Chapitre 5
PDV Lyra
Je me revois des années en arrière.
Nous entrons par la grande porte dans ce magasin que je ne connais pas. Avec mes petites jambes, je n'avance pas vite.
Il faut dire qu'à 5 ans, on est assez court sur pattes, et je n'ai jamais été très grande, encore aujourd'hui.
Aussitôt, je suis presque subjuguée par ce que je vois. Dans cette énorme pièce, les murs sont décorés de centaines d'instruments. Nous avançons, passant d'abord devant les batteries, m'explique papa, puis devant les pianos et synthétiseurs, continue maman. Ce sont des instruments. Un monsieur vient nous voir. Il a un polo rouge, comme beaucoup de monsieur ici. Il nous demande si on veux de l'aide. Mes parents acquiescent, et d'abord, le monsieur rouge se penche vers Aria. Ma sœur est grande elle, elle a déjà 9 ans, alors quand le monsieur lui demande quel instrument elle veut voir, elle sait déjà quoi répondre.
Moi, je venais juste de découvrir qu'il existait autre chose que les maracas que l'on avait à la maison. Pourtant, la musique emplissait l'habitation à toute heure de la journée. Je suis née sur un air de jazz, qu'aimait particulièrement ma mère. Je mangeais sur les airs de reggae préférés de mon père. Je m'habillais sur de la pop, m'endormait sur des comptines. Que ce soit avec un tourne-disque, un lecteur de cassette, ou une chaîne HI-FI, les notes s'entendaient dans chaque partie de la maison. Mais je ne m'étais jamais demandé comment tout cela fonctionnait.
Quand mes parents m'avaient annoncé qu'on allait choisir des instruments, j'ai pensé qu'on allait juste en acheter d'autre -des maracas-.
- Je veux un instrument cool !
Le monsieur rouge lui sourit.
- Tu veux un instrument dans lequel on souffle ?
Elle secoue la tête.
- Sur lequel on tape ?
Elle secoue à nouveau la tête. Il sourit une nouvelle fois et il lui annonce qu'il a une idée. Nous le suivons à travers les rayons et nous arrivons devant plein d'instruments accrochés sur un mur. Il en attrape une et nous regarde.
- C'est une guitare. Quand on gratte les cordes -il le fait- la musique sort.
Ma sœur sautille sur place. Elle demande à l'essayer, et contrairement au monsieur, le son qu'elle sort n'est pas très joli. Mais elle s'en fiche et elle continue, avant d'annoncer à nos parents qu'elle veut ça. Ils lui sourient et acceptent, avant de me demander ce que je veux, moi.
- Prends comme moi Lyly, ça sera trop bien !
Mais je ne veux pas comme ma sœur. C'est bien la guitare, mais je n'ai pas envie de gratter les cordes avec mes doigts. Le monsieur rouge me propose une flûte, un piano, un trombone. Mais rien ne m'attire. Nous avançons à travers les rayons et je m'arrête en entendant une jolie musique. Je vois alors un écran, sur lequel une femme joue quelque chose.
Je tends alors le doigt vers la télévision.
- Je veux comme la dame.
- Un violon ?
Je hoche la tête.
- Oui. Un violon.
A ce moment là, je me rappelle avoir été complètement subjuguée. Quand mes parents ont acceptés que j'apprenne le violon, je crois que j'étais la personne la plus heureuse au monde. Aria était déçue que je ne fasse pas le même choix qu'elle, mais au final, je pense que j'ai fais le bon. Comme elle avait fait le bon pour elle. Nous étions destinées l'une comme l'autre à devenir de grandes musiciennes. Mais pas dans la même branche. Et au final, nous étions destinée a brutalement dire adieu à nos carrières respectives, pourtant bien lancées. J'étais championne nationale, et elle était guitariste d'un groupe en plein essor. Et puis tout a basculé.
Je vous laisse imaginer le bruit qu'il y a avait chez nous, quand elle jouait ses morceaux de rock dans sa chambre, et que j'apprenais du classique dans le salon. Et malgré notre grande différence de style, nous avons toujours été proche. Notre amour pour la musique se complétait à merveille avec notre amour fraternel.
Je me rappelle encore la veille de mon premier concours, à l'aube de mes 7 ans. Après seulement 2 années de cours, j'étais déjà prête pour concourir. Ma professeur m'appelait « le petit prodige ». Je ne sais pas si j'en étais un, mais en tout cas, j'aimais qu'on me considère ainsi.
Je stressais comme pas possible, à l'idée de me produire sur une scène, devant plein de personnes que je ne connaissais pas. Alors que je me tournais et retournais dans mon lit, ma sœur m'avait rejointe.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Je me doutais que tu dormais pas. Fais moi de la place.
Elle se glisse sous ma couverture à côté de moi, et colle son corps au mien dans mon petit lit. Ensemble, nous contemplons les étoiles lumineuses collées à mon plafond.
- Tu sais petit monstre, même si tu gagnes pas, on s'en fiche. Nous, on sait que t'es la meilleure, c'est tout ce qui compte.
Je cale ma tête dans son cou.
- Mais si j'arrive pas à jouer, ils vont se moquer de moi.
Elle lève son poing et me regarde avec un air sérieux.
- Le premier qui se moque de toi, je lui en mets une. Y'a que moi qui ai le droit de le faire.
Je ris et passe mes bras autour d'elle.
- Tu es la meilleure des grandes sœurs. Sauf quand tu m'embêtes.
Elle rit aussi et me rend mon étreinte.
- Je ne serais pas la meilleure si je ne t'embêtais pas.
Au final, je stressais pour rien. Une fois sur scène, je me suis laissée emporter par la musique, et j'ai complètement oublié ce qui m'entourait. Quand je suis revenue à moi, j'ai vu une foule debout en train de m'applaudir. C'était la première fois qu'on m'acclamait, et je suis heureuse que ce n'ai pas été la dernière. C'est une sensation tellement particulière. J'aimerais la revivre encore. Je me demande parfois si c'était pareil pour Aria, quand elle était sur scène. Ce n'était pas la même ambiance, mais elle aussi, était acclamée. Elle était douée, comme je l'étais moi. Mes parents se vantaient souvent d'avoir eut deux petits prodiges musicaux.
Bien que dans un domaine différent, nous étions toutes deux excellentes. Et au final, contrairement à ce que l'on pensait, on a pu en faire, des duos.
- Tu es sûre qu'ils vont aimer ?
- Bien sûr. Tu trouves pas que ça rend bien toi ?
- Si, mais ce n'est que notre avis.
- C'est celui qui est le plus important, petit monstre.
Je souffle.
- Arrête de m'appeler comme ça, j'ai 11 ans je te signale.
- Ouai, mais tu es toujours un petit monstre.
Je m'applique à répliquer quand la voix de notre mère retentit. Ils nous attendent tous. Aujourd'hui, c'est Noël, et pour l'occasion, toute notre famille est ici. Chaque année, l'une comme l'autre, nous jouons quelques morceaux pour eux, qui viennent parfois de loin et n'ont donc pas l'occasion de nous entendre souvent. Mais cette année c'est différent. Nous avons décidé de jouer ensemble. Cela fait plusieurs mois que nous répétons en secret, pour essayer d'accorder nos deux styles. Et je pense que nous avons réussi à obtenir un très bon résultat, mais j'ai tout de même peur qu'ils ne soient pas du même avis.
Nous rejoignons notre famille au salon et nous installons toutes les deux. Nos parents froncent les sourcils en nous voyant nous préparer en même temps, mais ils ne disent rien.
Aria commence à jouer, et je me dis qu'elle est vraiment douée. Elle joue avec les cordes comme si il n'y avait aucune difficulté. Elle me regarde en souriant, et j'enchaîne avec ma partie. Comme chaque fois que je joue, je me sens transportée par les notes. Si bien que je me rends à peine compte que ma sœur me rejoint ensuite, pour marier nos deux instruments, nos deux styles, comme nous l'avions prévu.
Elle, quand elle joue, elle parvient à se concentrer à la fois sur la musique, et sur les personnes qui l'entourent. Je trouve cela incroyable. Peut-être est-ce parce qu'elle a l'habitude de jouer en groupe. Moi, je ne sais que me focaliser sur les notes.
Quand la mélodie s'arrête, nous recevons une ovation de notre famille. Je regarde ma sœur en souriant, fière de nous. Au final, il n'y a pas de meilleures acclamations que celle des gens qui comptent vraiment.
Des souvenirs comme ça, j'en ai une multitude. Quand nous jouions à cache cache dans les coulisses d'un concours et que les organisateurs me cherchaient partout quand c'était mon tour -j'étais trop forte à ce jeu-. Quand on réveillait nos parents à l'aube en plein week-end, parce que l'une comme l'autre, nous ne pouvions pas nous empêcher de jouer à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Je crois que c'est après un réveil vers 5H qu'ils ont décidé d'insonoriser nos chambres. Quand Aria essayait de m'apprendre la guitare, parce que même après toutes ces années, elle ne renonçait pas à l'idée que c'était trop cool qu'on joue du même instrument. Je finissais toujours par revenir à mon archer, trop amoureuse du violon pour m'en passer. Quand elle me jouait notre chanson à mon anniversaire, et que je faisais pareil au sien. Une mélodie toute basique que nous avions inventé au tout début de notre apprentissage. Et malgré notre évolution, nous n'en avons jamais changé.
Je sors de mes pensées quand une main vient se poser sur mon bras et le secouer. Je tourne la tête vers Talia, qui me regarde avec des gros yeux, avant de tourner la tête vers l'intérieur de la salle. Je fais alors de même mais ne voit rien d'autre qu'une masse. En relevant les yeux, je tombe nez à nez avec le type mystérieux, debout devant moi.
Je comprends alors que la cloche a sonnée, et qu'il veut sortir, mais mon mini corps lui bloque le passage.
Je sens la gêne m'envahir en me demandant depuis combien de temps il attend sans que je ne réagisse, alors je bredouille des excuses en m'écartant. Il ne dit rien et part en m'ignorant.
Quelle idiote je suis. Ne pas voir que je gêne le passage, sérieusement ? Je suis sourde, pas aveugle aux dernières nouvelles.
Avant que nous ne partions aussi vers notre prochain cours, je glisse un nouvel œil vers la salle. Mes yeux tombent presque directement sur un violon, et je sens mon cœur se serrer. La sensation d'un archer entre mes mains, de la musique qui emplit mes tympans, je ne sais même plus ce que cela procure. C'est sûrement ce qui me fait le plus de mal, le fait de ne pas réussir à m'en souvenir. Cela fait 5 ans que j'ai dû poser mon violon, abandonner mon rêve et ma voie. Je devrais passer à autre chose, probablement, mais c'est impossible. Parce que le violon n'était pas juste une passion. C'était une part de moi. Une part bien trop importante pour que je ne parvienne à passer outre.
Avec une petite mine, je suis Talia jusqu'à notre prochaine salle. Cette dernière, bien qu'une vraie pipelette, semble comprendre que mon humeur a changé de cap. Ainsi, elle reste calme, se contentant de m'offrir des petits sourires réconfortants de temps en temps.
Quand je rentre chez moi le soir, mes parents m'attendent au pied levé. Ils sont tous les deux impatients d'en savoir plus sur ma journée, en particulier mon père. Je pense qu'il veut juste que je reconnaisse qu'il avait raison.
Je leur explique donc rapidement que tout c'est bien passé, et que je pense mettre fait une amie. Ma mère est rassurée et ravie, et pour l'occasion, décide de faire un gâteau. Je ne comprends pas franchement le rapport, mais je la laisse faire. Mon père se contente d'afficher son fameux sourire de « j'avais raison », et de retourner s'asseoir à son bureau.
Je suis contente de voir qu'ils ne m'assaillent pas plus de questions, même si je me doute qu'ils vont sûrement le faire au dîner.
La journée n'a pas été mauvaise c'est vrai, elle a même été plutôt bonne.
Mais la remontée de souvenirs de l'après-midi me reste en mémoire, et me donne envie de m'isoler. Je monte les marches deux à deux pour arriver dans le couloir principal de l'étage. J'avance, et au lieu de m'arrêter au niveau de ma porte de chambre, je continue encore un peu.
Je m'arrête devant sa porte. Du bout des doigts, je caresse la guitare accrochée où trône son nom. C'est moi qui l'avait faite. En argile, puis décorée à la peinture, pour Noël. Elle l'avait adorée, si bien que même plus vieille, elle ne l'avait jamais retirée.
Je pose mes doigts sur la poignée de porte, et commence à l'abaisser. Mais je n'ai pas la force de faire plus, alors je lâche l'objet, comme si il m'avait brûlé, et fais trois pas en arrière. Je fais demi-tour et vais me réfugier dans ma chambre, me jetant sur le lit.
Note vient s'allonger près de moi, et je me sers contre son pelage.
Et alors que comme toujours, le presque silence s'impose à moi, je sens des larmes salées rouler sur mes joues.
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Où est donc Aria ? Et qu'est-il arrivé à Lyra pour qu'elle doive arrêter la musique ? Pour qu'elle perde l'ouïe ? Des réponses qui arriveront plus tard :)
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