Chapitre 73

 PDV Lester

- Je te dis que ce sera mieux en doré !

- Ce bleu est très beau !

- Ce n'est pas la question !

Je relève les yeux vers Arthur et Sam, chacun un pot de peinture à la main, en train de se disputer pour savoir de quelle couleur ils vont peindre cette foutue banderole. Cela fait bien un quart d'heure que ça dure, et je commence à en avoir des migraines. Je me dis qu'au final, c'est moi qui aurait dû tenir Lyra à l'écart de cette maison, en laissant l'Arc-en-ciel gérer la décoration. Quoi que, elle aurait bien été capable de prendre part au débat en préférant une troisième couleur, si bien que rien n'aurait été prêt à temps.

J'ai encore du mal moi-même à assimiler me retrouver dans cette situation. Organiser un anniversaire, surprise qui plus est. Pourtant, quand Talia m'a soumis l'idée, je n'ai pu qu'accepter. Peut-être parce qu'au fond j'y avais déjà pensé. Tout simplement car j'imagine les réactions qu'elle va avoir. Et je sais qu'elle finira irrémédiablement par sourire, au milieu de toutes ces personnes. C'est ce que j'attends le plus, je crois. De la voir être heureuse entourée de ceux qui lui font du bien. Nous lui faisons sans aucun doute du bien. Et si une partie de moi aimerait être le seul, au fond, je suis fier de voir qu'elle peut compter sur d'autres. L'Arc-en-ciel, Carter, Sam, même Arthur.

Je crois que c'est la première fois que je l'entends parler autant, pour défendre sa peinture. Il a presque l'air plus impliqué que moi, et cela me donne envie de rire.

Quoi qu'ils m'épuisent trop pour cela.

- Tu n'as absolument aucun goût en matière de banderole.

Je lève les yeux au ciel, et me concentre de nouveau sur les ballons que je remplis d'hélium. Je vois à peine la mère de Lyra arriver à côté de moi et me tendre un verre de jus. Je la remercie d'un signe de tête, tandis qu'elle se tourne vers les deux idiots en train de se chamailler.

- Désolé pour eux. Ils sont toujours comme ça.

Et encore, Carter est pour l'instant plutôt silencieux. Ce qui en soit n'est pas forcément bon signe.

- Il n'y a rien à excuser. C'est plutôt agréable en fait. Cette maison est silencieuse depuis trop longtemps.

Au milieu de son sourire, j'en vois un bien plus profond se cacher. Un sourire nostalgique, triste, et je ne peux que comprendre ce qu'il signifie. Je ne dis rien. Je ne suis pas le meilleur pour réconforter les gens, encore moins lorsqu'il s'agit de la mère de ma petite amie. Déjà que de penser être face à ma « belle-mère » est étrange, je m'imagine mal lui tenir la main en lui lançant un sourire compréhensif. J'en ai presque des frissons, en m'imaginant agir de la sorte. Définitivement, ce n'est pas moi.

Heureusement, elle semble reprendre rapidement constance et se dirige vers mes amis pour leurs donner à eux-aussi de quoi se rafraîchir. Je ne peux retenir un sourire quand sur la demande des cousins, elle finit par choisir le doré pour la banderole. Le visage défait d'Arthur, qu'il tente en vain de cacher, est bien trop hilarant pour que je ne puisse y résister. Il est rarement si expressif.

Je continue de remplir d'hélium les bouts de plastique que j'ai entre les mains, quand mon attention se porte sur une énorme masse qui entre dans le salon. Je savais qu'il était bien trop calme. Tous les regards s'attardent sur lui, et c'est Sam qui pose le premier la question que tout le monde a en tête.

- Carter, qu'est-ce que c'est que ça ?

- Un ballon. Ça se voit.

- Ce ballon est plus gros que toi.

- Et alors ?

- Et alors tu veux juste devenir le préféré de belle-sœur en te démarquant des autres !

Je vois la mère de Lyra tiquer sur le surnom donné par Sam, mais elle ne cache pas son sourire. Ce n'est pas comme si elle ignorait notre relation, après tout.

- Je suis déjà le préféré.

- Pardon ?

Et c'est reparti. Je souffle un bon coup avant de me détourner d'eux. Est-ce qu'on va vraiment réussir à finir cette décoration ?


Finalement, il nous faudra plusieurs heures pour en venir à bout, que ce soit de la mise en place du salon, ou des disputes incessantes de Sam et de Carter sur qui fait le mieux. Ces deux-là sont invivables, et je me demande encore comment j'arrive à cohabiter avec eux. Je ne me pensais pas aussi patient.

J'ai à plusieurs reprises hésité à les mettre dehors, mais lorsque je vois le visage de Lyra, quand elle entre dans la pièce, je me dis que j'ai bien fait de résister à mes pulsions. Je m'amuse de la voir si surprise, parce que je comprends que ce n'est pas uniquement notre présence qui la fait réagir. Elle avait carrément oublié son anniversaire. Au fond, ça ne m'étonne même pas.

Devant les nouvelles chamailleries des garçons, un sourire monte sur ses lèvres. C'est exactement ce que je voulais voir. Même si les perles d'eau au coin de ses yeux ne m'échappent pas, je ne dis rien. Parce que je sais ce qu'elles signifient.

Son regard se plante dans le mien, et elle ne bouge pas pendant un moment. Nous restons là à nous regarder, et j'oublie presque tout ce qui nous entoure. C'est l'effet qu'elle me fait. Elle m'enferme dans une bulle où je ne vois qu'elle, et d'où je n'ai pas envie de sortir. Juste elle et moi, c'est exactement ce que j'aime.

Le contact se rompt et la bulle explose quand Talia tire sur son bras pour l'entraîner vers le buffet et lui fourrer un verre entre les mains. Elle en tend un à chacun, et nous nous retrouvons en cercle, à trinquer tous ensemble. Est-ce que je suis à l'aise dans cette atmosphère ? Pas vraiment. Mais elle l'est, et c'est tout ce qui compte, à ce moment là.

Ce qui compte, c'est de la voir rire quand Carter et Sam essayent chacun de lui fourrer des petits fours dans les mains, en répétant que celui qu'ils ont choisi est meilleur. De la voir sourire en se retenant de se moquer gentiment d'Arthur qui boude encore à cause de sa peinture bleue. De la voir rougir quand sa mère la mitraille avec un appareil photo, et ne pas savoir comment agir lorsque Talia l'entraîne au milieu du salon pour la forcer à danser en hurlant Joyeux anniversaire. Je l'envie presque de ne pas entendre ce son bien trop aiguë, d'ailleurs.

Elle n'est pas totalement dans son élément, entourée de toute cette joie. Mais je vois qu'elle aime ça. Et au fond, je sais que cela lui rappelle quand sa sœur était encore là. Qu'elle repense à ces anniversaires où elle pouvait profiter de la musique, des rires de ses proches. Cependant, au lieu de la rendre triste, cela lui fait du bien. De retrouver ce genre de sentiment.

Alors je ne regrette pas de faire ce genre de surprises qui pourtant ne me correspondent pas. Je crois que je n'aurai plus de limite, si c'était pour elle. Je préfère que les autres ne s'en rendent pas compte. Qui sait ce que Carter pourrait me faire faire, si il parvenait à me convaincre que cela lui ferait du bien. Je m'imagine déjà déguisé en licorne avec des paillettes recouvrant notre appartement. Je ne suis définitivement pas prêt. Et je ne compte pas l'être un jour.

Le bruit d'une fourchette qui tape contre un verre me fait tourner la tête vers les parents de Lyra. Ils attendent que le silence retombent et que tous soient concentrés sur eux, en particulier leur fille, pour parler.

- Il paraît qu'il est de tradition pour des parents de mettre un peu la honte à leurs enfants lors des anniversaire. Du coup, on s'est dit que nous n'allions pas déroger à la règle.

Je vois l'Ovni à la fois étonnée et gênée, se tourner vers l'écran de la télévision que son père allume.

S'affiche alors en grand une petite fille dans une salopette à carreaux, les cheveux roux en désordre, des maracas entre les mains. Des rires s'élèvent dans l'assemblée et Lyra se cache les joues, rougissante.

Les photographies s'enchaînent, au début dans la bonne humeur.

Mais quand l'une d'elle montre deux enfants côte à côte, chacune un instrument à la main, je cesse de regarder l'écran. Je me tourne vers elle et observe son visage. Je vois sa gêne et son amusement disparaître au temps des souvenirs qui défilent. Parce qu'elles ne montrent plus des moments drôles ou gênants, elles montrent deux sœurs. Elles montrent de la musique. Je n'ai pas besoin de les voir pour comprendre qu'elles s'enchaînent et se ressemblent. Il me suffit de la regarder elle.

Son regard s'embue. La tristesse étire les traits de son visage. La douleur, aussi. Parce qu'elle n'était simplement pas prête à avoir sous les yeux ces souvenirs là.

Tout s'arrête quand elle se précipite vers le jardin. Son père attrape rapidement la télécommande pour stopper le diaporama, Talia reste figée les yeux grand ouvert, Sam regarde partout sans comprendre, et sa mère paraît défaite.

Elle semble vouloir se diriger à la suite de sa fille, mais je pose ma main sur son épaule. Elle me regarde et elle n'a pas besoin que je parle pour comprendre. Elle hoche simplement la tête, et me laisse sortir à sa place.

J'avance dans le jardin, encore éclairé par le soleil couchant. Je ne mets pas longtemps à la repérer, au fond de celui-ci, assise sur une balançoire.

Elle me voit arriver et passe sa main sur ses joues, pour essuyer ses larmes. Mais je les ai vu, et elles me font mal au cœur.

- J'ai besoin d'être un peu seule.

Mais c'est faux. Ce dont elle a besoin, c'est de comprendre que pour une fois, ils n'ont pas fait cela pour ignorer son deuil. C'est d'entendre qu'ils n'ont pas chercher à la blesser mais au contraire à lui faire du bien. Peut-être est-ce maladroit. Peut-être simplement n'a-t-elle pas correctement reçu le message envoyé.

La laisser seule maintenant, c'est lui laisser l'occasion de s'enfoncer dans ses pensées, dans ses réticences vis-à-vis d'eux. Ils peuvent partir à tout moment. C'est ce qu'elle m'a dit. C'est ce qui m'a fait réfléchir. Il ne faut pas qu'elle l'oublie simplement à cause d'une incompréhension. Elle finirait par s'en vouloir bien trop pour que je ne la laisse faire.

- Je n'ai pas l'intention de te laisser seule.

- Tu es trop têtu.

- Et tu essayes de changer de sujet.

Elle détourne le regard, comme si cela allait me faire partir. Mais je n'en ai pas l'intention. Alors je me place devant elle, à hauteur de ses yeux.

- Ils pensaient bien faire. Que cela te ferait plaisir de voir ces photos.

- Je ne vois pas comment ils ont pu le penser. C'est stupide. Ils font toujours ça. Faire comme eux le ressentent, sans jamais prendre en compte ce que moi j'ai au fond du cœur.

- Comment pourraient-ils savoir ce que tu as dans le cœur si tu ne leurs dis pas ?

Je sais que j'ai fait mouche, mais elle refuse de l'admettre. Elle se lève et s'enfonce un peu plus dans le jardin, seulement, je ne la laisse pas me fuir.

- Pourquoi tu les défends ? Tu devrais être de mon côté !

- Mon rôle n'est pas d'être de ton côté mais de te dire les choses sans mentir. Même si tu n'aimes pas les entendre.

- Je veux être seule !

Elle me fuit, encore. Ce petit manège dure un moment. Je la retiens, j'essaye de lui faire entendre raison, elle refuse, elle s'éloigne. Et ainsi de suite. Jusqu'au moment où j'en ai marre. Elle ne peut pas l'entendre, mais je sais qu'elle comprend que je cri. Pas contre elle. Simplement de colère de ne pas réussir à lui faire comprendre les choses.

- Écoute-moi !

- Je ne peux pas !

Je secoue la tête, me calmant un peu.

- N'écoute pas avec ça...

Je pointe ses oreilles.

- Mais avec ça.

Et cette fois, je dépose mon doigt sur son cœur.

- Peut-être que tu es triste d'avoir vu ces images, et c'est normal. Mais je sais qu'au fond de ton cœur, ça t'a fait du bien. Je sais que ta tête leurs en veut mais pas lui là.

Je tapote sa poitrine.

- Lui il comprend. Il comprend que tu les repousses alors que tu sais que ce n'est pas la chose à faire. Ne fais pas quelque chose que tu pourrais regretter pour le reste de ta vie. Ne les perds pas en les envoyant loin de toi.

Je sais que j'ai réussi quand elle gonfle ses joues et se met à jouer avec le bout de ses chaussures contre le sol. Une autre de ses mimiques adorables qu'elle adore arborer devant moi.

- Depuis quand tu es un philosophe ?

- Va savoir, peut-être que Mr Tanvoy déteint sur moi.

Je lui tire un sourire et nous restons un moment à nous regarder avant que je lui tende la main et lui montre de la tête la maison.

- Je crois qu'on doit nous attendre.

Elle se laisse emmener à l'intérieur, et lâche ma main quand nous arrivons dans le salon.

Alors que tous les regards sont posés sur elle, elle ne rougit pas. Elle joue quelques instants avec ses doigts avant de se décider.

Elle finit par avancer vers ses parents et entoure ses bras autour de leurs cous. Ils mettent quelques secondes à réagir, signe que ce genre de familiarité n'a pas dû avoir lieu depuis un bon moment. Mais ils finissent par la serrer contre eux et je l'entends leurs souffler un merci à l'oreille. Je ne vois pas son visage, mais celui de sa mère. Une larme roule sur sa joue, tandis que son père affiche un sourire. Je le soupçonne de retenir quelques larmes, lui aussi.

Elle finit par les lâcher, et quelques secondes après, Talia lui saute dessus pour la prendre dans ses bras.

J'entends Carter hurler un « Câlin général », avant de rejoindre l'étreinte, rapidement suivi de Sam. Arthur reste en retrait, mais sourit, tandis que ses parents se serrent l'un contre l'autre, en regardant affectueusement leur fille si bien entourée.

Si d'ordinaire j'aurai attrapé ces deux idiots par le col pour qu'ils ne la touchent pas, cette fois-ci, je les laisse faire.

Moi, je reste juste là à contempler son sourire. Et je me dis que pour rien au monde, je ne veux ne le laisser disparaître.  

-------------------------------------------------------------------

On les aime nous ces idiots n'est-ce pas ? x)

Ne sont-ils pas trop mignon ? 

Oui je ne sais pas quoi dire d'autres x) Du coup, je vais m'arrêter là, et vous dire à la semaine prochaine, 

Kiss :*


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top