fête. Elle n'aurait pas voulu que je cesse d'y participer. Et malgré la douleur, cette journée reste un moment particulier, joyeux.
Je ne veux pas que Lester passe à côté de cela. Ni à côté d'une opportunité supplémentaire de retrouver sa famille. Je pense que son père n'a pas choisi ce moment de l'année au hasard, pour chercher à le voir. Je sens que lui aussi, veut que son fils puisse cesser de faire sa vie en fonction d'une femme qui l'a abandonnée. Certes, ce n'est qu'une journée. Mais il ne devrait se priver d'aucune d'entre elles pour cette mère qui n'en était pas vraiment une.
Je veux lui faire comprendre. Je sens que cela ne va pas être une mince affaire, mais au fond de moi, je sais. Je sais que je vais réussir. Et peut-être plus vite que ce qu'il ne pense.
- Tu ne dois pas te priver de bonheur à cause d'elle.
- Ce n'est pas ce que je fais.
Il n'a lui-même pas l'air convaincu par ses paroles. Je suis certaine qu'il s'en rend compte, lui aussi. Mais il ne sait tout simplement pas comment se défaire de cette emprise qu'elle a sur lui depuis des années. Sauf que cette emprise ne tient qu'à un fil, qu'il suffit de couper.
- Ce n'est qu'une fête, après tout.
Je secoue la tête et lui attrape les mains dans un geste inconscient.
- Pas du tout. D'ailleurs, cela aurait pu être n'importe quel jour de l'année, le résultat serait le même : tu te priverais d'une journée à cause de cette femme. Sauf qu'elle ne le mérite pas. Même pas une heure, ou une minute de ton temps. Surtout pas si ce temps est pris sur celui que tu passes avec les personnes qui comptent.
Mes arguments sont imparables, et il le sait. Mais il l'a dit, il est plutôt têtu. Moi aussi.
- Je n'aime pas ce genre de fête, de toute façon. Ce n'est pas moi. Être seul me va très bien.
- Comment pourrais-tu savoir si tu n'aimes pas ? Tu n'en a pas fêté depuis des années.
- Je n'en vois pas l'intérêt.
- Tu l'as dit toi-même, enfant, tu étais impatient d'être à ce matin là. Tu as déjà éprouvé de l'intérêt pour cette fête, il n'y a pas de raisons que cela change. Et je ne te parle pas juste de cadeaux. Mais de tout ce qui va avec. Les moments en famille, la décoration du sapin, les rires, le repas interminable qui te fait prendre 10 kilos et les engueulades qui durent 5 minutes pour savoir si on mange les crevettes avec du beurre ou de la mayonnaise...
J'essaye d'éviter de trop me remémorer à quoi pouvait ressembler ces moments, quand Aria était là. Nos chamailleries sur la façon dont il fallait manger ses huîtres, ou son fromage. Elles revenaient chaque année, pourtant nous savions que ni l'une ni l'autre n'allions lâcher notre idée.
Des moments joyeux, qui sont encore légèrement douloureux, quand je me les rappelle. Pourtant, la douleur est moins vivace qu'elle ne l'était avant. Avant que ma vie ne change d'une façon inexplicable quand je les aie tous rencontrés. Ils deviennent plus agréables, quand ils s'impriment derrière mes paupières, et me donnent envie, encore un peu plus, de le convaincre de venir.
Je sais que j'en suis proche. Je le sens à son petit sourire en coin, quand il finit par me répondre.
- Avec de la mayonnaise, évidemment.
- Je ne peux pas te laisser dire ça. C'est une aberration.
Il n'en démord pas, et moi non plus, jusqu'à ce que je comprenne ce qu'il manigance. Mon index se lève de lui-même et se pointe sur son visage, dans une tentative de paraître sérieuse. Je le suis à moitié.
- N'essaye pas de changer de sujet.
- Tu t'avoue vaincue ?
- Pas du tout ! Mais là, ce n'est pas le plus important. Lester, on doit y aller. Tu dois y aller. Autant pour eux, que pour toi.
Il me regarde sans plus rien dire pendant un bon moment. Je vois dans ses yeux qu'il hésite, vraiment. Il se bat entre son envie de renouer avec sa famille, et le poids qu'a laissé sa mère sur ses épaules en partant. C'est un combat intérieur qu'il mène, que je voudrais lui éviter. Une femme qui a abandonné son enfant pour son profit personnel ne mérite pas qu'on prenne en considération ses actions.
Je suppose que c'est bien plus simple à dire qu'à faire. Mais je voudrais lui faire oublier tout l'impact qu'elle a encore sur sa vie. Peut-être était-elle sa mère. Mais sa maman, cette femme si importante, celle qui nous aime et nous serre chaleureusement contre elle, c'est Hélène. Il le sait. Pourtant, il s'évertue à laisser celle qui l'a abandonnée avoir encore une emprise sur lui. Au fond, est-ce que ce n'est pas plus simple ? Est-ce qu'il ne veut pas inconsciemment garder cette excuse pour expliquer le fait qu'il n'arrive pas à renouer avec sa famille ? C'est plus facile de mettre la responsabilité sur cette femme plutôt que d'admettre qu'il a peur d'essayer de les retrouver, craignant de ne pas y parvenir.
Je le surprends en m'avançant vers lui et en déposant succinctement mes lèvres sur les siennes.
- Je vais continuer jusqu'à ce que tu acceptes.
- Je vais refuser encore et encore, alors.
Mais je lui réponds par un sourire joueur et me jette presque sur lui, toute timidité envolée par cette envie qu'il comprenne enfin et arrête de se torturer intérieurement. Si mes arguments ne suffisent pas à lui faire gagner ce combat qu'il refuse d'éviter, alors j'espère que cette technique bien plus enfantine abaissera les dernières barrières derrière lesquelles il se cache.
Mes lèvres se déposent sans fin sur leurs jumelles, sur ses joues, son front, et toute partie de sa peau que j'arrive à atteindre.
Je ne l'entends pas, mais je le sens rire contre moi.
Ses mains se déposent sur mes hanches et je suis surprise quand il me retourne d'un coup, se retrouvant au-dessus de moi. Nos regards s'accrochent, nos respirations sont courtes dû à nos chamailleries, mais bien vite, il colle nos lèvres pour un baiser bien plus sensuel.
Et j'oublie tout ce que j'étais entrain d'entreprendre. Noël n'a plus aucune importance, face à sa langue qui joue avec la mienne, ses mains qui caressent mon ventre, et les miennes qui qui s'accrochent tant qu'elle le peuvent à son pull. Je voudrais lui retirer, et je me retrouve à rougir à cette idée.
Ses doigts se resserrent sur mes hanches, et je sens qu'il en veut plus. J'en veux plus, moi aussi. J'ai l'impression de n'avoir aucune limite, avec lui. Je me fiche de n'être avec lui que depuis peu de temps, parce que je sais ce dont j'ai envie. Et c'est définitivement de lui.
J'ai beau être gênée de penser ainsi, je ne parviens pas à m'arrêter. Et je n'ai pas envie de m'arrêter.
Ses dents tirent sur ma lèvre inférieure, et ses yeux se ferment. Je n'ai pas besoin qu'il parle pour comprendre qu'il va se stopper là. Je ne me trompe pas, puisque quelques secondes plus tard, il s'écarte de moi, et se rassoit sur le lit, attendant que je fasse de même.
Comme si il sentait ma déception, il s'approche de moi, suffisamment pour que les effluves de son parfum me rendent folle, pas trop pour que je puisse voir ses lèvres. Je devine qu'il chuchote, et son souffle qui se dépose sur mes lèvres me donnent envie d'avancer pour les toucher de nouveau.
- Tes parents sont rentrés. Crois-moi, sinon je ne me serais pas arrêté.
Je cache mon visage entre mes mains, honteuse de toutes les pensées qui m'ont assaillies et m'assaillent encore. J'en viendrais presque à haïr mes parents d'être revenus si vite des courses qu'ils avaient à faire.
Entre mes doigts légèrement écartés, je détaille Lester. Je n'ai pas envie qu'il parte. Je veux qu'il soit là encore un moment, avec moi, même si c'est pour ne rien faire.
- Et si on regardait un film ?
Une tentative désespérée de lui faire comprendre que je ne veux pas qu'il s'en aille maintenant. Il m'observe un instant, et je ne sais pas si il saisit mon intention, mais il finit par accepter, pour mon plus grand plaisir.
Je ne mets pas longtemps à attraper mon ordinateur, me caser au fond du lit à côté de lui, et parcourir Netflix à la recherche d'un film suffisamment long pour qu'il reste un bon moment.
Je tourne la tête vers lui, lui demandant machinalement ce qu'il veut regarder. Si la réponse ne me plaît pas, je n'aurai qu'à faire comme si je n'avais pas vu ses lèvres bouger.
- Tu devrais mettre un film de Noël. Histoire que je me rappelle comment on fait.
J'écarquille les yeux un moment, et la bouche aussi, avant de la redresser dans un rictus joueur mais satisfait.
- J'ai gagné.
- Tais-toi et mets un film.
Si je ne l'embête pas plus que cela, je ne cesse en revanche de sourire, et cela pendant un bon moment. Jusqu'à ce que je sois trop concentrée sur les images qui défilent devant nous pour me rappeler de ma victoire.
Une main qui passe devant mes yeux me fait sursauter, et je me tourne vers l'homme à mes côtés.
- Tu es tellement obnubilé par ce truc, c'est incroyable.
- C'est une jolie histoire.
- C'est une histoire incroyablement clichée. Le prince amnésique qui se retrouve hébergé chez une maman célibataire dépassée et sans le sou. Je peux déjà te dire la fin : il se souvient de tout, et ils vont vivre tous ensemble dans son immense palais. Je parie qu'ils ont fait un 2 où elle tombe enceinte, mais prend peur en découvrant les responsabilités de reine et s'enfuit.
Je lève les yeux au ciel en prenant un bonbon dans le paquet entre nous deux. Il m'a bien charrié quand il a vu que j'avais une petite réserve dans mon tiroir de table de nuit, d'ailleurs. Mais que serait un bon film de Noël sans sucre ? Déjà, nous n'avons pas de plaid, de pull avec un reine, et de chocolat chaud. Alors je ne vais pas renoncer à mes sucreries. Aria disait toujours qu'un film sans sucre, ce n'est pas un film. Je ne trahirais jamais cette philosophie de vie.
- N'importe quoi.
- Vas-y, cherche pour voir.
J'accède à sa requête et ne dis rien quand le résultat s'affiche devant nos yeux.
- J'ai gagné. 1 partout.
De mauvaise foi, j'essaye de le convaincre qu'il s'est peut-être trompé, alors même que le résumé ne laisse aucune place au doute.
- On ne peut pas savoir si on ne le regarde pas.
- C'est une tentative pour me faire rester plus longtemps ?
Je hausse les épaules et attrape un nouveau bonbon dans la poche. Il est possible que ce soit le cas. Il est probable que ce soit le cas. Il est certain, que c'est le cas.
Je ne le nie pas, mais n'avoue rien non plus.
En fuyant son regard, je reporte mon regard sur l'écran. Je ne peux me retenir de sourire autant que lui quand je remarque cette petite vignette. Et je dois me retenir de rire, fière de ma réplique, bien qu'elle trahisse mon innocence dans cette histoire :
- Tiens, il y a un 3 aussi !
2-1 pour moi.
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Est-ce que vous souriez comme des idiots (de mignons idiots) en imaginant la scène ? Moi oui x)
Lyra a réussit ! Lester va-t-il réussir à profiter de ce Noël pour renouer avec ses proches ?
La suite dimanche prochain,
Kiss :*
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