Chapitre 75

PDV Lyra 

- Et celle-là, ici !

Talia accroche la dernière photo sur le mur et se recule pour admirer son œuvre. Je fais de même, et passe doucement mes yeux sur les différents clichés que nous avons pris ce soir. Là, Carter qui pose fièrement avec sa couverture, ici, Sam qui se goinfre de toast sous les yeux exaspérés de son cousin. A côté, mes parents qui s'amusent à me faire des oreilles de lapin, et une autre de Talia, en gros plan, pas encore habituée aux selfies sur polaroid.

Et puis il y a cette dernière, ma préférée. Je souffle des bougies sur un gâteau bien trop gros pour le nombre de personnes que nous étions. Ce n'est pas cette image en particulier, que j'aime. C'est lui, en arrière plan. Malgré la faible luminosité dans la pièce à ce moment là, je le vois parfaitement. Et je distingue sans mal son regard posé sur moi. Un regard qui me fait fondre même à travers le filtre brillant de la photographie. C'est l'effet qu'il me fait. Qu'il soit en face de moi, à travers un écran ou figé sur un morceau de papier, son regard est toujours aussi puissant.

Je ne peux retenir un sourire qui grimpe sur mes lèvres. Ce ne sont que quelques photos. Et pourtant, elles sont les premiers éléments personnels de cette pièce. Je n'ai jamais voulu l'aménager. Laissée aussi vide que je l'étais. Mais je me remplis, comme ma vie. Grâce à eux. Alors comme ils prennent une place dans mon quotidien, ils viennent couvrir mes murs de la joie qu'ils me donnent au quotidien.

Je détourne les yeux pour les poser sur le visage de mon amie, que je sens m'observer. Un grand sourire aux lèvres, Talia me regarde, avant de venir taper son épaule contre la mienne.

- Il reste encore de la place. Il va falloir remplir tout ça.

Je me contente de hocher la tête. Je voudrais la remercier. J'ai tellement de raisons qui mériteraient un merci. Tout ce qu'elle m'apporte au quotidien, ce qu'elle me fait découvrir. L'amitié, la joie, les rires. Des moments de bonheur dont j'avais oublié l'intensité. Elle m'apprend que finalement, c'est agréable d'être entourée, quand c'est avec les bonnes personnes.

Elle s'assoit sur le matelas et attrape un seau de pop-corn posés sur la table de chevet. Je me laisse aussi tomber sur le lit, dans une position qui me permet de la voir. Je suis fatiguée, après cette journée forte en émotion. Et pourtant, je n'ai absolument pas sommeil. J'ai cette envie un peu étrange de veiller toute la nuit à ses côtés.

Pendant un moment, j'aurai aimé que ce soit Lester qui reste, et partage mon lit. Et puis finalement... finalement je me dis que c'est mieux ainsi. Je me rends compte que j'avais besoin de ce moment auquel je n'ai pourtant jamais songé.

- Merci.

Elle relève les yeux des sucreries et les pose étonnés sur moi.

- Ce n'est qu'un peu de pâte à fixe sur un mur.

- Je ne parle pas de ça.

Elle hausse un sourcil, et me laisse en dire plus. Je presque surprise qu'elle me laisse parler, tant il n'est pas dans ses habitudes de se taire. C'est peut-être pour ça que je l'apprécie autant. Elle me complète parfaitement.

- Je n'ai jamais eu d'amis... à part ma sœur. Tu me fais découvrir ce que c'est. Et je me rends compte à quel point c'est agréable. Toi, et les autres... vous êtes un peu comme des rayons de soleil. J'en avais besoin.

Elle me tire un petit rire quand elle empêche de couler les larmes qui perlent au coin de ses yeux, avec une moue d'enfant. Je sais qu'elle se retient de me sauter dessus pour un câlin, même si cela ne me dérangerait pas plus que ça.

Et puis elle finit par baisser la tête, et je reste curieuse un moment, intriguée par son comportement. Elle semble si sérieuse que je n'ose pas lui demander ce qui se passe, et attends patiemment qu'elle se décide à briser le silence, même si dans mon cas, l'expression n'est pas bien choisie.

- Tu sais, moi non plus je n'ai jamais eu d'amis... J'ai toujours été la fille un peu bizarre. Celle dont on rit quand elle passe dans le couloir. Je ne compte plus le nombre de fois où la personne en face de moi a soufflé d'ennui parce que je parlais trop. J'ai passé tous mes anniversaires jusqu'à mes onze ans à attendre toute la journée devant mon gâteau que les invités arrivent. Sauf qu'ils ne venaient jamais.

Sa voix se brise sur les derniers mots et je me mords les lèvres devant sa peine. Je ne l'entends pas, mais c'est tout comme. Chaque parcelle de son visage m'indique le chagrin qui raille ses mots. C'est presque plus douloureux.

J'ai toujours su comme les gens pouvaient être pourris. Je ne peux pas dire que cela m'étonne. Dans notre société, ne pas rentrer dans les cases c'est s'assurer d'être mis de côté par la plupart des personnes qui la composent.

Talia est trop bavarde. Trop haute en couleur. Trop exubérante. Trop elle, en réalité. C'est exactement ça qui les dérange. Elle n'est pas eux. Et elle ne fait rien pour le devenir.

Elle aurait pu. Se forcer à porter des vêtements plus sombres, à la mode. Garder ce qu'elle avait à dire pour elle. Ne pas partager ses pensées ou ses goûts.

Mais à quoi bon ? Est-ce qu'elle aurait été plus heureuse ? Ses gens seraient venus à son anniversaire. Elle n'aurait pas été seule. Mais elle aurait été bridée.

Je ne suis pas une spécialiste du bonheur. J'apprends à peine à découvrir, ou redécouvrir ce que cela peut-être. Cependant je suis certaine qu'on ne peut y prétendre quand on se conditionne à être une personne qu'on n'est pas.

- C'était des idiots.

Elle affiche un maigre sourire, et cela me peine de la voir comme ça. Je pense que c'est la première fois. Dans un sens, c'est agréable. Pas qu'elle souffre. Juste de se rendre compte qu'elle aussi, elle a des failles. Qu'elle n'est pas juste cette boule de bonne humeur.

Je ne sais pas comment agir. Je n'ai jamais eu à réconforter une autre personne. Quand Aria allait mal, je sortais un pot de glace, et nous passions la soirée devant la trilogie des High School Musical. C'était notre truc à nous, et rien d'autre ne pouvait nous faire du bien.

Alors je ne sais pas faire, quand il ne s'agit pas d'elle. Mais bizarrement, c'est presque naturel.

Sans vraiment savoir pourquoi, j'attrape mon téléphone et lance la première vidéo des Madness que je trouve. Je lui mets l'écran sous le nez, et elle louche dessus avant de relever les yeux vers moi. Elle reste silencieuse un instant, avant d'éclater de rire et de me prendre le téléphone des mains. Naturellement, elle vient se caler contre moi.

- Ils sont beaux non ?

Je rougis et je ris à la fois. Rougir parce que je ne peux empêcher le visage -et le corps- de Lester de s'afficher dans mon esprit, et rire parce qu'il n'y a même pas une heure, ils étaient là. Je me demande si elle le réalise vraiment. Qu'à présent, elle peut se permette de les regarder autrement que derrière un écran, ou au milieu d'une foule.

- Moi, je viendrais à ton anniversaire. Et eux aussi.

Je ne sais pas laquelle des deux informations fait briller ses yeux de cette manière, mais je m'en fiche. Je suis juste contente de voir que sa peine s'en ait allée. C'est ma première amie. C'est ma meilleure amie. J'ai l'impression que c'est un lien... qui se rapproche de celui que j'avais avec ma sœur. Ça ne pourra jamais l'égaler. Mais d'un façon étrange, c'est similaire. Il paraît que les amis sont la famille que l'on choisi. C'est en tout cas ce que disait Aria. Elle n'avait pas vraiment tort.

Mes yeux se posent une nouvelle fois sur le mur qu'elle a décoré et une envie irrépressible me prend. Je joue avec mes doigts un moment, m'empêchant de la réaliser. Mais c'est plus fort que moi. Je me lève, faisant tomber Talia sur lit quand je lui retire l'appui que représentait mon épaule. Note relève la tête devant ma précipitation mais ne se lève pas pour autant de son coussin.

Elle n'a le temps de rien que je suis déjà sortie de la pièce. J'imagine qu'elle a dû m'appeler, ou me demander ce que je faisais.

Elle ne me suit pourtant pas, malgré la curiosité que mon action doit faire naitre en elle, et je l'en remercie silencieusement.

Je n'hésite même pas, avant de pousser la poignée. Je crois que c'est la première fois. Jamais je n'ai eu autant de facilité à entrer dans cette pièce. Pourtant, je la traverse sans y penser. Mes doigts se referme sur le cadre posé sur la table de nuit, et la minute qui suit, je suis de retour devant mon amie.

Elle me scrute avec de grands yeux, avant de les descendre sur ce que je tiens. Son regard fait ensuite des allés-retours entre moi et la photo. Je suppose qu'elle ne sait pas quoi dire. Moi non plus. Je sais seulement que c'est ce que je dois faire.

Je retourne le cadre et l'ouvre, pour me saisir de l'image, avant de m'avancer vers le mur.

Sans un mot, Talia me tend de quoi l'accrocher.

Avant de le faire, je regarde encore un peu l'image. La grimace de ma sœur, la joie sur nos visages, le trophée entre mes mains. Les souvenirs de cette journée sont toujours aussi vivaces. Mais pour la première fois, ils ne me tirent pas des larmes. C'est un sourire qui s'affiche sur mon visage.

Mes mains tremblent presque, quand je presse la photographie contre mon mur. Là, au milieu des autres. Au milieu des personnes qui comptent. Parce qu'elle sera toujours le centre de mon monde. Le centre de mon cœur. Alors c'est là qu'est sa place. Entourée des personnes que j'aime, comme je l'aime elle. Et je n'utiliserais jamais le passé pour ce verbe-ci.

La tête de mon amie se pose contre mon épaule et nous restons là un bon moment. Note se colle de l'autre côté de mon corps, pendant que je lui caresse distraitement la tête.

J'aurai voulu qu'elle soit là. Qu'elle rencontre Talia, Lester, et tous les autres. Mais si elle était là, je ne les connaîtrait pas. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un mal pour un bien, jamais. Cependant, je crois que je commence à m'y faire.

Aujourd'hui, en regardant ce diaporama, en prenant mes parents dans mes bras, en accrochant cette photo là, je crois que je fais le premier pas. Le premier d'une longue liste pour faire mon deuil. C'est un parcours que je n'ai jamais osé entamer. Je ne suis pas sûre d'arriver au bout. Je suis certaine que ma sœur continuera à me manquer chaque jour de ma vie. Mais c'est déjà une étape incroyable, pour moi. Une étape que je n'aurai jamais franchi sans eux. Sans Lester. Et sans Talia.

Alors si je hais le destin pour m'avoir arraché Aria, je le remercie d'avoir mis sur ma route toutes ces personnes. J'espère qu'il ne me les reprendra pas.

Talia se relève quand elle sent que c'est le bon moment. Elle me sourit avant de prendre le saut de pop-corn et de me le mettre sous le nez.

- Il est temps de mettre une comédie romantique et de se goinfrer !

Je souris et la regarde s'installer en remontant la couverture sur elle. Quand l'immense visage de Carter s'étale sur tout son corps, cette fois-ci je ne peux m'empêcher de rire, et me reçois un pop-corn en guise de contestation. Elle me tire la langue avant de déposer son regard sur Note qui ramasse en douce la sucrerie.

- On a oublié quelque chose !

Je hausse les sourcils tandis qu'elle se tourne et attrape le polaroid.

- Souris, Note ! 

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Le voilà ! 

Vous le savez si vous me suivez sur Instagram (si vous ne le faites pas, le lien est sur mon profil ! C'est bien plus pratique que wattpad pour vous tenir au courant de certaines choses), le prochain chapitre sortira le dimanche 22 mai. 

J'aurai terminé mes partiels, et donc on repassera ensuite à 1 chapitre tous les dimanches ! J'augmenterais ensuite le rythme à 2 chapitres par semaine dès que j'en aurai écrit suffisamment d'avance. 

Allez, 

Kiss :*

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