Chapitre 66
PDV Lester
Mon regard passe entre mon père et Lyra, attendant que la situation ne s'éclaircisse. Il ne peut pas être étonné de me voir accompagné, je lui avais demandé. Alors pourquoi ?
La partie négative de mon être me souffle qu'il la juge. Elle, et ses cheveux roux, sa peau pâle et ses yeux vairons. Tout ce qui la rend magnifique à mes yeux mais dérangeants aux regards d'autres.
Mais le moi qui connaît mon père sait que cette interprétation est erronée. Et le visage tout autant marqué que la jeune femme aborde ne peut que me le confirmer.
Je n'ai pas le temps de m'agacer de ne pas comprendre la situation que l'étonnement du visage de mon géniteur passe pour afficher un sourire, tout ce qu'il y a de plus sincère.
- Mademoiselle Lyra, excusez mon étonnement, mais je ne pensais pas vous voir dans une telle situation.
Je la sens se détendre un peu, comme si le stress précédent se trouvait remplacer par une certaine gêne, mais bien plus supportable.
- Je suis tout autant surprise que vous, Monsieur Andrews.
Il est maintenant officiel qu'ils se connaissent, et je ne sais pas vraiment comment prendre l'information. Alors je me contente de rester silencieux et d'attendre des explications. Mon regard doit être suffisamment éloquent car l'Ovni se décide à m'expliquer les choses.
- Monsieur Andrews est un associé de mes parents, il a déjeuné chez nous samedi.
Ses joues se teintent légèrement, mais suffisamment pour que je comprenne ce qui lui trotte dans la tête. Samedi, c'est le jour où j'ai été chez elle. C'est celui où nous avons... Je dois me faire violence pour ne pas me repasser la scène en mémoire. Je serais indisposé à rentrer dans cette maison.
Alors à quelques minutes, heures peut-être, près, j'aurai croisé mon père dans son salon. Mais a-t-elle seulement compris qui il est, par rapport à moi ? J'ai l'impression que non. Qu'elle l'imagine peut-être comme un invité ayant ouvert en entendant la sonnette.
Mon père se tourne vers moi, et je n'arrive pas bien à décrire ce que je vois dans son regard. J'essaye de ne pas me poser plus de question que cela, mais je dois bien avouer que ce n'est pas chose aisée.
- Je suis content que tu sois venu. Vous êtes... ?
Il ne termine pas sa phrase, me laissant l'occasion d'y mettre le mot que je souhaite. J'hésite un instant, mais je fini par en choisir un. « Amis ». A peine prononcé, mon regard dévie vers elle, et je crains de trouver dans le sien une tristesse que j'aurai causé. Mais il n'en est rien. Et je comprends qu'elle savait avant moi la réponse que j'allais donner. Qu'elle voulait presque que je donne celle-ci. Parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas le moment où je la présente à ma famille. C'est celui où je retrouve -ou non- celle-ci. Même si je suis persuadé que mon père ne me croit pas un instant.
- Je suis ravie de savoir que mon fils a des amis tels que vous.
Je la vois avaler de travers, mais elle fait bonne figure. Cette fois, elle ne peut que comprendre, et je pense que ça la déstabilise un peu. Mais en même temps, elle l'a déjà rencontré. Et il semble qu'elle ait déjà un avis sur lui, ce qui ne peut que la rassurer. Moi, je me demande ce qu'il en est.
Il s'écarte de la porte et nous enjoint à entrer. Les yeux de l'Ovni passe dans tous les coins de l'immense pièce, bien trop grande pour une famille de trois personnes. Si sa maison est luxueuse, elle n'est rien à côté de celle-ci. Je retiens un rire devant la mine qu'elle affiche, et fais un vague signe de tête à mon père qui annonce devoir nous laisser pour accueillir de nouvelles personnes. J'aurai de toutes façons trouvé gênant qu'il reste avec nous.
Je n'ai pas grand-chose à lui dire, et si je comprends pourquoi j'ai fait le choix de venir, ça ne veut pas dire que je suis à l'aise d'être là.
Il y a pas mal de monde. Tous bien habillés, parlant fort mais pas trop, souriant sans vraiment rire. C'est un monde auquel je n'ai jamais appartenu. Et je ne souhaite pas en faire partie. Je reconnais quelques visages, avant que mes yeux ne se posent sur l'un d'eux. Les quelques années qui ont passé n'ont laissé que quelques marques sur sa peau. Elle reste radieuse. Contrairement à la majorité des personnes dans cette pièce, son sourire est grandiose. Alors qu'elle discute avec une femme qui semble bien trop snob pour être son amie, ses yeux rencontrent les miens. Son sourire disparaît pour laisser place à une expression de surprise.
Mon père ne lui avait-il pas dit que je serai là ? Ou bien pensait-elle qu'au final, je ne viendrais pas ?
C'est sûrement ce que j'aurais fait, si Lyra n'avait pas été là, alors je ne pourrais pas lui en vouloir de le penser.
J'aimerais comprendre ce que pense Hélène, en me voyant ici. J'aimerais avoir les réponses à toutes les questions que je me pose sans vraiment le vouloir. Est-ce qu'elle et mon père avaient vraiment envie que je vienne ? Est-ce que j'ai eu tort, toutes ces années où j'ai pensé qu'ils voulaient que je quitte leurs vies ?
Mais la vérité c'est que je n'arrive pas à savoir ce qu'elle ressent.
La main de la femme qui parlait avec elle se pose sur son épaule, pour ramener son attention vers elle. Elle me regarde quelques secondes encore, avant de détourner le visage.
Je fais de même. Et j'essaye de réprimer les sentiments qui m'assaillent. C'est presque comme si j'étais redevenu un enfant, pour un instant. Un enfant ayant envie de se blottir dans les bras de sa mère. Parce que c'est ce qu'elle est, à bien des égards. Ou du moins ce qu'elle était. Parce que je ne peux pas affirmer pour l'instant de ne pas avoir tout perdu.
Je ne sais pas comment agir. J'ai l'impression d'être de trop, l'élément qui n'est pas en accord avec ce décor doré dans lequel nous nous trouvons.
Jusqu'à ce que mon regard se pose sur elle.
Lyra revient vers moi -et je m'en veux presque de ne pas avoir remarqué qu'elle s'était éloignée- en examinant un petit four d'une drôle de couleur.
- Si tu es malade en mangeant ça, je te ramène chez toi.
Elle me tire la langue, je ne peux m'empêcher de sourire. C'est plus naturel, quand elle est là. Et j'oublie presque où nous sommes, quand je la regarde croquer dans cet aliment à l'apparence douteuse.
Je cache mon rire derrière ma main quand son visage exprime son dégoût à peine a-t-elle mordu dedans. Elle n'est pas capable de rester insensible, contrairement à toutes les femmes qui remplissent cette pièce et garde un visage impassible peu importe le goût horrible de ce qu'elle avale.
- Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est immangeable.
L'Ovni repose discrètement l'aliment dans une assiette vide laissée sur une table haute à côté de nous.
- Tu ne vas pas me dénoncer n'est-ce pas ?
- Va savoir. Qu'est-ce que je gagne à garder le silence ?
Je ne mets aucun sous-entendu dans ma phrase, pourtant, elle semble en trouver, et se met à rougir. C'est plus fort que moi, je me penche vers elle, et si je ne peux pas lui murmurer à l'oreille, je m'assure que cela lui fasse le même effet.
- Si tu rougis ainsi, je risque de ne plus répondre de moi-même.
Sa main vient me frapper doucement le torse, dans un geste qui devient de plus en plus naturel. Nous toucher, devient de plus en plus naturel. Automatique, presque.
Une manie que je n'ai pas envie d'arrêter.
Elle détourne le regard de moi, et je le suis pour découvrir qu'elle regarde mon père, qui discute un peu plus loin.
- Dire que je ne connaissais même pas ton nom de famille.
- Quelle merveilleuse petite amie tu fais.
Elle lève les yeux au ciel sans pour autant parvenir à retenir un sourire.
- Tu sais...
Elle se mord la lèvre, et je comprends qu'elle hésite à parler. Qu'elle ne sait pas comment je vais le prendre. Nous avons déjà expérimenté ce qu'il arrive, lorsque nous rentrons sur des terrains qui ne plaisent pas à l'autre. Je n'ai pas envie que cela recommence. Et pourtant, je ne veux pas qu'elle arrête de parler. Je veux entendre ce qu'elle a à me dire. Alors je lui fais comprendre qu'elle peut continuer.
- Maintenant que je sais que c'est ton père... je suis certaine de ne pas m'être trompée. Il est bienveillant. Il n'est pas quelqu'un qui pourrait renier son propre enfant. Je ne l'ai vu qu'une fois, mais j'en suis sûre.
Je ne sais pas quoi lui répondre. Je voudrais qu'elle ait raison. Je veux croire à ce qu'elle me dit. Mais c'est difficile, de tirer un trait sur des pensées qui m'ont habitées pendant si longtemps.
Alors nous n'en parlons pas plus. Et elle continue à me faire sourire. Je continue à la faire rougir. La soirée passe, et j'oublie presque où je me trouve. Parce qu'elle est en face de moi. Et que je ne pense qu'à elle, quand elle est là.
PDV Lyra
Je vois la main de Lester tapoter compulsivement la poche de son pantalon. Je ne pensais pas le voir un jour aborder une telle tenue, mais je suis quasiment certaine qu'il ne l'a pas enfilée de lui-même. Carter doit forcément y être pour quelque chose. Je sais qu'il n'est pas à l'aise, ici. Ce n'est pas son monde. Ce n'est pas le mien, non plus. Mais avec lui, alors qu'il me taquine, je n'ai pas l'impression d'être là. Et j'espère qu'il ressent la même chose. En tout cas, j'ai eu l'impression que c'était le cas, sur la grande majeur partie du temps qui a passé depuis que nous sommes ici. Mais par moment, il se souvient de l'endroit où il se trouve, et l'angoisse revient l'assaillir. Oh, il ne l'avouera sûrement jamais, mais je suis persuadée qu'au fond, il a peur d'être là.
- Et si tu arrêtais de jouer avec le paquet et que tu allais en fumer une ?
Il hausse un sourcil dans ma direction, étonné de m'entendre en parler.
- Tu veux que j'aille fumer ? Toi ?
Il est vrai qu'une telle phrase sortant de ma bouche a de quoi surprendre. Je n'aime pas qu'il fume, même si il faut avouer que ça le rend très attirant. Il faut croire que de regarder quelqu'un se détruire les poumons, cela a un certain sex-appeal.
J'ai bien remarqué l'effort qu'il fait pour ne pas sortir de cigarette en ma présence. Mais là, il en a besoin. Je sais les effets que le tabac a sur les fumeurs. Et je sais qu'en cas de stress, c'est souvent ce dont ils ont le plus besoin.
Alors je lui fais un signe de tête, et lui dis que je vais en profiter pour remplir mon verre. Il semble hésiter un moment à me laisser seulE. Ou peut-être craint-il d'être seul lui-même.
Il finit par s'éloigner et je le vois rejoindre l'immense jardin que j'ai pu apercevoir lorsque le jour n'était pas encore couché. Sa silhouette ne disparaît pas pour autant, toujours délimitée grâce aux lumières qui illuminent l'espace. Et moi qui pensais vivre dans une belle maison...
Je sursaute, manquant de renverser le nouveau verre que je viens de prendre -il semble qu'ici, on ne remplit pas son verre mais on en change- quand une main se pose sur mon épaule.
- Excusez-moi, je ne voulais pas vous surprendre.
J'ai comme une impression de déjà-vu, lorsque Monsieur Andrews m'avait rejoint dans la cuisine, ce samedi. Je lui souris, et m'attarde un peu plus sur ses traits. Il est vrai qu'on pourrait trouver une certaine ressemblance avec Lester, mais pas suffisamment pour qu'on puisse comprendre au premier coup d'œil leur lien de parenté.
- Il a tout pris de sa mère, si c'est ce que vous cherchiez.
Je balbutie quelques excuses de le fixer ainsi, mais il les balaye d'une main avec un rire. Je n'en reviens pas d'une si grosse coïncidence. Mais d'une certaine manière, j'en suis heureuse. Parce que ce que j'ai dis à Lester est vrai. Maintenant que je sais qui est son père, je suis persuadée d'avoir eu raison. La bienveillance de cet homme, je l'ai senti dès que je l'ai rencontré. Et lorsque comme moi on a dû affronter les regards et les commentaires des gens dû à sa différence, on sait reconnaître les bonnes personnes.
Je ne peux m'empêcher de me remettre en mémoire cette phrase, qu'il m'avait dite « Vous savez, il est parfois plus difficile de comprendre ses propres enfants que ceux des autres. ». Cette phrase trouve un certain sens, maintenant.
- Je suppose que je dois vous remercier.
Je ne peux m'empêcher de hausser un sourcil, ce qui lui tire un sourire.
- Lester ne serait jamais venu de lui-même, si vous n'aviez pas été là. Et il y a bien des années que je ne l'avais pas vu agir de cette façon.
- De cette façon ?
Je ne peux que poser la question. J'ai envie d'en savoir plus, surtout parce que j'ai l'impression que ce qu'il va me dire va me faire du bien.
- Il sourit. Il agit naturellement avec vous. Il est heureux, pour résumer. Voir Lester sourire, cela ne m'était pas arrivé depuis des années. Depuis que... enfin, il a dû vous le dire.
Depuis qu'il a commencé à les rejeter. Il semble avoir du mal à le dire, comme si le simple fait d'y mettre des mots le faisait souffrir.
- Il a le regard qui brille, quand il vous regarde. Jamais rien ne l'a subjugué à ce point. Depuis la musique.
Je ne peux retenir un sourire, ni mon cœur qui se met à battre la chamade. Ces mots ne viennent pas de lui, et pourtant, ils me touchent en plein cœur.
Je jette un coup d'œil vers l'extérieur, pour apercevoir Lester vers la piscine, avant de porter mon regard sur l'homme en face de moi.
Devrais-je faire ça ?
Je ne sais pas comment Lester le prendra. Je ne sais pas comment Monsieur Andrews le prendra.
Mais je sens que je dois le faire. Alors je prends mon courage à deux mains, et je me lance.
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Et oui vous aviez bien deviné, il s'agit de Monsieur Andrews ! On lui donnera un prénom, prochainement, parce que c'est chiant et long à écrire x)
Qu'est-ce que Lyra compte faire ? Comment vont réagir les concernés ?
La réponse samedi prochain ! (Normalement, je ne devrais pas avoir de migraine à chaque fois que je dois sortir un chapitre, donc ça devrait être à l'heure x))
Kiss :*
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