Chapitre 6
PDV Lyra
Je crois que ce que je déteste le plus, avec le fait de retourner en cours, c'est de devoir me lever le matin. Je n'ai jamais vraiment été une lève-tard, mais j'avoue que là, c'est tôt quand même. Note par contre c'est très bien adapté à ce changement d'horaire et vient sans soucis me réveiller tous les matins, à un horaire que je n'apprécie pas trop.
Pour ce qui est du reste, et durant toute cette première semaine, je suis forcée d'avouer que ce n'était pas aussi horrible que cela. Les profs sont plutôt sympas, et s'adaptent bien à ma particularité. Talia est adorable et sait m'occuper l'esprit quand les clichés blondes rient sur mon passage. Je ne fais pas trop de cas d'elles, je dois dire. Si au début, cela pince le cœur, les attaques stupides et répétées ne font rien de plus que me prouver un manque de neurones conséquent chez leurs personnes.
Dans la voiture garée devant le lycée, j'essaye de mettre un peu d'ordre dans ma crinière. Épuisée, j'ai dormi si profondément qu'aujourd'hui, je ne ressemble à rien. Moi qui est déjà de base les cheveux bouclés et roux, me voilà avec une réelle chevelure de lion. Je finis par souffler, abandonnant la mission de sauvetage.
Il est trop tard pour sauver le soldat cheveux. Comprendra qui pourra.
Je salue Martin et sort de la voiture pour m'avancer, sans réelle crainte cette fois, vers l'établissement. Talia m'attends devant, dans une de ces fameuses tenues hautes en couleur. Je me demande parfois si elle connaît l'harmonie des couleurs. Mais en même temps, il faut dire que ça lui va bien. Et les gens semblent habitués à ses excentricités, car personne ne fait attention à elle. Je dirais même qu'on me remarque plus qu'elle, ce qui ne m'arrange pas forcément.
Elle me fait grand sourire et comme à son habitude, elle commence à parler. De toute façon, quand Talia se tait, c'est qu'il y a un soucis. Et il m'a fallut largement moins d'une semaine pour le comprendre.
Son entrain naturel dénote grandement avec mon caractère. Déjà plus jeune, à part avec Aria, je n'étais pas forcément une grande bavarde. J'ai toujours préféré la musique aux gens. Je suis une solitaire, une réservée. Alors avoir une amie qui est tout mon contraire est à la fois un atout et inconvénient. L'inconvénient, c'est que quand on veut du calme, c'est difficile d'en trouver. Car si dans mon cas il suffit que je ne regarde pas ses lèvres, je capte toujours ses mouvements souvent exagérés.
L'avantage, c'est qu'elle met de la gaieté dans ma vie, et qu'elle compense mon manque de conversation. Ainsi, si je parle peu, ni elle ni moi ne nous ennuyons. Et puis elle m'apporte des choses que je connaissais pas jusqu'à lors, c'est à dire un positivisme à toute épreuve.
Nous avançons à l'intérieur du bâtiment, et je suis contente que la cloche sonne. Même si je ne l'entends pas, c'est fatiguant de devoir me concentrer sur ses lèvres pendant de longues périodes. Cela demande beaucoup de concentration, et donc, beaucoup d'énergie, que je dois garder pour les cours, accessoirement. Nous nous rendons en cours de philosophie, ce qui me remémore mon arrivée ici. A ce moment là, j'étais encore très réticente à reprendre un enseignement classique.
Si je dirais pas que je suis mieux ici que chez moi avec des précepteurs, je ne dirais pas non plus que c'est un enfer sans nom. C'est en grande partie dû à Talia d'ailleurs. Mais si on me donnait la possibilité de retourner à ma vie d'avant, je crois que j'accepterais toujours. Malgré le fait que j'apprécie la jeune fille qui m'accompagne, et que les choses ne se passent pas si mal que ça, je ne suis pas encore tout à fait adaptée à ce nouveau cadre de vie. Enfin, nouveau est un grand mot, ce n'est pas ma première année de scolarité classique. Quoi que ma précédente ne ressemblait absolument pas à celle-ci, en tous points. Et qu'à cette époque, ma vie était bien différente de maintenant. Elle était à son paroxysme, tandis qu'aujourd'hui, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même.
Quand je m'assois à côté de ma nouvelle amie, je suis beaucoup plus détendue que lors de ce dernier cours. Et détendue, je le reste pendant au moins la moitié de celui-ci. Le professeur déroule son cours, et semble adsorbé par ce qu'il dit. C'est presque passionnant de le voir si investi. Mais bien sûr, nous n'en sommes pas encore là.
L'avantage d'être à côté de Talia, c'est qu'elle passe tellement de temps à me parler, souvent en gribouillant sur son cahier, que je ne me concentre pas sur les blondasses un peu plus loin. Elles semblent plutôt concentrées sur Monsieur Cliché, ce qui m'arrange. Elles me foutent la paix de cette façon.
Je repense à la dernière fois où j'ai croisé ce garçon. Enfin où j'ai eu réellement « affaire » avec lui. Je me demande ce qu'il a pensé de moi, en me voyant plantée tel un poteau devant la porte. Et en même temps, je m'en fiche un peu. Je n'ai pas prévu d'avoir de contact avec ce type, donc après tout, ce qu'il pense, c'est son problème. Un peu comme tous les autres d'ailleurs. Tant qu'ils ne viennent pas m'emmerder, je suis très bien avec Talia pour seule connaissance, alors ils peuvent bien tous penser ce qu'ils veulent de moi. L'année n'en passera que plus vite et mieux.
Mais comme il était trop beau que cette année se passe à merveille, le professeur nous fait ce qu'il qualifie de grande annonce.
- Je vais vous donner à faire un projet. Vous serez en binôme, et vous avez 5 mois pour le réaliser. C'est un projet que j'aime particulièrement donner à mes classes et qui offre souvent de très bons résultats.
Je me demande de quoi il s'agit, mais je suis bien moins impatiente que Talia. On dirait qu'il vient de lui annoncer un jeu concours pour lequel elle peut gagner un tour du monde. Elle se dandine sur sa chaise en attendant le reste des informations, et elle parvient à me tirer un sourire quand elle tape dans ses mains silencieusement en me regardant. Cette fille est incroyable.
- Il s'agit d'un exposé, tout simplement, mais qui compte pour 70 % de votre moyenne de cette année. De quoi vous motiver j'en suis sûr.
Des souffles se font entendre dans la salle quand les élèves comprennent qu'ils ne vont pas pouvoir lésiner à la tâche.
- Vous aurez à me rendre un dossier écrit, et à me faire une présentation orale qui résumera le fruit de vos recherches. J'attends de vous un travail d'orfèvre. N'essayez pas de faire des copié/collé, je le verrais. Soyez unique dans votre projet. L'originalité sera autant récompensée que les recherches et leurs pertinences. Je ne veux pas que vous me résumiez toutes les références que vous trouverez sur le sujet. Je veux que vous fassiez un exposé à la fois pertinent, mais aussi personnel.
J'avoue ne pas bien comprendre où il veut en venir. Un exposé, c'est un sujet, une question, une ou des réponses à trouver. Je ne vois pas ce qu'il entend par un exposé personnel. Le reste de la classe ne semble pas comprendre non plus, et une personne plus courageuse que moi demande alors des précisions. Qu'il ne nous donne pas.
- C'est à vous de trouver ce que cela signifie. Ça fait parti du travail.
Ça ne me rassure pas, et cela ne semble rassurer personne non plus, à part Talia, toujours emballée par le projet.
- Bon, je suppose que vous voulez maintenant savoir votre sujet. N'oubliez pas que je ne veux pas un exposé sur le sujet en lui-même. Il est bien trop vaste pour que vous puisiez y arriver de toute façon. A vous de trouver l'axe le plus pertinent à explorer.
Il marque une petite pause comme si il voulait laisser du suspens. Mon amie joue avec ses doigts, complètement accrochée aux lèvres du prof.
- L'amour.
Je m'enfonce un peu dans mon siège. Ce sujet ne me parle pas, mais alors pas du tout. Je n'ai jamais connu l'amour, autre que familial j'entends. Aucun petit ami, aucun coup de cœur, même pas d'amourette de vacances. Et ce n'est plus maintenant que les choses risquent de changer. Je ne vois pas qui je pourrais intéresser, dans cet état. Une personne différente n'attire pas. Quel homme voudrait s'encombrer d'une personne comme moi ? Mettons de côté ma tendance asociale, je reste tout de même une sourde, à laquelle il faudra toujours s'adapter. Faire attention à me parler bien en face, pas trop vite. Ne pas espérer aller au cinéma, toujours regarder des films en sous-titré. Gérer tout ce qui m'entoure et qui représente un danger, ça veut dire être vigilent à chaque rendez-vous dans la rue, et pleins d'autres contraintes. Tant de choses qui m'assurent que l'amour, je n'y aurai pas le droit. Et puis je ne suis pas sûr d'en avoir envie. Comment pourrais-je penser à trouver quelqu'un quand je n'ai toujours pas accepté de ne plus être moi ?
Parce que moi, je ne le suis plus. La vraie moi, c'est la violoniste, qui passe son temps entourée de partitions et d'instruments, en écoutant du Mozart. Faut dire qu'à l'époque non plus, les relations ne m'intéressaient pas. La musique avait une place trop importante. La miette de moi-même que je suis actuellement n'est certes plus bloquée par la musique, mais par une différente qui m'éloigne des autres.
Mais j'ai déjà suffisamment expliqué ce que c'était, que d'être différent.
Je suis sortie de mes pensées par la main de Talia qui secoue mon bras. Elle me regarde avec un grand sourire.
- C'est trop génial ! J'ai déjà trop pleins d'idées ! Tu vas voir, on va tellement s'amuser, et puis...
Je décroche là car elle se met à parler à une vitesse bien trop importante pour que je ne puisse suivre. Mais son entrain me laisse penser que même si le sujet ne m'inspire pas, le réaliser aura au moins l'avantage d'être intéressant, avec elle à mes côtés.
Du moins, c'est ce que je pensais, avant que le professeur n'annonce que c'est lui qui créé les binômes. Et là, je commence à stresser, comme si je devais à nouveau faire mon entrée dans ce lieu, le premier jour. Sur le nombre d'élèves de la pièce, la probabilité que je me retrouve avec mon amie est tout de même très faible. Je ne suis pas intégrée dans cette classe. Apprendre à connaître une nouvelle personne, je n'en ai pas envie pour le moment. Et si je tombais sur une des blondasses ?
Et mon angoisse s'avère juste quand Talia est nommée en binôme avec un garçon de notre classe. Je ne le connaît pas, mais il n'a pas l'air méchant. A ce moment là, je suis juste dépitée, et je stresse à l'idée de connaître l'identité de mon binôme.
- Mademoiselle Lyra, vous travaillerez avec Monsieur Lester.
Lester ? Qui est Lester ? Je parcours la classe des yeux sans que personne ne me fasse de signe pour m'indiquer son identité. Cela laisse déjà présager que mon camarade n'est pas une personne très aimable. La professeur vient alors à ma rescousse et me désigne le fameux Lester.
A l'intérieur, je me décompose quand j'aperçois Monsieur Cliché. C'est une mauvaise blague ?
Celui-ci ne me regarde même pas, et je n'ai pas envie d'aller vers lui. Je n'ai pourtant pas d'autre choix que de me lever quand le binôme de Talia se présente devant notre table, pour prendre ma place. Avec appréhension, je m'avance vers le fameux Lester. Il ne me regarde toujours pas, et je n'ose pas lui demander de retirer son sac de la chaise à côté de lui.
Je capte des filles rires en me regardant. La situation les amuse sûrement, moi plantée debout devant lui qui ne me calcule pas. Il leur jette un coup d'œil avant de souffler et de retirer son sac. Timidement, je le remercie et m'assois, sans trop savoir si je dois me taire ou tenter de faire la conversation.
C'est quand je reçois la feuille explicative du devoir et que je lis la première phrase que je me décide à lui parler.
- Eum... salut ?
Il ne me répond pas, et j'essaye d'ignorer les regards sur nous. J'espère ne pas parler trop fort.
- Tu as des idées pour l'exposé ?
- Non.
Il ne tourne pas la tête vers moi en me répondant mais je parviens tout de même à saisir la réponse. Déstabilisée par son attitude -il n'en a clairement rien à faire de moi- je tente tout de même une nouvelle approche.
- Au fait, je suis Lyra.
Peut-être que de tenter de faire connaissance serait un début, bien que ce n'est pas l'envie qui me manque de partir en courant.
- Ouai, je sais.
Je ne sais plus quoi dire, et tourne la tête vers Talia, qui me regarde avec un air désolé. Heureusement pour moi, mon calvaire prend fin quand la sonnerie retentit. Monsieur Cliché se lève rapidement et quitte la pièce sans un regard ou une parole dans ma direction. Je range mes affaires, dépitée, en me demandant bien comment je vais mener à bien cet exposé.
Talia s'approche de moi et me propose d'aller voir le professeur. Nous attendons que l'ensemble des élèves quittent la pièce pour nous approcher de son bureau.
- Mesdemoiselles, que puis-je faire pour vous ?
C'est Talia qui prend la parole et lui expose la situation. Je suis bien contente qu'elle le fasse, car je crois que je n'aurai pas oser. Je viens à peine d'arriver, je n'ai pas envie de passer pour la capricieuse de service.
- Voilà Monsieur, concernant les exposés... Lyra est nouvelle ici, elle n'a pas encore eu l'occasion de rencontrer les membres de la classe. Elle serait sûrement plus à l'aise si nous pouvions travailler ensemble.
Le professeur pose les yeux sur moi avant de nous répondre.
- Je comprends bien votre situation. Mais vous autoriser à travailler entre amies reviendrait à vous donner un avantage sur les autres.
- Oui mais Monsieur, la situation de Lyra n'est pas comparable à celles des autres.
- Je ne vois pas pourquoi. Mademoiselle Lyra est une élève comme une autre pour moi, et je ne pratique pas de favoritisme. Je suis désolé, mais je ne changerais pas les binômes.
Talia souffle, avant de me prendre par le bras et de m'entraîner à l'extérieur de la salle. Elle commence alors à râler.
Moi, je ne sais pas vraiment comment réagir. Je me demande bien si il va être possible pour moi de rendre un travail en commun avec ce garçon.
D'un côté, je suis contente que le professeur ne fasse pas de différences entre moi et les autres élèves, c'est une chose que j'ai toujours souhaité, être traitée comme tout à chacun.
Mais d'un autre côté, je dois avouer que dans cette situation, j'aurai bien aimé qu'on me traite différemment.
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Lester n'a pas l'air d'avoir envie de communiquer avec Lyra. Va-t-elle parvenir à mener à bien cet exposé ? Qu'est-ce que leur collaboration va-t-elle bien pouvoir donner ?
A vendredi pour la suite
Kiss :*
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