Chapitre 67

PDV Lyra

Il n'est pas dans mes habitudes d'être directe. De me mêler de la vie des autres. Mais aujourd'hui, je sens que c'est exactement ce que je dois faire. Alors peu importe à quel point je crains sa réaction, je me décide à prendre mon courage entre mes mains.

- Monsieur Andrews, excusez-moi d'être directe mais...

Je marque une petite pause, pendant laquelle il affiche un air étonné et intrigué. Puis je me décide à parler, parce que si je réfléchis plus que cela à comment l'amener, je risque d'abandonner.

- Est-ce que vous avez voulu écarter Lester de votre vie en l'autorisant à quitter la maison ?

Je ne saurai pas bien décrire les émotions qui s'affichent sur son visage. En revanche, je suis certaine d'en comprendre au moins une : de la tristesse.

Et ce sentiment sur le visage d'un homme qui paraît d'ordinaire sûr de lui est déstabilisant.

- C'est ce qu'il pense ?

Je crois que si je pouvais entendre le son de sa voix, j'entendrais cette dernière se briser en parlant. Je voudrais lui dire que non, mais pourtant, je n'ai pas d'autre choix que de hocher la tête. Il souffle et baisse la tête, mais je me risque tout de même à continuer cette conversation.

- Est-ce qu'il a raison ?

Je ne le pense pas. Et ma certitude se renforce en voyant à quel point il semble affligé. Un homme qui cherche à écarter son enfant de sa vie ne serait pas dans cet état. A moins qu'il soit touché de s'être fait prendre, mais je n'y crois pas.

Il relève le visage vers moi, et au milieu de la tristesse, je lis une puissante sincérité.

- J'ai simplement pensé qu'il serait mieux là-bas. Il avait l'air si malheureux ici...

Je me retiens d'afficher moi aussi à quel point cette phrase me vrille le cœur. Imaginer Lester aller aussi mal me donne le vertige. Je ne supporte pas l'idée qu'il souffre, et pourtant je sais qu'en ce moment même, et depuis des années, il souffre de cette absence dont il pense être à l'origine.

- Est-ce que vous lui en voulez ?

- Lui en vouloir pour quoi ? D'avoir été blessé par le départ de sa mère ?

- D'avoir utilisé ce mal pour vous blesser vous et votre compagne.

J'ai l'impression de connaître ses réponses avant qu'il ne les dises. Mais j'ai besoin qu'il y mette des mots, et lui aussi. J'ai besoin que le fait de le dire lui fasse comprendre à quel point il devrait aller voir son fils.

- Il ne voulait pas vraiment nous faire du mal. Il s'en faisait à lui-même. Parce qu'il n'y a rien de plus douloureux que de voir nos proches aller mal. Encore plus si c'est de notre fait.

C'est criant de vérité, et je me rends compte à quel point il a raison. Lester n'a jamais voulu passer ses nerfs sur eux. Il a voulu les blesser pour se faire du mal à lui-même.

- Pourquoi l'avoir laissé partir ?

- Comme je vous l'avais dit... il est parfois plus difficile de comprendre ses propres enfants. Je ne savais pas de quoi Lester avait besoin. Alors je l'ai laissé partir. Je ne penserais pas qu'il verrait ça comme une volonté de l'éloigner.

En l'écoutant, même si ce terme n'est pas le plus adapté dans mon cas, je comprends toute la détresse que ce père ressent. Il a été dépassé par la douleur de son fils et a pris la seule décision qui lui apparaissait viable. L'aurait-il fait si il avait su ce que cela ferait naître en Lester ? Peut-être pas. Mais ce dernier aurait-il accepté de rester ici ? Sûrement pas non plus.

Finalement, y avait-il une bonne façon de faire les choses ?

Je ne saurais pas le dire. Ce n'est sûrement pas à moi de le dire. Mais j'espère que j'aurai pu libérer la parole.

- Ce n'est sûrement pas à moi de vous dire quoi faire, mais je pense que Lester a besoin d'entendre votre version des choses. Même si il ne l'avouera jamais.

Un sourire naît sur son visage, et je comprends qu'il ne prend pas mal ma démarche, au contraire. J'ai presque l'impression qu'il m'en remercie.

- Il est assez têtu n'est-ce pas ?

- Assez ? Ce n'est peut-être pas le mot adapté.

Il rit un peu avant de redevenir sérieux.

- Je vous remercie, Lyra. Si vous ne m'aviez pas dit toutes ces choses, qui sait quand j'aurai réalisé tout ce qu'il avait dans la tête. Vous le savez, il ne montre pas grand-chose. Et il refusait de toute façon chaque invitation. Je sentais que notre relation s'étiolait, et je me sentais impuissant, pour tout vous dire. J'espère qu'il n'est pas trop tard.

- Ça ne l'est pas.

Il me rend mon sourire, avant qu'un homme en toque blanche ne s'approche de lui. Sûrement celui qui a créé les immondicités vertes. Monsieur Andrews s'excuse auprès de moi et je me contente de hocher la tête en souriant.

Je reste un moment là sans rien dire, mais en souriant seule. Je sens au fond de moi que j'ai pris la bonne décision et que si certains diront que je n'avais pas à m'en mêler, je m'en fiche. J'ai fait ce qu'il fallait.

Maintenant, je n'ai plus qu'à espérer que les résultats seront bons. Que Monsieur Andrews ira parler à son fils. Et que celui-ci écoutera vraiment.

Lester ne l'avouera peut-être pas. Mais il a besoin de son père. Il a besoin d'Hélène. Et il n'est pas capable d'aller lui-même les voir pour poser toutes les questions auxquelles il voudrait des réponses. Il n'est pas capable de faire le premier pas pour essayer de réparer ce qui est fissuré. Parce qu'il est persuadé que c'est cassé. Sauf que ça ne l'est pas.

Je ne peux pas lui jeter la pierre, de penser de cette façon. Je ne suis pas exemplaire avec mes parents non plus. Mais les pas, j'ai commencé à les faire. J'ai parlé à ma mère. Sûrement pas autant qu'elle le voudrait, mais c'est un début. Lester a juste besoin que son père fasse le premier pas. Et il fera naturellement les suivants. 

Reconstruire une relation, c'est long. C'est difficile. Mais pas impossible. C'est ce qu'il a besoin de comprendre. Et je crois que petit à petit, il y parvient. Il est ici aujourd'hui. Ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas pour moi ou à cause de moi. C'est pour lui-même.

C'est sa façon de montrer qu'il est accroché à cette relation qu'il pense avoir perdu. J'espère qu'aujourd'hui, il pourra au moins entrevoir la possibilité de la restaurer. Il pourra trouver l'espoir et la force de se battre pour elle.

Parce que c'est tout ce dont il a besoin.

Mes yeux se posent sur la silhouette de Lester, toujours auprès de la piscine. Je pose mon verre et me décide à me diriger à l'extérieur pour le rejoindre. Tandis que j'avance, mes yeux ne quittent pas son dos. Je vois sa main tenir une clope allumée, et je suppose que ce n'est pas la première.

Chaque pas me rapproche de lui, et c'est étrange à dire, mais cela fait gonfler mon cœur. Ou plutôt le remplit. Comme si il avait été vidé de son absence, pourtant passagère. Je devrais avoir peur, de ressentir de telles choses pour une autre personne. Mais ce n'est pas le cas. Je me fiche bien d'être dépendante de lui, parce que c'est ce qui me fait du bien.

J'espère simplement que cette dépendance ne causera pas ma perte.

Arrivée à sa hauteur, je me rends compte que ses chaussures sont posées négligemment sur le bord de la piscine, tandis que ses jambes trempent dedans. Il ne fait pas encore froid, et je suppose que l'eau est chauffée, alors le voir ainsi me fait envie, et je me débarrasse de mes escarpins pour faire la même chose que lui.

Je grimace un peu et je le vois sourire en me regardant du coin de l'œil. Finalement, elle n'est pas si chaude que ça.

- Elle est froide.

Pourtant, je ne retire pas mes pieds.

- C'est bon pour la circulation sanguine.

- Tu fais attention à ta santé maintenant ?

Je pose mon regard sur sa clope pour lui faire comprendre de quoi je parle.

- C'est toi qui m'a dit de sortir en prendre une.

- Sauf que tu n'en as pas pris qu'une non ?

- On t'a déjà dit que tu étais chiante ?

Son regard se teinte d'un air de défi, et je décide de le relever, pas le moins du monde touchée par sa pique.

Sans qu'il ne s'y attende, je me penche en avant pour glisser la main dans l'eau, et lui en envoie une petite vague dans le visage.

Il ferme les yeux un instant avant de passer la main sur sa face et de les rouvrir, les plantant dans les miens. Je le vois écraser sa clope sur la bordure derrière moi sans cesser de me regarder.

- Tu viens de faire quoi là ?

- C'est bon pour la circulation sanguine.

Je retiens avec peine mon rire, et mon visage est illuminé d'un grand sourire. Lui aussi, sourit, mais avec un air vengeur. J'ai à peine le temps de placer mes bras devant mon visage qu'une vague, bien plus grosse que la mienne, vient s'éclater contre celui-ci.

- C'est inégal !

Je me lève en riant et il fait de même, tandis que nous nous servons de nos pieds pour nous mouiller cette fois-ci. Je me résous à dire adieu à mon maquillage et me lance corps et âme dans cette bataille.

J'oublie où nous nous trouvons. J'oublie les regards qui doivent sûrement se tourner vers nous. Je ne pense qu'à lui. Je n'entends pas, mais j'imagine son rire et le mien qui se mêlent.

Je cours, la fraîcheur des brins d'herbe venant me chatouiller les pieds.

Je lâche un cri, tandis que l'eau vient fouetter mon dos. Je me retourne et lui envoie une masse d'eau dans le torse à l'aide de mon pied.

- Cours !

Mon rire éclate, un peu plus. Je détale, mais mon hilarité m'empêche d'aller bien vite. Je sens ses bras s'enrouler autour de mon ventre et me soulever de terre. Il me colle contre son torse et tourne sur lui même.

Je me sens bien. Je me sens pleine de vie. Comme si j'apprenais juste maintenant ce que cela faisait.

Il nous emmène vers la piscine et j'ouvre grand les yeux au fur et à mesure que l'eau se rapproche de nous.

- Lester tu ne vas pas faire ça ?

Il ne me répond rien, tandis que je me contorsionne pour voir son visage. Si, il va le faire.

- Lester !

Il s'arrête, et plante son regard dans le mien. Si attirant. Comme un aimant. Toujours le même effet, celui-là même que j'ai ressenti en le croisant pour la première fois. Et puis il y a le coin de sa lèvre qui se relève. Un sourire particulier. Un sourire qui me fait fondre comme si c'était le premier.

Je retiens mon souffle alors qu'il avance encore d'un pas, et que je nous sens chuter. Il ne faut que quelques millisecondes pour que l'eau ne nous entoure, ne nous recouvre. Je sens ses bras me lâcher et instinctivement, les miens me poussent jusqu'à la surface.

Je prends une grande bouffée d'air, et accroche mes bras autour de son cou.

- Lester !

Il ne répond pas, et se contente de sourire. Et je ne peux pas me retenir de le faire aussi. Je sens ses mains sur mes hanches et je retiens un frisson, pas tant à cause du froid de l'eau que de la présence de ses mains sur mon corps.

Mon regard se porte un peu plus loin, pendant qu'il s'essuie le visage d'une de ses mains.

Je me sens observée. Et bien vite, je distingue les deux personnes qui nous regardent.

Tendrement enlacés, Monsieur Andrews et Hélène sont sur la terrasse, et chacun affiche un sourire. Je ne devrais pas pouvoir le distinguer, d'ici. Pourtant, je sens toute la bienveillance dans leurs yeux.

Je sens le bonheur qui se dégage d'eux.

Et je comprends d'où il vient. C'est simplement le fait de voir Lester ainsi. Sourire. Rire.

Mon cœur se met à battre la chamade. Parce que je me sens heureuse de parvenir à lui faire autant de bien qu'il m'en fait. Et à eux aussi par la même occasion.

Mon attention se reporte sur lui quand sa main se replace sur ma hanche.

- J'ai gagné.

- Tu as triché ! Je ne pourrais jamais te porter moi !

Pour lui faire comprendre que je suis en train de bouder, je tape ma main contre l'eau, venant lui arroser le visage.

Et pour toute réplique, il appuie sur mes hanches pour me faire couler.

Et voilà je le disais ! Il ne fait que tricher !

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Est-ce qu'ils ne sont pas trop mignons ? 

La question qui se pose maintenant est de savoir si la discussion de Lyra et de son père portera ses fruits... 

A samedi prochain pour le découvrir !

Kiss :*

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